Les polypes gastriques: pathologie et génétique

Les polypes gastriques: pathologie et génétique

Ann Pathol 2006 ; 26 : 173-99 Les polypes gastriques : pathologie et génétique Mise au point Jean-Yves Scoazec Service Central d’Anatomie et Cytolo...

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Ann Pathol 2006 ; 26 : 173-99

Les polypes gastriques : pathologie et génétique

Mise au point

Jean-Yves Scoazec Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Hôpital Édouard Herriot, 3 place d’Arsonval, 69437 Lyon Cedex 03.

Scoazec JY. Les polypes gastriques : pathologie et génétique. Ann Pathol 2006 ; 26 : 173-99.

Summary Gastric polyps : pathology and genetics Gastric polyps are defined endoscopically, as lesions bulging from the gastric mucosa into the lumen. Their histological nature is variable. The main difference lies between non neoplastic and neoplastic lesions. The two most frequent types of non neoplastic polyps are fundic gland polyps and hyperplastic polyps. Fundic gland polyps are the most frequent of all gastric polyps; they are located in the fundic region of the stomach and arise in non diseased mucosa; they may be sporadic or may be associated with distinctive clinical settings (familial adenomatous polyposis or FAP and anti-secretory treatment); in the latter case, they are usually multiple; fundic gland polyps are associated with several types of molecular alterations, depending on their etiology: APC gene is involved in FAP-associated lesions and the gene coding for betacatenin in sporadic ones; in situ development of neoplastic lesions is possible but exceptional. Hyperplastic polyps may occur all over the stomach and always arise in pathological mucosa, usually during autoimmune gastritis or H. pylori infection; they usually are sporadic; no recurrent molecular alteration has been described; the natural history of hyperplastic polyps is characterized by the risk of in situ develop-

Résumé Les polypes gastriques sont définis comme des lésions en saillie sur la muqueuse gastrique. La nature histologique des polypes gastriques est variable. La différence fondamentale se situe entre lésions non néoplasiques et lésions néoplasiques. Les deux principaux types de polypes non néoplasiques sont les polypes glandulo-kystiques et les polypes hyperplasiques. Les polypes glandulo-kystiques sont les plus fréquents des polypes gastriques ; ils sont localisés exclusivement en muqueuse fundique et se développent en muqueuse saine ; ils peuvent être sporadiques ou survenir dans des contextes particuliers (PAF ou traitement anti-sécrétoire) ; dans ce dernier cas, ils

ment of neoplastic foci or of association with a synchronous gastric adenocarcinoma; large hyperplastic polyps must therefore be resected in totality and the adjacent gastric mucosa must be carefully explored. The other non neoplastic gastric polyps include the so-called hamartomatous polyps, which may be solitary or associated with syndromic polyposes (such as Peutz-Jeghers polyps, juvenile polyps, Cowen syndrome and Cronkhite-Canada syndrome), and the inflammatory polyps (fibroid polyps or Vanek’s tumors and xanthomas). Neoplastic lesions account for about 15% of gastric polyps; the most frequent ones are adenomas, solitary or associated with FAP; alterations of the APC gene are frequent; a microsatellite instable phenotype may also be observed; the risk of carcinomatous transformation of gastric adenomas depends on their size, architecture and histological type (intestinal or pyloric). In conclusion, many advances have been made in the description of the histological types of gastric polyps and in the understanding of their molecular mechanisms, but progress in the knowledge of their natural history is necessary to improve the strategies of treatment and follow-up. ✦ Key words: gastric polyps, fundic gland polyps, hyperplastic polyps, adenomas, adenocarcinomas, Peutz-Jeghers polyps, juvenile polyps, Cowen syndrome, Wnt pathway, beta-catenin, microsatellite instability.

sont habituellement multiples ; les polypes glandulo-kystiques sont associés à plusieurs types d’anomalies moléculaires en fonction de leur contexte de survenue : le gène APC est impliqué dans les formes associées à la PAF et le gène codant pour la beta-caténine dans les formes sporadiques ; le risque de développement in situ de lésions néoplasiques est possible mais exceptionnel. Les polypes hyperplasiques peuvent survenir dans tout l’estomac et se développent constamment en muqueuse pathologique, en association avec une gastrite auto-immune ou une infection par H. pylori ; ils sont habituellement sporadiques ; il n’a pas encore été décrit d’anomalies moléculaires récurrentes ; leur évolution est dominée par le risque de survenue, faible mais non négligeable,

© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Accepté pour publication le 10 juin 2006. Tirés à part : J.Y. Scoazec, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected]

