Le rôle du pharmacien auprès du patient atopique

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pratique conseil Le rôle du pharmacien auprès du patient atopique La dermatite atopique est une maladie cutanée inflammatoire chronique dont la préva...

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Le rôle du pharmacien auprès du patient atopique La dermatite atopique est une maladie cutanée inflammatoire chronique dont la prévalence dans la population est élevée, notamment dans les pays industrialisés. Le pharmacien d’officine joue un rôle important dans les conseils associés aux traitements mais également dans le rappel des règles hygiéno-diététiques à mettre en place afin de limiter l’évolution de la maladie. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Nicolas CLERE Maître de conférences UFR des sciences pharmaceutiques et ingénierie de la santé, 16 boulevard Daviers, 49045 Angers cedex, France

Mots clés - allergène ; dermatite atopique ; eczéma ; xérose

The role of the pharmacist with atopic patients. Atopic dermatitis is a chronic inflammatory skin disease which is highly prevalent, particularly in industrialised countries. The pharmacist plays an important role in giving advice regarding treatments as well as in reminding patients of the correct diet and lifestyle choices to make in order to limit the evolution of the disease. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Keywords - allergen; atopic dermatitis; eczema; xerosis

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a dermatite atopique, ou eczéma atopique, est une affection inflammatoire chronique survenant sur un terrain atopique, caractérisée par des poussées prurigineuses d’eczéma aigu sur fond de xérose (sécheresse) cutanée permanente. D’origine multifactorielle, elle concerne 10 à 20 % des enfants contre 1 à 3 % des adultes et associe généralement un terrain génétique particulier et l’action de facteurs environnementaux. La physiopathologie de la dermatite atopique a été comprise à partir de la mise sur le marché d’immunosuppresseurs spécifiques tels que la ciclosporine ou encore le tacrolimus. En effet, l’usage de ces molécules est associé à une inactivation des lymphocytes T spécifiques d’antigènes provoquant une régression de l’eczéma. Ainsi, la dermatite atopique correspond au développement d’une réponse immunitaire classique qui résulte de l’interaction entre des anomalies constitutionnelles de la barrière cutanée liées à un terrain génétique prédisposant,

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une hyperréactivité du système immunitaire, et des facteurs environnementaux et inflammatoires.

Tableau clinique Le tableau clinique de la dermatite atopique évolue selon l’âge du patient (encadré 1). 

Chez le nourrisson La dermatite atopique débute généralement à l’âge de 3 mois, mais parfois dès le premier mois de vie. La topographie et l’étendue des lésions varient selon la gravité de la maladie mais aussi d’une poussée à l’autre. Généralement, il s’agit, tout d’abord, d’une atteinte quasi symétrique des convexités des membres et du visage (front, joues, menton). Les lésions du tronc s’arrêtent souvent à la zone protégée par les couches portées par les nourrissons. Au niveau du cuir chevelu, en particulier au cours de la première année, une atteinte séborrhéique caractérisée par des squames jaunâtres et grasses peut être décrite. La peau devient plus sèche à partir de la deuxième année et ceci de

Encadré 1. Chronologie

de la dermatite atopique L’eczéma apparaît avant l’âge de 1 an dans 80 % des cas mais il y a 50 % de chances pour qu’à 5 ans, la maladie ne pose plus de problème (atteinte infraclinique ou cliniquement insignifiante) ; elle régresse plus ou moins vite pour persister dans 10 ou 15 % des cas après la puberté. L’asthme peut survenir vers l’âge de 3 ans, voire 7-8 ans et s’améliore à la puberté avec des récidives inconstantes à l’âge adulte. Enfin, la rhinite apparaît en général plus tard (7 ans) pour persister de longues années.

manière plus constante. Le prurit est un critère diagnostique de la maladie mais également un symptôme particulièrement gênant, à l’origine, entre autres, de troubles du sommeil.

Chez l’enfant Après l’âge de 2 ans, les lésions d’eczéma sont localisées aux plis (cou, genoux, coudes), mains, poignets et chevilles. Certaines poussées se limitent à l’une de ces zones quand d’autres touchent l’ensemble du corps. La sécheresse cutanée est un élément plus constant que chez le nourrisson et s’améliore en été tandis

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qu’elle nécessite des soins émollients tout l’hiver.

Chez l’adolescent et l’adulte Chez les personnes chez qui elle persiste à l’adolescence et/ou à l’âge adulte, il semble que la pathologie soit associée à des conflits psychoaffectifs ou à un stress particulièrement intense. Cependant, l’affection peut apparaître au moment de l’adolescence. Bien que les symptômes soient identiques à ceux relevés chez le nourrisson, il convient, à l’âge adulte, de réaliser un diagnostic différentiel avec d’autres pathologies (gale, eczéma de contact, autres dermatites).

