Le circuit du médicament : recommandations de la haute autorité sanitaire

Le circuit du médicament : recommandations de la haute autorité sanitaire

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DROIT ET DOULEUR

Le circuit du médicament : recommandations de la haute autorité sanitaire Nathalie Lelièvre La prise en charge de la douleur c’est chercher à la traiter. C’est le devoir de s’efforcer à soulager la douleur selon le code de déontologie médicale. La traiter c’est prescrire un traitement et si le patient est hospitalisé lui administrer le traitement. Petite piqûre de rappel : soulager la douleur dans les règles de l’art c’est savoir prévenir la douleur, l’évaluer et la traiter. Administrer un traitement sans évaluation peut être qualifiée de faute au regard du juge. Récemment la haute autorité sanitaire (appelé plus souvent HAS) a publié des recommandations sur « Organisation du circuit du médicament en établissement de santé ; fiche thématique ; OPC 9, manuel accréditation version 1 et n° 36 version 2 ; juin 2005. L’objet de cet article est de reprendre les points essentiels qui sont source de conflits et de discussions. Il ne s’agit nullement de faire une analyse exhaustive de l’intégralité des recommandations de l’HAS. Comme préambule, commençons par une définition des termes : « Le circuit du médicament en établissement de santé est composé d’une série d’étapes successives, réalisées par des professionnels différents : la prescription est un acte médical, la dispensation, un acte pharmaceutique et l’administration, un acte infirmier ou médical. » Comme le rappelle la haute autorité sanitaire, quelque soit la méthode utilisée dans le cadre du circuit du médicament : l’objectif principal est de minimiser les risques. Ce livret présente les bonnes pratiques pour optimiser l’organisation du circuit du médicament, afin de s’assurer que les bons médicaments sont prescrits, dispensés et administrés aux bons patients, au bon moment, avec un rapport bénéfice-risque optimum pour le patient. LA PRESCRIPTION La prescription est assurée par un professionnel habilité. La HAS recommande les consignes suivantes quant aux mentions de la prescription : Juriste spécialisée en droit de la santé, AEU droit médical, DESS droit de la santé, Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat, Membre de la commission « Éthique et Douleur » Espace Éthique Méditerranéen.

– le nom et prénom du patient ; – son sexe et sa date de naissance ; – si nécessaire, son poids et sa surface corporelle ; – le cas échéant, la mention d’une grossesse ou d’un allaitement ; – la qualité, le nom et la signature du prescripteur ; les prescriptions des médecins en formation sont validées selon une procédure interne au secteur d’activité ; – l’identification de l’unité des soins ; – la date et l’heure de la prescription, qu’il s’agisse d’une prescription initiale, d’une réactualisation, d’une substitution ou d’un arrêt de traitement ; – la dénomination commune du médicament, son dosage et sa forme pharmaceutique ; – la voie d’administration ; – la dose par prise et par 24 heures ; – le rythme ou les horaires de l’administration ; – pour les injectables, les modalités de dilution, la vitesse et la durée de perfusion, en clair ou par référence à un protocole préétabli ; – la durée de traitement, lorsque celle-ci est connue à l’avance ou fixée par la réglementation. Bref rappel : les substances vénéneuses, stupéfiants et psychotropes font l’objet d’une réglementation spécifique. LE SUPPORT DE LA PRESCRIPTION La question la plus souvent posée est de savoir qui doit rédiger la prescription : le médecin uniquement, la secrétaire sous la dictée du médecin et/ou l’infirmière ? Un élément est unanimement admis : la prescription dictée par le médecin est possible, on considère qu’il en reste bien l’auteur. En revanche, la secrétaire ou l’infirmier qui accepte de renouveler, par exemple, le traitement d’un patient chronique, car il s’agit de l’hypothèse la plus courante, sans consentement, ni dictée par le médecin est strictement illégal. La prescription se fait après un examen et un entretien avec le patient. La chronicité d’un patient ne permet pas de déroger aux règles même si on a l’impression qu’il s’agit « d’un simple renouvellement ». Il ne faut jamais oublier le principe de prévention des risques. C’est pour cette même raison que la retranscription source d’erreur est vivement déconseillée pour ne pas dire interdite. L’HAS apporte les éléments suivants sur ce point :

