Le topiramate a-t-il un intérêt en addictologie ?

Le topiramate a-t-il un intérêt en addictologie ?

Revue de la littérature Addictologie Presse Med. 2014; 43: 892–901 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.e...

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Revue de la littérature

Addictologie

Presse Med. 2014; 43: 892–901 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Le topiramate a-t-il un intérêt en addictologie ? Johan Cohen, Alain Dervaux, Xavier Laqueille

Centre hospitalier Sainte-Anne, service d’addictologie du Dr X. Laqueille, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 11 juillet 2014

Johan Cohen, Centre hospitalier Sainte-Anne, service d’addictologie du Dr X. Laqueille, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France. [email protected]

Summary Topiramate in substance-related and addictive disorders

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Background > Drug treatments used in substance use disorders are not effective in all patients. Objective > To assess the effectiveness of topiramate use in the treatment of substance use disorders. Information sources > Medline database from January 1966 to December 2013, Cochrane database and clinicaltrials.gov. Selection of studies > We used keywords topiramate, addiction, substance abuse, alcohol, tobacco, nicotine, cocaine, methamphetamine, opiate, heroin, benzodiazepine, cannabis, bulimia nervosa, binge eating disorder, gambling. All clinical trials were included. Animal trials, laboratory tests, reviews, answers to writers, case-reports, case series and publications unrelated to the topic were excluded. Twenty-eight articles investigating the efficacy of topiramate in substance use were included. Results > In alcohol-related disorder, several trials and a metaanalysis showed a reduction of days of consumption. In a single-center trial on tobacco-related disorder, topiramate was not found effective in reducing the carbon monoxide expired. In cocaine-related disorder, one single-center trial showed a reduction of days of consumption and two single-center trials have found a trend in favour of topiramate. In alcohol and cocaine co-dependency, a single-center trial found a trend in favour of topiramate. In methamphetamine-related disorder, a

Résumé Contexte > Les médicaments utilisés en addictologie ne sont pas efficaces chez tous les patients. Objectif > Évaluer l’efficacité du topiramate dans le traitement des conduites addictives à partir d’une revue systématique de la littérature internationale. Sources documentaires > Banques de données Medline de janvier 1966 à décembre 2013, Cochrane et clinicaltrials.gov. Sélection des études > Nous avons utilisé les mots clés topiramate, dependence, substance abuse, alcohol, tobacco, nicotine, cocaine, methamphetamine, opiate, heroin, benzodiazepine, cannabis, bulimia nervosa, binge eating disorder, gambling. Les critères d’inclusion étaient les suivants : évaluation thérapeutique du topiramate en addictologie, essais cliniques contrôlés randomisés et méta-analyses, publiés en langue anglaise ou française. Les essais animaux, ceux en laboratoire, les revues, les réponses aux auteurs et les publications sans rapport avec le sujet ont été exclus. Vingt-huit publications ont été prises en compte. Résultats > Dans l’alcoolodépendance, plusieurs essais et une méta-analyse ont montré une réduction des jours de consommation. Dans la dépendance au tabac, un essai monocentrique n’a pas retrouvé d’efficacité du topiramate sur la diminution du monoxyde de carbone expiré. Dans la dépendance à la cocaïne, un essai monocentrique a montré une diminution de la proportion de jours de consommation et deux essais monocentriques ont retrouvé une tendance favorable. Dans la codépendance

tome 43 > n89 > septembre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.030

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multicenter trial found a trend in favour of topiramate. In bulimia nervosa, two single-center trials showed a reduction in binge eating and compensatory behaviours. In binge eating disorder, several trials showed a reduction of binge eating and weight. In gambling, one single-center trial did not show any significant results. There were no randomized controlled trials found in opioid-related disorder, benzodiazepines-related disorder, and cannabis-related disorder. Limitations > Definition of abstinence and methods to assess the efficacy of topiramate differed between trials. The methodological quality of included trials was variable, especially with no double-blind procedure in eight trials. Conclusion > Topiramate showed interest mainly in alcoholism, binge eating disorder and bulimia nervosa. No definitive conclusions can be reached for other substance use disorders such as nicotine dependence, cocaine dependence, amphetamine dependence or cannabis dependence and for gambling.

