Formation médicale continue Histopathologie cutanée
Ann Dermatol Venereol 2004;131:217-9
Verrue vulgaire F. TRUCHETET
L
kératinocytes surtout dans la partie superficielle du stratum spinosum et le stratum granulosum. Les koïlocytes sont de grandes cellules vacuolaires au noyau pouvant être excentré, petit, voire pycnotique, basophile. Le noyau peut être vacuolisé et contenir des inclusions basophiles représentant les inclusions virales ou du matériel éosinophile correspondant à des débris nucléaires. Ces cellules contiennent peu ou pas de granules de kératohyaline même quand elles se trouvent dans le stratum granulosum. Pour certains types de PVH, il existe des inclusions intracytoplasmiques granuleuses ou homogènes, filamenteuses ou fibrillaires, nombreuses ou uniques. Cet effet cytopathogène est spécifique du type de PVH infectant (tableau II). L’effet cytopathogène est visible en microscopie optique mais on peut détecter la présence des PVH en microscopie électronique (particules
es verrues vulgaires ou communes sont des lésions cutanées bénignes exophytiques induites par un papillomavirus humain (PVH). Il existe de nombreux sous types de PVH qui déterminent, en fonction des localisations, des aspects cliniques différents (tableau I). Les verrues communes siègent sur toutes les parties du corps mais plus volontiers sur les mains. Une variante filiforme touche le cou et le visage. L’examen histopathologique est rarement nécessaire car le diagnostic est le plus souvent clinique. La biopsie est toutefois utile lorsqu’il existe un doute diagnostique en particulier chez l’immunodéprimé (greffé rénal, patient porteur du virus VIH...) ou si l’on suspecte une épidermodysplasie verruciforme. Dans ces situations, il est parfois difficile de distinguer une verrue d’un carcinome spinocellulaire ce d’autant que ces lésions peuvent être associées.
pillomatose délomorphe). La papillomatose est prononcée dans les verrues filiformes. Les verrues communes sont bien limitées et les crêtes épidermiques ont une orientation oblique, centripète, convergeant vers un point central sous la verrue (aspect d’arborisation, d’encorbellement). Les aspects cytologiques qui caractérisent les verrues communes des autres papillomes cornés sont la présence de koïlocytes (fig. 2). Les PVH sont doués d’une grande spécificité pour les épitheliums malpighiens. La multiplication de ces virus est étroitement liée à l’état de différenciation de la cellule hôte. La réplication végétative de l’ADN viral et la formation de virions sont en effet détectées uniquement dans les kératinocytes en voie de différenciation terminale. La koïlocytose est la conséquence de l’effet cytopathogène de ces PVH sur les
Examen histopathologique
Tableau I. − Lésions cutanées associées aux différents types de PVH.
MODIFICATIONS ÉPIDERMIQUES (fig. 1) Il existe des aspects communs aux différents types de verrues communes : − l’augmentation de l’épaisseur globale de l’épiderme que définit l’acanthose ; − l’épaississement de la couche cornée (hyperkératose) ; Une papillomatose qui se traduit par une exagération du dessin des papilles dermiques. Cette papillomatose est plus ou moins marquée avec une surface irrégulière en raison d’une alternance de crêtes et de dépressions (paService de Dermatologie, Hôpital Beauregard, CHR Metz-Thionville, 21, rue des Frères, BP 60327, 57126 Thionville Cedex. Tirés à part : F. TRUCHETET, à l’adresse ci-dessus. E-mail :
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Aspect clinique
Type de PVH
Verrue commune Verrue filiforme Verrue des bouchers
2, 4, 26 à 29, 57, 75 à 77 2 4, 7
Verrue en mosaïque Myrmécie Verrue pigmentée Verrues ponctiformes multiples Verrue plane Verrue intermédiaire Kyste épidermique Epidermodysplasie verruciforme
2 1 4, 60, 65 63 3, 5, 10, 41 10, 26 à 29 57, 60, 63 3, 5*, 8*, 9, 12, 14, 15, 17, 19 à 25, 36 à 38, 46, 47*, 49, 50 5*, 8*, 20*, 47*
Verrue chez les immunodéprimés Maladie de Bowen
2,16*, 34
Localisation Mains, membres Face, cuir chevelu, cou Mains : Endophytiques, (PVH4) Communes, (PVH7) Plantaire Plantaire Plantaires, membres Plantaire Mains, face, membres Mains, face, membres Plantaire Mains, membres, face, tronc
Face, membres Doigts, périunguéal
En gras : type de PVH le plus souvent détecté. * : risque oncogène élevé.