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de lésions néoplasiques in situ ou d’association avec un adénocarcinome gastrique synchrone ; les polypes hyperplasiques de grande taille doivent donc être réséqués en totalité et la muqueuse adjacente doit être explorée avec soin. Les autres lésions non néoplasiques comprennent les polypes dits hamartomateux, solitaires ou associés à une polypose syndromique (polypes de PeutzJeghers, polypes juvéniles, syndrome de Cowden et syndrome de Cronkhite-Canada) et les polypes inflammatoires (polypes fibroïdes et xanthomes). Les lésions néoplasiques représentent environ 15 % des polypes gastriques ; les plus fréquentes sont les adénomes, isolés ou associés à une PAF ; les anomalies du gène APC sont fréquentes ; un

l’endoscopiste, le terme de polype P gastrique s’applique à toute lésion en OUR

relief faisant saillie sur la paroi gastrique [1]. Pour le pathologiste, cet aspect endoscopique peut correspondre à des lésions histologiques très diverses par leur morphologie, leurs contextes de survenue et leur risque évolutif. Les différentes entités anatomocliniques susceptibles de se traduire par le développement de lésions polypoïdes gastriques sont aujourd’hui bien identifiées [2-4]. Elles incluent : des lésions considérées comme non néoplasiques (polypes glandulo-kystiques et polypes hyperplasiques), des lésions considérées comme hamartomateuses, isolées ou associées à des polyposes syndromiques (polypes de Peutz-Jeghers, polypes juvéniles, syndrome de Cowden, syndrome de Cronkhite-Canada), des lésions inflammatoires (comme les polypes fibroïdes inflammatoires) et des lésions néoplasiques dont les plus fréquentes sont les adénomes [4]. Des progrès importants dans la connaissance des divers types de lésions regroupées sous le terme générique de « polypes gastriques » ont été récemment réalisés. La diversité des circonstances de survenue et les risques évolutifs de certaines de ces lésions, comme les polypes hyperplasiques et les polypes glandulo-kystiques, ont été mieux évalués. La compréhension des mécanismes génétiques impliqués dans la pathogénie de plusieurs types de « polypes » gastriques a considérablement progressé. L’objet de cette mise au point est donc de décrire les acquisitions récentes concernant les caractéristiques histologiques, anatomocliniques et génétiques des lésions polypoïdes de l’estomac et d’en souligner les conséquences pour la pratique quotidienne.

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phénotype d’instabilité des microsatellites est possible ; le risque de dégénérescence carcinomateuse des adénomes gastriques dépend de leur taille, de leur architecture et de leur type histologique (intestinal ou pylorique). Beaucoup de progrès ont été réalisés dans la description histologiques des polypes gastriques et la compréhension de leurs mécanismes moléculaires ; une meilleure connaissance de leur histoire naturelle est importante pour améliorer les stratégies de surveillance et de traitement. ✦ Mots-clés : polypes gastriques, polypes glandulo-kystiques, polypes hyperplasiques, adénomes, adénocarcinomes, polype de Peutz-Jeghers, polype juvénile, syndrome de Cowen, voie Wnt, beta-caténine, APC, instabilité microsatellite.

Circonstances de diagnostic et caractéristiques endoscopiques Le diagnostic de polype gastrique peut être fait dans diverses circonstances : – la découverte fortuite d’une lésion polypoïde de l’estomac lors d’un examen endoscopique pratiqué pour une autre raison ou devant des symptômes vagues et non spécifiques : c’est le cas de loin le plus fréquent (plus de 80 % des cas dans la plupart des séries [1, 5, 6]) ; – la recherche de la cause d’une hémorragie digestive ou d’une anémie chronique (environ 15 % des cas) ; – la recherche de la cause d’une gêne à la vidange gastrique (environ 2 % des cas) ; – le bilan d’extension d’une polypose digestive ; – la surveillance d’un traitement médicamenteux au long cours, notamment par les traitements anti-sécrétoires (inhibiteurs de la pompe à protons, mais aussi anti-H2). Pour l’endoscopiste, un polype gastrique est défini comme une lésion d’origine muqueuse, en saillie par rapport à la paroi environnante [1]. La taille de la lésion est variable en fonction de sa nature. Les polypes glandulo-kystiques sont constamment de petite taille, le plus souvent inférieure à 5 mm. Les autres lésions sont habituellement plus volumineuses. Leur diamètre moyen est de l’ordre de 10 mm [5, 6] mais les lésions les plus volumineuses peuvent atteindre et dépasser 50 mm [6]. Comme ceux des autres segments digestifs, les polypes gastriques peuvent se présenter sous trois aspects macroscopiques : pédiculés (lorsque leur tête est reliée par une base étroite à la paroi gastrique proprement dite), à base large (lorsque leur base est moins large que leur tête) ou sessiles (lorsque leur base est aussi

