II II La llgniflcatlon domestiquke n
Polym&es tr2s complexes, les lignines ont e’te’ de’terminantes pour l’acquisition du port dress2 des kg&taux terrestres et ont un r6le cle’ dans l>arsenal des plantes pour lutter contre des microorganismes pathoghes. La connaissance acquise sur les g&es impliquks dans leur biosyntbkse permet aujourd’hui de moduler le taux ou la nature des lignines 2 des fins industrielles. Les fourrages, all&g&s en lignines, pourraient gagner en digestibilite’. L’industrie papetikre, g&&e par les lignines, se doit de les &miner par des w&bodes souvent co&teuses et polluantes ; elle sera sans doute la premikre 2 bh&ficier des possibilitks offertes par la transg&&se des lignines. a lignification est un processus biochimique complexe qui concerne les plantes vasculaires ou tracheophytes, Pest-a-dire les formes vCgetales les plus tvoluees qui se sont adapdes au milieu terrestre. Les vegetaux ont ainsi progressivement acquis - a partir des pdridophytes - la capacite de synthetiser des lignines au niveau des parois de cellules specialisees dans des fonctions de conduction, de soutien et Cventuellement de protection. La quantite de lignine est trb variable selon les especes : alors que les organes jeunes des e.spScesherbacees en synthetisent peu, la quasitotalite des cellules des arbres adultes sont lignifiees. Au total, les l&nines representent environ 20 % de la biomasse terrestre et constituent le bio-
polymere le plus abondant aprb la cellulose. Ainsi les vegetaux stockent une proportion considerable du carbone photosynthetist sous la forme de cycles aromatiques utiles pour la synthese de lignines, mais non valorises au plan agro-industriel (1).
> Des palymhres trh complexes Les lignines sont des polymtres tridimensionnels amorphes resultant de l’association non repetitive par des liaisons diversifiees de trois unites monomeres : les alcools coumarylique, coniferylique et sinapylique ou monolignols (voir figure 2). Leur synthese emprunte une ) specifique du metabolisme phenolique dont les produits, t&s nom-
breux chez les plantes, jouent un role dans les strategies adaptatives et les communications chimiques. l
Des v6g6taux qui tiennent debout
Ces polymeres hydrophobes sont difficilement biodegradables et leur association aux constituants polysaccharidiques des parois (hemicelluloses, celluloses) ameliore la risistance mecanique et la rigidite du cadre par&al de differents types cellulaires (fibres, vaisseaux, tracheides, etc). Dans le cas des elements du xyleme conducteurs de stve - vaisseaux, tracheides - la differentiation finale des cellules s’accompagne d’une autolyse du cytoplasme. 11 s’agit ici d’un exemple de mort cellulaire programmee, parfaitement adaptee qui vide les cellules de leur contenu et leur fonction de permet ainsi conduction. En co&rant aux parois des vaisseaux, CtanchCitC et resistance a la compression, la lignification a joue un role cl6 dans l’etablissement dun sys&me vasculaire fonctionnel. De plus, elle a permis la rigidification de tissus de soutien permettant une meilleure resistance aux contraintes mecaniques. Elle a done CtC determinante pour l’acquisition du port dress6 des vegetaux terrestres et le developpement d’arbres de grande taille. 11 est maintenant bien admis que la lignification fait partie de l’arsenal que les plantes utilisent pour lutter contre des microorganismes pathogenes (2). l
Des gh2.s connus
Les processus evolutifs qui ont preside a l’emergence des lignines restent ma1 compris ; il en est de mime des sites cellulaires de formation des monomeres et des types d’association chiBIOFUTUR 158
l
Juillet-aoOt 1996 27
* Centre de biologie et physiologie vkgktales, UMR 5546 CNRWUPS, Universitb Paul-Sabatier, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex.
(1) L Flandroy (1992) Les 1001 vertus du bois. Biofutur 115,49-52. (2) AM Boudet et a/ (1995) lvew Pftflol 129,203-236.
