Actualités pharmaceutiques • n° 513 • Février 2012
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Une médecine complémentaire centrée sur le patient s’inscrivant dans une approche scientifique Centrée sur le patient, la médecine thermale est susceptible de répondre aux nouveaux besoins sanitaires : actions de prévention, soins de suite et de réadaptation et accompagnement du vieillissement. La démonstration de l’efficience de cette médecine complémentaire doit s’inscrire dans une approche scientifique.
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ien n’exprime mieux l’intérêt de la médecine thermale, dont bénéficient chaque année un demi-million de Français, que les réponses apportées par les curistes interrogés, en 2006, à l’occasion d’une enquête réalisée pour le Conseil national des exploitants thermaux (CNETh)1. Ces derniers déclaraient, à cette occasion, que la médecine thermale les aidait à combattre leurs douleurs physiques, à réduire leur consommation de médicaments et le besoin de consulter leur médecin, ainsi qu’à améliorer leur qualité de vie. Fait encore plus remarquable, 97 % des curistes avaient observé que l’effet bénéfique de la médecine thermale était durable, se poursuivant pendant au moins six mois. À partir d’un constat qui recoupe l’expérience clinique des prescripteurs comme les données des essais cliniques publiées depuis plusieurs années dans
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• ChristianFrançois Roques Latrille, président du conseil scientifique de l’Association française pour la recherche thermale (AFRETH).
la littérature médicale internationale, il est possible d’identifier les enjeux sanitaires de cette approche thérapeutique qui se situent dans le domaine des soins, de la recherche et de l’enseignement.
De multiples enjeux thérapeutiques Dans le domaine des soins, les enjeux sont multiples. La cure thermale est une thérapeutique médicale, basée sur des données scientifiques, prescrite par le médecin traitant, exécutée dans un établissement agréé, par du personnel qualifié, sur prescription du médecin thermal. Le format actuel des cures, fixé par la Convention nationale thermale2, a peu varié depuis plusieurs décennies. L’optimisation des soins thermaux, dans le cadre de la cure conventionnée, passe par une protocolisation accrue des programmes thérapeutiques hydrothermaux auxquels peuvent être associées des pratiques thermales complémentaires – médicales et/ou rééducatives –, ainsi que des activités préventives et éducatives – éducation sanitaire, accompagnement thérapeutique et surtout éducation thérapeutique du patient. Cette dernière bénéficie, dans ce cadre, d’une situation particulièrement appropriée : moyens humains et matériels de la station, et disponibilité des patients qui, de plus, se trouvent dans une démarche sanitaire active. En outre, le grand nombre de patients porteurs d’une même pathologie permet l’optimisation de l’efficacité pédagogique de la démarche en groupe qui n’est pas incompatible avec des objectifs individuels parfaitement identifiés.
De la prévention aux soins de suite Les besoins sanitaires et les contraintes sociales évoluent. La médecine thermale se doit donc de rechercher de nouvelles convergences de santé publique en identifiant de nouveaux champs de compétence et en
Actualités pharmaceutiques • n° 513 • Février 2012 Le thermalisme, une alternative thérapeutique
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construisant de nouveaux formats de cure. Le développement des actions de prévention, au bénéfice des curistes comme d’autres patients, constitue un élément crucial de cette approche. D’ores et déjà, de nombreux ateliers de prévention existent dans les stations thermales. Ils concernent principalement les problèmes musculo-squelettiques (écoles du dos, de l’os, de l’arthrose, de la fibromyalgie), respiratoires (écoles du souffle, de l’asthme), cardiovasculaires (problèmes veineux, lymphatiques, reconditionnement à l’effort), dermatologiques, du stress, métaboliques (ateliers diététiques) et du vieillissement (ateliers mémoire, équilibre), pour ne citer que les principaux. Ils traduisent le besoin des patients comme le savoir-
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faire des acteurs du monde thermal et ont vocation à se transformer en programmes labellisés d’éducation thérapeutique du patient. De plus, et dans le prolongement du cœur de métier comme de ces expériences complémentaires, la médecine thermale a vocation à concourir aux soins de suite et de réadaptation (SSR) en apportant le chaînon manquant au dispositif actuel : une prise en charge ambulatoire, fortement structurée et pouvant accueillir un grand nombre de patients avec un niveau d’autonomie approprié. Ceci permettrait de libérer les moyens, notamment les plus lourds, des SSR au bénéfice de patients plus exigeants en termes de prise en charge. De nombreux domaines peuvent être
Les premiers bains auraient été pratiqués dès la fin du Ve siècle avant Jésus-Christ, en Grèce. En effet, les Grecs de l’Antiquité introduisent, dans les gymnases, des zones d’eau et des bains qui deviennent l’espace fondamental d’hygiène, de plaisir et de détente avant et après l’effort. Le gymnase est conçu comme une institution dédiée aux militaires, à l’entraînement des jeunes athlètes, et au développement artistique et intellectuel du peuple. Les bains prennent le rôle de liaison entre l’exercice physique pratiqué dans la palaestra et la discussion philosophique qui a lieu dans l’exedrae. Le premier siècle avant J.-C. connaît le déclin de l’idéal athlétique au profit de la santé intellectuelle et de l’émergence des bains chauds et de l’hydrothérapie. L’eau chaude est alors introduite dans les gymnases. À l’ère romaine, les centres thermaux sont considérés comme les “palaces du peuple” destinés à maintenir et sauvegarder la santé et le bien-être des citoyens. D’ailleurs, les thermes sont un service public. Gratuits, ils sont donc accessibles à tous. Les Romains ont perfectionné les gymnases hérités des Grecs. Les thermes impériaux forment alors de véritables complexes dont les principaux éléments sont : – le tepidarium, la salle la plus luxueuse des thermes où la température est agréable ; – le caldarium, la salle la plus chaude ; – le laconium, une salle très chaude de petite dimension ; – l’apodyterium, les vestiaires ; – le frigidarium, une grande piscine extérieure ; – le terrain de sport ; – l’exedrae, la librairie où se tiennent les discussions philosophiques. Les thermes sont alors destinés à un usage quotidien selon un parcours bien défini. Tout d’abord, pour favoriser la circulation sanguine, il est conseillé de pratiquer des exercices physiques dans la palaestra. Puis, s’enchaînent les bains : le tepidarium, le caldarium, puis le laconium. Il est ensuite procédé au nettoyage et aux massages. Enfin, les Romains se plongent dans la grande piscine d’eau froide du frigidarium. Ainsi se termine le processus de régénération corporelle.
