Couverture vaccinale par le BCG ciblé en maternité avant et après la suspension de l’obligation vaccinale

Couverture vaccinale par le BCG ciblé en maternité avant et après la suspension de l’obligation vaccinale

Rec¸u le : 19 juin 2009 Accepte´ le : 10 janvier 2010 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Me´moire original Couverture vaccinale par ...

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Rec¸u le : 19 juin 2009 Accepte´ le : 10 janvier 2010

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



Me´moire original

Couverture vaccinale par le BCG cible´ en maternite´ avant et apre`s la suspension de l’obligation vaccinale Bacillus Calmette-Gue´rin (BCG) vaccine coverage in newborns and infants at risk before and after a change in BCG policy C. Parachea, X. Carcopinob, S. Gossota, K. Retornaza, M. Utersa, J. Mancinic, J.-M. Garniera, P. Minodiera* a

Service de me´decine infantile, CHU Nord, Chemin-des-Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France b Service de gyne´cologie obste´trique, CHU Nord, Chemin-des-Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France c Service de sante´ publique et d’information me´dicale, CHU de la Timone, 264, rue St-Pierre, 13005 Marseille, France

Summary Aim of the study. To evaluate vaccine coverage in at-risk newborns during the maternity hospital stay and at the age of 3 months, before and after the change in the French national Calmette-Gue´rin Bacillus (BCG) vaccine policy. Methods. A vaccine program targeting newborns at risk for tuberculosis was implemented in a university maternity hospital in Marseille, France, in 2007. At-risk newborns were mainly defined as those with 1 parent born in an endemic country for tuberculosis, those planning to travel in such a country for at least 1 month in their 1st year of life, or those with previous tuberculosis cases within the family. From February to November 2007, the French BCG policy changed (BCG was no longer mandatory, but only recommended for at-risk children). Parental acceptance of a targeted vaccine delivered during the hospital stay and BCG vaccination during the infant’s first 3 months were evaluated before and after the change. Results. A total of 289 newborns at risk of tuberculosis were included. BCG vaccine coverage in the maternity hospital was 72%, significantly higher when BCG was not mandatory (81% versus 66%; p 0.05). At 3 months of age, 90% of the children were BCG vaccinated. Among the infants whose parents refused an early vaccine, the BCG coverage rate at 3 months of age decreased from 78 to 41% (p 0.005) when only a targeted vaccine was recommended. Conclusion. Targeted vaccination of newborns at risk for tuberculosis in a maternity hospital is acceptable. When BCG was not

Re´sume´ But. E´valuer la couverture vaccinale par le BCG des nouveau-ne´s a` risque, en maternite´ et a` l’aˆge de 3 mois, avant et apre`s la suspension de l’obligation vaccinale. Me´thodes. Un programme de vaccination des nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose a e´te´ mis en place dans une maternite´ de niveau III du CHU de Marseille. Le vaccin ciblait essentiellement les nouveau-ne´s dont un des parents e´tait ne´ dans un pays de forte ende´mie, ceux pour lesquels un voyage d’une dure´e supe´rieure a` 1 mois dans un pays de forte ende´mie de tuberculose e´tait pre´vu dans la 1re anne´e, et ceux ayant des ante´ce´dents familiaux de tuberculose. De fe´vrier a` novembre 2007, 2 pe´riodes ont e´te´ individualise´es, avant et apre`s la suspension de l’obligation vaccinale universelle. Les taux d’acceptabilite´ parentale du BCG en maternite´ ont e´te´ compare´s entre les 2 pe´riodes. La couverture vaccinale a` l’aˆge de 3 mois des enfants a e´te´ e´value´e. Re´sultats. Deux cent quatre-vingt-neuf nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose ont e´te´ inclus (182 avant et 107 apre`s la suspension de l’obligation vaccinale). La couverture vaccinale par BCG en maternite´ e´tait de 72 %, significativement supe´rieure apre`s la suspension de l’obligation vaccinale (81 % contre 66 %, p 0,05). La couverture vaccinale a` l’aˆge de 3 mois des nouveau-ne´s a` risque e´tait globalement de 91 %, mais la pratique d’une vaccination hors maternite´ chutait de 78 a` 41 % apre`s la suspension de l’obligation vaccinale (p 0,005).

