Douleur et fièvre chez l’animal de compagnie, que faire ?

Douleur et fièvre chez l’animal de compagnie, que faire ?

Actualités pharmaceutiques Ř n° 496 Ř Mai 2010 pratique vétérinaire 42 Douleur et fièvre chez l’animal de compagnie, que faire ? Les phénomènes doul...

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Douleur et fièvre chez l’animal de compagnie, que faire ? Les phénomènes douloureux ou fiévreux chez l’animal de compagnie sont fréquents et leurs origines multiples : coups de chaleur, traumatismes, abcès, arthrose, phlegmon, maladies virales ou bactériennes, voire phénomènes tumoraux…

e pharmacien doit savoir évaluer la gravité de la situation afin de prendre en charge l’animal ou orienter vers un vétérinaire.

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Quels sont les différents types de douleur et leur thérapeutique ? La douleur résultant d’un traumatisme Une douleur d’apparition brutale peut survenir suite à un choc ou traumatisme. Elle se traite par administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou, si elle est importante, la prescription de corticoïdes (une seule injection, puis relais par des AINS ou, durant quelques jours, par un traitement oral avec diminution progressive des doses). Il est primordial de ne jamais associer les deux thérapeutiques au risque de provoquer, notamment, des troubles digestifs majeurs.

La douleur arthrosique C’est la composante inflammatoire qui est principalement responsable de la douleur arthrosique qui est due à des dégâts tissulaires. Ces derniers peuvent également être à l’origine, dans une moindre mesure, d’une douleur neuropathique par compression des terminaisons nerveuses. Ř Le traitement de la douleur et de l’inflammation associée à l’arthrose passe par la prescription d’AINS qui

peuvent diminuer la sensibilité centrale les mêmes effets délétères que les AINS par passage de la barrière hématonon sélectifs. méningée. Par ailleurs, au niveau pulmonaire, les Cependant, les AINS non sélectifs ne prostaglandines sont responsables d’une doivent en aucun cas être associés à un bronchodilatation, ce qui limite l’utilisation autre AINS, un corticoïde ou un inhibiteur des AINS non sélectifs chez les sujets préde l’enzyme de conversion de l’angiosentant un asthme non contrôlé ou atteints tensine (IEC), ceci du fait de leur mode d’affection pulmonaire restrictive. d’action. Les AINS non sélectifs sont déconseillés Ř Les AINS non sélectifs inhibent, tout chez les individus de moins de 10 semaid’abord, les cyclo-oxygénases (COX) de nes du fait de l’immaturité de leur système manière sélective ou non et, de ce fait, d’élimination (rein et foie). limitent la production de prostaglandines Enfin, leur utilisation chez le chat est délimédiatrices de l’inflammation. Or, dans cate, cet animal semblant plus sensible la paroi gastrique, les prostaglandines E aux effets indésirables en raison d’un déficit de glucuronoconjugaison associé et I, dont la synthèse dépend de la COX-1, à une clairance plus lente. possèdent une activité cytoprotectrice Ř Il est préférable d’associer l’antalgipar régulation de l’acidité des sécrétions que avec un glycosaminoglycane qui gastriques. En les inhibant, on s’expose à agira directement au niveau articulaire des risques d’ulcérations des muqueuses en permettant une lubrification de cette digestives, majorés en cas d’association dernière et en diminuant la dégradation avec des corticoïdes. L’utilisation d’un cartilagineuse. AINS sélectif COX-2 peut alors être une solution. Au niveau rénal, ces mêmes prostaglanLa douleur oncogénique dines s’avèrent essentielles au maintien La prévalence de la douleur cancéreuse est du débit sanguin rénal et à la réabsorptrès importante puisque 75 % des sujets tion tubulaire de sodium. Leur inhibition cancéreux en souffriraient (plus dans les fait courir le risque stades avancés et d’une diminution du terminaux). Il s’agit La prévalence de la douleur débit sanguin rénal. habituellement d’un cancéreuse est très importante Les AINS doivent phénomène chronidonc être évités que constitué d’épichez tous les sujets sodes douloureux insuffisants rénaux (risque accru d’insufaigus intermittents. fisance rénale aiguë avec les IEC), les Les douleurs sont, la plupart du temps, la sujets hypovolémiques ou déshydratés, et conséquence directe du développement leur prescription doit être associée, si posde la tumeur (primaire ou secondaire, avec sible, à une perfusion de soluté isotonimétastases) et, dans un quart des cas, du que lors d’hospitalisation ou de chirurgie. traitement mis en place (chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie). Au niveau rénal, les anti-COX 2 présentent

Tous les individus réagissent-ils de la même manière lors de traitement antalgique ? La réponse thérapeutique n’est pas la même chez tous les individus du fait du métabolisme par le cytochrome P450 des principaux analgésiques (AINS, opioïdes et antidépresseurs). Or, ce cytochrome possède des iso-enzymes dotées d’un polymorphisme génétique.

