Hypercholestérolémie de l’enfant : quand traiter ?

Hypercholestérolémie de l’enfant : quand traiter ?

500 Pour la pratique Hypercholestérolémie de l’enfant : quand traiter ? Hypercholesterolemia in children: When to treat? J.-P. Girardet Service de ...

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Pour la pratique

Hypercholestérolémie de l’enfant : quand traiter ? Hypercholesterolemia in children: When to treat?

J.-P. Girardet Service de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, Hôpital Armand-Trousseau, AP-HP, Paris.

Résumé Certaines hypercholestérolémies (HC) observées chez l’enfant comportent un risque élevé d’athérosclérose précoce et de complications cardiovasculaires prématurées. C’est le cas des hypercholestérolémies monogéniques transmises sur le mode autosomique dominant, et principalement de l’hypercholestérolémie familiale causée par une anomalie du gène du récepteur du LDL. Ce sont ces formes monogéniques graves d’HC qui peuvent relever d’un traitement hypocholestérolémiant dès l’enfance, afin de stopper ou de ralentir le développement de lésions d’athérosclérose encore silencieuses, et de prévenir l’insuffisance coronarienne prématurée de l’adulte. La conduite pratique permettant de repérer les hypercholestérolémies héréditaires à risque élevé est précisée, ainsi que les indications, les principes et la surveillance du traitement médicamenteux.

Mots-clés : Hypercholestérolémie familiale – enfants – traitement – diététique – statine.

Summary Among hypercholesterolemias (HC) observed in children, some of them are at high risk of early atherosclerosis and premature cardiovascular disease. This is the case of monogenic dominantly inherited HC, and mainly of familial hypercholesterolemia caused by a variety of LDL receptor gene mutations. These severe forms of HC can require a lipidlowering therapy at a young age in order to stop or to reduce the silent development of atherosclerotic lesions and to prevent premature coronary heart disease in adults. The practical approach for identifying high-risk inherited HC is specified, as the indications and supervision of lipid-lowering drug therapy.

Key-words: Familial hypercholesterolemia – children – treatment – diet – statin.

Introduction Correspondance : Jean-Philippe Girardet Service de gastroentérologie et nutrition pédiatriques Hôpital Armand-Trousseau 26, avenue du Docteur Arnold-Netter 75571 Paris cedex 12 [email protected] © 2012 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

La prise en charge des hypercholestérolémies (HC) de l’enfant dépend de l’importance du risque cardiovasculaire qui leur est associé. En effet, si les complications cardiovasculaires de l’HC ne surviennent pas pendant l’enfance, l’on sait cependant que l’athérosclérose est un processus qui

débute très précocement, dès l’âge de 2 ou 3 ans, et se développe ensuite silencieusement jusqu’à l’âge adulte. Dès l’enfance, l’athérosclérose est très étroitement corrélée au taux de LDLcholestérol (LDL-C) plasmatique  [1]. Les HC de l’enfant justifient donc, dans tous les cas, au minimum des conseils diététiques d’équilibre alimentaire et une surveillance.

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Hypercholestérolémie de l’enfant : quand traiter ?

Mais toutes les HC de l’enfant ne comportent pas le même risque. Certaines d’entre elles, transmises de façon héréditaire sur un mode dominant, comportent un risque important d’accidents cardiovasculaires prématurés à l’âge adulte et une diminution de l’espérance de vie. La plus fréquente d’entre elles est l’HC familiale (HF) due à une mutation sur le gène des récepteurs du LDL. Il s’agit d’un trouble fréquent, puisque sa prévalence à l’état hétérozygote est de 1/500 dans la population générale [2, 3]. D’autres hypercholestérolémies monogéniques dominantes, athérogènes, ont été plus récemment identifiées, telles que la déficience familiale en apolipoprotéine B100 due à une mutation sur le gène de cette apolipoprotéine, ligand des particules LDL aux récepteurs [4]. Ce sont ces formes monogéniques graves d’HC qui peuvent relever d’un traitement hypocholestérolémiant dès l’enfance, afin de stopper ou ralentir le développement de lésions d’athérosclérose encore silencieuses, et de prévenir l’insuffisance coronarienne prématurée de l’adulte. Les indications du traitement hypocholestérolémiant, ses modalités et sa surveillance chez l’enfant ont été précisées par des recommandations récentes, établies conjointement par le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie et la Nouvelle société française d’athérosclérose [5]. Deux conditions préalables doivent être remplies avant de débuter un traitement hypocholestérolémiant à cet âge : − avoir fait le diagnostic d’HC monogénique dominante ; − demander un avis spécialisé afin de préciser l’indication thérapeutique en fonction du niveau du LDL-C, des autres facteurs de risque éventuels et de l’âge de l’enfant.