alcool et cocaïne, un essai monocentrique a retrouvé une tendance en faveur du topiramate. Dans la dépendance à la méthamphétamine, un essai multicentrique a retrouvé une tendance en faveur du topiramate. Dans la boulimie, deux essais monocentriques ont montré une réduction des crises de boulimie et des conduites de purge. Dans le binge eating disorder, plusieurs essais ont montré une réduction des crises de boulimie et du poids. Dans le jeu pathologique, un essai n’a pas retrouvé de résultats significatifs. Il n’y a pas eu d’essais randomisés contrôlés retrouvés dans la dépendance aux opiacés, celle aux benzodiazépines ou au cannabis. Limites du travail > La définition de l’abstinence et les modalités de mesure de l’efficacité du topiramate différaient sensiblement selon les essais, rendant difficile les comparaisons. La qualité méthodologique des essais inclus était variable avec, notamment, huit essais sans double insu. Conclusion > Le topiramate a montré un intérêt principalement dans l’alcoolodépendance, le binge eating disorder, et la boulimie. Dans les autres addictions avec substances et le jeu pathologique, les essais sont insuffisants pour justifier son utilisation en pratique courante.

L

Le topiramate possède six mécanismes d’action principaux : agoniste GABA au niveau du site GABA-A ; antagoniste des récepteurs AMPA et kaïnate du glutamate ; inhibiteur des canaux calciques de type L et limitation des seconds messagers calcium-dépendants ; stabilisateur des membranes via les canaux sodium voltage-dépendants ; activateur de la conductance du potassium ; inhibiteur faible des iso-enzymes CA-II et CA-IV de l’anhydrase carbonique [6,7]. Dans les addictions avec substances, une revue de la littérature sur l’efficacité du topiramate a été réalisée jusqu’en janvier 2009 [8]. Plusieurs essais cliniques ont été publiés depuis, concernant l’efficacité du topiramate dans l’alcoolodépendance [9–11], la dépendance à la cocaïne [12,13], la co-dépendance alcool et cocaïne [14] et la dépendance à la méthamphétamine [15,16]. Dans les addictions comportementales, plusieurs revues de la littérature sur l’efficacité du topiramate dans les troubles du comportement alimentaire ont été réalisées [17] mais il n’en existe pas concernant le jeu pathologique. L’objectif de cette revue de la littérature était de synthétiser les connaissances sur l’efficacité du topiramate dans le traitement des conduites addictives. En outre, il n’existe pas d’article sur ce sujet dans la littérature francophone.

tome 43 > n89 > septembre 2014

Méthode Nous avons interrogé trois bases de données en décembre 2013 : Medline, Cochrane Library, et clinicaltrials.gov. Sur Medline (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed), nous avons recherché les articles dont le titre contenait le mot clé « topiramate » associé à un mot clé relatif à l’addictologie.

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es pathologies addictives sont rencontrées chez 10 à 15 % des individus de la population générale au cours de leur vie [1,2]. Les consommations d’alcool et de tabac sont les premières causes de mortalité évitables [3]. L’approche pharmacologique en addictologie reste limitée. Les médicaments disponibles agissent selon différents modes : produits de substitution (nicotine dans la dépendance au tabac, buprénorphine et méthadone dans la dépendance aux opiacés), médicaments antabuses (disulfirame dans l’alcoolodépendance), médicaments utilisés dans le maintien de l’abstinence chez les patients alcoolodépendants en diminuant l’envie de boire (naltrexone et acamprosate). Cependant, leur efficacité n’a pas été observée chez tous les patients [4]. Le développement de nouveaux médicaments en addictologie est donc un enjeu de santé de publique. D’autres médicaments pourraient avoir un intérêt, en particulier certains anticonvulsivants tels que le topiramate. Cet anticonvulsivant, ayant des propriétés neuro-protectrices, a une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France dans l’épilepsie, en monothérapie après l’échec d’un traitement antérieur ou en association à d’autres traitements lorsque ceux-ci sont insuffisamment efficaces, ainsi que dans la migraine. Plus récemment, la Food and Drug Administration (FDA), aux États-Unis, a autorisé l’usage du topiramate associé à la phentermine dans le traitement de l’obésité (indice de masse corporelle supérieur à 30 kg/m2) ou du surpoids associé à une comorbidité (diabète de type II, hypertension, dyslipidémie) à partir d’un IMC supérieur à 27 kg/m2 [5].