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Ces syndromes douloureux sont généralement de deux types : – douleur par excès de nociception consécutive au développement local de la tumeur ; – douleur par défaut de régulation de l’information douloureuse lors de compression ou d’invasion nerveuse par la tumeur. La douleur aiguë est facile à diagnostiquer et la réponse au traitement généralement bonne. En revanche, les manifestations de la douleur chronique sont plus frustres : dépression, anorexie, isolement, troubles du sommeil, etc., et donc plus difficiles à reconnaître. La douleur chronique altère de façon non négligeable la qualité de vie de l’animal et la réponse au traitement analgésique est souvent mitigée. Ř Les AINS et les morphiniques sont les principales molécules utilisées dans la douleur cancéreuse chronique. Ils sont efficaces sur les douleurs par excès de nociception. Aux doses les plus élevées, les morphiniques peuvent même présenter une efficacité sur les douleurs neurogènes. C’est la raison pour laquelle ils doivent toujours être inclus dans un protocole de traitement anticancéreux. Mais les molécules les plus efficaces sur les douleurs neurogènes restent les antidépresseurs tricycliques qui renforcent l’action des fibres nerveuses inhibitrices du message nociceptif. Comme chez l’homme, l’opioïde le plus utilisé chez les animaux de compagnie pour gérer les douleurs chroniques cancéreuses est la morphine par voie orale. Il convient de bien déterminer sa dose efficace de la manière suivante : 1- évaluation de la douleur à l’instant T0 ; 2- administration d’une dose de morphine à durée de vie courte (Actiskénan®, Sévrédol®) à 1 mg/kg à T0 par voie orale ; 3- évaluation de la douleur à T + 6 heures (durée d’action par voie orale) ; en cas de diminution insuffisante de la douleur : administration d’une dose supplémentaire de 1 mg/kg ; 4- évaluation de la douleur à T + 12 heures ; si la douleur est maîtrisée, la dose efficace de morphine est de 1 + 1 mg/kg/ 12 heures et un relais est alors possible avec des formes LP.

La constipation, systématique lors d’administration d’un morphinique sur une longue durée, doit être combattue à l’aide de laxatif de type lactulose. D’autres effets indésirables peuvent être constatés comme des vomissements, une dépression respiratoire ou des rétentions urinaires, mais beaucoup plus rarement. Les morphiniques possèdent une synergie d’action avec les AINS, les α2-agonistes, la kétamine, les anesthésiques locaux (lidocaïne à 4 mg/kg) et les antidépresseurs. Dans les douleurs très importantes, le fentanyl, qui est 80 à 150 fois plus puissants que la morphine, peut être choisi. Ř Les antidépresseurs peuvent également être utilisés : la clomipramine l’est ainsi chez le chien à la dose de 2 à 4 mg/kg/ jour en deux prises et chez le chat à celle de 0,25 à 0,5 mg/kg/jour en une à deux prises. Dans le cadre de douleurs chroniques, ils présentent deux avantages : – le soulagement de la dépression réactionnelle à la douleur (très importante pour le propriétaire) ; – une action antalgique sur les douleurs neurogènes (au même titre que le tramadol). Ř Lors d’accès aigus, les morphiniques par voie générale sont les plus efficaces, mais les anticonvulsivants (phénytoïne : 2 à 20 mg/kg/jour en deux prises ; gabapentine : 35 mg/kg/jour ; diazépam : 0,25 à 1 mg/kg/jour ; carbamazépine : 10 à 15 mg/kg/jour) ont également un intérêt en cas de douleurs neurogènes aiguës fulgurantes (compression ou invasion nerveuse par la tumeur).

Quels sont les principaux antalgiques utilisés en médecine vétérinaire ? Les antalgiques de palier I (douleur légère à modérée), les AINS Ř Les médicaments à usage vétérinaire : – acide tolfénamique (Tolfédine ® ) : 4 mg/kg/jour en une prise ; – carprofène (Carprodyl ®, Rimadyl ®, contre-indiqués chez le chat) : 4 mg/kg en une prise quotidienne. Excellente tolérance gastrique et bonne sécurité rénale ; – flunixine (Finadyne®) : 1 mg/kg/jour en une prise. Effets digestifs parfois importants ;

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– meloxicam (Metacam ®, Méloxidyl®) : 0,2 mg/kg en injection sous-cutanée chez le chien ; 0,3 mg/kg chez le chat, une fois par jour ou 0,1 mg/kg par voie orale, une fois par jour également. Très bonne tolérance gastrique et aucun effet secondaire rénal, ce qui rend possible une utilisation prolongée. Autorisation de mise sur le marché pour une utilisation en pré-opératoire et dans le traitement de l’arthrose.

