Annales de pathologie (2013) 33, 329—331
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HISTOSÉMINAIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANC ¸ AISE DE PATHOLOGIE
Classification 2014 des carcinomes bronchopulmonaires : nouveautés et implications cliniques. Cas no 7 : les carcinomes adénoïdes kystiques pulmonaires 2014 classification of lung carcinomas: Latest entities and clinical implications. Case 7: Pulmonary adenoid cystic carcinomas Cécile Badoual Service de pathologie, université Paris-Descartes, hôpital européen Georges-Pompidou, AP—HP, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France Accepté pour publication le 23 septembre 2013 Disponible sur Internet le 23 octobre 2013
Renseignements cliniques Patient de 78 ans, tabagique à 40 P.A., opacité pulmonaire du lobe supérieur gauche, toux et asthénie. À la fibroscopie, diagnostic de carcinome épidermoide peu différencié. Lobectomie supérieure gauche et curage ganglionnaire.
Diagnostic Carcinome adénoïde kystique (CAK).
Description macroscopique Il existe une zone tumorale, péribronchique engainant la bronche apicale mesurant 1,5 cm. Elle est mal limitée. Cette zone tumorale est entourée d’un parenchyme pulmonaire condensé, remanié, où l’on observe des bronchectasies et des sécrétions mucopurulentes. Il n’y a pas de rétraction pleurale.
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Figure 1. Biopsie bronchique. Présence d’une prolifération tumorale sous muqueuse. Cette prolifération est constituée de massifs ou de tubes de petite taille correspondant à un carcinome adénoïde kystique. HES, grandissement original × 100. Bronchial biopsy. Submucosal proliferation. This proliferation, corresponding to an adenoid cystic carcinoma, is mainly composed by small tubes. HES, original magnification × 100.
Description histologique Les cellules tumorales s’agencent en petits lobules, en travées ou en massifs plus compacts (Fig. 1). Certains massifs sont cribriformes. Les cellules tumorales ont un noyau assez volumineux, clair et un cytoplasme peu abondant. Le stroma tumoral est myxoïde, par endroits plus fibreux et inflammatoire. On observe des images d’embols vasculaires ainsi que d’enroulements périnerveux (Fig. 2). La tumeur détruit et infiltre, par endroits, la paroi bronchique. Cette tumeur est mal limitée, elle infiltre le poumon sous forme de petits cordons dispersés. La coloration par le Bleu Alcian et le PAS ne révèlent pas de mucosécrétion.
Figure 2. Biopsie bronchique. Prolifération tumorale faite de cellules de petite taille, au noyau régulier. On observe peu d’atypie cytologique. Les cellules tumorales de ce carcinome adénoïde kystique de forme tubulaire engainent un nerf. HES, grandissement original × 200. Bronchial biopsy. The proliferation is composed by small regular nucleus. Few cytological atypia are observed. This tubular adenoid cystic carcinoma infiltrates the nerve. HES, original magnification × 200.
C. Badoual
Figure 3. Lobectomie pulmonaire. Carcinome adénoïde kystique dans sa forme solide. HES, grandissement original × 400. Pulmonary lobectomy. Adenoid cystic carcinoma with solid shape. HES, original magnification × 400.