Évolution Aucune évolution typique n’a pu être observée chez les patients atopiques. Cependant, il existe des facteurs de mauvais pronostic : la gravité pendant l’enfance, des antécédents familiaux de dermatite atopique, une association précoce avec de l’asthme, un début après l’âge de 2 ans, une atteinte des mains ou une xérose persistante à l’âge adulte. C’est chez les nourrissons que sont retrouvées le plus de formes étendues et graves. Pendant la période post-infantile, l’asthme semble retentir davantage sur la qualité de vie que la dermatite atopique ellemême. Les complications les plus communes sont les surinfections cutanées bactériennes ou virales dont les plus typiques sont les lésions d’impétigo au niveau des plis ou du visage.

Prise en charge La prise en charge de la dermatite atopique allie des mesures préventives et un traitement visant à améliorer la qualité de vie du patient.

Mesures préventives Les actions préventives sont essentiellement des mesures d’évitement

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qui, appliquées de façon stricte, rendraient le quotidien des patients compliqué. De plus, les précautions vis-à-vis des déjections d’acariens et des poils d’animaux ne montrent pas d’effet clinique probant. Ces mesures doivent donc être adaptées au cas par cas. F S’agissant des vêtements, il convient d’opter pour des textiles 100 % coton et amples afin de prévenir le contact direct avec la peau et une transpiration excessive. Les matières irritantes telles que la laine et les fibres synthétiques favorisent la dermatite atopique ; ces effets s’observent tardivement et persistent durant plusieurs jours. F Dans le logement doivent être privilégiés les draps en coton, les couvertures, les couettes et les rideaux lavables, alors que les matelas en laine, les coussins ou les couettes en plume doivent être évités. Par ailleurs, les animaux de compagnie ne sont pas les bienvenus. De plus, les parfums d’ambiance, les pulvérisateurs ménagers, les insecticides ainsi que la fumée de tabac sont déconseillés. Il est recommandé de maintenir une aération naturelle constante d’au moins 5 minutes par jour, d’humidifier et de ne pas surchauffer les pièces (19 °C maximum). Les moquettes et les tapis, tout comme l’excès de poussière ou le développement de moisissures dans les pièces d’eau sont proscrits. F Concernant l’hygiène corporelle, il est important de veiller à couper les ongles des enfants relativement courts. En effet, le grattage potentialise le risque de surinfection staphylococcique, d’inflammation et majore les démangeaisons. Quelques alternatives peuvent être envisagées : faire porter des moufles aux nourrissons, vaporiser de l’eau thermale et tamponner avant évaporation afin de limiter les démangeaisons. La toilette du nourrisson peut être réalisée à l’aide de soins lavants extra-doux (Aderma ®

Exomega huile nettoyante, Bioderma® ABCDerm moussant, Saforelle® gel lavant doux, Uriage® bébé crème lavante…). Par ailleurs, il convient d’utiliser des produits de maquillage adaptés aux peaux atopiques (gammes Avène, Eye-Care, La Roche Posay…) et d’appliquer les parfums sur les vêtements et non sur la peau. F Le calendrier vaccinal doit être respecté chez l’atopique. Cependant, il est préférable de retarder la vaccination en phase de forte poussée. En cas de risque allergique aux protéines de l’œuf, les vaccinations contre la grippe et la fièvre jaune requièrent un avis spécialisé. F Certains aliments peuvent être impliqués : œuf, arachide, poisson et fruits à coque mais surtout le lait qui est responsable de 50 à 70 % des cas diagnostiqués chez l’enfant, d’où l’intérêt d’encourager l’allaitement maternel pendant au moins les six premiers mois. Chez les nourrissons alimentés artificiellement et exposés à un risque atopique héréditaire majoré, l’alimentation exclusive avec un hydrolysat poussé de protéines (Pepti-Junior®, Pregestimil®, Nutramigen® LGG2…) jusqu’à l’âge de 6 mois peut réduire l’incidence des réactions indésirables aux aliments. La diversification (en proscrivant les produits laitiers) peut ensuite être débutée tout en conservant l’hydrolysat poussé de protéines comme base pour couvrir les besoins en calcium, vitamine D et E. Les aliments doivent alors être introduits un à un, en respectant un intervalle d’une ou deux semaines entre chaque.