1SYLVICULTURE 1 valorisation
FIG. 1 - Voies
. (S) KV Sarkanen and CH Ludwig (1971) Lignins, occurrence, formation, structure and reactions. John Wiley Interscience editions New York, p 1-17. (4) MM Campbell and RR Sederoff (1996) P/ant Physiol 110,3-13. (5) JH Chemey et al (1991) AdvAgron 46,157-l 98. (6) 8 Monties (1985) The biochemistry of plant phenolics. Anno Proc Phytochem Sot 25, 161-181. (7) C Lapierre (1993) Forage cell wall structure and digestibilify. Madison American Society of Agronomy, p 133-166.
l
de synthbse
des
. mique entre les differents polymeres constitutifs de la paroi. Cependant, des progres considerables ont en.5rCalists ces dernieres an&es sur la connaissance des chaines de biosynthese des lignines, particulierement sur la caracterisation des genes codant les enzymes de ces voies metaboliques. Se& le gene codant l’acide coumarique hydroxylase (conversion de l’acide coumarique en acide cafeique) et le(s) gene(s) controlant l’etape de polymerisation des unites monomeres n’ont pas encore ite caracterisis. De faGon un peu paradoxale, alors que les polymtres polysaccharidiques de la paroi sont de structure relativement simple (en particulier la cellulose), les genes controlant les &apes specifiques de leur synthese ne sont pas connus. En revanche, plusieurs genes codant des enzymes regulatrices de la synthbe de la l&nine, polymere extremement complexe, sont caracdrisis. Cette situation associee aux performances du genie genetique &g&al autorise mainte-
FIG. 2 - Corrblation
entre les teneurs en lignines et les rendements en pgte chez diffkentes espkes du genre Eucalyptus.
28 BIOFUTUR 158 l Juillet-aoOt1996
lignines
A partir
de la phbnylalanine.
nant une modulation controlie des teneurs et de la composition en lignines chez les plantes. Ces modifications orientees sont susceptibles d’avoir des repercussions tant fondamentales - meilleure connaissance des mecanismes regulateurs de la synthese des l&nines et des relations structure/fonction au niveau du polymere -, qu’appliqutes dans le cadre dune optimisation de l’utilisation de la biomasse vegetale dans differents secteurs agro-industriels.
> Une varlabillt6 quantitative... En fonction du type de plante et de son stade de developpement, la proportion de lignines par rapport a la masse s&he varie considerablement d’un individu a l’autre allant dun faible pourcentage chez une jeune plante herbacee g plus de 35 % chez certaines essences ligneuses (3). De facon plus surprenante, le taux de lignine au meme stade de croissance peut s’averer tres variable pour differentes espkces d’un meme genre. Par exemple, l&p& ce &eucalyptus la plus utilisee en Europe dans l’industrie papetiere, E globulus, presente un taux de lignines beaucoup plus faible que E grandis cultive surtout en Amerique du Sud, mais difficilement adaptable aux conditions europkennes (voir figure 2). I1 est clair que les firmes sud-americaines (Aracruz, par exemple, au Brbil) exploitant E grandis ou ses hybrides souhaiteraient reduire les taux de lignines au niveau observe pour E gEob&s. Cette variabilite genetique des teneurs en lignines peut kgalement s’observer h une Cchelle intraspecifique chez differents cultivars
dune m&me esptce. En collaboration avec une socikte semenciere, la RAGT (Rouergue, Aveyron, Gevaudan, Tarn, a Rodez), nous avons pu constater cette situation dans le cas du mai’s. Par ailleurs, chez une espece du genre Pinus, le contenu en lignines peut varier de 26 a 30 % (4). Cette variabilite naturelle, encore peu exploitee dans des programmes d’amelioration genetique, se revele bien sfir extr&mement importante comme critere de choix des especes v&g&ales. Ainsi, la relation inverse observee entre la teneur en lignines et le rendement en pate a papier [voir figure 2) est tres interessante pour l’industrie papetiere. En agroalimentaire, les lignines sont depuis longtemps considerees comme facteur limitant la digestibilite des fourrages par les ruminants (5), et seraient egalement responsables de la quake limitee des tourteaux de tournesol destines a l’alimentation du b&ail. Par ailleurs, la lignification pre ou postrecolte de certains organes vegetaux destines a l’alimentation humaine - asperges, carottes, ignames, etc - interfere sans doute avec la qualid de ces productions. Un premier objectif applique dans le cadre de la manipulation genetique orientee des lignines reside done dans une diminution de leurs teneurs. Cependant, le degre maximal de reduction des lignines compatible avec un developpement normal n’est pas encore clairement Cvalui.