À noter Ř/DWHPS«UDWXUHUHFWDOHQRUPDOHGXFKLHQ et du chat se situe à 38-38,5 °C. Ř&KH]OHFKDWOHVK\SHUWKHUPLHVGHVWUHVV dues à une décharge de cortisol résultant d’une peur, sont très fréquentes. Il faut donc être réservé lorsque la température n’excède pas 39 °C.

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Comment combattre une hyperthermie ?

Ř Les médicaments à usage humain : – Nifluril ® : 6 mg/kg chez le chien et 2,5 mg/kg chez le chat, matin et soir ; – aspirine : 25 mg/kg, 3 fois par jour chez le chien ; contre-indication chez le chat en dehors du traitement des thrombo-embolies (10 à 20 mg/kg, les injections devront être espacées de 72 heures) ; – kétoprofène : 2 mg/kg en injection souscutanée ou 1 mg/kg par voie orale, en une seule prise journalière ; – ibuprofène : 10 mg/kg deux fois par jour, puis 5 mg/kg après 10 jours de traitement. Effets digestifs parfois importants ; – paracétamol : 15 mg/kg 3 fois par jour chez le chien (troubles digestifs importants) ; contre-indication majeure chez le chat (méthémoglobinisant dans cette espèce, responsable de nombreux cas d’intoxications mortelles chaque année).

Attention, Chez les sujets insuffisants rénaux, il convient de réduire les doses d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de surveiller régulièrement les paramètres rénaux.

Les AINS sont indiqués dans les douleurs de pallier I, mais peuvent être insuffisants dans le cadre de douleurs plus intenses. La forte fixation des AINS aux protéines plasmatiques peut être à l’origine d’interactions médicamenteuses avec les agents également fortement fixés, comme les barbituriques, les anticoagulants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, et ainsi induire un risque de surdosage.

Les antalgiques de palier II (douleur modérée à sévère) Ř%XWRUSKDQRO 7RUEXJ«VLF®) : – 0,2 à 0,6 mg/kg chez le chien en injection sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse ; – 0,1 à 0,4 mg/kg chez le chat en injection intraveineuse ; 0,4 à 0,8 mg en injection intramusculaire ou sous-cutanée. La durée d’action est de 5 à 6 heures. ŘMorphine : 0,1 à 0,2 mg/kg toutes les 4 heures (6 heures chez le chat).

Les antalgiques de palier III (douleur sévère à très intense) Ř)HQWDQ\O 'XURJ«VLF®) à la posologie de 2,2 à 6,6 μg/heure/kg, soit : – pour un poids inférieur à 3 kg : 1/2 patch de 25 μg/heure ;

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En cas d’hyperthermie avérée, les principales molécules utilisées sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens, notamment Tolfédine®, ou des glucocorticoïdes. Mais de simples mesures de refroidissement peuvent suffire : pack de glace au niveau des coussinets, hydratation cutanée avec une solution froide, ventilation, abreuvement, perfusion pour éviter un choc. Attention, toutefois, à ne pas combattre toutes les hyperthermies car la fièvre relève d’un phénomène de défense de l’organisme. Il peut donc parfois être profitable, pour l’animal, de ne pas la traiter pendant quelques jours si elle n’est pas trop importante.

– pour un poids compris entre 3 et 10 kg : 1 patch de 25 μg/heure ; – pour un poids compris entre 10 et 20 kg : 1 patch de 50 μg/heure ; – pour un poids compris entre 20 et 30 kg : 1 patch de 75 μg/heure ; – pour un poids supérieur à 30 kg : 1 patch de 100 μg/heure ou 2 patchs de 75 μg/heure. L’efficacité se fait sentir au bout de 10 à 12 heures et durant 2 à 4 jours chez le chien et 5 à 6 jours chez le chat. Ř0RUSKLQH 0,1 à 0,2 mg/kg toutes les 4 heures (6 heures chez le chat) en injection sous-cutanée ou par voie orale (en cas de spécialité à libération prolongée, une seule administration journalière est suffisante).  6«JROªQH&RXUWLQ'RQDV Docteur en pharmacie, docteur vétérinaire, Ecully (69) [email protected]

Pour en savoir plus Junot S. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens : bien les utiliser. Point Vétérinaire 2006 ; 270 : 20-6. Michon P. Sensibilisation centrale lors de douleur arthrosique. Point Vétérinaire 2006 ; 266 : 12-3. Steux R. Gestion médicamenteuse de la douleur cancéreuse. Point Vétérinaire 2006 ; 266 : 54-8.