Polypes gastriques

large que leur tête) ; les aspects à base large et sessile s’observent avec des fréquences comparables, de l’ordre de 35 à 40 % des cas dans la plupart des séries ; l’aspect pédiculé est plus rare (environ 25 % des cas) [1, 5, 6]. La surface du polype est le plus souvent intacte ; souvent cependant, elle est ulcérée (environ 30 % des cas) ou hémorragique (environ 10 % des cas), y compris dans des lésions bénignes. La plupart des polypes gastriques sont localisés dans l’antre (environ 60 % des cas) et le corps de l’estomac (environ 30 % des cas) ; ils sont beaucoup plus rares dans la région cardiale et la grosse tubérosité [5, 6]. Les polypes gastriques peuvent être uniques ou multiples, et dans ce dernier cas, s’intégrer dans le cadre d’une polypose (terme utilisé lorsque, par définition, au moins 50 lésions sont identifiables) [1]. En pratique, seuls les polypes glandulo-kystiques sont fréquemment multiples ; cette éventualité est relativement rare dans les autres types histologiques et n’est observée que chez environ 10 % des patients ; même dans ce cas, le nombre de polypes reste généralement faible, de l’ordre de 2 ou 3 [5, 6]. Le principal diagnostic différentiel des « polypes gastriques » est représenté par les tumeurs mésenchymateuses d’origine sous-muqueuse et les ectopies pancréatiques soulevant une muqueuse normale [1]. S’il y a un doute, une écho-endoscopie permet de situer la lésion dans les couches de la paroi gastrique et de préciser ses rapports avec la muqueuse. Un autre piège diagnostique doit également être connu : il s’agit des lésions nodulaires d’aspect polypoïde observées dans le cadre d’une gastrite atrophique et qui correspondent en fait à des îlots résiduels de muqueuse gastrique normale ou non atrophique [7].

cence carcinomateuse), (c) guider le traitement et la surveillance ultérieure [1]. La nature des prélèvements dépend de la taille de la lésion, de sa localisation et de son aspect endoscopique. Les lésions de moins de 5 mm peuvent être habituellement prélevées en entier par la pince à biopsie. Les lésions de plus de 5 mm de diamètre peuvent faire l’objet de biopsies ciblées : ce type de prélèvements suffit en général pour identifier correctement le type histologique de la lésion [6] ; en fonction du diagnostic histologique, une résection complète pourra être secondairement pratiquée par polypectomie [6] ou par mucosectomie endoscopique [8]. Il est fortement recommandé de pratiquer une résection complète, d’emblée ou secondaire, de toutes les lésions de plus de 2 cm de diamètre en raison de leur risque de dégénérescence carcinomateuse ; certains auteurs recommandent même de pratiquer d’emblée une résection complète de tous les polypes de plus de 5 mm, afin de permettre le dépistage de foyers localisés de dégénérescence carcinomateuse [6]. La difficulté du geste et les risques de complication (notamment les hémorragies, observées dans 5 à 10 % des cas) peuvent nécessiter le recours à un endoscopiste entraîné, dans un centre spécialisé [6]. Un point fondamental ne doit jamais être oublié par l’endoscopiste, quelles que soient les difficultés de la résection du polype proprement dit : pratiquer des biopsies multiples en muqueuse apparemment normale, dans les différents segments de l’estomac, en repérant précisément leur localisation. L’examen de la muqueuse non polypoïde peut en effet apporter des renseignements extrêmement précieux pour interpréter certaines lésions difficiles.

Nature des prélèvements pour examen anatomopathologique

Classification des polypes gastriques

Certaines lésions sont suffisamment évocatrices par leur aspect endoscopique, leur localisation et leur contexte de survenue pour qu’aucun prélèvement à visée histologique ne soit effectué : c’est le cas, par exemple, des polypes glandulo-kystiques du fundus observés dans la cadre des polyposes adénomateuses familiales. Dans la plupart des cas cependant, des prélèvements seront réalisés lors de l’endoscopie pour : (a) affirmer la nature histologique de la lésion, (b) préciser, le cas échéant, son stade évolutif et son grade histologique (et notamment dépister un éventuel foyer de dégénéres-

Évolution des classifications Les premières tentatives de classification histologique des polypes gastriques apparaissent dans les années 1960 [9, 10]. Elster, en 1976 [11], ne distinguait encore que trois groupes : les lésions d’hyperplasie fovéolaire, les polypes hyperplasiogéniques et les adénomes, tubuleux ou villeux. C’est entre 1975 et 1980 que les auteurs japonais proposeront les premières classifications détaillées. Nakamura a ainsi distingué quatre groupes de lésions : le type I, correspondant à nos

