Hypophosphorémie sévère au cours d'un syndrome de choc toxique

Hypophosphorémie sévère au cours d'un syndrome de choc toxique

( ~ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 7 : 73-75, 1988 Hypophosphor choc toxique CA$ CLINIQUE mie sdv re au cours d'un syndrome de Severe hypoph...

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( ~ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 7 : 73-75, 1988

Hypophosphor choc toxique

CA$ CLINIQUE

mie sdv re au cours d'un syndrome de

Severe hypophosphataemia during toxic shock syndrome J.M. S A I S S Y *, B. ROUVIN *, G. D O N N A R D *, J. B R I S O U **, J. C H A T E A U * • Service d'Anesthesie-R6animation, F 83800 Toulon-Naval

et ** Service de BactOriologie, HOpital d'lnstruction des Armees Sainte-Anne,

RESUME: U n e observation de syndrome de choc toxique avec hypophosphor6mie, survenu en p6riode menstruelle chez une patiente de 21 ans utilisant des tampons p6riodiques, est rapport6e. L'apparition au quatri6me jour d'dvolution d'un syndrome neurologique avec troubles de la conscience et hyperventilation associ6s h une hypophosphor6mie s6vere fait discuter la pathogdnie et le r61e de l'hypophosphordmie dans le syndrome de choc toxique.

ABSTRACT: A case of toxic shock syndrome occurring during a menstrual period, and associated with severe hypophosphataemia, is reported. The patient was a 21-year old woman using tampons. On the fourth day, she developed encephalopathy with decreased consciousness and hyperventilation. Severe hypophosphataemia was noted. A phage-group-1 Staphylococcus aureus, producing TSST-1 and enterotoxin A, was isolated from vaginal, pharyngeal and skin sites. Pathogenesis and role of hypophosphataemia in toxic shock syndrome are emphasized.

Une patiente Noire Am6ricaine, ag6e de 21 ans, est hospitalis6e en urgence pour une hyperthermie apparue 48 h auparavant, associ6e ~a un 6ryth~me progressif ~_ d6but palmo-plantaire. A l'entrde, la malade est consciente, la temp6rature rectale est ga 39 "C, la pression art6rielle systolique ~t 80 m m H g et la fr6quence cardiaque h 120 b . rain 1. L'examen clinique r6vhle une 6rythrodermie diffuse avec md6me sous-cutan6. La palpation des masses musculaires et de I'abdomen est douloureuse. I1 existe une h6patom6galie r6guli6re, d6bordant de 6 cm le rebord costal. La muqueuse pharyng6e est hyperh6mi6e, les

amygdales discr6tement hypertrophi6es et 6rythdmateuses. Les examens biologiques notent une hypoprotiddmie fi 52 g . l t, des CPK plasmatiques 61ev6s ~ 600 UI - 1 ~, une hyperleucocytose 't 17 410 globules blancs par mm 3, dont 93 % de polynucldaires neutrophiles. La malade 6tant en fin de pdriode menstrue[le et utilisant des tampons pdriodiques, le diagnostic de syndrome de choc toxique est 6voqu6. Des pr61~vements vaginaux, pharyngds et cutan6s au niveau d'une ulc6ration de la cuisse gauche, ainsi que six h6mocultures sont pratiquds. Un traitement associant rdhydratation par vole veineuse pdriph6rique et antibioth6rapie (oxacilline : 100 mg - kg ~ - 24 h -j) est mis en (euvre. Apr6s 12 h d'hospitalisation, apparaissent des troubles du cornportement avec alternance d'6pisodes d'agitation psych°m°" trice avec agressivit6 et de phases de 16thargie avec obnubilation. A l'examen clinique, la force musculaire est globalement diminu6e, les r6flexes ost6o-tendineux et idio-musculaires sont abolis, I1 n'y a aucun signe neurologique de localisation. L'aggravation des troubles de la conscience' associ6s ~ une hyperventilation h type de dyspn6e de Cheyne-Stokes, responsable d'une alcalose gazeuse ( p H : 7,46; Paco, : 31,4 mmHg ou 4,08 k P a ; Pao2: 100 mmHg ou 13 k P a ; H C O 3 : 2 2 , 3 mmol - 1 i ; Sao2 : 97,4 %), conduit ~ l'admission de la malade en unit6 de soins intensifs. Un examen tomodensitom6trique c6r6bral et une ponction lombaire n'objectivent aucune anomalie. Sur le plan biologique, la phosphor6mie est ~ 0,70 m m o l - I -~ avec phosphaturie 8,2 mmol - 1 J, la calc6mie ~ 2,01 m m o l . I J avec calciurie "a

Re~:u le 21 septembre 1987 ; accept6 apr6s rdvision le 16 novembre 1987.