386 Les prescriptions effectuées pendant le séjour du patient et à sa sortie sont des éléments du dossier du patient, donc soumises aux règles de confidentialité. Les ordonnances font l’objet d’un archivage. Il existe deux types de supports : la prescription manuscrite et informatisée. La prescription manuscrite La prescription est rédigée lisiblement sur un support unique pour toutes les prescriptions et tous les prescripteurs. Ce support doit permettre d’enregistrer l’administration. La prescription informatisée Les avantages de l’informatisation de la prescription sont : – une prescription en temps réel ; – une intégration de la prescription au dossier informatique du patient permettant une meilleure traçabilité des informations ; – le partage d’informations relatives à la prescription et la sécurisation de leur transmission entre les prescripteurs, les pharmaciens et les infirmières ; – l’aide à la prescription grâce à l’accès possible depuis tout poste connecté sur le réseau de l’établissement de santé à des protocoles locaux validés par la commission ad hoc et à des banques de connaissances à jour, par exemple : • les bases de données sur les médicaments : le livret thérapeutique de l’établissement (ou document équivalent), le site de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (www.afssaps.sante.fr), la base Thériaque du Centre national hospitalier d’information sur le médicament, le dictionnaire des monographies des médicaments (par exemple, le Vidal), une base d’interactions médicamenteuses, etc., • les bases de recommandations de bonne pratique ou de protocoles thérapeutiques validées et actualisées (www.hassante.fr, http://bfes.fr ou http://bfes.has-sante.fr, www.afssaps.sante.fr, etc.). L’enregistrement des conditions d’exécution Il convient d’enregistrer en temps réel toute administration de médicaments en utilisant les logiciels informatiques ou à défaut, le support de prescription évoqué dans le paragraphe précédent. Les retranscriptions sont à proscrire, ainsi que la présence dans la chambre des patients, de documents décrivant les conditions d’exécution de l’administration de médicaments. Au moment de l’administration, il est nécessaire : – de vérifier l’identité du patient ; – de le questionner sur une éventuelle allergie aux médicaments ; – d’apprécier le niveau d’autonomie du patient pour gérer l’administration de son traitement :

Douleurs, 2005, 6, 6 • si le patient est autonome pour une auto administration, s’assurer de la compréhension des modalités d’administration du traitement, • si le patient est dépendant, l’assister dans la prise de ses médicaments ; – respecter les vitesses d’injection intraveineuse ; – respecter les règles d’hygiène et de sécurité pour le patient et pour soi-même. Ces tâches peuvent faire l’objet de procédures internes. SURVEILLANCE THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT La surveillance thérapeutique du patient permet d’évaluer le bénéfice rendu et de repérer la survenue éventuelle de tout effet indésirable, y compris mineur. Ce dernier fait l’objet d’un enregistrement dans le dossier du patient, d’une déclaration selon les procédures en vigueur dans l’établissement et d’une analyse en vue d’une action corrective et d’une réévaluation. La réévaluation d’un traitement antalgique est un critère important dans le procédé d’accréditation de la prise en charge de la douleur. La déclaration au Centre régional de pharmacovigilance est obligatoire pour : – les effets indésirables graves : décès, mise en jeu du pronostic vital, provoquant une hospitalisation ou une prolongation d’hospitalisation, entraînant une invalidité ou une incapacité importante ou durable, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale ; – les effets indésirables inattendus, c’est-à-dire non décrits dans le RCP ; – les réactions nocives et non voulues résultant d’un mésusage ; – une information sur le traitement est délivrée au patient sous forme adaptée et, le cas échéant, une éducation thérapeutique du patient et/ou de son entourage est mise en œuvre, a fortiori dans les cas de pathologies chroniques. MÉDICAMENTS ET CONDUITE AUTOMOBILE : DE NOUVEAUX PICTOGRAMMES PLUS INFORMATIFS Point sur « Le bon usage des produits de santé – médicaments et conduite automobile » http://afssaps.sante.fr/htm/10/picauto/ sommaire.htm. Communiqué de presse du 22 septembre 2005 de l’Afssaps. Le pictogramme qui identifie les médicaments pouvant avoir un retentissement sur les capacités de conduite va évoluer. Cette alerte visuelle, simple et compréhensible de tous, sera dorénavant déclinée selon trois niveaux de risque. De couleurs différentes, ces trois nouveaux pictogrammes signaleront aux usagers si la prise du médicament

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Figure 1. Médicaments et conduite automobile : de nouveaux pictogrammes plus informatifs.