Reconnaître les HC familiales (HF) L’HF est la plus fréquente des HC monogéniques Elle est causée par une anomalie du gène du récepteur du LDL (mutation, délétion). La forme homozygote est très

rare (1/1 million), et se reconnaît facilement et précocement par la présence de xanthomes et de manifestations athéromateuses avant l’âge de 10 ans. À l’inverse, les formes hétérozygotes sont fréquentes. Leur prévalence est estimée à 1/500 et elles sont cliniquement silencieuses pendant l’enfance. Leur seule expression constante et détectable dès le plus jeune âge est l’élévation isolée du LDL-C, qui peut atteindre des valeurs supérieures à deux fois la normale [2, 3]. Bien qu’ils soient asymptomatiques, les enfants ayant une HF vont développer une athérosclérose progressive, authentifiée par les techniques d’imagerie non invasive, qui montrent une augmentation de l’épaisseur intima-média (EIM) artérielle et des signes de dysfonction endothéliale, connus pour être prédictifs de complications cardiovasculaires ultérieures [6]. L’HF hétérozygote est, en effet, une maladie grave, associée à un risque élevé de complications cardiovasculaires prématurées chez le jeune adulte. Chez les sujets hétérozygotes, la probabilité de morbidité coronarienne à 50 ans est de 50 % chez les hommes et de 20 % chez les femmes [2]. L’augmentation du risque coronarien prématuré a été confirmée par l’étude britannique du Simon Broome Register Group  [7], qui montre que le risque de mortalité coronarienne avant l’âge de 40 ans est multiplié par 125 chez les femmes hétérozygotes et par 48 chez les hommes. D’autres HC héréditaires monogéniques dominantes s’exprimant dès l’enfance ont été identifiées, et s’accompagnent également d’un risque vasculaire élevé. C’est le cas, notamment, de la déficience familiale en apolipoprotéine B (ApoB), due à une mutation du gène codant l’apolipoprotéine B100 (Arg3500Gln, ou Arg3527Gln dans la nouvelle nomenclature), dont la prévalence dans la population générale française est de l’ordre de 1/1 200 [4].

la moitié des frères et sœurs, sont également hypercholestérolémiques. L’enquête familiale doit donc comporter une exploration des anomalies lipidiques (détermination du LDL-C) chez les apparentés du 1er degré et rechercher la prise de médicaments hypocholestérolémiants et/ou l’existence d’accidents cardiovasculaires prématurés dans les familles paternelle et maternelle. Certains critères cliniques et biologiques sont statistiquement prédictifs d’une forme héréditaire : − l’existence de complications cardiovasculaires prématurées chez un parent ou un grand-parent et/ou la notion d’un traitement hypocholestérolémiant chez un des deux parents ; − un LDL-C initialement supérieur à 2,50 g/l et restant supérieur à 1,90 g/l après 4 à 6  mois de traitement diététique [9]. Au terme de cette enquête, il est possible de distinguer ces formes monogéniques des formes polygéniques. Au cours de ces dernières, le LDL-C est souvent moins élevé et, surtout, l’on ne retrouve pas dans la famille les caractéristiques d’une transmission mendélienne dominante. Leur risque à l’âge adulte n’est pas connu de façon précise [10]. Lorsque le diagnostic est difficile, le test génétique à la recherche d’une mutation sur le gène du récepteur des LDL ou de l’ApoB est essentiel. Certains proposent cette recherche plus systématiquement [5, 11].

Indications et modalités du traitement hypocholestérolémiant Chez les enfants ayant une HC monogénique, l’indication de débuter un traitement médicamenteux demande un avis spécialisé prenant en compte le niveau du LDL-C, l’âge et les autres facteurs de risque cardiovasculaire.

En pratique Le diagnostic d’HF repose sur la recherche des antécédents familiaux et sur le profil biologique de l’enfant avant et après quelques mois d’un traitement diététique bien suivi [8]. La transmission étant dominante, l’un des deux parents et, statistiquement,

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Le seuil d’intervention Un traitement médicamenteux est indiqué chez les enfants ayant une hypercholestérolémie monogénique lorsque le LDL-cholestérol reste supérieur à 1,90 g/l après une période d’au moins 6 mois de traitement diététique.

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Pour la pratique

Ce seuil peut être abaissé à 1,60 g/l s’il existe d’autres facteurs de risque, tels qu’une hypertension artérielle, une obésité, un tabagisme passif, un diabète, un HDL-cholestérol bas, une lipoprotéine(a) [Lp(a)] supérieure ou égale à 0,50 g/l, mais surtout s’il existe dans la famille (parents ou grands-parents) des accidents cardiovasculaires prématurés.