> . . . et structurale En plus de ces variations quantitatives, les lignines presentent une forte variabilite structurale. On distingue deux sources principales d’heterogtntite : la proportion relative des differentes unites monomeres et les types de liaison entre elles. Celles-ci sont r&up&es apres hydrolyse du polymere sous forme de residus de complexite croissante differant par leur degre de methylation, hydroxyphtnyl (H), guaiacyl (G) et syringyl (S), correspondant respectivement aux alcools coumarylique, coniferylique et sinapylique (6, 7,2). 11faut ici souligner que si P&olution ricente des techniques d’analyse (RMN du carbone 13, pyrolyse analytique, thioacidolyse couplee a la chromatographie en phase gazeuse, spectroscopic infrarouge, etc) a permis de mieux connaitre la structure chimique des lignines, une analyse complete du polymere natif demeure encore au-deli de nos capacites instrumentales en raison de la
complexite de la structure des lignines et des modifications chimiques qui s’operent lors de leur extraction de la paroi. 11 est toutefois remarquable d’observer l’extreme variabilite du polymere selon les especes, le stade de developpement pour une mCme espece, ou les tissus au meme stade de developpement et les differentes assises constitutives de la paroi. l Des gymnospermes et des angiospermes D’une maniere tres generale, les gymnospermes (les coniferes essentiellement) ont des l&nines enrichies en unites G, les angiospermes (ou plantes a fleurs) dicotyledones comprennent des unites G et S, et les angiospermes monocotyledones presentent les l&nines les plus complexes avec des unites G, S et H. Ni le determinisme biochimique d’une composition monomerique particuliere ni son impact sur les proprietes chimiques, physiques et mecaniques de la paroi ne sont clairement elucides.
l L’industtie papetihe p&f&e les unites s Pour l’industrie papetiere, il est neanmoins reconnu que I’efficacite des procedes d’extraction des l&nines de la biomasse ligneuse est proportionnelle h la teneur en unites S. Ainsi, les lignines de gymnospermes sont plus difficiles 2 extraire et B degrader. Elles necessitent, durant le processus de fabrication de la pate, des traitements chimiques plus Cnergiques que celles d’angiospermes. Une explication plausible reside dans la potentialite accrue de formation de liaisons carbone-carbone chez les lignines de gymnospermes. Pour faciliter la delignification dans I’industrie papetiere, une augmentation de la proportion d’unites S chez les gymnospermes serait a priori un objectif a privilegier. On peut aussi envisager, en theorie, de reduire le niveau de methylation des unites monomeres a condition cependant que les groupements OCHS soient remplaces par des groupes OH. Cette strategic qui conduirait a des unites monomeres inhabituelles (diltrihydroxylees) presente toutefois le risque d’aboutir a des produits color& a la suite de l’oxydation des groupements OH en quinones. Dans un tout autre contexte, celui des plantes fourrageres destinies a l’alimentation du betail, le profil optimal des lignines demeure plus difficile a predire.
> Mduire les quantiitb de lignines Si I’on souhaite reduire les teneurs en lignines des plantes, le nombre de genes cibles, dont on peut diminuer l’expression, est limit6 car ils doivent coder des enzymes de la voie specifique des lignines : cinnamoyl-CoA reductase (CCR), realisant la liaison entre le metabolisme general des phenylpropanoi’des et la voie de synthese des lignines, alcool cinnamylique deshydrogenase (CAD), qui conduit aux monolignols. Une autre solution pourrait @tre de cibler les oxydases potentiellement impliquees dans la formation des radicaux phenoxy qui seront soumis a polymtrisation, mais leur identification est encore ma1 assuree (voir figure 1). Les reductions en lignines via une diminution de I’expression de genes en amont de la voie specifique des lignines - DAHP synthase, premiere enzyme de la voie de l’acide shikimique, ou phenylalanine ammonia lyase, premiere enzyme de la voie des phenylpropanoides (8) - aboutissent a des effets multiples et diversifies car la production d’ensemble des composes phenoliques est affectee.