Revue de la littérature

Addictologie

J Cohen, A Dervaux, X Laqueille

Nous avons formulé une requête unique afin d’éviter les redondances soit : substance abuse[Title] AND topiramate [Title] OR dependence[Title] AND topiramate[Title] OR alcohol [Title] AND topiramate[Title] OR tobacco[Title] AND topiramate[Title] OR smoking[Title] AND topiramate[Title] OR nicotine [Title] AND topiramate[Title] OR cocaine[Title] AND topiramate[Title] OR methamphetamine[Title] AND topiramate[Title] OR opiate[Title] AND topiramate[Title] OR heroin[Title] AND topiramate[Title] OR benzodiazepine[Title] AND topiramate[Title] OR cannabis[Title] AND topiramate[Title] OR bulimia nervosa [Title] AND topiramate[Title] OR binge eating disorder

[Title] AND topiramate[Title] OR gambling[Title] AND topiramate[Title]. Nous avons obtenu 104 résultats. Nous avons exclu 76 articles correspondant à des essais animaux, des essais en laboratoire, des case-reports, des séries de cas, des revues, des réponses aux auteurs, et des articles sans rapport avec le sujet (figure 1). Nous avons inclus 28 publications (dont une métaanalyse) issues de 19 essais cliniques contrôlés randomisés. Pour chaque essai, nous avons étudié l’efficacité du topiramate ainsi que l’existence d’effets indésirables, en particulier de glaucome, effet indésirable le plus grave du topiramate : glaucoma[title] AND topiramate[title].

Medline, requête initiale : substance abuse[Title] AND topiramate[Title] OR dependence[Title] AND topiramate[Title] OR alcohol[Title] AND topiramate[Title] OR tobacco[Title] AND topiramate[Title] OR smoking[Title] AND topiramate[Title] OR nicotine[Title] AND topiramate[Title] OR cocaine[Title] AND topiramate[Title] OR methamphetamine[Title] AND topiramate[Title] OR opiate[Title] AND topiramate[Title] OR heroin[Title] AND topiramate[Title] OR benzodiazepine[Title] AND topiramate[Title] OR cannabis[Title] AND topiramate[Title] OR bulimia nervosa[Title] AND topiramate[Title] OR binge eating disorder[Title] AND topiramate[Title] OR gambling[Title] AND topiramate[Title]

104 articles

28 articles inclus, publiés à partir de 19 essais cliniques : - alcoolodépendance : 11 articles à partir de 8 essais - dépendance au tabac : 3 articles à partir : d’un essai original ; de 2 essais sur l’alcoolodépendance. - dépendance à la cocaïne : 3 articles à partir de 3 essais - codépendance alcool et cocaïne : 1 article à partir d’un essai - dépendance à la méthamphétamine : 2 articles à partir d’un essai - boulimie : 3 articles à partir de 2 essais - binge-eating disorder : 3 articles à partir de 3 essais - jeu pathologique : 2 articles à partir de 2 essais

76 articles exclus : - case-report ou série de cas - revues - essais animaux - essais en laboratoire - réponses aux auteurs - articles sans rapports - rapports d’effets indésirables - projet d’étude - articles en langue autre qu’anglaise ou française

Figure 1 894

Diagramme de sélection des articles sur Medline tome 43 > n89 > septembre 2014

Le topiramate a-t-il un intérêt en addictologie ?

Résultats Alcoolodépendance Essais topiramate vs placebo Dans des populations de patients alcoolodépendants, quatre essais randomisés contrôlés versus placebo, en double insu, ont été publiés [11,18–22]. Dans les groupes traités par topiramate, ils ont mis en évidence une diminution significative des taux plasmatiques de CDT (transferrine déficiente en carbohydrate, marqueur biologique de la consommation d’alcool) [10], et une amélioration des échelles relatives à l’alcoolodépendance (Obsessive Compulsive Drinking Scale [OCDS], Drinker Inventory of Consequences [DrInC]) [20,21]. Trois de ces essais [18–22] ont fait l’objet d’une méta-analyse [23], totalisant 635 patients. Celle-ci a retrouvé, dans le groupe traité par topiramate, une diminution de 23 % du nombre de jours de consommation massive (p < 0,001) et une augmentation significative du nombre de jours d’abstinence supplémentaires (+2,9 jours, p < 0,001). Un essai monocentrique randomisé, contrôlé versus placebo, en ouvert pendant quatre mois (n = 90) a retrouvé une augmentation significative de la durée moyenne d’abstinence dans le groupe traité par topiramate [10] (tableau I). Essais topiramate vs naltrexone Le topiramate a été comparé à la naltrexone, médicament utilisé dans l’aide au maintien de l’abstinence chez les patients alcoolodépendants, dans trois essais monocentriques randomisés. Un essai en double insu pendant 12 semaines (n = 155, dont topiramate n = 52, naltrexone n = 49, placebo n = 54) n’a pas montré de différence significative concernant les consommations d’alcool (durée d’abstinence cumulée, pourcentage de tome 43 > n89 > septembre 2014