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] 0929-693X/$ - see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2010.01.014 Archives de Pe´diatrie 2010;17:359-365

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mandatory, parental acceptance of an early-targeted vaccine increased, whereas the policy change decreased later vaccination rates within the first 3 months in children whose parents had previously refused. Early BCG vaccination of at-risk newborns in the maternity hospital may prevent a low BCG coverage rate at 3months and subsequent tuberculosis cases in this population. ß 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Conclusion. Une vaccination par le BCG cible´e sur les nouveaune´s a` risque e´leve´ de tuberculose est re´alisable en maternite´. La suspension de l’obligation vaccinale s’est accompagne´e d’une augmentation de la couverture vaccinale en maternite´, compensant la diminution de la vaccination hors maternite´. Une vaccination par le BCG cible´e de`s la maternite´ paraıˆt une bonne alternative pour e´viter de nouveaux cas de tuberculose dans les populations pe´diatriques a` risque. ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : BCG, Vaccination, Maternite´, Tuberculose

1. Introduction La tuberculose demeure un enjeu majeur de sante´ publique : un tiers de la population mondiale pre´sente une tuberculose asymptomatique et cette maladie est toujours l’une des premie`res causes de de´ce`s des jeunes adultes dans les pays en voie de de´veloppement [1]. Comme dans les autres pays industrialise´s, l’incidence globale de la maladie a re´gulie`rement diminue´ en France (8,9/100 000 habitants / an en 2007), mais il existe de grandes disparite´s ge´ographiques et de´mographiques. Les re´gions Guyane et ˆIle-de-France regroupent le plus grand nombre de cas (incidences respectives de 23,3 et 18,4/100 000 habitants / an en 2007). En me´tropole, la tuberculose est essentiellement une maladie du migrant : si l’incidence annuelle de la tuberculose maladie chez les sujets ne´s sur le sol franc¸ais est de 5/100 000, elle est de 42/100 000 chez les personnes ne´es a` l’e´tranger. Paralle`lement, 44 % des patients ayant une tuberculose maladie en France sont ne´s dans un pays de forte ende´mie [2]. Ce recul global de la maladie dans notre pays a conduit a` une remise en question de la vaccination obligatoire ge´ne´ralise´e des enfants par le bacille de Calmette et Gue´rin (BCG), telle qu’elle e´tait ante´rieurement pratique´e [3,4]. Le de´cret du 17 juillet 2007 recommande simplement une vaccination ne´onatale cible´e sur les enfants a` risque e´leve´ de tuberculose. Cependant, on peut craindre la survenue de nouveaux cas de tuberculose si la couverture vaccinale dans cette population a` risque est faible, comme cela a e´te´ observe´ en Sue`de il y a 30 ans [5,6]. Aujourd’hui, malgre´ une couverture vaccinale par BCG proche de 90 %, 345 cas de tuberculose surviennent annuellement chez les enfants de moins de 15 ans [2]. L’institut de veille sanitaire (InVS) estime qu’une baisse a` 50 % de la couverture vaccinale par BCG des enfants a` risque pourrait conduire jusqu’a` 486 cas supple´mentaires, soit une augmentation de 124 % [4,7]. L’impact de la suspension de l’obligation vaccinale ge´ne´ralise´e sur l’incidence pe´diatrique de la maladie de´pend donc de la capacite´ a` maintenir une couverture vaccinale e´leve´e parmi les enfants a` risque. He´las, la

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suspension de l’obligation vaccinale universelle, ainsi que le remplacement de la multipuncture pre´ce´demment utilise´e par une injection intradermique, re´pute´e plus difficile et plus re´actoge`ne, ont conduit nombre de me´decins franc¸ais a` diffe´rer ou suspendre la vaccination par le BCG de leurs patients. Ainsi, en 2005, une enqueˆte d’intention [8] montrait que seuls 35 % d’entre eux continueraient la vaccination si la multipuncture e´tait remplace´e par une injection intradermique. On estime ainsi qu’entre janvier 2006 et juillet 2007, la couverture vaccinale des enfants a` risque a diminue´ de 37 % [9]. Notre maternite´ de niveau III est situe´e dans les quartiers de´favorise´s de la ville de Marseille, ou` les populations migrantes sont importantes et ou` l’incidence de la tuberculose maladie a pu atteindre 49 cas pour 100 000 en 2007 [10]. Afin de prote´ger pre´cocement les enfants les plus a` risque, nous avons propose´ a` partir de fe´vrier 2007 de les vacciner de`s la maternite´. Le but de cette e´tude e´tait d’e´valuer, avant et apre`s la suspension de l’obligation vaccinale, la couverture vaccinale par le BCG des nouveau-ne´s a` risque, en maternite´ et a` l’aˆge de 3 mois.