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Fig. 1. Microscopie optique, coloration HES, grossissement × 40. Architecture générale d’une verrue commune. Acanthose, hyperkératose, papillomatose. Orientation oblique des crêtes épidermiques (aspect d’arborisation).
virales), en immunohistochimie (antigènes capsidiques spécifiques), par hybridation moléculaire in situ (génome viral), par réaction d’amplification en chaîne (PCR). Une autre caractéristique des verrues communes est la présence de colonnes de parakératose au dessus des élévations papillaires. Les noyaux observés dans cette parakératose sont souvent plus larges et plus basophiles que dans les parakératoses d’autres causes. Sous les foyers d’hyperkératose parakératosique suprapapillaire, il n’y a pas de cellules granuleuses. Ces cellules du stratum granulosum sont augmentés
en nombre et en taille dans les dépressions papillaires et contiennent de nombreux grains de kératohyaline irréguliers et compacts. Ces modifications avec de nombreux grains de kératohyaline dans les dépressions, de nombreux koïlocytes, des colonnes de parakératose suprapapillaires sont surtout observées dans les verrues jeunes. Ces modifications sont moins prononcées dans les verrues vieillies où l’on voit parfois des cellules à cytoplasme clair ayant un aspect de différenciation tricholemmale comme dans les tricholemmomes.
Ceci a contribué à la controverse concernant la spécificité de cette tumeur dérivant de l’isthme folliculaire qui était considérée par certains comme une vieille verrue. En fait, son autonomie est réelle comme celles des kératoses séborrhéiques clonales. Certains avaient assimilé ces kératoses séborrhéiques clonales à de vieilles verrues en raison de la présence de nids kératinocytaires intraépidermiques arrondis tels qu’on peut les voir dans certaines verrues communes vieillies.
MODIFICATIONS DERMIQUES Dans la plupart des verrues communes, il y a peu de modifications dermiques en dehors de dilatations capillaires, surtout dans les projections papillaires dermiques. Les verrues filiformes ont des papilles riches en capillaires dilatés et des petits foyers hémorragiques sont parfois observés avec élimination transépidermique. Rarement, un infiltrat dermique mononucléé surtout lymphocytaire avec parfois un aspect lichenoïde est observé.
Tableau II. − Effets cytopathogènes reconnaissables en fonction du type de PVH. Type de PVH
Fig. 2. Microscopie optique,coloration HES, grossissement × 400. Koïlocytes : cellules vacuolaires, granulations intracytoplasmiques.
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Effet cytopathogène. Caractéristiques histopathologiques
PVH 1
Croissance endophytique. Acanthose et parakératose. Vacuolisation du cytoplasme des kératinocytes. Nombreuses inclusions éosinophiles cytoplasmiques d’aspect granuleux. Inclusions éosinophiles nucléaires.
PVH 2
Croissance exophytique. Papillomatose, parakératose suprapapillaire. Foyers de cellules vacuolisées dans le stratum granulosum nettement hyperplasié. Grains de kératohyaline abondants basophiles ronds ou irréguliers.
PVH 3
Acanthose modérée. Kératinocytes ballonisés avec noyau central et kératohyaline en anneaux concentriques péri nucléaires.