semaines avec consommation massive) [22]. Un essai ouvert pendant six mois (n = 102) a retrouvé des taux significatifs d’abstinence dans le groupe de patients traités par topiramate [24]. Un autre essai ouvert pendant six mois (n = 182) a observé un nombre de jours de consommation massive plus faible dans le groupe de patients traités par topiramate [9]. Essais topiramate vs disulfirame Un essai monocentrique randomisé contrôlé ouvert pendant neuf mois (n = 100) a retrouvé une durée moyenne d’abstinence significativement plus élevée chez les patients traités par disulfirame [25].

Dépendance tabagique Un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu, pendant 11 semaines (n = 87) n’a pas montré de différence entre la mesure du monoxyde de carbone expiré dans le groupe de patients traités par topiramate et le groupe de ceux recevant le placebo [26]. L’efficacité du topiramate dans la dépendance au tabac a été évaluée dans des sous-groupes de patients alcoolodépendants inclus dans deux autres essais [27,28]. Les sujets recevant du topiramate avaient significativement plus de chance de s’abstenir de fumer par rapport à ceux sous placebo [28]. Il y avait également dans le groupe recevant du topiramate une diminution significative du nombre de cigarettes fumées par jour [27].

Dépendance à la cocaïne Un essai monocentrique randomisé, contrôlé versus placebo, en double insu, pendant 13 semaines (40 sujets fumeurs de crack) [29] n’a pas rapporté de différence significative entre les deux groupes à la fin de l’étude. Cependant, le risque de consommer de la cocaïne dans le groupe recevant du topiramate était significativement plus faible que dans le groupe recevant le placebo (comparaison des Odds Ratio z = 2,67, p = 0,01) sur la période où le topiramate était à posologie maximale, de la neuvième à la treizième semaine. Un essai monocentrique randomisé contrôlé évaluant l’efficacité du topiramate associé à un mélange de sels d’amphétamines versus placebo en double insu pendant 12 semaines (n = 87), a retrouvé des taux d’abstinence plus élevés dans le groupe recevant topiramate et sels d’amphétamine (33,3 versus 16,7 %) [12]. Un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu, pendant 12 semaines (n = 142), combiné à de la thérapie cognitive et comportementale hebdomadaire, a mis en évidence pour la période où le topiramate était à la posologie de 300 mg/j (semaine 6 à 12), une augmentation de la proportion de jours par semaine sans consommation de cocaïne significativement plus importante (8,9 versus 3,7 % ; p = 0,04) dans le groupe sous topiramate. Il n’y avait pas de différence concernant la proportion de semaines avec tests urinaires négatifs [13].

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Dans la Cochrane Library (www.thecochranelibrary.com), nous avons recherché les articles dont le titre, le résumé ou les mots clés contenaient le mot topiramate : title, abstract or keywords : « topiramate ». Nous avons obtenu 18 résultats : 14 revues et quatre protocoles. Deux résultats appartenaient au champ de la psychiatrie, et deux au champ de l’addictologie. Sur clinicaltrials.gov, 209 études évaluant l’efficacité du topiramate étaient recensées, dont 35 concernaient les troubles liés aux substances (Substance Related Disorders). Parmi celles-ci, deux étaient terminées avec des résultats publiés, 11 étaient terminées sans résultats publiés, 15 étaient en cours de réalisation (« not yet recruiting ; recruiting ; active, not recruiting »), deux étaient abandonnées, une suspendue et trois avaient un statut inconnu. Nous avons également procédé à une recherche manuelle et nous avons exclu les résumés de communication lors de congrès, les éditoriaux, les essais animaux, les essais en laboratoire, les revues de la littérature, les réponses aux auteurs, et les publications sans rapport avec le sujet.