2. Patients et me´thodes A` partir de fe´vrier 2007, la vaccination par le BCG a e´te´ propose´e aux parents des nouveau-ne´s a` risque e´leve´ de tuberculose pris en charge dans notre maternite´ a` la suite d’un accouchement non complique´. Le risque de tuberculose e´tait e´value´ selon les recommandations du Conseil supe´rieur d’hygie`ne publique de France (CSHPF) [11] :  nouveau-ne´ ayant au moins l’un de ses parents ne´ dans un des pays de forte ende´mie, tels que liste´s dans le rapport de l’Organisation mondiale de la sante´ (OMS) 2006 [12] ;  nouveau-ne´ pour lequel est envisage´ un voyage en zone d’ende´mie d’une dure´e supe´rieure a` 1 mois ;  nouveau-ne´ ayant un ante´ce´dent familial de tuberculose chez les parents ou la fratrie (collate´raux ou ascendants directs) ;

Couverture vaccinale par le BCG cible´

 nouveau-ne´ ayant une situation juge´e a` risque par le me´decin ou vivant dans des conditions socioe´conomiques de´favorables. La vaccination n’e´tait pas propose´e aux enfants ayant une pathologie me´dicale ne´onatale, une se´rologie maternelle VIH positive ou inconnue ou des ante´ce´dents familiaux de de´ficit immunitaire. Le vaccin n’e´tait pas non plus effectue´ aux enfants ne´s sous X ou en cas de difficulte´s de communication linguistique avec la famille. Apre`s l’accouchement et durant le se´jour a` la maternite´, les parents des nouveaux-ne´s a` risque e´taient informe´s par 2 des auteurs (CP, SG) sur la vaccination par le BCG. Cette information leur e´tait de´livre´e au cours d’un entretien et un document e´crit leur e´tait donne´. L’information portait sur la tuberculose, les risques de contamination, les facteurs de risque chez l’enfant, l’efficacite´ et les effets secondaires potentiels du vaccin. Ces me´decins informaient les parents des recommandations vaccinales en vigueur au moment de l’inclusion dans l’e´tude. L’entretien se terminait par une proposition de vaccination lors de l’examen de sortie du nouveau-ne´. Il e´tait dit aux parents que l’acceptabilite´ ou non du vaccin ne conditionnerait pas la prise en charge du be´be´. En cas d’acceptation parentale, un consentement e´crit e´tait recueilli et le nouveau-ne´ e´tait vaccine´ le jour de son examen de sortie de la maternite´, par BCG SSIW (Sanofi Pasteur MSD, Lyon). Une dose de 0,05 ml e´tait injecte´e par voie intradermique au niveau du deltoı¨de (seringue gradue´e en 0,01 ml et aiguille intradermique (10 mm, 30 G). En cas de refus parental, les raisons du refus e´taient recueillies. Il e´tait demande´ aux parents s’ils acceptaient toutefois d’eˆtre contacte´s par te´le´phone aux 3 mois de l’enfant pour savoir si le BCG avait e´te´ pratique´ apre`s la sortie de la maternite´. En cas d’acceptation, la famille e´tait jointe 3 mois plus tard. Lorsque le programme a e´te´ mis en place, la vaccination des nourrissons et des enfants e´tait obligatoire avant leur entre´e en collectivite´ et elle e´tait recommande´e pre´cocement pour ceux qui e´taient le plus a` risque. Durant l’e´tude (en juillet 2007), l’obligation vaccinale universelle a e´te´ suspendue. Cette information e´tait transmise aux familles durant l’entretien. Afin d’e´valuer l’impact de cette modification sur la couverture vaccinale, 2 pe´riodes distinctes ont e´te´ compare´es a posteriori :  de fe´vrier a` avril 2007 (pe´riode 1) : obligation vaccinale universelle et forte recommandation de vaccination pre´coce pour les enfants a` risque [13] ;  de septembre a` novembre 2007 (pe´riode 2) : suspension de l’obligation vaccinale universelle, mais maintien de la recommandation concernant les nouveau-ne´s a` risque. Les comparaisons selon la pe´riode ont e´te´ effectue´es par test du Khi2 ou test exact de Fischer pour les variables qualitatives et par test de Student ou de Mann-Whitney pour les variables

continues et ordinales. Une valeur de p 0,05 a e´te´ conside´re´e comme significative. Toutes les analyses ont e´te´ re´alise´es a` l’aide du logiciel SPSS 15.0.

