Annales de dermatologie et de vénéréologie (2015) 142, 307—308
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NOTE DE PHARMACOVIGILANCE
Une nouvelle forme d’hypophysite secondaire à l’ipilimumab A new form of hypophisitis following ipilimumab therapy J.-L. Schmutz Département de dermatologie et allergologie, bâtiment des spécialités médicales, 6, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France Disponible sur Internet le 12 mars 2015
L’hypophysite est une pathologie rare présentant 0,24 à 0,88 % des pathologies hypophysaires. L’incidence annuelle est évaluée à 1 cas pour 9 millions d’habitants [1]. Les symptômes cliniques ne sont pas spécifiques. Sont rapportés des signes neurologiques liés à la compression des structures adjacentes à l’hypophyse : céphalées (compression des méninges et de la dure-mère), diplopie (compression des nerfs oculo-moteurs) et amputation du champ visuel (compression du chiasma optique). Les céphalées et les troubles du champ visuel sont souvent les premiers symptômes. Les troubles oculo-moteurs sont plus rares. Une baisse de l’acuité visuelle peut également survenir par compression des nerfs optiques [2]. Les autres symptômes sont l’asthénie, la léthargie, la perte de la libido. Le principal diagnostic différentiel dans le contexte de mélanome est l’apparition de métastases cérébrales. En effet, depuis quelques années, l’ipilimumab (Yervoy® ) anticorps monoclonal anti-CTLA-4 est utilisé dans le traitement du mélanome avancé (non resécable ou métastatique) et l’on retrouve l’hypophysite parmi les effets secondaires fréquents. Jusqu’à présent des observations éparses d’hypophysite chez les patients traités par ipilimumab étaient rapportées dans la littérature. Afin de mieux connaître la prévalence et l’évolution clinique de ces atteintes sur une série plus importante de patients, Faje A.T. et al. [3] ont mené une étude rétrospective chez 155 patients traités par ipilimumab
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pour mélanome métastatique entre 2008 et 2013 au Massachussetts General Hospital à Boston. L’atteinte hypophysaire a été diagnostiquée chez 17 patients (11 %). Il s’agissait le plus souvent d’hommes (p : 0,02) plutôt âgés (p : 0,05). La dose d’ipilimumab n’était pas un facteur de risque d’apparition d’une atteinte hypophysaire. Tous les patients ayant une hypophysite avaient une insuffisance anté-hypophysaire mais il n’y avait aucun diabète insipide. L’hypopituitarisme a persisté chez plus de trois quarts des patients malgré le traitement. Sur le plan radiologique, une augmentation diffuse de la taille de l’hypophyse était observée dans tous les cas d’insuffisance hypophysaire et en analysant de manière rétrospective les IRM, cette augmentation de l’hypophyse était observée avant le diagnostic clinique de l’hypophysite chez 8 patients. La taille de l’hypophyse a rapidement régressé en 40 jours chez les 7 patients suivis longitudinalement par IRM. La survie médiane chez les patients ayant une hypophysite était de 19,4 mois vs 8,8 mois pour le reste de la cohorte (p : 0,05), ce qui pourrait laisser à penser que la survenue d’une hypophysite pourrait prédire positivement la survie des patients ayant un mélanome métastatique traité par ipilimumab. Le traitement recommandé consiste en de fortes doses de glucocorticoïdes (prednisone 40 à 60 mg/j ou méthylprednisolone, dexaméthasone 4 mg toutes les 6 h). Il est bien entendu nécessaire de traiter les déficits hypophysaires. L’hypophysite est depuis longtemps assimilée à un processus auto-immun. Cependant les antigènes et les anticorps
308 impliqués dans cette réponse immunitaire n’ont pas encore été clairement identifiés. Iwama S. et al. retrouvent des anticorps antihypophysaires chez 7/20 patients avec hypophysite alors que ceux-ci étaient négatifs avant le traitement et qu’ils sont absents chez les 13 autres patients sans hypophysite. Ces anticorps reconnaîtraient préférentiellement la thyrotropin follicle stimulating hormone et les corticotropin secreting cells [4]. Ces données soulignent l’importance d’évaluer régulièrement les fonctions hypophysaires des patients traités par ipilimumab en sachant que ces cas peuvent apparaître avec d’autres anticorps monoclonaux intervenant également sur l’immunité mais à un autre niveau, il s’agit des anti-PD1 et des PD1-L1. Un cas a été rapporté avec le nivolumab mais aucun cas encore avec le pembrolizumab [5].
Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
J.-L. Schmutz
Références [1] Caturegli P, Newschaffer C, Olivi A, Pomper MG, Burger PC, Rose NR. Autoimmune hypophysitis. Endocr Rev 2005;26: 599—614. [2] Allix L, Rohmer V. Quoi de neuf dans les hypophysites ? Rev Med Int 2014;35:815—22. [3] Faje AT, Sullivan R, Lawrence D, et al. Ipilimumab-induced hypophysitis: a detail longitudinal analysis in a large cohort of patients with metastatic melanoma. J Clin Endocrinol Metab 2014;99:4078—85. [4] Iwama S, De Remigis A, Callahan MK, Slovin SF, Wolchok JD, Caturegli P. Pituitary expression of CTLA-4 mediates hypophysitis secondary to administration of CTLA-4 blocking antibody. Sci Transl Med 2014;6 [230 ra45]. [5] Torino F, Barnabei A, Paragliola RM, Marchetti P, Salvatori R, Corsello SM. mAbs and pituitary dysfunction: clinical evidence and pathogenic hypotheses. Eur J Endocrinol 2013;169: R153—64.