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Addictologie

J Cohen, A Dervaux, X Laqueille

Tableau I Récapitulatif des cinq essais randomisés contrôlés topiramate versus placebo dans l’alcoolodépendance Type d’essai

Double insu monocentrique

Publications à partir de l’essai

Johnson et al., 2003 [18]

Posologie Nombre total Durée Hospitalisation de patients (semaines) de sevrage avant (mg/j) et nombre introduction du topiramate de patients par groupes

300

150 75 topiramate 75 placebo

12

Non

Principaux c ritères de jugement de l’efficacité du topiramate comparé au placebo

Résultats

Consommation (verres/j) % de jours de consommation massive % de jours d’abstinence

+

CGI, Q-LES-Q, DrInC

+

% de jours de consommation massive

+

Enzymes hépatiques, OCDS

+

Johnson et al., 2004 [19] Double insu multicentrique

Johnson et al., 2007 [20]

300

Johnson et al., 2008 [21]

371 183 topiramate 188 placebo

14

Non

Double insu monocentrique

Baltieri et al., 2008 [22]

300

155 52 topiramate 54 placebo 49 naltrexone

12

Oui

Délai avant la première rechute, N abstinents à la fin de l’essai

+ –

Double insu monocentrique

Rubio et al., 2009 [11]

NC

63 31 topiramate 32 placebo

12

Non

CPT, consommation (verres/j) N jours de consommation massive

+

75

90 30 topiramate 60 placebo

16

Oui

% de rechutes Durée d’abstinence déclarée

+

Ouvert Paparrigopoulos et al., 2011 [10] monocentrique

CGI : Clinical Global Impression ; CPT : Continuous Performance Test ; DrInC : Drinker Inventory of Consequences ; N : nombre ; NC : non communiquée ; OCDS : Obsessive Complusive Drinking Scale ; Q-LES-Q : Quality of Life Enjoyment and Satisfaction Questionnaire.

Dépendance simultanée à la cocaïne et à l’alcool Un essai randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant 13 semaines (n = 170), n’a pas retrouvé de différence entre le topiramate et le placebo en termes de réduction des consommations d’alcool et de cocaïne [14].

Dépendance à la méthamphétamine

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Un essai multicentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant 13 semaines (n = 140), n’a pas retrouvé de différences significatives du nombre de tests toxicologiques urinaires négatifs pour les amphétamines entre le groupe de patients traités par topiramate et le groupe de ceux recevant le placebo. En revanche, il existait une tendance en faveur d’une diminution quantitative des amphétamines mesurées dans les urines dans le groupe de patients traités par topiramate [15]. Parmi les patients considérés comme

répondeurs, ceux du groupe topiramate atteignaient l’abstinence plus vite que ceux du groupe placebo [16].

Dépendance aux opiacés Nous n’avons pas retrouvé d’essai clinique randomisé contrôlé publié évaluant l’efficacité du topiramate dans la dépendance aux opiacés.

Dépendance aux benzodiazépines Nous n’avons pas retrouvé d’essai clinique randomisé contrôlé publié évaluant l’efficacité du topiramate dans la dépendance aux benzodiazépines.

Dépendance au cannabis Nous n’avons pas retrouvé d’essai clinique randomisé contrôlé publié évaluant l’efficacité du topiramate dans la dépendance au cannabis. tome 43 > n89 > septembre 2014

Le topiramate a-t-il un intérêt en addictologie ?

Boulimie

Essais topiramate vs fluvoxamine

Un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant dix semaines (n = 69), a mis en évidence une diminution significativement plus importante du nombre moyen de jours par semaine avec crises de boulimie et/ou conduites de purge dans le groupe recevant du topiramate (44,8 versus 10,7 % ; p = 0,004). L’amélioration du score de l’Eating Attitudes Test (EAT) a été significativement meilleure dans le groupe topiramate (p = 0,022) [30,31]. Un autre essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant dix semaines (n = 60), a retrouvé une proportion significativement plus importante de patientes diminuant de plus de la moitié la fréquence de leurs crises de boulimie et/ou conduites de purge dans le groupe recevant du topiramate (36,6 versus 3,3 % ; p < 0,001) [32].

Un essai monocentrique randomisé contrôlé versus fluvoxamine, en simple insu (évaluateur) pendant 12 semaines (n = 31), a retrouvé neuf patients en rémission complète parmi les 12 du groupe topiramate ayant terminé l’étude et six patients en rémission complète parmi les huit du groupe fluvoxamine ayant terminé l’étude [37].