3. Re´sultats Durant les 2 pe´riodes, 811 nouveau-ne´s ont e´te´ pris en charge dans notre institution. Deux cent dix (26 %) e´taient ne´s d’une grossesse ou d’un accouchement pathologiques ou pre´sentaient un proble`me ne´onatal : ils n’entraient donc pas dans nos crite`res d’inclusion. Vingt-six autres (3 %) ont e´te´ exclus du fait d’une contre-indication du BCG, d’une naissance sous X ou d’une sortie pre´coce de la maternite´. De fait, 575 nouveau-ne´s (71 %) ont pu be´ne´ficier d’une e´valuation des facteurs de risque. Parmi eux, 335 (58 %) pre´sentaient une indication de vaccination pre´coce par le BCG. Les parents de 19 enfants (3 %) avaient des difficulte´s de compre´hension linguistique et 27 familles (6 %) ont e´te´ perdues de vue. Finalement, 289 familles de nouveau-ne´s a` risque ont e´te´ incluses dans l’e´tude, dont 182 (63 %) dans la pe´riode 1 et 107 (37 %) dans la pe´riode 2. La figure 1 re´sume ces donne´es. Les caracte´ristiques sociode´mographiques et les facteurs de risque des nouveau-ne´s inclus sont pre´sente´s dans les tableaux I et II. Il existait une diffe´rence significative pour un projet de voyage dans la 1re anne´e de vie (plus souvent cite´ dans la 2e pe´riode), et dans le type d’habitat (plus d’habitats individuels dans la 2e pe´riode). Le facteur de risque le plus fre´quent (88 %) justifiant la vaccination e´tait la naissance d’un des parents dans un pays de forte ende´mie tuberculeuse. Cinquante-six pourcent des parents pre´voyaient aussi un voyage dans une zone d’ende´mie au cours de la 1re anne´e de vie de leur nouveau-ne´, dont 68 % pour une dure´e de plus d’1 mois. Au total, le risque de tuberculose lie´ a` la fre´quentation de personnes issues ou vivant dans un pays de forte ende´mie e´tait la justification principale du vaccin dans 92 % des cas. Quatre nouveau-ne´s (1,4 %) avaient un ante´ce´dent familial de tuberculose au 1er degre´ (pe`re ou me`re) et 33 (11,4 %) avaient un ante´ce´dent dans la famille e´largie. Trente-six pourcent des nouveau-ne´s e´taient issus d’un milieu de´favorise´, mais seuls 12 enfants (3 %) ont e´te´ vaccine´s uniquement sur ce crite`re. Enfin, 18 nouveau-ne´s (6 %) ont e´te´ inclus du fait d’une situation conside´re´e a` risque par le me´decin. Dans 54 % des cas, il existait au moins 2 crite`res pour vacciner l’enfant. L’acceptabilite´ globale de la vaccination par BCG cible´e en maternite´ a e´te´ de 72 %, mais on notait une diffe´rence significative entre les 2 pe´riodes : 66 puis 81 % (fig. 2). Quatre-vingt-neuf parents (28 %) ont refuse´ la vaccination. Trente-huit pourcent d’entre eux jugeaient le nouveau-ne´ trop petit pour recevoir un vaccin, 21 % souhaitaient faire pratiquer cette vaccination par leur me´decin traitant ou dans un centre de protection maternelle et infantile (PMI), 11 % se

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Figure 1. Sche´ma organisationnel de l’e´tude.

Tableau I Crite`res d’inclusion dans l’e´tude et comparaison selon la pe´riode.