> Ou modifier leur composition Pour moduler la composition monomerique des lignines, on peut sousexprimer ou surexprimer un certain nombre de genes qui auront un effet direct ou indirect sur le degre de methylation des lignines (z&r figwe 1). Une augmentation relative des teneurs en unites S chez les gymnospermes impliquera une introduction du gene de l’acide ferulique hydroxylase absent chez ces organismes. Chez les angiospermes, cet objectif pourrait Ctre atteint par une diminution du niveau d’activite de la cafeoyl-CoA 0-methyltransferase (CCoAOMT) qui semble impliquee dans la formation des unites G, et par une surexpression de la cafeoyl-O-methyltransferase (COMT) responsable de la formation des unites S (9). La reduction generalisie du niveau de methylation des lignines pourrait proceder dune sous-expression simultanee des deux genes.
> Le passage B la pratique Les premiers resultats significatifs concernant la modification orient&e des lignines par genie genttique ont et6 obtenus dans le cadre d’un consortium europten, le projet OPLIGE (Optimisation of lignin in crop
Participants AM Boudet (UMR 6648 UPSICNRS, Toulouse, France), W Schuch (Seneca Plant Science, Berkshire, Royaume-Uni), D lnze (Laboratoire de ghetique, Gand, Bdgique), B Fritig (IBMPKNRS, Strasbourg, France), M Walter (Universite de Hohenheim, Stuttgart, Allemagne), J Bottennan (Plant Genetic Systems, Gand, Belgique), C Grand (RAGT, Rodez, France) JM Besle (Inra, SRHN, Saint-Genes-Champaneile, France), B Monties (Inra, ThivervalGrignon, France), G Toval (ENCE, Pontevedra, Espagne), M Petit-Conil (Centre technique du papier, Grenoble, France). Brevets ddposbs dans le cadre de ce projet Modification of lignin synthesis in plants : gene CAD et technologies associees (European patent N” 92909396.1) et gene OMT et technologies associees (European patent N” 92919119.5). Expression of genes in transgenic plants (European patent N” 93913206.4). Sequence d’ADN codant la cinnamoyl-CoA mductase chez I’eucalyptus et ses applications dans le domaine de la regulation des teneurs en lignines. (Priority application : FR 9404248). Sequence des genes CCR chez la luzerne et le mai’s (Priority application : FR 9511623). n
and industrial plants through genetic engineering) (voir encadre’ 1). Ces risultats ont don& lieu au depot de plusieurs brevets et font I’objet d’une politique active de valorisation industrielle par l’intermediaire de Zeneca et de Fist (France innovation scientifique et transfert) au nom du CNRS. Des plantes adapt&s ZI I’industrie papetihe Une forte reduction (jusqu’a 90 %) de I’activite CAD endogene a CtC observee aprts transformation du tabac par des constructions contenant I’ADNc de la CAD en orientation inverse (10). Certaines lignees ainsi caracterisees, prtsentent un faible niveau residue1 d’activite CAD, mais aucune difference dans la morphologie ou le developpement des plantes n’est apparente. Alors que l’objectif initial Ctait de reduire les teneurs en lignines par reduction de la production des monolignols, les quantites de lignines produites par ces tabacs transgeniques ne sont pas modifiees. Ce resultat inattendu s’explique en fait partiellement par I’incorporation directe des precurseurs des monolignols - les cinnamaldehydes - dans le polymere. Au-de12 de ce changement, les lignines formees presentent certaines caracteristiques specifiques dont une diminution du rapport S/G. Enfin, les lignines des plantes dont l’activite CAD est la plus reduite presentent selon les transformants, une l
l
BIOFUTUR 158
l
*.
Juillet-aoOt 1996 29
(8) AM Boudet ef al (1996) C R Acad Sci Ser 111Sci Vie 319, 317-331. (9) R Atanassova et al (1995) The Plant Journal8(4),
465-477. (10) C Halpin et a/ (1994) The Plant Joornal6(3),
350.