TirOs a part : J.M. Saissy. H6pital d'Instruction des Armdes A. Laveran. 13013 Marseille-Arm6es.

Les hypophosphor6mies sont fr6quentes au c o u r s d e s 6 t a t s s e p t i q u e s g r a v e s [9]. D a n s le s y n drome de choc toxique, une hypophosphor6mie est tr~s s o u v e n t r e t r o u v 6 e [4, 5], s a n s q u e s o n r61e d a n s la s y m p t o m a t o l o g i e clinique ait jamais, notre connaissance, 6t6 6voqu6. Une observation de syndrome de choc toxique avec hypophosphordmie s6v~re, c'est-~t-dire infdrieure h 0,32 mmol. 1-~ s e l o n l e s c r i t 6 r e s d e K N O CHEL [7], e s t r a p p o r t d e . E l l e p e r m e t d e d i s c u t e r le mdcanisme e t le r61e d e l ' h y p o p h o s p h o r 6 m i e dans un syndrome d o n t la p h y s i o p a t h o l o g i e reste real connue.

OBSERVATION

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0,5 mmol . 1 ~, la protiddmie h 52 g - I ~ avcc albulnindn3ic il 24 g - I ~. Apres 36 h d'hospitalisation, le tableau cliniquc cst inchange, mais l'alcalosc gazeuse s'est aggravde avec apparition d ' u n e hypoxdmie arterielle (pH : 7,48 ; Paco2 : 32,4 m m H g ou 4,21 kPa ; Pao~ : 70 m m H g ou 9,10 kPa ; H C O 3 : 24,1 mmol - 1 J ; Sao2 : 95 %). La phosphordmie est efh)ndrdc /l 0,15 m m o l . I ~ avec une phosphaturic nulle, la calcdmic cst a 1,98 mmol . 1 ~ avec calciurie ~ 0,67 m m o I - I ~. U n e recharge en phosphore est entreprise : 40,5 mmol de phosphore par 24 h, avec 22,35 mmol de calcium pour un apport calorique de 1 800 kcal dont 1 000 kcal sous forme lipidique. A u troisieme jour d'hospitalisation, la patiente reste fdbrile, mais le tableau neurologique a totalement r6grcssd, avec r~apparition des r6flexes ost6o-tendineux et disparition de l'hyperventilation. La phosphordmie est fi 0,53 m m o l - 1 l avcc phosphaturie it 1,90 mmol . 1 J. La rdanimation est poursuivie, inchangdc. A j(,, la phosphor6mie est normalis6e a 0,90 mmo[ - 1 ~ avec phosphaturie h 26,80 m m o l - I ]. Parall61ement se produit une deffervescence thermique bruta[e, suivie d ' u n e desquamation furfuracdc puis d'une 6pidermolyse pahno-plantaire tr~s prurigineuse (fig. 1), qui vient confirmer lc diagnostic de syndrome de choc toxique. La malade quitte le service "~ is. Les hdmocultures pratiqudes -5 l'entrde sont rest6es ndgativcs, mais un staphylocoque dor6 coagulase positif a 6t6 isol6 sur les pr61~vements vaginaux, pharyngds et cutands. U n c 6tude bactdriologique (D ~ Brun, Lyon) a permis de constater qu'il s'agissait, sur les divers pr61bvements, d ' u n e souche identique de groupe phagique I (Lysotype 29/80) et de sdrotype a 5 / k l - k2/ m/263-1/263-2/L, sdcr6tant en grande quantit6 la toxine du choc toxique et une entdrotoxine A. La malade a, par ailleurs, b6n6fici6 d'une exploration immunitaire immddiatement au ddcours du choc toxique. L'dtude de l'hypersensibilit6 cutan6e par multipuncture (Multitest IMC) a rdv616 une anergie relative, avec r6action positive pour un seul antig6ne. Le typage lymphocytaire 6tait normal, avec des pourcentages n o r m a u x de lymphocytes T et B e t un rapport CD4;~ CD8 = 1,5. Les taux d'immunoglobulines plasmatiques ainsi que les diffdrentes fractions du compl6ment dosdes (compldment total, C19, Cl-est6rase, C3, C4) 6talent dans les limitcs de la normale. Un titrage d'anticorps anti-acide techoique de staphylocoque dord a rev616 l'absence d'anticorps sp6cifiques.

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Fig. 1. - - Epidermolyse palmaire secondaire.

