Archives de pédiatrie 19 (2012) 220–223
Le psoriasis chez le nourrisson à propos de cinq cas Psoriasis in infants about five cases A. Dibi *, F. Jabourik, A. Bentahila Service de pédiatrie IV, hôpital d’Enfants de Rabat, Rabat, Maroc Disponible sur Internet le 4 janvier 2012 Résumé Introduction. – Le psoriasis est une dermatose très fréquente. Le diagnostic en est clinique, devant un érythème squameux. Compte-tenu de la fréquence croissante des cas de psoriasis de l’enfant, nous nous intéressons à étudier la place de cette pathologie en particulier chez le nourrisson au sein des dermatoses infantiles. Nous rapportons cinq cas de psoriasis colligés en unité de dermatologie pédiatrique à l’hôpital d’Enfants de Rabat. Résultats. – Il s’agit d’une fille et quatre garçons dont l’âge varie entre 41 j et deux ans. On note chez trois cas une notion familiale de maladie auto-immune, dans deux cas une notion d’atopée familiale. Le délai de diagnostic était d’un mois à un an. Trois cas parmi les cinq cas présentent un psoriasis en plaques, un cas de psoriasis vulgaire, et un cas de psoriasis type des langes. Tous les cas de notre série ont été traités par les émollients et les dermocorticoïdes. L’évolution était favorable dans cinq les cas. Conclusion. – Le psoriasis est une pathologie multifactorielle complexe, à mécanisme multiple, mal connu, avec association de facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux. Le traitement fait appel dans les atteintes légères aux corticoïdes. Les traitements anti-inflammatoires et immunomodulateurs obtenus par les techniques de génie génétique soulèvent un espoir considérable dans les formes sévères. ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Psoriasis is a skin disease very common. The diagnosis is clinical with a scaly erythema. Given the increasing frequency of cases of psoriasis of the child, we are interested in studying the role of this disease especially in infants. We report five cases of psoriasis collected in units of pediatric dermatology at Children’s Hospital of Rabat. Results. – It is about a girl and four boys ranging in age between 41 days and 2 years. There is in three cases a family history of autoimmune disease, in two cases a notion of family atopée. Three cases among the five cases have plaque psoriasis, a case of psoriasis vulgaris, and one case of psoriatic diaper rash. All cases in our series were treated with emollients and topical corticosteroids. The outcome was favorable in five cases. Conclusion. – Psoriasis is a multifactorial disease complex, multiple mechanisms, not well known, with combination of genetic, immunological and environmental factors. Treatment is in the light with corticosteroids, anti-inflammatory and immunomodulators obtained by genetic engineering techniques raises considerable hope in severe forms. ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. INTRODUCTION Le psoriasis est une dermatose très fréquente. Le diagnostic en est clinique, devant un érythème squameux, le plus souvent caractéristique par son aspect et sa topographie. Compte-tenu de la fréquence croissante des cas de psoriasis de l’enfant, nous * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Dibi).
nous intéressons à étudier la place de cette pathologie en particulier chez le nourrisson au sein des dermatoses infantiles. 2. OBSERVATION 1 Il s’agit de la fille Aya âgée de quatre mois et demi. Dans ces antécédents familiaux, on note une consanguinité de premier degré et un grand-père paternel suivi pour vitiligo. Le début de la symptomatologie remonte à l’âge de deux mois par
0929-693X/$ see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.arcped.2011.12.003
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lésions cutanées érythématosquameuses ayant débuté à l’âge d’un an et demi au niveau du cuir chevelu puis se sont étendues au niveau de tout le corps y compris l’appareil génital externe. L’examen cutané a trouvé des lésions érythématosquameuses, bien limitées plus ou moins arrondies, parfois ovalaires, siégeant au niveau du cuir chevelu, du tronc, les régions axillaires et génitales (balano-préputiale). Le bilan biologique a montré sur : la NFS : Hb à 11g/dL. La protidémie à 74 g/L. L’électrophorèse des protides : hypergammaglobinémie et hyperalphaglobinémie. VS à 15 mm. Le bilan allergologique était positif (allergie aux acariens, aux œufs et animaux). Le malade a eu des bains quotidiens à base de crème lavante, un antiseptique à PH neutre, émollients et crème hydratante, associés à un dermatocorticoïde et un dérivé de la vitamine D. L’évolution a été marquée par une amélioration des lésions après deux semaines de traitement.
