Neurochirurgie 54 (2008) 724–726
Table ronde : Hypertension intracrânienne bénigne
Hypertension intracrânienne idiopathique : indication d’une dérivation du liquide cérébrospinal Idiopathic intracranial hypertension: Indication for cerebrospinal fluid shunting M. Zérah ∗ , C. Ginguene , F. Di Rocco , T. Roujeau Service de neurochirurgie pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-malades, université Paris-V, AP–HP, 149, rue de Sèvres, 75473 Paris cedex 15, France Rec¸u le 1er octobre 2007 ; accepté le 5 d´ecembre 2007 Disponible sur Internet le 12 novembre 2008
Abstract Idiopathic intracranial hypertension is clearly defined by the Friedmann and Jacobson criteria, followed by the McGirt et al. criteria. Several therapeutic options are still being debated. Cerebrospinal fluid shunting is the most common treatment, because it is simple, non invasive, and has a low rate of complications. © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Résumé Bien cernée par les critères de Friedmann et Jacobson puis McGirt et al., l’hypertension intracrânienne idiopathique fait l’objet de multiples options thérapeutiques. La dérivation du liquide cérébrospinal reste la thérapeutique la plus utilisée compte tenu de sa simplicité et de son efficacité. © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Keywords: Idiopathic intracranial hypertension; CSF shunting Mots clés : Hypertension intracrânienne idiopathique ; Dérivation du liquide cérébrospinal
1. Introduction L’hypertension intracrânienne bénigne peut être définie par les cinq critères proposés par Friedman et Jacobson (Friedman et Jacobson, 2002) augmentés du critère de McGirt et al. (2004) : • une symptomatologie en rapport avec une hypertension intracrânienne diffuse ou un œdème papillaire ; • une augmentation de la pression intracrânienne supérieure à 25 cm H2 O mesurée en décubitus latéral ; • une analyse du liquide cérébrospinal (LCS) normal ; • une absence d’hydrocéphalie, de processus occupant de l’espace ou de lésion vasculaire sur l’IRM ; ∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Zérah).
0028-3770/$ – see front matter © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.neuchi.2008.10.006
• aucune autre cause systémique d’hypertension intracrânienne ; • une amélioration transitoire des céphalées après ponction lombaire évacuatrice (McGirt et al.). C’est une pathologie rare en pédiatrie et se voit surtout chez la fille en période péripubertaire. Son incidence est estimée à un sur 100 000 cas par an, tous âges confondus (Durcan et al., 1988). Elle peut également être observée chez l’enfant à une fréquence moindre (Babikian et al., 1994). Avant l’âge de 12 ans, il n’existe pas de prédisposition féminine et la relation avec l’obésité est controversée (K. Gordon, 1997 ; S. Lessell, 1992). Dans notre expérience neurochirurgicale pédiatrique, elle représente 0,2 % des admissions, soit trois nouveaux cas par an. Cette incidence est probablement sous-estimée, un certain nombre
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Tableau 1 Efficacité du traitement sur la vision. Efficacy of the treatment on vision. Auteurs
n
Âge
Œdème papillaire (%)
Acuité (%)
CV (%)
Chumas et al., 1993a,b Eggenberger et al., 1996 Bynke et al., 2004 Burgett et al., 1997 Orssaud et al., 2001a
10 27 17 30 (168) 15/22
E A+E A+E A+E E
100 100 100 100 100
100 100 68 86,6
100 100 (69) 75
A : adultes ; E : enfants. A: adults; E: children. a Traitement médical seul : sept ; DLP : 15 dont 11 ablations définitives.
d’enfants étant pris en charge directement en ophtalmologie. Les options thérapeutiques sont multiples : • • • •
le traitement médical (acétazolamide et/ou corticoïdes) ; la neurochirurgie (dérivation du LCS) ; l’ophtalmologie (décompression de la gaine du nerf optique) ; le traitement « étiologique » : ◦ des anneaux gastriques pour traiter l’obésité, ◦ un stent pour traiter l’hyperpression veineuse.
2. Les dérivations du LCS Elles restent le traitement chirurgical le plus utilisé, même si au cours de ces dernières années les autres options thérapeutiques—et en particulier la chirurgie de la gaine du nerf optique—sont de plus en plus souvent proposées (Eggenberger et al., 1996 ; Thuente et Buckley, 2005). Tous les sites de soustractions et de diversions de liquides ont été décrits. Les deux dérivations les plus souvent utilisées chez l’enfant restent les dérivations ventriculopéritonéales et les dérivations lombopéritonéales. Une récente étude sur 2779 dérivations pour hypertension intracrânienne idiopathique (HII) retrouve 54 % de dérivations lombaires pour 39 % de dérivations ventriculaires (Curry et al., 2005). Les indications de ces dérivations restent controversées. Notre protocole est basé sur un bilan comportant une imagerie par IRM encéphalique et médullaire et un bilan ophtalmologique (acuité et champ visuels, fond d’œil) et une recherche des causes connues (en particulier médicamenteuses et vasculaires). Le premier traitement proposé est toujours une ponction lombaire soustractive (avec étude biochimique et anatomopathologique du LCS) et mise en route d’un traitement médical (acétazolamide et corticoïdes). En cas d’échec de ce traitement ou en cas de baisse importante et rapide de l’acuité visuelle, une dérivation est réalisée. Nous avons toujours préféré la voie lombaire à la voie ventriculaire. Une tentative d’ablation de cette dérivation est réalisée entre le deuxième et le quatrième mois postopératoire. Dans 20 % des cas, une récidive de la symptomatologie après l’ablation nous a conduits à la mise en place d’une dérivation définitive toujours lombopéritonéale. Les enfants sont alors surveillés par une IRM annuelle à la recherche d’un Chiari induit, ce qui n’a jamais été observé dans notre série comme dans celle de Rekate et Wallace (2003).