Traitements Les traitements visent à traiter l’inflammation, les surinfections et la sécheresse cutanée. Si l’inflammation requiert la prescription de dermocorticoïdes ou de tacrolimus, la prévention des surinfections et la prise en charge de la

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sécheresse cutanée sont, quant à elles, du ressort du conseil officinal. F La prise en charge de la xérose est indispensable car elle peut aggraver le prurit et se compliquer de microfissures, en particulier au niveau des plis et des mains, qui constituent une porte d’entrée pour les allergènes et les pathogènes viraux, bactériens ou fongiques. L’application d’émollients est primordiale. Ils hydratent la peau en apportant à la couche cornée des excipients hydrophiles (mannitol, glycérol…) qui captent et retiennent l’eau, limitant la perte hydrique trans épidermique en surface. Cette action est potentialisée par l’ajout de polymères filmogènes hydrophiles formant un réseau hydraté (collagène, acide hyaluronique) et/ou d’agents polymères lipophiles ayant un rôle occlusif (vaseline, paraffine). Enfin, les émollients restaurent la barrière cutanée grâce à des molécules capables d’infiltrer le ciment intercornéocytaire (céramides, cholestérol, lanoline, phospholipides, acides gras essentiels...) pour former un film hydrolipidique. Les nombreux émollients disponibles en officine se présentent sous différentes formes commercialisées dans les gammes Trixéra +® (Avène), Stelatopia® (Mustela), Lipikar® (La Roche Posay) ou Exoméga ® (Aderma). Ces produits s’appliquent sur les zones sèches et les lésions d’eczéma en voie d’amélioration, en relais d’un traitement par dermocorticoïdes, mais pas lors des phases de poussées durant lesquelles les sensations de brûlures et de démangeaisons peuvent être augmentées. Les produits à base d’huile d’amande douce, d’arachide, de sésame ou de noisette et contenant de l’allantoïne sont proscrits car ils font courir un risque d’allergie. Les émollients doivent être appliqués quotidiennement après la toilette sur une peau encore humide, en couche fine et

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mouvements circulaires. Leur utilisation doit être accrue par temps froid et sec. F Les cures thermales restent conseillées dans la prise en charge de la dermatite atopique bien qu’aucune étude n’ait montré de résultats probants. Elles sont basées sur l’action thérapeutique de l’eau et plusieurs mécanismes sont évoqués : apport d’oligo-éléments, diminution de l’effet stimulant des cellules de Langerhans sur les lymphocytes, propriétés antioxydantes, diminution de la dégranulation des polynucléaires basophiles cutanés et de la colonisation bactérienne par Staphylococcus aureus. Les principales stations thermales ayant une indication dans le traitement de la dermatite atopique sont Avène (34), La Roche-Posay (86), Saint Gervaisles-Bains (74) et Uriage (38). F Le pharmacien peut préconiser certaines souches homéopathiques, mais il est préférable d’orienter le patient vers un homéopathe qui déterminera un traitement de fond pour permettre à l’organisme de retrouver son potentiel de défense contre la maladie en se basant sur la constitution, la diathèse (manière de réagir face à une maladie) et le tempérament du malade tout en appliquant la loi des similitudes. Dans l’attente, le pharmacien peut conseiller un traitement symptomatique de huit jours : dans tous les cas, Saponaria compose (cinq granules trois fois/jour) pour drainer la peau et éliminer les toxines ; lorsque l’aspect inflammatoire domine, Apis melifica pour les placards œdémateux rosés dont le prurit est amélioré par le froid ou Belladonna pour les plaques rouges et brûlantes surtout localisées aux joues (en 7 CH, trois à cinq granules 2 fois/jour) ; quand l’aspect vésiculeux domine, Rhus toxicondendron pour les vésicules à liquide transparent, entourées de peau rouge avec démangeaisons et sensations de brûlures intenses

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Les émollients captent et retiennent l’eau dans la couche cornée de la peau, limitant ainsi la perte hydrique en surface.

améliorées par le chaud ou Cantharis pour les grosses vésicules entourées de peau saine (en 7 CH, trois à cinq granules, deux fois/jour) ; si  l’eczéma est suintant et croûteux, Graphites pour les sécrétions épaisses de couleur jaune mielleux donnant des croûtes jaunâtres sur une peau sèche à tendance fissuraire au niveau des commissures, des plis de flexion et derrière les oreilles (en 7 CH, trois à cinq granules, deux fois/jour) ; lorsque l’eczéma est sec avec desquamations, Arsenicum album pour les squames fines avec un prurit aggravé par le froid et amélioré par le grattage au sang (en 7 CH, trois à cinq granules, deux fois/jour). F Plusieurs compléments alimentaires à base d’huile d’onagre (riche en antioxydant piégeant les radicaux libres et protégeant les acides gras insaturés) sont conseillés dans la prise en charge de la dermatite atopique bien qu’il n’existe aucune preuve pour soutenir l’utilisation orale de ces huiles végétales (Arkogélules Huile d’onagre®, Élusanes Onagre® capsules, Omegabiane Onagre® capsule, Perles de peau hydratant®). Les spécialités à base d’huile de bourrache peuvent également faire l’objet d’un conseil (Omegabiane ® Capelan-Bourrache, Élusanes Bourrache®, SVR Topialyse Caspules®). w

Déclaration d’intérêts  L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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