4. OBSERVATION 3
Fig. 1. Psoriasis en plaque avant traitement chez le nourrisson de l’observation 1.
l’apparition de lésions cutanées siégeant au niveau de la face, du tronc et des membres. Ces lésions ont augmenté rapidement du nombre et de taille devenues plus squameuses légèrement en relief, ce qui a motivé plusieurs consultations, mis sous dermatocorticoïdes locaux mais sans aucune amélioration. L’examen cutané a trouvé un psoriasis en plaque avec des lésions érythématosquameuses généralisées au niveau de tout le corps et des petites squames fixes. Le grattage de ces lésions a entraîné un blanchissement très net (signe de la tâche de bougie +), le signe de la rosée sanglante était positif Fig. 1. Certaines lésions érythémateuses étaient lisses, bien limitées, sèches, disparaissant à la vitro-pression. L’examen de la gorge a trouvé des amygdales érythématopultacées. L’examen des aires ganglionnaires a trouvé quelques adénopathies axillaires et inguinales de petite taille d’environ 0,5 cm, mobiles, indolores, non adhérentes au plan profond et superficiel. Le bilan biologique a montré sur : la NFS : GB à 14,500/mm3, PN à 10 875/mm3, Hb à 10,5 g/dL. La protidémie à 75 g/L. L’électrophorèse des protides : hypergammaglobinémie. Hyperalphaglobinémie. VS à 20 mm. Le bilan allergologique : Ig E T : normal. ClA30 : normal. Le malade a reçu un dermatocorticoïde avec des soins locaux à base de crème lavante, antiseptique à PH neutre, émollients et crème hydratante, et associés à un dérivé du vitamine D et un macrolide. L’évolution était favorable sous traitement.
Il s’agit de l’enfant Ismail âgé de 41 jours. Dans ces antécédents familiaux, sa mère suivie pour une rhinite allergique. La symptomatologie remonte à l’âge de deux semaines par des lésions érythématosquameuses au niveau du visage, du cuir chevelu, du cou, du tronc, mais surtout au niveau du siège qui se sont aggravées malgré le traitement symptomatique. L’examen cutané a trouvé des lésions cutanées psoriasiforme type napkin psoriasis avec un visage très érythémateux aux squames fins, le cuir chevelu érythématosquameux, au niveau du tronc des lésions arrondies, bien limitées, érythématosquameuses avec le signe de Rosée sanglante positif, au niveau du siège un érythème fessier avec une peau très sèche et squameuse Fig. 2. Le bilan biologique a montré sur la NFS une hyperleucocytose à prédominance PNN. Une hyper protidémie avec une hypergammaglobine, hyperalphaglobuline, VS : 25. Le bilan allergologique était normal. Il a reçu des bains quotidiens à base de crème lavante antiseptique à PH neutre, émollients, crème hydratante, un dermatocorticoïde et un dérivé de la vitamine D, et une corticothérapie orale étalée sur quatre semaines à dose dégressive. L’évolution était marquée par une amélioration après deux semaines de traitement.
3. OBSERVATION 2 Il s’agit du garçon Abdelwahab, âgé de deux ans. Dans ces antécédents familiaux, on note sa mère suivie pour asthme. Des
Fig. 2. Psoriasis des langes chez le nourrisson de l’observation 3.