Quelle que soit la technique utilisée, les résultats sont bons tant sur la vision et l’œdème papillaire, qui disparaît en moyenne en trois mois (Bynke et al., 2004), que sur l’hypertension intracrânienne (Tableaux 1 et 2). Le choix de la voie d’abord repose donc sur la facilité du geste chirurgical et son taux de complications. La mortalité est faible, mais non nulle (0,9 % pour les dérivations ventriculaires, 0,3 % pour les dérivations lombaires) (Curry et al., 2005). Les arguments en faveur de la dérivation lombaire sont : • l’absence d’effraction cérébrale ; • la possibilité d’insertion quelle que soit la taille des ventricules ; • la possibilité de réaliser l’intervention sous anesthésie locale (chez l’adulte) ; • le plus faible taux d’infection inférieur à 2 % (Eggenberger et al., 1996) ; • l’absence d’obstruction proximale ; • l’absence d’hématome sous-dural. Les arguments qui s’opposent à sa réalisation sont : • le développement d’une arachnoïdite spinale en cas d’insertion définitive ; • l’hypotension intracrânienne postopératoire (Eggenberger et al., 1996) ; • l’existence de rachialgies ou de radiculopathies séquellaires (Eisenberg et al., 1971 ; Rosenberg et al., 1993 ; Salman et al., 2001) ; Tableau 2 Efficacité du traitement sur l’hypertension intracrânienne et les céphalées. Efficacy of the treatment on intracranial hypertension and headaches. Auteurs
n
Âge
Céphalées (%)
HIC
Chumas et al., 1993a,b McGirt et al., 2004 Johnston et al., 2001 Eggenberger et al., 1996 Bynke et al., 2004 Burgett et al., 1997 Orssaud et al., 2001
10 42
E A
27 17 30 (168) 15/22
A+E A+E A+E E
100 95 100 90 100 94 100
100 100 94 100
A : adultes ; E : enfants ; HIC : hypertension intracranîenne. A: adults; E: children; HIC: raised intracranial pressure.
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Tableau 3 Complications des dérivations du LCS. Complications of CSF shunting. Auteurs
n
Âge
Chiari (%)
DLP
DVP (%)
Chumas et al., 1993a,b
10
E
70
McGirt et al., 2004 Eggenberger et al., 1996
42 27
A A+E
16 révisions/7 enfants 40 % d’hyperdrainage 86 % 56 % 15 % d’hyperdrainage
44
Bynke et al., 2004 Burgett et al., 1997
17 30 (168)
A+E A+E
Orssaud et al., 2001
15/22
E
0 0
41
0
55 % 4,2 révisions/patients 1 patient = 38 révisions 1 patient = 29 révisions 5 enfants (migrations) 1 enfant = 11 révisions 5 hyperdrainages transitoires
A : adultes ; E : enfants ; DLP : dérivation lombopéritonéale ; DVP : dérivation ventriculopéritonéale. A: adults; E: children; DLP: lumboperitoneal shunt; DVP: ventriculoperitoneal shunt.
• un plus fort taux de complications mécaniques (Bynke et al., 2004) ; • l’apparition de déformation rachidienne (scoliose) postchirurgicale ; • la possibilité d’apparition d’un Chiari acquis (Chumas et al., 1993a,b). En fait, les déformations rachidiennes ont disparu depuis l’utilisation de technique percutanée et étaient uniquement décrites lors d’abords rachidiens chirurgicaux (cathéter en T de Hoffman). Quand au Chiari induit, il semble rare dans cette indication et réversible. Aucune forme symptomatique n’a été décrite chez l’enfant dans le traitement des HII. Les contre-arguments en faveur des dérivations ventriculaires sont : • la possibilité de réaliser la dérivation même en cas de ventricules très fin si besoin sous neuronavigation ou en condition stéréotaxique (Tulipan et al., 1998) ; • l’absence de complication de charnière ou rachidienne et le plus faible taux de complications mécaniques (Tableau 3). En conclusion, les dérivations du LCS restent un traitement efficace et simple de l’HII. Aucune étude ne permet de privilégier le mode de dérivation, ni le choix de cette dérivation à la chirurgie de la gaine du nerf optique. Références Babikian, P., Corbett, J., Bell, W., 1994. Idiopathic intracranial hypertension in children: the Iowa experience. J Child Neurol 9, 144–149. Burgett, R.A., Purvin, V.A., Kawasaki, A., 1997. Lumboperitoneal shunting for pseudotumor cerebri. Neurology 49, 734–739. Bynke, G., Zemack, G., Bynke, H., et al., 2004. Ventriculoperitoneal shunting for idiopathic intracranial hypertension. Neurology 63, 1314–1316.
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