Un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant 14 semaines (n = 61), a retrouvé une diminution significativement plus importante de la fréquence des crises de boulimie (94 contre 46 %), du nombre de jours avec crises de boulimie (93 contre 46 %) et du poids dans le groupe recevant du topiramate [33]. Un autre essai multicentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant 16 semaines (n = 394), a rapporté une réduction significativement plus importante du nombre de crises de boulimie par semaine (–5,0 + –4,3 versus – 3,4 + –3,8 ; p < 0,001) et du poids ( 4,5  5,1 kg versus 0,2  3,2 kg ; p < 0,001) dans le groupe recevant du topiramate [34]. Un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant 21 semaines (n = 73), en association avec des sessions de groupe de thérapie cognitivo-comportementale, a retrouvé une perte de poids significativement plus importante dans le groupe recevant du topiramate (p < 0,001). La réduction de la fréquence des crises de boulimie n’était pas significativement différente entre les deux groupes [35].

Jeu pathologique (gambling) Essais topiramate vs placebo Un essai multicentrique randomisé contrôlé versus placebo, en double insu pendant 14 semaines (n = 42), n’a pas retrouvé de différence significative dans une analyse avec un modèle de régression mixte (temps  traitement) sur le score à la Pathological Gambling Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale (PG-YBOCS) (critère de jugement principal) ou sur les scores à la Barratt Impulsivity Scale (BIS-11), la Gambling Symptom Assessment Scale (G-SAS), et la CGI (critères de jugement secondaires) [36]. tome 43 > n89 > septembre 2014

Les effets indésirables les plus fréquents rapportés chez les sujets recevant du topiramate étaient les paresthésies, observées chez la moitié des patients environ (p < 0,003) [18,20,26], l’asthénie, rapportée chez un cinquième des patients environ (p < 0,05) [10,18,26], les troubles de la concentration, retrouvés chez 15 à 20 % des patients (p < 0,02) [18,20] et l’anorexie retrouvée chez un cinquième des patients (p < 0,001) [20]. Le topiramate a fait l’objet d’un signalement de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour détournement à visée amaigrissante [38]. Le glaucome par fermeture de l’angle est l’effet indésirable le plus grave rapporté chez les sujets recevant du topiramate. Plus de cent cas de glaucome aigu par fermeture de l’angle, le plus souvent bilatéraux, ont été publiés ou signalés. Une étude systématique d’une population de consultants en ophtalmologie de près d’un million de patients a retrouvé une augmentation du risque relatif de glaucome chez les sujets recevant du topiramate (RR = 1,23 en cas de prise habituelle du topiramate, RR = 1,54 en cas d’introduction récente du topiramate) [39]. L’inhibition de l’anhydrase carbonique peut générer des acidoses métaboliques à une incidence évaluée à 0,3 %, ainsi que des calculs rénaux à une incidence évaluée à 1,5 %.

Études en cours Plusieurs études en cours de réalisation ou avec des résultats non publiés, ayant pour objectif d’évaluer l’efficacité du topiramate ont été retrouvées sur clinicaltrials.gov :  dans l’alcoolodépendance, chez des patients hospitalisés [40,41], ou en association à d’autres psychotropes (aripiprazole [42], naltrexone [43], ondansetron [44]), ou en comparaison à d’autres psychotropes (zonisamide, lévétiracétam [45]) ou chez des patients ayant des comorbidités psychiatriques (syndrome de stress post-traumatique [46–48], trouble bipolaire [49,50], binge eating disorder [51]) ou somatiques (HIV [52]) ;  dans la dépendance tabagique, en association avec des patchs nicotiniques [53], ou en focalisant sur le craving [54] ;  dans la dépendance à la cocaïne en association à des sels d’amphétamines [55] ;  dans la co-dépendance alcool et cocaïne versus placebo [56] ;  dans la co-dépendance alcool et tabac versus placebo [57,58] ;

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Binge eating disorder

Effets indésirables

Revue de la littérature

Addictologie

J Cohen, A Dervaux, X Laqueille





dans la dépendance au cannabis, chez des adolescents [59] ou des patients bipolaires [60] ; dans la boulimie ou le binge eating disorder chez des adolescents [61].