nécessite, lors de la conduite d’un véhicule, de simples précautions d’emploi, l’avis d’un professionnel de santé ou encore s’il est totalement déconseillé de prendre le volant. La prise d’un médicament susceptible d’altérer l’aptitude à la conduite est retrouvée chez environ 10 % des accidentés de la route. Les hypnotiques et les tranquillisants (en particulier les benzodiazépines) sont les substances les plus fréquemment mises en cause. En 1999, face à ce constat, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a demandé aux industriels d’apposer un pictogramme (voiture noire dans un triangle rouge) sur le conditionnement extérieur des médicaments présentant un risque potentiel lors de la conduite d’un véhicule (voiture, poids lourd, deux-roues) ou lors de l’exécution de tâches nécessitant une attention soutenue, de la précision ou le respect de consignes de sécurité (utilisation de machines, de scies électriques, tronçonneuses…). Aujourd’hui, ce dispositif est complété par une indication du niveau de risque de ces médicaments. Il signale également l’attitude pratique que doit adopter l’utilisateur du médicament. Cette mention est importante, en effet, le médecin est tenu d’informer son patient des conséquences d’un traitement de ces effets secondaires comme le risque d’endormissement et des conséquences que cela peut avoir sur la vie sociale professionnelle du patient. Le patient a également de son côté l’obligation de respecter les consignes, recommandations faites par le médecin comme éviter de conduire après la prise du traitement. Les trois symboles qui suivent préconisent les recommandations à suivre ; elles sont de trois niveaux : – dans le premier cas : le professionnel de santé doit attirer l’attention du patient sur les risques d’endormissement et lui déconseiller de conduire. Le patient a l’obligation de lire les consignes et ne pourra pas soutenir ne pas avoir été informé eu égard à la signalétique qui est pour le moins des plus explicite ; – dans le second cas : une plus grande prudence est signalée. Dans ce cas, il est préférable que le professionnel de santé place en arrêt maladie un patient dont le travail est la conduite automobile ;

– dans le troisième cas : il est fait interdiction au patient de conduire. Il est vivement recommandé que le professionnel non seulement le mentionne sur la prescription « interdiction de conduire pendant la durée du traitement » et de placer le patient en arrêt maladie s’il exerce une profession incompatible avec la prise de traitement. Quid du patient qui a un accident sous l’emprise de ces traitement faisant l’objet d’une signalétique particulière ? Le professionnel de santé a l’obligation, à la lecture du présent communiqué, d’informer son patient des risques liés à la prise de ces médicaments et de la dangerosité de conduire sous l’emprise du traitement. Si le patient ne respecte pas les recommandations il est difficile d’envisager une quelconque responsabilité médicale imputable au médecin. D’autant plus, les recommandations attirent également l’attention des patients et cherchent à les responsabiliser. Rappelons le postulat du communiqué : aujourd’hui, ce dispositif est complété par une indication du niveau de risque de ces médicaments. Il signale également l’attitude pratique que doit adopter l’utilisateur du médicament (fig. 1). Cette nouvelle approche résulte des travaux d’un groupe d’experts, comprenant des spécialistes des différents domaines de la pharmacologie et des disciplines cliniques directement concernées par l’accidentologie. Les travaux du groupe ont permis d’évaluer, classe par classe, les médicaments présentant le plus de risque pour la conduite automobile. Les nouveaux pictogrammes seront progressivement apposés sur le conditionnement de ces médicaments au cours des prochains mois, tandis que l’expertise sera étendue à l’ensemble des médicaments pouvant avoir un retentissement sur les capacités de conduite. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un effort national, mené par la Délégation interministérielle à la sécurité routière et le ministère de la Santé, visant à réduire le nombre d’accidents de la route, mais vise aussi à promouvoir le bon usage du médicament. En effet, à la différence d’autres substances pouvant rendre la conduite dangereuse (alcool, drogues), il ne faut pas perdre de vue les effets bénéfiques des médicaments.

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388 C’est pourquoi l’Afssaps a rédigé la mise au point « Médicaments et conduite automobile » à l’attention des médecins généralistes et des pharmaciens d’officine, ainsi qu’un dépliant destiné au grand public. Médecins et pharmaciens jouent un rôle important de sensibilisation des patients dans un domaine où le sens de la responsabilité de chacun doit être mis en alerte et éclairé par l’information sur les risques avant de prendre la décision de conduire. ■

RÉFÉRENCE 1. De Gier JJ. Estiation of psychotropic drug secondary effects on vigilance. Vigilance et Transports, aspects fondamentaux, dégradation et prévention. Presse Universitaires de Lyon ed, 1995.

Summary: Drug circuit: recommendations of the Supeior Health Authority All healthcare workers are implicated in the funcational organization of drug use. Prescription of a treatment, like all medical interventions, requires rigor in order to prevent risk as much as possible. Prescriptions should be evaluated in terms of risk-benefit. Pain management cannot be limited to prescription of a pain reliever but must also take into consideration necessary individual adjustments. Practitioners must always think in terms of risk-benefit and prevention of risk. Key-words: drug, driving, risk-benefit, retranscription, prescription.

Résumé L’ensemble des professionnels de santé est impliqué dans l’organisation fonctionnelle du circuit du médicament. La prescription d’un traitement comme tout acte médical exige une certaine rigueur et de prévenir tout risque dommageable dans la mesure du possible. La prescription doit être évaluée selon les bénéfices-risques du traitement. La prise en charge de la douleur ne se limite pas au traitement encore faut-il évaluer le traitement pour le réajuster si besoin. Toujours réfléchir en termes de bénéfice-risque et de prévention des risques. Mots-clés : médicament, conduite automobile, bénéfice-risque, retranscription, prescription.

Tirés à part : N. LELIEVRE. e-mail : [email protected]

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