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Le thermalisme, une histoire ancienne
• Les thermes de Caracalla, à Rome.
Après une longue période de déclin, entre le IVe et le XVIIIe siècle, le thermalisme connaît un nouvel essor avec l’émergence d’hôtels, de salles de bal et de casinos dans les stations thermales. La partie médicale se développe également avec l’hydrothérapie et l’hygiène. Les médecins commencent à prescrire des cures pour toutes les maladies dont l’amélioration des symptômes, voire la guérison peut être obtenue grâce au traitement par l’eau thermale. Cependant, la Grande guerre et la Seconde Guerre mondiale vont ralentir le développement de ces stations qui ne seront plus, dès lors, utilisées que comme structures médicales. Aujourd’hui, le thermalisme constitue une alternative aux traitements médicamenteux. Une cure thermale, d’une durée minimale moyenne de 18 jours, propose des soins thermaux – bains, douches, massages – et offre une attention toute particulière au patient. Les cures, destinées au traitement de douze affections, sont prises en charge par la Sécurité sociale selon des grilles normalisées (ces grilles peuvent être consultées sur le site www.medecinethermale.fr). Y. F.
Actualités pharmaceutiques • n° 513 • Février 2012 Une médecine complémentaire
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Le thermalisme en chiffres • 105 stations thermales en France. • 9 millions de journées de soins par an. • 0,28 % : part représentée par la médecine thermale dans les dépenses de l’Assurance maladie. • 500 000 curistes par an. • 100 000 emplois directs ou indirects. • 250 millions d’euros d’investissements pour rénover les établissements thermaux.
concernés : musculo-squelettiques, neuromusculaires, cardiovasculaires, respiratoires et métaboliques, dermatologiques notamment. L’accompagnement du vieillissement est une autre dimension fondamentale. Il faut pouvoir, en effet, dépister et combattre le risque de fragilité, moment crucial, mais de durée limitée, qui s’intercale entre la période d’autonomie et l’entrée dans la dépendance, mais aussi contribuer à soutenir les aidants dont le rôle est aussi fondamental que le fardeau pénible. Enfin, la présence, au sein des stations thermales, d’un demi-million de curistes pendant trois semaines (sans compter les deux cent mille accompagnants) fournit l’opportunité de recueillir des données utiles pour la santé publique.
Le saviez-vous ? Une eau minérale naturelle est d’origine souterraine et a une composition chimique constante. Elle contient des éléments tels que sels, gaz, et peut être mélangée à des boues. L’eau thermale est ainsi une eau minérale naturelle utilisée à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal. Pour recevoir cette appellation, une eau doit être agréée par le ministère de la Santé.
Une approche scientifique Bien entendu, la démonstration du service médical rendu (SMR) par la cure thermale conventionnée comme la pertinence, la faisabilité des nouveaux champs de compétence et/ou de nouveaux formats de cure passe par une démarche scientifique d’évaluation. C’est le rôle de l’Association française pour la recherche thermale (AFRETH) depuis sa création en octobre 2004. Des essais cliniques ont évalué ou cherchent à évaluer le SMR des cures, notamment dans les affections rhumatismales, veineuses, métaboliques, psychosomatiques et respiratoires. Des études sont en préparation dans le domaine dermatologique. Une démarche de recherche et développement accompagne l’exploration de nouveaux champs de compétence et de nouveaux formats de cure, en particulier, dans le domaine musculo-squelettique, en pathologie métabolique, dans les suites des cancers, dans les problèmes de la circulation de retour, en gérontologie, dans le domaine des addictions… Le programme du deuxième cycle des études médicales a orienté les objectifs sur les modalités et la justification de la prescription des cures thermales. Cette approche ne peut s’appuyer que sur des données scientifiques de médecine fondée sur la preuve qu’il importe d’alimenter par des essais cliniques de qualité, ce qui est l’objectif premier de l’AFRETH. Mais se pose également le problème de la formation de tous les acteurs thermaux. La promulgation récente d’un texte définissant le Certificat de qualification professionnelle des agents thermaux est une perspective heureuse. Ainsi, la médecine thermale s’inscrit dans une approche scientifique, de médecine complémentaire globalement centrée sur le patient et non uniquement sur la maladie. Peu ou pas iatrogène, elle utilise des produits naturels et s’inscrit dans une perspective de développement durable. Enfin, elle possède les outils nécessaires pour développer son rôle dans la santé publique du pays. Christian-François Roques Latrille Président du conseil scientifique de l’Association française pour la recherche thermale (AFRETH), Paris (75)
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Notes
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1. Enquête réalisée en 2006 auprès de 112 419 curistes par TNS Healthcare (Sofres) à l’initiative du Conseil national des exploitants thermaux (CNETh). 2. Arrêté du 1er avril 2003 portant approbation de la convention nationale thermale. Journal Officiel 95 du 23 avril 2003. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.