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5. OBSERVATION 4 Il s’agit du garçon Ayoub âgé de huit mois. Dans ces antécédents familiaux, il y a une notion d’atopie familiale. Apparition des lésions érythématosquameuses depuis l’âge de trois mois, avec des lésions arrondies bien limitées isolées au début au niveau du dos, puis devenues généralisées, traitées comme dermatite atopique sans amélioration. L’examen cutané a trouvé un psoriasis en plaque avec des lésions érythématosquameuses généralisées au niveau du visage, la région axillaire, le tronc et les membres, bien limitées, arrondies ou ovalaires parfois confluentes avec des lésions en relief avec signe de bougie positif. L’examen ORL a trouvé des amygdales érythémateuses non suppurées. Le bilan biologique a montré sur la NFS : hyperleucocytose à prédominance PNN, légère anémie hypochrome microcytaire. La protidémie à 78 g/L. VS à 15 mm. Le bilan allergologique était normal. Le nourrisson a été mis sous traitement à base de dermatocorticoïdes et dérivé de la vitamine D avec une antibiothérapie et des soins locaux : crème lavante antiseptique, émollients et crème hydratante, puis une corticothérapie orale étalée sur un mois à dose dégressive. L’évolution après traitement a été marquée par une régression des lésions après deux semaines de traitement. 6. OBSERVATION 5 Il s’agit du garçon Amine âgé de 16 mois. Dans ces antécédents familiaux, on note le grand-père paternel suivi pour un psoriasis. Le début de la symptomatologie remonte à l’âge de trois mois, par l’apparition de lésions érythémateuses au niveau de tout le corps ayant évolué vers l’extension et l’aggravation avec hyperkératose, traitées comme dermatite atopique, et les lésions sont devenues de plus en plus en relief. L’examen cutané a trouvé des lésions érythématosquameuses siégeant au niveau du tronc, la région axillaire et le visage. Ces lésions étaient en relief, arrondies, certaines ovalaires, d’autres confluentes donnant naissance à une énorme lésion étendue Fig. 3. Le reste de l’examen somatique était sans particularité. Le bilan a montré une formule hématologique normale, une protidémie à 79 g/L. VS à 20 mm. Le bilan allergologique était négatif. La radiographie pulmonaire normale. Le diagnostic de psoriasis vulgaire a été retenu. Le malade a été mis sous dermatocorticoïdes et dérivé de la vitamine D associé à des soins locaux : antiseptique, émollients et crème hydratante. L’évolution était favorable. 7. DISCUSSION Le psoriasis est une maladie inflammatoire avec une prolifération kératinocytaire anormale [1]. C’est une affection multifactorielle mettant en jeu des facteurs génétiques [2], immunologiques [3] et environnementaux. On distingue deux grands types de psoriasis : le psoriasis familial ou de type 1 et le psoriasis sporadique ou de type 2. Le premier débute plus précocement (2e décennie) et est plus souvent associé à l’haplo type humain leucocyte antigen (HLA) CW6. Dans cette population, le début est plus précoce chez les
Fig. 3. Psoriasis vulgaire chez le nourrisson de l’observation 5.
filles que chez les garçons [4]. Le second type de psoriasis est de début plus tardif (3–4e décennie) et son lien avec le CW6 est moins important. Plusieurs locus de prédisposition au psoriasis ont été individualisés sur les chromosomes 6 p (PSORS 1), 17 p (PSORS 2), 4 q (PSORS 3), 1 p (PSORS 7). Aucun gène n’est cependant encore formellement identifié [5]. Des facteurs environnementaux, infection streptococcique, médicaments, stress, traumatisme. . . interviennent également dans les poussées de psoriasis, à l’inverse, le soleil a un effet bénéfique, il faudra, cependant être prudent et ne pas exposer à visée thérapeutique des nourrissons. Le psoriasis touche 1 à 3 % de la population. Un début dans l’enfance existe chez 30 à 50 % des patients, mais jusqu’à deux tiers des patients dans les formes familiales de psoriasis [6]. Dans 2 à 5 % des cas, le début a lieu avant deux ans [2]. Dans notre série composée de cinq cas, une fille et quatre garçons, dont l’âge varie entre 41 jours et deux ans, nous avons noté chez trois cas une notion familiale de maladie auto-immune et chez deux cas une notion d’atopie familiale. L’aspect sémiologique chez l’enfant est le même que chez l’adulte : plaques (maculeuses ou papuleuses) squameuses, bien limitées symétriques touchant les zones bastions (coudes, genoux, lombes et cuir chevelu). Toutes les formes cliniques de psoriasis peuvent être observées chez l’enfant. Généralement, les aspects les plus fréquemment rencontrés chez l’enfant sont le psoriasis en plaques et le psoriasis du cuir chevelu, cependant, la présentation la plus fréquente durant les deux premières années de vie est le psoriasis des langes (napkin psoriasis). Il se développe à partir de l’âge de trois mois, débute dans les plis. Il peut diffuser sur toute la zone des couches. Le