Discussion

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Dans l’alcoolodépendance, plusieurs essais cliniques contrôlés randomisés ont mis en évidence une efficacité du topiramate, agoniste GABAergique A et antagoniste des récepteurs AMPA du glutamate [4]. Ces mécanismes d’action sont similaires à ceux de l’acamprosate (médicament indiqué dans le maintien de l’abstinence) et sont peut-être à l’origine de son efficacité dans l’alcoolodépendance. Dans les essais étudiés, il n’a pas été rapporté de désinhibition comportementale induite par le topiramate, ni de délire ou de confusion de sevrage, comme cela a pu être observé pour le baclofène, un agoniste GABA-B également utilisé dans l’alcoolodépendance [62–64]. Néanmoins, l’augmentation du risque relatif de glaucome et la fréquence des effets indésirables tels que les paresthésies, l’asthénie, les troubles de la concentration, ne font pas du topiramate un médicament de première intention. Hormis le baclofène, les autres médicaments diminuant l’envie de boire de l’alcool (naltrexone, acamprosate et nalméfène) ont fait l’objet d’un plus grand nombre d’essais cliniques, et il n’existe pas d’études de suivi à long terme des patients traités par topiramate [4]. Dans la dépendance à la cocaïne, deux études ont retrouvé une tendance en faveur du topiramate sans résultats significatifs, la troisième a montré un bénéfice significatif sur la diminution des consommations mais pas de résultat significatif concernant les tests urinaires. Dans la dépendance au tabac et celle à la méthamphétamine, il existe des résultats intéressants mais aucune étude n’a montré jusqu’ici de différences significatives en termes d’abstinence entre topiramate et placebo dans les essais cliniques contrôlés randomisés. Dans la dépendance au cannabis, aux benzodiazépines ou aux opiacés, il n’y a actuellement pas d’essais cliniques contrôlés randomisés disponibles concernant l’usage du topiramate. Dans la boulimie, deux études contrôlées, randomisées, ont retrouvé une efficacité du topiramate par rapport au placebo avec diminution du nombre de crises de boulimie et des conduites de vomissements provoqués [30–32]. Dans le binge eating disorder, plusieurs essais cliniques contrôlés randomisés ont montré une diminution des crises de boulimie et une perte de poids. Dans le jeu pathologique (gambling), il n’a pas été retrouvé de résultats significatifs. Plusieurs essais ont vu leurs résultats fragmentés au sein de plusieurs publications [15,16,18–22,27,28,30,31]. Enfin, de nombreux essais évaluant l’efficacité du topiramate sont en cours dans des populations de patients alcoolodépendants

ou dépendants à la cocaïne avec ou sans comorbidités psychiatriques.

Doses et titration La posologie optimale du topiramate dans l’alcoolodépendance n’est pas clairement connue. Plusieurs experts recommandent une introduction progressive pour prévenir ses nombreux effets indésirables [4]. Pour certains auteurs, il peut être démarré à 25 mg matin et soir, augmenté de 25 mg par prise chaque semaine, afin d’obtenir la posologie cible de 150 mg matin et soir en sixième semaine [6].

Limites méthodologiques Dans les essais retenus, les patients ayant une comorbidité psychiatrique, les sujets âgés de moins de 18 ans et ceux âgés de plus de 65 ans étaient exclus, ce qui soulève le problème de la transposition des résultats de ces études en pratique courante. Certains essais n’ont inclus que des sujets de sexe masculin [11,22,27,37] ou de sexe féminin [32]. La durée des essais était très variable, de 11 semaines [26] à neuf mois [25]. Le traitement des conduites addictives s’effectue sur le long terme, compte tenu de la fréquence des rechutes. Il est donc important que les essais aient une durée relativement longue. Une durée de six mois a été jugée par certains auteurs comme raisonnable, quelle que soit la conduite addictive [65]. Dans l’alcoolodépendance, la définition d’un critère d’évaluation pouvait varier d’une étude à une autre : un « verre standard » pouvait correspondre à 12 grammes d’éthanol [20,21] ou 14 grammes [18,19], et une journée de consommation « massive » pouvait correspondre à une consommation d’éthanol allant de 30 à 40 grammes [24] à plus de 90 grammes [22]. Diffe´rents crite`res de jugement e´taient pris en compte pour e´valuer l’efficacite´ du topiramate : taux de jours de consommation massive, pourcentage de jours d’abstinence, nombre de verres par jour, de´lai de la premie`re rechute, dure´e d’abstinence cumule´e, taux de sujets abstinents. Ces crite`res ont une certaine pertinence : pour certains auteurs [66,67], la re´duction des risques est une option the´rapeutique envisageable et laisser les patients choisir leurs objectifs the´rapeutiques augmente les chances de succe`s [68]. Différentes échelles d’évaluation étaient utilisées (OCDS, DrInC, Craving Severity Scale [CSS], European Addiction Severity Index [EuropASI]), ne permettant pas les comparaisons entre les études. Dans les marqueurs d’évaluation biologique, le recours au CDT n’était pas systématique. Certains essais utilisaient un design particulier, par exemple, un essai ouvert comparant le topiramate à la naltrexone a inclus indifféremment des patients sevrés ou non [24], un autre essai ouvert comparant le topiramate au disulfirame [25] exigeait l’implication des familles dans la prise en charge. Dans la dépendance tabagique, il n’existe qu’un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo de faible tome 43 > n89 > septembre 2014