339-
71
valorisation *a*
11) M Baucher eta/ (1996) Plant Physiol (sous presse). (12) J Mac Kay et al (1996) Poster 113 : Cellulose, paper and textile division. American Chemical Society Meeting, Nouvelle-OrlBans. Etats-Llnis. (13) J Van Doorsselaere et al (1995) The P/ant Journal 8(6), 855-884.
coloration rouge uniforme (voir photo) ou par secteur, vraisemblablement due g la prisence de cinnamaldthydes dans le polymke. Ces rCsultats ont & ktendus au peuplier oti les modifications observies sont trks similaires, ?I l’exception de la rkduction du rapport S/G (11). 11existe des mutants naturels du coniRre Pinw taeda pratiquement dipourvus d’activitC CAD dont les lignines prksentent les memes caractkistiques que celles des plantes transgkniques avec, en plus, une faible rkduction des quantitks de polymire (1~). Ces nouvelles lignines, qui temoignent de la flexibilitk chimique du polymke, prksentent d’indressantes propriitk au plan technologique. Leur extractabiliti par la soude est facilike et des traitements papetiers rCalis& par le Centre technique du papier (Grenoble) dkmontrent une dtlignification et un rendement en pite meilleurs ainsi qu’une diminution de l’indice Kappa, reflet de la quantitk de lignines rtsiduelles. Ces amkliorations prksentent un grand indr2t pour l’industrie papetikre quand on considtre l’khelle de transformation de la matike ligneuse au niveau mondial. En effet, les ventes globales de papier et de pites, dont la consommation annuelle augmente de 3 %, s’&vent aujourd’hui B environ 735 000 millions de dollars par an. Cependant ces don&es ayant ttC obtenues chez de jeunes peupliers, il reste k Cvaluer l’impact des transfor-
Les domalnes qul seront apprefondis danr k cadre du programme TIMBER ront les ruivants : - extension de la technologie B de nouvelles esp&ces (&i&a, etc) ; - stabilitb des transgenes sur des arbres au cows du temps ; - contr8le de I’expmssion des transg&es par des prornoteurs s’exptimant mcifiquement dans le xyl&me afin de ne pas affecter la production de lignines &&ionnelles de surface B ri3le potentiel de d&ense (on pourrait aussi concevoir de n’exptimev les tran.sg&w que dans le systhme a&en qui est le seul exploitb) ; -transformation de plantes par plusieurs ttansg&nes afin demoduler finement et d’optimiser les modifications des lignines ; - &valuation des propri&% papeti&es mais aussi mQaniques et Bnerg&iques des plantes transformbes. participants AM Boudet (UMR 5646 UPSKNRS, Toulouse, France), W Schuch (Zeneca, Berkshire, Royaume-Uni), W Boejan (laboratoire de g&w%ique, Gand, Belgique), M Legrand (IBMPKNRS, Strasbourg, France), L Jouanin (Inra, Versailles, France), G Pilate (Orlbans, France), C Lapiene (lnra, Thvewal-Gtignon, France), G Toval (ENCE, Pontevedra, Espagne), M Pet%Conil (Centre technique du papier, Grenoble, France), S von Arnold (universitb su&loise de sciences agticoles, Uppsala, S&de), M Walter (UniversitB de Hohenheim, Stuttgart, Allemagne), G Jeronimidis (University of Reading, Reading, Royaume-Uni), C Dalianis (CRES, Pikermi, G&e). n
30 BIOFLITUR 158 l Juillet-aoirt 1996
Plants de tabac : temoin antisens CAD (a gauche).
(a droite)
mations gkktiques sur des arbres adultes au stade de la rtcolte pour la production de pite. Des etudes sont kgalement en tours pour tvaluer l’effet de ces modifications sur la digestibilitk des plantes fourragkres. l Retour B I’objectif initial : moins de lignines En vue d’atteindre l’objectif initial de rCduction des quantitk de lignines, notre laboratoire s’est inttressk B la transformation du tabac par des constructions antisens correspondant 2.la cinnamoyl-CoA rkductase (CCR). Cette enzyme, de par sa position charnikre entre le mktabolisme gCrkra1 des phCnylpropano’ides et la voie spkifique de synthke des monolignols, semble rkguler le flux carbon6 en direction des lignines. Par ailleurs, la structure chimique des cinnamoylCoA rend improbable leur int&gration directe dans les lignines en remplacement des monomkes naturels, comme cela a k.tte observC lors de la rkduction de l’activitk CAD. Les rgsultats prkliminaires montrent qu’il est possible de rkduire 1’activitC CCR des plantes transformkes saris modifier leur morphologie. On peut observer lors de fortes kductions de cette activit&, une diminution des teneurs en lignines, une extractabilik accrue par la soude et une coloration brune du polymere form& Chez les transformants pksentant les plus fortes rkductions en lignines on observe, ce qui Ctait prkvisible, un phtnotype
et transform&
avec
une construction
anormal des plantes transgkniques, en particulier, une taille rkduite. 11 faut done trouver un compromis entre rkduction des lignines et dkeloppement normal. Ces rkultats suggkrent que la rtduction de l’activitt CCR peut induire des modifications quantitatives et qualitatives du polymke. Les deux &apes spkifiques de la synthese des monolignols catalystes par la CCR et la CAD reprksentent done des cibles inkessantes pour une manipulation oriende des quantitks et de la nature des lignines.