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diagnostic est souvent difficile au début de l’éruption. L’aspect typique est celui d’un érythème fessier bien délimité, fixe, vernissé, prédominant sur les convexités [7,8]. Les antécédents familiaux, la présence de lésions à distance, la chronicité de l’érythème avec résistance aux antifongiques orienteront vers le diagnostic de psoriasis. Dans notre étude, la forme en plaque est la plus fréquente, le psoriasis des langes a été observé dans un seul cas. Dans le psoriasis en plaques, les plaques sont plus petites et les squames plus fines que chez l’adulte pouvant prendre un aspect volontiers eczématiforme. Des localisations évocatrices, une apparition plus tardive que la dermatite atopique, les antécédents familiaux aideront au diagnostic. Dans le cuir chevelu, un aspect de pseudo teigne amiantacée est fréquemment révélateur d’un psoriasis. Le psoriasis en gouttes est un psoriasis éruptif fait de petites macules (< 0,2–1 cm), érythématosquameuses disséminées sur le corps et les membres qui disparaît spontanément dans 50 % des cas en quelques mois. Il succède fréquemment à une infection à streptocoque b-hémolytique surtout à type d’angine. La fréquence du psoriasis en gouttes est plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte, cependant, il semble rare chez le petit enfant touchant moins de 10 % des enfants psoriasiques de moins de deux ans [4]. Les enfants psoriasiques auraient un risque multiplié par 50 de développer une dermatite atopique. Le pronostic du psoriasis de l’enfant est moins bon que pour la dermatite atopique, et sa prise en charge doit se concevoir à long terme. Dans le psoriasis de gravité légère à modérée, un traitement local est généralement suffisant [9]. Les émollients permettent de soulager les démangeaisons et ont un effet bénéfique sur la sécheresse de la peau. D’autres médicaments à usage local seront nécessaires : il s’agit des corticoïdes, des analogues de la vitamine D, du dithranol, de l’acide salicylique et du tazaroténe, il est souvent nécessaire d’associer plusieurs médicaments [10]. Dans les formes les plus graves, un traitement systémique [11,12] ou la photothérapie [13] deviennent nécessaires après échec du traitement local. L’éviction des facteurs déclenchant est louable, mais chez l’enfant, les facteurs déclenchant prédominant sont les infections et le stress, deux facteurs sur lesquels il est difficile de mener une prévention efficace.
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8. CONCLUSION Le psoriasis est une pathologie multifactorielle complexe, à mécanisme multiple, mal connu, avec association de facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux. Le traitement fait appel dans les atteintes légères aux corticoïdes, Les traitements anti-inflammatoires et immunomodulateurs obtenus par les techniques de génie génétique soulèvent un espoir considérable dans les formes sévères. Le pronostic est très variable, et l’évolution est chronique avec poussée et rémission spontanée ou sous traitement. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES [1] Guilhou JJ, Moles JP. Pathogénie du psoriasis : actualités. Object Peau 2004;10(71):46–50. [2] Guilhou JJ. Psoriasis : diagnostic et étiopathogénie. Encycl Méd Chir, Dermatologie, 98-190-A-20, 2000:1–10. [3] Juillien D. Psoriasis : immunologie. Nouv Dermatol 2003;22(4):242–8. [4] Mahé E, de Prost Y. Psoriasis de l’enfant. J Pediatr Puericult 2004;17:380–6. [5] Jonca N, Guerrin M, Simon M. Génétique du psoriasis. Object Peau 2004;10(71):51–3. [6] Benoit S, Henning Hamm H. Childhood psoriasis. Clin Dermatol 2007;25:555–62. [7] Sharma V, Orchard D. Paediatric psoriasis. J Paediatri Child Health 2011;21(3):126–31. [8] Christopher E. Psoriasis, epidemiology and clinical spectrum. Clin Exp Dermatol 2001;26:314–20. [9] Clabaut A, Viseux V. Prise en charge du psoriasis de l’enfant. Ann Dermatol Venereol 2010;137(5):408–15. [10] Paul C, Bachelez H. Traitement du psoriasis en pratique pour le rhumatologue. Rev Rhum Monograph 2011;78:145–51. [11] Paul C, Gallini A, Maza A, et al. Evidence-based recommendations on conventional systemic treatments in psoriasis: systematic review and expert opinion of a panel of dermatologists. J Eur Acad Dermatol Venereol 2011;25(Suppl. 2):2–11. [12] Paller AS, Siegfried EC, Langley RG, et al. Etanercept treatment for children and adolescents with plaque psoriasis. N Engl J Med 2008;358:241–51. [13] De Jager M, De Jong E, Van de Kerkhof P, et al. Efficacy and safety of treatments for childhood psoriasis: a systematic literature review. J Am Acad Dermatol 2010;62:1013–30.