Le topiramate a-t-il un intérêt en addictologie ?

puissance [26]. Les autres résultats sont issus de l’analyse de sous-groupe au sein d’essais concernant l’alcoolodépendance [27,28]. Dans la dépendance à la cocaïne, un essai [29] ne retient que des sujets avec un score de sevrage (Cocaine Selective Severity Assessment) inférieur à vingt-deux et ne rapporte pas de résultats significatifs mais un rapport de cote (Odds Ratio) de consommer de la cocaïne. Un autre essai [12] retrouve une proportion d’abstinents plus importante dans le groupe topiramate et sels d’amphétamines mais la significativité de ce résultat n’est pas rapportée. Un troisième essai a retrouvé un résultat significatif sur un critère de jugement composite (consommation rapportée, test urinaire et taux de concordance estimé entre les deux) mais les résultats restent non significatifs concernant la proportion de semaines sans test urinaire positif [13]. Dans le gambling, il n’existe qu’un essai monocentrique randomisé contrôlé versus placebo de faible puissance [36].

En pratique Actuellement, la prescription du topiramate dans les troubles addictifs est une indication non reconnue dans la plupart des pays francophones, notamment en France, en Belgique et au Canada. Le patient doit en être informé et le recueil de son consentement est nécessaire. La balance bénéfice/risque doit être évaluée, et la prescription doit pouvoir être scientifiquement justifiée. Le risque de survenue de glaucome lors de la prescription de topiramate et les complications potentiellement graves de cette pathologie ophtalmologique (cécité notamment) incitent à la prudence. Enfin, les effets indésirables du topiramate sont indépendants des substances consommées et il peut être introduit chez des patients qui ne sont pas encore abstinents, quelle que soit l’addiction. Il n’y a pas eu d’interactions décrites avec l’alcool ou les

drogues consommés par les patients inclus dans les études. Cependant, le nombre total de patients inclus était limité et un usage plus large du topiramate pourrait s’accompagner d’effets indésirables non repérés dans les essais analysés dans ce travail.

Conclusions Dans les addictions avec substance, le topiramate a montré un intérêt principalement dans l’alcoolodépendance. Néanmoins, la fréquence des effets indésirables fait que ce médicament ne peut être utilisé en première intention, mais après les traitements habituels. Il n’existe que peu d’études dans les autres addictions. La prudence est de mise pour les addictions pour lesquelles il n’existe pas de traitements validés, telles que la dépendance à la cocaïne et la dépendance à la méthamphétamine. Dans les addictions comportementales, le topiramate a montré un intérêt, principalement dans la boulimie et le binge eating disorder. Dans la boulimie, l’American Psychiatric Association (APA) a recommandé que le topiramate ne soit utilisé qu’en cas d’inefficacité des autres traitements en raison de ses effets indésirables fréquents. La tendance du topiramate à induire une perte de poids a été relevée comme problématique chez les patients avec un poids normal ou inférieur à la normale (IMC < 20 kg/m2)[69]. Dans le futur, la réalisation d’essais cliniques sur l’utilisation du topiramate en addictologie chez des patients ayant une comorbidité psychiatrique permettrait de mieux refléter la réalité des pratiques au quotidien, ce dans la mesure où la corrélation entre troubles psychiatriques et troubles liés à une substance est bien établie.

Revue de la littérature

Addictologie

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Addictologie