COMMENTAIRES

S'il est admis que le syndrome de choc toxiqu e est dfi h un staphylocoque dor6, le plus souvent de

J.M. SAISSY ET COLL.

type phagique 1 [4] comme dans cette observation off la meme souche a 6t6 isolde sur la peau, dans le vagin et le pharynx - - son mdcanisme n'est pas encore totalement expliqu~ [10]. De nombreux arguments sont en faveur de sa nature toxinique [4] et une exotoxine spdcifique, baptisde (( t o x i c shock syndrome toxin-1 ~) (TSST1), a pu 6tre isolde chez 9 1 % des staphylocoques retrouvds lors de tels syndromes [10]. La TSST-1 provoquerait une vasodilatation avec extravasation plasmatique expliquant l'hypotension artdrielle, l'hypoprotiddmie et la souffrance multiviscdrale. Cependant Faction spdcifique directe de la TSST-1 ne peut 6tre formellement rejetde, DAVIS et coll. [5] rapportant plusieurs observations de choc toxique sans hypotension arterielle. Si la responsabilit6 de la TSST-1 semble bien 6tablie, elle ne reproduit cependant jamais toutes les manifestations du syndrome de choc toxique en expdrimentation animale [10] et le rele d'autres toxines staphylococciques, en particulier celui des entdrotoxines, frdquemment isolees au cours du choc toxique, a pu 6tre envisag6 [3]. Dans l'observation rapportee, deux toxines ont 6t6 retrouvees : la TSST-1 et une enterotoxine A, probablement responsable des manifestations digestives initiales. Un ddficit immunitaire est lnvoqu6 [10] pour expliquer l'absence d'anticorps anti-TSST-1 chez la plupart des patients awes un choc toxique. L'anergie relative et l'absence d'anticorps anti-acide techoique constatdes dans cette observation seraient en faveur d'une telle hypothase. Le rele favorisant de la periode menstruelle serait dfi, pour BERGER et coll. [2], h une diminution de l'activit6 bactdricide des polynucldaires neutrophiles durant cette periode. L'utilisation de tampons pdriodiques, rarement retrouvde dans les observations franCaises [3] fi l'inverse des observations nord-americaines [4], favoriserait la prolifdration bactdrienne et la diffusion toxinique [10]. L'hypophosphoremie, frdquente au cours du syndrome de choc toxique, est parfois sdvere [5], comme dans cette observation. Son mecanisme demeurant inconnu [4], plusieurs hypotheses peuvent 5tre 6mises. Une hypersdcrdtion de parathormone, secondaire h une hypocalcdmie constamment associee [4] et prdsente ici, pourrait I'expliquer, mais la phosphaturie basse, voire nulle, v a h l'encontre de cette hypothese. Le blocage du metabolisme du fructose-l-phosphate seratt responsable pour R]EDLER et SCHEtTLIN [8] de l'hypophosphordmie des septicdmies, mais les hdmocultures sont toujours restdes ndgatives comme dans la plupart des syndromes de choc toxique [10]. En fait, ce sont les modifications du mdtabolisme glucidique ddcrites dans les 6tats septiques graves qui fournissent l'explication la plus sdduisante. En effet, en phase d'agression septique, malgr6 un 6tat d'insulino-rdsistance, l'oxydation pdriphdrique du glucose est accrue [6], sa transformation en

HYPOPHOSPHOR#MIE ET CHOC SEPTIQUE

glucose-6-phosphate s'accompagnant d'un transfert intracellulaire de phosphore. L'hypophosphoremie a-t-elle joue un r61e dans le tableau clinique de cette observation ? Les manifestations neurologiques sont habituelles dans le syndrome de choc toxique, apparaissant souvent d e fagon differee jusqu'au quatrieme jour d'evolution [4]. Elles dominent parfois la scene clinique ; ainsi BARRE'IT et GRAHAM [1] o n t rapport6 un syndrome de choc toxique rdvel6 par un tableau d'encephalopathie febrile. Dans le cas rapporte, le tableau neurologique, apparu au deuxieme jour d'hospitalisation, et associant d'abord ldthargie et abolition des reflexes ost~o-tendineux, puis coma avec hyperventilation d'origine centrale, est semblable h celui ddcrit lors d'hypophosphor6mies sdveres [7]. I1 s'est corrigd de fa~on spectaculaire avec la correction de l'hypophosphordmie, d'abord moddree puis severe, qui l'accompagnait_ Le diagnostic d'enc6phalopathie hypophosphoremique peut donc etre retenu, l'hypophosphordmie 6tant responsable de manifestations neurologiques du fait de l'hypoxie secondaire h la diminution du 2,3-DPG intraerythrocytaire et ~ l'augmentation de l'affinite de l'h6moglobine pour l'oxygene [7]. Remerciements : Les auteurs lemercient le D' Y. BRUN, qui a effectue le typagc dcs souches.

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