> ContrGler le degrb de mhthylation 11 a et6 montrC qu’il Ctait possible de contr6ler le degrk de mkthylation des lignines en agissant sur le niveau de l’activitk acide cafkique O-mkthyltransfkase (COMT), enzyme qui mkthyle B la fois l’acide cafkque et l’acide OH-ferulique. La rkduction de son activite devrait entrainer une synthkse reduite des acides Mrulique et sinapique et par la mZme des unit& G et S. Dans un contexte de comp&ition internationale, les rksultats les plus marquants ont ktk obtenus par des Gquipes europkennes (9, 13). Des constructions antisens ou sens (cosuppression) correspondant au gkne de la COMT entrainent, chez le tabac, de fortes rCductions de l’activid enzymatique (moins de 5 % d’activitk rtsiduelle) (s). Alors que la quantitk de lignines des plantes transformkes n’est pas modifike, leur composition mo-
nomerique est fortement affecde : forte diminution de la proportion d’unites S, augmentation du taux d’unitis G et apparition d’une nouvelle unite S-hydroxyguaiacyl (5OHG). Des resultats similaires ont Cte obtenus chez le peuplier (14) et, dans ce cas, des experiences simulees de production de pate a papier 5 petite khelle (Centre technique du papier) ont demontre une augmentation de la valeur de l’indice Kappa pour les plantes transgeniques. Les rtsultats confirment qu’un faible rapport S/G rend plus difficile la delignification. 11apparait peu envisageable de reduire les quantites de lignines en agissant sur le seul niveau d’activid COMT (la production d’unites S est affect&e, mais se trouve contrebalancee par une augmentation de la formation d’autres unites monomeres). Si les plantes a activite COMT reduite ne presentent pas d’interet pour l’industrie papetiere, le fait que leur biodegradabilite semble augmentee (15) pourrait etre interessant dans l’optique de l’amelioration de la digestibilite des fourrages. Les resultats ainsi obtenus demontrent la possibilite de controle de la composition monomerique des lignines par genie genetique, de plus, ils suggirent fortement l’implication dune autre methyltransferase, vraisemblablement la CCoAOMT dans la synthese de l’acide ferulique et des unites G qui en derivent. En effet, ces unites ne voient pas leurs proportions r&dukes lors dune quasi-suppression de l’activite COMT. La CCoAOMT represente done une cible supplementaire pour la modulation de la lignification.
> Des ligneux plus pertormants pour demain Ces strategies, dont la faisabilite est aujourd’hui dCmontrCe, peuvent-elles s’etendre a d’autres objectifs et a de nouvelles especes d’interCt economique ? Un nouveau consortium europ6en, baptise TIMBER se concentre sur le probleme de l’amelioration des ligneux (voir emadrk 2), domaine dans lequel les retombies financieres apparaissent potentiellement t&s importantes. A titre indicatif, pour un pays comme les Btats-Unis, la valeur Cconomique globale des papiers et pates a papier est 1,5 fois supkrieure a celle de l’ensemble des productions agricoles (16). Ce rapport est bien stir encore plus eleve pour le Canada ou les pays scandinaves. 11 est ici interessant de souligner que la valeur Cnergetique des bois est reliee a leur enrichissement en
l&nines. Dans I’optique dune utilisation des biomasses ligneuses en tant que combustible, une augmentation des teneurs en lignines pourrait @tre envisagee. D’une man&-e generale, il sera important d’evaluer l’impact des modifications induites au niveau des l&nines sur differentes proprietes et parametres physiologiques des plantes transgeniques obtenues : rigidite, croissance, resistance aux pathogenes, etc. Concernant ce dernier point, des essais preliminaires realises avec le virus de la mosai’que du tabac sur des tabacs transgeniques (anti-CAD) n’ont pas montre de differences avec les tabacs temoins (17). En tout &at de cause, l’exploitation de promoteurs a expression tissu specifique pourrait aboutir g la reduction ou & la modification des lignines dans le xyleme sans alteration dans les tissus de surface oti le polymere joue un role de protection vis-l-vis des microorganismes.