Au moins 1 parent ne´ en zone d’ende´mie Voyage pre´vu dans la 1re anne´e pour dure´e > 1 mois Ante´ce´dent familial de tuberculose Conditions socioe´conomiques de´favorables Autre situation familiale juge´e a` risque

Pe´riode 1 (n = 182) n (%)

Pe´riode 2 (n = 107) n (%)

p

Total (n = 289) n (%)

160 60 2 65 13

95 51 2 39 7

0,824 0,013 0,629 0,900 0,846

255 111 4 104 20

sont inquie´te´s des effets secondaires e´ventuels d’une vaccination pre´coce et 22 % n’ont pas donne´ de raison particulie`re a` leur refus. Parmi les 82 parents ayant refuse´ le vaccin en maternite´, 62 (76 %) ont re´pondu au questionnaire te´le´phonique a` 3 mois. A` cette date, le vaccin par BCG avait e´te´ effectue´ dans 69 % des cas (a` un aˆge me´dian de 33 j), mais on notait une diminution significative entre les 2 pe´riodes : 78 puis 41 % (p 0,005). Ainsi, si la couverture vaccinale a` 3 mois dans cette population de nouveau-ne´s a` risque e´tait globalement de 91 %, sans diffe´rence entre les 2 pe´riodes, la re´duction de la vaccination hors maternite´ apre`s la suspension de l’obligation vaccinale

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(88) (33) (1) (36) (7)

(89) (48) (2) (36) (7)

(88) (38) (1) (36) (7)

n’e´tait compense´e que par l’augmentation de la vaccination en maternite´ (fig. 2).

4. Discussion En France, la tuberculose est essentiellement une maladie du migrant [2]. Chez l’enfant, elle touche pre´fe´rentiellement ceux qui sont amene´s a` voyager dans une zone de forte ende´mie tuberculeuse ou a` eˆtre en contact avec des migrants [14]. Le risque d’e´volution vers une tuberculose maladie grave apre`s contage est e´leve´ [15] et justifie une vaccination pre´coce

Couverture vaccinale par le BCG cible´

Tableau II Donne´es sociode´mographiques des familles de nouveau-ne´s a` risque. Choˆmage Pe`re : n (%) Me`re : n (%) Niveau socioe´conomique des parents Pe`res : Employe´s ou ouvriers : n (%) Pe`res : Cadres ou professions interme´diaires : n (%) Pe`res : Artisans : n (%) Habitat Appartement : n (%) Maison individuelle : n (%) Collectivite´ : n (%) Gens du voyage : n (%) Domicile (moyenne [minimum–maximum]) Nombre moyen de personnes au domicile Surface moyenne du logement en m2 Surface moyenne du logement en m2/personne Nombre moyen d’autres fre`res et sœurs Mode de garde Domicile : n (%) Collectivite´ : n (%)

Pe´riode 1 (n = 182)

Pe´riode 2 (n = 107)

p

Total (n = 289)

50 (28) 127 (71)

36 (34) 75 (70)

0,323 0,878 0,062

86 (30) 202 (71)

98 (77) 18 (14) 12 (9)

48 (71) 11 (16) 9 (13)

146 (75) 29 (15) 21 (11) 0,001

160 17 2 0 4,7 70 16 1,6

(89) (10) (1) (0)

78 25 3 1

(2–10) (15–155) (5–54) (0–8)

156 (87) 23 (13)

4,8 74 17 1,5

(73) (23) (3) (1) (2–14) (20–200) (6–67) (0–11)

96 (90) 11 (10)

238 42 5 1 0,903 0,198 0,381 0,516 0,516

(82) (16) (2) (1)

4,7 (2–14) 71 (15–200) 16 (5–67) 1,6 252 (88) 34 (12)

Figure 2. Acceptabilite´ du BCG cible´ en maternite´, vaccination BCG hors maternite´ et couverture vaccinale BCG a` 3 mois. Comparaisons entre les 2 pe´riodes (NS : non significatif).

de ces enfants a` risque par le BCG. Depuis octobre 2005, le CSHPF recommande cette vaccination pour tout nouveau-ne´ a` risque e´leve´ de tuberculose avant sa sortie de la maternite´. Jusqu’alors, cette recommandation e´tait peu suivie par les maternite´s qui pre´fe´raient diffe´rer le vaccin. Par ailleurs, on a e´voque´ le caracte`re discriminatoire d’une vaccination par le BCG cible´e sur les populations a` risque [16,17]. En fait, l’acceptabilite´ de la vaccination par le BCG a` la maternite´ n’a pas e´te´ e´value´e. Notre e´tude a essaye´ de re´pondre a` cette question. Cinquante-huit pourcent des nouveau-ne´s de notre e´tude ont e´te´ conside´re´s a` risque, alors que d’apre`s les donne´es de

l’Institut national des e´tudes de´mographiques (INED) seulement 10 a` 14 % des enfants ne´s en France seraient concerne´s par une vaccination par le BCG cible´e. Cela est en rapport avec la localisation ge´ographique de notre maternite´ dans des quartiers populaires qui comportent une importante population issue de l’immigration pre´sentant une forte incidence de tuberculose [10]. Le taux d’acceptation global du BCG en maternite´ a e´te´ e´leve´ (72 %) les refus de vaccination te´moignant surtout d’une crainte lie´e a` l’aˆge et au faible poids du nouveau-ne´ ou d’un manque de confiance dans la structure. D’autres e´tudes