L’âge de début du traitement L’âge de début du traitement reste débattu. La plupart des recommandations préconisent de débuter le traitement à partir de 8  ans, mais un traitement plus précoce peut être justifié dans des formes sévères, ou en cas d’autres facteurs de risque cliniques ou biologiques associés, ou, surtout, s’il existe des antécédents familiaux d’accidents cardiovasculaires majeurs et précoces [5, 10, 12, 13].

Les modalités du traitement médicamenteux Lorsqu’un traitement médicamenteux est indiqué, les statines sont, comme chez l’adulte, recommandées en première intention  [5,  13]. Les études cliniques récentes ont justifié l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de l’hypercholestérolémie de l’enfant, à partir de 10 ans et plus, pour trois statines : − la pravastatine 10 mg et 20 mg ; − l’atorvastatine 10 mg ; − la rosuvastatine 5 mg. Les posologies conseillées sont (d’après le Dictionnaire Vidal® 2012) : − pour la pravastatine, de 20 mg par jour, pouvant être portée à 40 mg par jour ultérieurement ; − pour l’atorvastatine, de 10 mg par jour, à partir de 10 ans ; cette dose pouvant être augmentée à 20 mg par jour après 4 semaines en fonction de l’évolution de la cholestérolémie et de la tolérance ; − pour la rosuvastatine, de 5  mg par jour  ; les doses usuelles variant de 5 mg à 20 mg par jour en fonction de la réponse individuelle au traitement. L’objectif thérapeutique est d’abaisser la concentration plasmatique de LDL-C le plus près possible des valeurs normales pour l’âge (tableau I) et, dans tous les cas, au-dessous de 1,60 g/l. L’obtention de cet objectif est évaluée après 1 à

Tableau I : Valeurs normales et pathologiques (g/l) des lipides et lipoprotéines plasmatiques chez l’enfant [d’après 1, 2]. Souhaitables

Élevées

Cholestérol total

< 1,70

> 2,00

LDL-cholestérol

< 1,10

> 1,30

HDL-cholestérol

> 0,40

Apolipoprotéines B (ApoB)

< 0,90

> 1,10

Triglycérides − avant 10 ans − après 10 ans

< 0,75 < 0,90

> 1,00 > 1,30

Conclusion Le traitement de l’HF de l’enfant a pour objectif de réduire à long terme le risque de maladie cardiovasculaire. Il fait l’objet de consensus et de recommandations d’experts, car, à cet âge, il est impossible de réaliser des études d’intervention pour évaluer ses effets sur les événements cardiovasculaires. Ces recommandations reposent donc sur l’évaluation des données disponibles chez l’enfant et une extrapolation des données obtenues chez l’adulte. En raison de l’absence d’information sur les effets à très long terme des statines, le traitement doit être proposé après un traitement diététique bien conduit de plusieurs mois, en débutant par de faibles doses, et doit faire l’objet d’une surveillance régulière. Il est réservé aux formes d’HC qui ont le pronostic le plus sévère, c’est-à-dire aux formes héréditaires autosomiques dominantes.

3  mois de traitement, puis, durant sa pérennisation, tous les 3 à 6 mois [5]. La bonne tolérance et l’efficacité des statines, tant sur le LDL-C que sur les anomalies fonctionnelles artérielles, ont été montrées sur de larges populations d’enfants âgés de 8 ans et plus atteints d’HF [14-18]. Une surveillance clinique et biologique (transaminases [ASAT, ALAT], créatine phosphokinase [CPK]) doit être effectuée 1 à 3 mois après le début du traitement médicamenteux, puis au minimum chaque année. Les valeurs seuils devant conduire à l’interruption du traitement sont de 3 fois la limite supérieure de la norme pour les transaminases et de 5  fois la limite supérieure de la norme pour la CPK. Les adolescentes doivent être informées des risques des statines en cas de grossesse et de la nécessité d’interrompre le traitement à l’arrêt de la contraception en vue d’une grossesse [5]. Déclaration d’intérêt L’auteur a déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec cet article.

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Hypercholestérolémie de l’enfant : quand traiter ?

Les points essentiels • Un traitement médicamenteux peut être indiqué chez les enfants en cas d’hypercholestérolémie familiale, afin de réduire le risque de complications cardiovasculaires prématurées à l’âge adulte. • Le traitement médicamenteux doit toujours être précédé de mesures diététiques pendant 3 à 6 mois, avant d’être débuté. • Lorsqu’un traitement médicamenteux est indiqué : − il doit être débuté sur avis spécialisé, prenant en compte le niveau du LDL-C sous traitement diététique, ainsi que les facteurs de risque cardiovasculaire associés ; − les statines peuvent être utilisées en première intention, dès l’âge de 8 ans.

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