Commentaires Le CAK pulmonaire est une tumeur rare, et représente moins de 1 % des tumeurs pulmonaires primitives [1,2]. Il s’agit de carcinome ayant un développement le plus souvent intraluminal dans la trachée ou dans les grosses bronches [2,3]. Il peut, cependant, y avoir une extension au sein du parenchyme pulmonaire ou de la graisse médiastinale. Le CAK est observé le plus souvent chez des adultes de 40-50 ans avec une petite prédominance chez les femmes (60 %). La majorité des CAK pulmonaires ont une évolution lente et insidieuse [4]. Il n’a pas été retrouvé de relation avec le tabagisme. Le CAK est constitué de deux types cellulaires [5,6]. On trouve les cellules épithéliales cuboïdales à chromatine condensée et les cellules myoépithéliales avec un noyau hyperchromatique, anguleux et le plus souvent un cytoplasme clarifié. Les atypies cytonucléaires et les mitoses sont rares. Le stroma est généralement hyalin. Il s’agit d’une tumeur neurotrope, il faut donc s’atteler à rechercher des engainements périnerveux (présente dans plus de 40 % des cas). On décrit trois variantes architecturales [5,6]. La forme tubulaire est faite de tubes et canaux bordés par une double couche cellulaire interne épithéliale et externe myoépithéliale. La forme cribriforme, la plus fréquente, est formée de massifs d’aspect cylindromateux et de micro-kystique occupés par un matériel hyalin mucoïde et basophile. La forme solide (Fig. 3), est constituée d’amas de cellules basales uniformes. Les tumeurs peuvent être composites ou présenter une variante prédominante. L’interprétation de l’expression d’E-Cadherin, Ki67, p53, des récepteurs hormonaux reste encore discutée. Dans les cas difficiles il est souvent utile de faire un marquage avec l’AE1/AE3 et l’actine musculaire lisse pour souligner la présence d’une double population cellulaire. Les cellules sont TTF1-. Le cKIT est souvent exprimé par les cellules tumorales, cependant, il n’y a pas de corrélation avec des mutations activatrices de KIT [7]. Le pronostic peut être réservé, il s’agit d’une tumeur maligne à évolution lente qui récidive très fréquemment au bout de 7 voire 15 ans. Les récidives sont aussi dues à la mauvaise limitation des CAK, les limites chirurgicales étant parfois en zones pathologiques. Il est donc recommandé,
Les carcinomes adénoïdes kystiques pulmonaires pour ce type de tumeur, d’effectuer des examens extemporanés pour vérifier les marges. Comme il s’agit de tumeurs rares peu d’études de cohortes sont disponibles. Une des plus grosse série à rapporté 21 % de survie à 5 ans, par extension locale ou métastases. La classification des CAK salivaires peut être appliquée aux CAK pulmonaires primitifs. Généralement les tumeurs de type tubulaire sont considérées comme étant moins agressives que celles comportant un contingent solide > 30 %. Les principaux diagnostiques différentiels sont : l’adénocarcinome primitif du poumon, l’adénocarcinome polymorphe de bas grade, le carcinome épithélial myoépithélial et la métastase pulmonaire d’un CAK salivaire.
Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts. POINTS IMPORTANTS À RETENIR • les CAK sont constitués d’une double population cellulaire, épithéliale et myoépithéliale ; • les CAK ont un comportement souvent agressif, malgré l’absence d’atypies cytonucléaires ; • la chirurgie est délicate car ce sont des tumeurs mal limitées dont il est difficile de faire une exérèse complète. Le risque de récidive est grand ; • il existe un grade histologique, les formes d’architecture solide sont associées à un moins bon pronostic.
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Références [1] Travis D, Brambilla E, Müller-Hermelink HR, Harris CC. Tumors of the lung, pleura, thymus and heart. In: WHO classification of tumours. Lyon: IARC Press; 2004. [2] Molina JR, Aubry MC, Lewis JE, Wampfler J, Williams BA, Midthun DE, et al. Primary salivary gland-type lung cancer. Cancer 2007;110:2253—9. [3] Masih I, Porter G, Porter S, Clarke R, Sidhu P, Harney J, et al. Primary adenoid cystic carcinoma of the bronchus in a female teenager. BMJ case report 2010:29. [4] Tomashefski JF, Cagle PT, Farver CF, Fraire AE. Dail Hammar’s Pulmonary Pathology. New-York: Springer; 2008. [5] Ellis G, Auclair P. Tumors of the major salivary glands. Atlas of Tumor Pathology, Fascicle17, Third series Washington, Dc: Armed Forces Institute of Pathology; 1996. [6] Barnes L, Eveson JW, Reichart P, Sidransky D. Head and neck pathology. In: WHO classification of tumours. Lyon: IARC Press; 2005. [7] Aubry MC, Heinrich MC, Molina J, Lewis JE, Yang Ping, Cassivi SD, et al. Primary adenoid cystic carcinoma of the lung, absence of KIT mutation. Cancer 2007;110:2507—10.