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ont prouve´ la bonne acceptabilite´ du BCG pour les enfants a` risque [9,18] et au sein de maternite´s [19]. Nous avons e´value´ la couverture vaccinale par le BCG avant et apre`s la suspension de l’obligation vaccinale universelle sur 2 pe´riodes durant lesquelles les recommandations vaccinales des enfants a` risque (recommandation pre´coce en maternite´) e´taient toutefois identiques. L’acceptabilite´ a e´te´ significativement plus importante durant la 2nde pe´riode, apre`s la suspension de l’obligation vaccinale universelle (81 % contre 66 %). Il est possible que le vaccin BCG jouisse d’une image positive dans cette population d’origine e´trange`re, familiarise´e avec le risque tuberculeux. L’impact me´diatique de la suspension de l’obligation vaccinale a peut-eˆtre conduit certains de ces parents a` revendiquer une vaccination pour leur enfant. De plus, des familles nous ont dit avoir eu connaissance avant la naissance de leur enfant d’une vaccination par le BCG dans notre maternite´ et des difficulte´s pour la re´aliser en ville. Cela a peut-eˆtre facilite´ la vaccination plus pre´coce de leur nouveau-ne´. Il nous semble, cependant, que l’augmentation de la couverture vaccinale en maternite´ est en fait lie´e a` des changements dans nos pratiques. Bien que les recommandations n’aient pas change´, le vaccinateur, craignant que l’enfant ne rec¸oive pas le vaccin ulte´rieurement, peut avoir e´te´ plus persuasif apre`s la suspension de l’obligation vaccinale. On pouvait, en effet, craindre des difficulte´s concernant la pratique du BCG en milieu extra-hospitalier. Une enqueˆte de 2005 a en effet montre´ que 20 % des pe´diatres et 14 % des me´decins ge´ne´ralistes ne souhaitaient pas vacciner par le BCG intradermique [8]. Meˆme apre`s la suspension de l’obligation vaccinale, les praticiens the´oriquement les plus enclins a` suivre les recommandations vaccinales (c’est-a`-dire les abonne´s a` la lettre d’Infovac, organisme regroupant des experts en vaccination), de´claraient que seuls 45 % des jeunes nourrissons a` risque de leur patiente`le e´taient vaccine´s par le BCG [9]. L’e´valuation de la couverture vaccinale a` 3 mois par enqueˆte te´le´phonique a peut-eˆtre e´te´ source de biais. Elle demeurait e´leve´e quelle que soit la pe´riode. Cependant, les vaccinations pre´coces en maternite´ compensaient le faible taux de vaccination ulte´rieur. En conse´quence, on peut craindre une chute de la couverture vaccinale dans la population a` risque en l’absence d’une vaccination cible´e en maternite´.

le dialogue avec les parents nous paraissent jouer un roˆle plus important dans l’acceptabilite´ que la notion d’obligation. Les recommandations officielles de vaccination pre´coce actuellement peu suivies me´riteraient probablement un plus large e´cho afin de prote´ger au mieux les enfants a` risque.

Conflit d’inte´reˆt P.M. Confe´rence : invitations en qualite´ d’intervenant et d’auditeur (frais de de´placement et d’he´bergement pris en charge par une entreprise) pour Sanofi Pasteur MSD, Wyeth et GSK. Autres auteurs : pas de conflit d’inte´reˆt.

Re´fe´rences [1] [2] [3] [4]

[5]

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[9]

[10]

5. Conclusion La mise en place d’une vaccination par le BCG cible´ en maternite´ est possible et le vaccin est bien accepte´ par les familles a` risque. L’acceptation a augmente´ apre`s la suspension de l’obligation vaccinale universelle. Les raisons qui l’expliquent restent floues : opinion positive sur le vaccin conduisant a` une demande parentale, difficulte´s a` faire pratiquer la vaccination en pratique de ville, meilleure persuasion des me´decins vaccinateurs. Dans tous les cas, l’information et

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[12]

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