PVH 4
Croissance endophytique avec cellules vacuolisées sans kératohyaline. Noyau excentré en croissant. Inclusion cytoplasmique homogène souvent unique.
PVH5 et 8
Acanthose modérée. Foyers de grandes cellules claires suprabasales avec cytoplasme vitreux, très clair et grains de kératohyaline en gouttes peu abondants.
PVH 7
Croissance exophytique. Foyers de cellules claires vacuolisées au noyau central pycnotique sans grain de kératohyaline.
PVH 63
Lésion ponctiforme. Inclusion cytoplasmique unique d’aspect filamenteux.
PVH 60, 65
Inclusion cytoplasmique éosinophile homogène souvent unique.
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Diagnostic différentiel CARCINOME SPINOCELLULAIRE Des verrues communes atypiques sont parfois confondues avec des maladies de Bowen périunguéales ou des carcinomes spinocellulaires invasifs, d’où l’intérêt de l’examen histopathologique. Ces carcinomes spinocellulaires peuvent survenir rarement sur des verrues en particulier dans certaines situations (immunodéprimé, épidermodysplasie verruciforme).
Fig. 3. Microscopie optique, coloration HES, grossissement × 200. Verrue plane : acanthose modérée. Kératinocytes ballonisés avec noyau central.
VERRUES PLANES (fig. 3) L’hyperkératose et l’acanthose sont présentes mais contrairement aux verrues communes, il n’y a pas de papillomatose ni de parakératose. L’hyperkératose est très aérée, en réseau (« filet de basket ») résultant d’une vacuolisation des cellules cornées. Les PVH les plus souvent en cause sont PVH 3,10. Le PVH 5 a été détecté dans des verrues planes de patients infectés par le VIH. Les PVH 10, 26 à 29 ont été observés sur des verrues de sujets immunodéprimés. Souvent, elles sont plus saillantes et sont alors appelées verrues intermédiaires. L’effet cytopathogène PVH 3 est caractérisé par des kératinocytes ballonisés avec un noyau central basophile et une kératohyaline irrégulière souvent étirée, formant des anneaux concentriques périnucléaires. Ces koïlocytes siègent dans le 1/3 supérieur du stratum spinosum et dans le stratum granulosum. Le derme est en général normal mais un infiltrat lymphocytaire lichénoïde avec dégénérescence vacuolaire des cellules basales et parfois nécrose kératinocytaire par apoptose est plus fréquent que dans les verrues communes. Il traduit des phénomènes de régression immunitaire à médiation cellulaire. Des thromboses capillaires
Fig. 4. Microscopie optique, coloration HES, grossissement × 200. Epidermodysplasie verruciforme. Acanthose modérée, grandes cellules claires suprabasales avec cytoplasme vitreux.
dermiques superficielles sont parfois observées. A ce stade, les caractéristiques histologiques des verrues planes peuvent disparaître. EPIDERMODYSPLASIE VERRUCIFORME Plus de vingt types de PVH ont été isolés dans cette génodermatose. Le pronostic est lié au potentiel oncogène de certains d’entre eux trouvés avec une plus grande fréquence notamment PVH5, PVH8 qui affectent 90 p. 100 des malades. L’aspect histologique ressemble à celui d’une verrue plane (fig. 4). L’effet cytopathogène PVH5, 8 est caractérisé par une acanthose modérée
avec des foyers de grandes cellules claires apparaissant dans les couches suprabasales (stratum spinosum, stratum granulosum) avec un cytoplasme vitreux. Il existe des grains de kératohyaline en goutte et parfois des vacuoles intranucléaires caractéristiques. Chez les sujets immunodéprimés comme les transplantés rénaux, la fréquence des carcinomes épidermoïdes cutanés est supérieure à la population générale et des séquences PVH5 et 8 ont pu y être détectées. Ces carcinomes cutanés apparaissent sur les zones photoexposées, illustrant l’importance des cofacteurs dans leur développement.
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