> Un @ii sur I’industrie papetihe Le projet TIMBER se concentrera particulierement sur trois especes importantes en industrie papetiere : le peuplier, I’Eucalyptus glob&s, i croissance rapide, important en Europe du Sud dont on veut amtliorer les profils en lignines, et l’epicea (Picea abies). L’elimination des lignines dans le cadre de l’industrie papetiere est un processus consommateur a la fois d’importantes quantit& de produits chimiques et d’energie (voiv encad& 3). Les etudes realisees sur les plantes transformees a activite CAD reduite semblent d’ores et deja demontrer des reductions significatives de la consommation d’energie et de produits chimiques relies a la fabrication de pate a papier. L’impact a l’echelle de l’industrie papetiere mondiale pourrait done s’averer trirs important dans la mesure oti la diffusion du pro&de aux especes forest&es majeures pourrait se realiser, les plantations clonales se revelant un champ d’application particulihement adapt6 Modifier de faGon controlee la quantit&, la structure et la reactivite chimique des lignines ouvre des perspectives tres prometteuses pour l’industrie papetiere. Des modifications, meme mineures, de la composition du bois auraient un impact Cconomique important en regard des Cnormes quantites de matiere ligneuse traitees. De plus, ces nouveaux produits ligneux devraient conduire g une reduction des pollu-
Plantation
d’eucalyptus.
tions de l’environnement. Ce dernier point et le fait que les plantes transgeniques obtenues n’ont pas une utilisation alimentaire mais industrielle, devraient grandement faciliter leur acceptabilid par l’opinion. l
14) W Boerjan
(communication personnelle). (15) MA Vailhe (1995) These de I’universite BlaisePascal, ClermontFerrand, France.
Rsmsrciemssk Cauteur, qui codirige avec J Grima-Pettenati l’equipe Expression et modulation de la lignification (UMR 5546 UPSKNRS), remercie les membres de son groupe de recherche pour leur contribution. II exprime tout particulierement ses remerciements aux Communautk europeennes pour leur soutien a travers les proiets OPLIGE et TIMBER dont il assure la coordination scientifique. II remercie Bgalement I’ensemble des partenaires du projet OPLIGE pour leurs avancees scientifiques et l’excellent esprit de groupe manifest& la societe Fist pour sa tres efficace collaboration La participation de Christine Guidice a la realisation des figures de cet article a et6 particulierement appreciee.
(16) J Dean (1995) Annual meeting of the American Society of Plant Physiology (communication orale). (17) B Fritig (communication personnelle).
ans ce pm&de, qui est le plus couramment utilise pour I’obtention des pates chimiques, 800 kg de soude et 300 kg de sulfure de sodium sont necessaires pour extraire une tonne de lignines. Le pro&de permet un recyclage de la plus grande pattie de ces ptoduits chimiques. Pour eliminer les lignines t&iduelles encore Ii&s aux celluloses apn2.s ce traitement, diff&ents pro&k% de blanchiment plus ou moins coiiteux ou pouvant avoir une incidence sur I’environnement (C102, 03, H20, Od sont mis en jeu. Sans blanchiment, le papier contient toujours de la lignine tisiduelle et se colons, jaunit, lors d’une exposition prolong& a la lumi&e. C’est le cas du papier journal, compose de p&e mccanique a forte proportion de lignines residuelles. En relation avec le poids Bconomique de I’industrie papeticre a l’echelle mondiale, et les exigences croissantes en terme de protection de I’environnement, I’amclioration des productions veg6tales en vue de diminuer leurs teneurs en lignines ou de rendre ces lignines plus faciles B extraire, est un objectif tout B fait priorttaire. n
D
BIOFUTUR 158
l
JuilMaoOt1996
31