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actuels polypes glandulo-kystiques, le type II, correspondant à nos actuels polypes hyperplasiques, les types III et IV, correspondant aux adénomes [12]. Kozuka proposera de regrouper ces lésions en plusieurs catégories : les lésions « de type habituel » (polypes hyperplasiques, adénomateux ou carcinomateux), les lésions hamartomateuses (polypes de Peutz-Jeghers, polypes juvéniles et polypes glandulo-kystiques notamment), les lésions polypoïdes (polypes inflammatoires et adénocarcinomes polypoïdes) et les pseudopolypes [13]. En 1984, Appelman jette les bases des classifications modernes en distinguant deux catégories fondamentales : les lésions non néoplasiques et les lésions néoplasiques. Cette distinction servira de base à la classification publiée sous l’égide de l’OMS en 1990 [14, 15]. Celle-ci sera largement reprise par la suite [2], avant d’être récemment réactualisée [3]. Dans la classification OMS de 1990, la distinction fondamentale se situe entre les lésions non néoplasiques, considérées comme pseudo-tumorales, et les lésions néoplasiques. Les deux types principaux de lésions reconnues comme non néoplasiques sont : les polypes hyperplasiques (encore appelés autrefois polypes hyperplasiogéniques, pour les distinguer des lésions non apparentées décrites sous le même nom dans le côlon) et les polypes glandulo-kystiques. Les autres lésions sont plus rares ; elles incluent notamment des lésions considérées comme hamartomateuses (polypes de Peutz-Jeghers, polypes juvéniles, lésions associées au syndrome de Cowden et au syndrome de Cronkhite-Canada, notamment) et des lésions inflammatoires (comme les polypes fibroïdes). Les lésions reconnues comme néoplasiques incluent les adénomes, tubuleux ou villeux, et les adénocarcinomes polypoïdes ; les autres lésions tumorales sont beaucoup plus rares : elles incluent notamment les tumeurs endocrines et des lymphomes à forme polypoïde. Une variante de la classification OMS a été utilisée par Lewin et Appelman en 1996, dans leur ouvrage classique sur la pathologie tumorale gastrique [2] ; elle distingue 6 groupes de lésions : les polypes hamartomateux et les lésions « malformatives » (polypes glandulokystiques, polypes de Peutz-Jeghers, polypes juvéniles, syndrome de Cowden, lésions hétérotopiques, polypes glandulaires hétérotopiques), les hyperplasies fovéolaires focales, les polypes hyperplasiques (et leurs variantes), le syndrome de Cronkhite-Canada, les autres lésions polypoïdes non néoplasiques et les adénomes.

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Sans remettre en cause le schéma fondamental de classification utilisé depuis de nombreuses années, certaines propositions récentes visent cependant à distinguer plus clairement les différents entités incluses dans le groupe hétérogène des lésions « non néoplasiques » [4]. Cinq grandes catégories peuvent alors être reconnues : polypes non néoplasiques (glandulo-kystiques et hyperplasiques), polypes hamartomateux ou associés à des polyposes syndromiques (polypes de Peutz-Jeghers, polypes juvéniles, lésions associées au syndrome de Cowden et au syndrome de Cronkhite-Canada), lésions hétérotopiques, lésions néoplasiques (épithéliales et non épithéliales), et lésions réactionnelles. C’est ce plan que nous suivrons.

Fréquence et histoire naturelle des différents types histologiques La fréquence des différents types histologiques des polypes gastriques a été évaluée dans plusieurs grandes séries monocentriques ou multicentriques, dont les résultats sont globalement concordants, sans variation significative selon l’origine géographique des patients [2, 3, 5, 6, 16-22] (tableau I). Les lésions non néoplasiques sont les plus fréquentes : de 60 à 80 % selon les séries. Parmi elles, les polypes glandulo-kystiques représentent près de 2/3 des cas (soit environ la moitié des polypes gastriques, tous types confondus) ; les polypes hyperplasiques représentent, quant à eux, environ 30 à 35 % des polypes non néoplasiques. Les TABLEAU I. — Principaux types de polypes gastriques et leur fréquence sur 4 852 cas (d’après [5]). TABLE I. — The main histological types of gastric polyps and their incidence in 4,852 cases (from [5]). Polypes néoplasiques

924 (19 %)

Adénomes

495

Adénocarcinomes

348

Carcinoïdes

81

Polypes non néoplasiques

3 928 (81 %)

Polypes glandulo-kystiques du fundus

2 281

Polypes hyperplasiques

1 373

Polypes fibro-inflammatoires

151

Pancréas ectopique

41

Polypes de Peutz-Jeghers

16

Syndrome de Cronkhite-Canada

1

Polypes juvéniles

7

Polypes gastriques

autres lésions non néoplasiques sont très rares ou exceptionnelles. Parmi les lésions non néoplasiques (environ 20 % des cas), les adénomes tubuleux sont les plus fréquents. Ils représentent un peu plus de la moitié des cas dans la plupart des séries (soit environ 10 % de l’ensemble des polypes gastriques) ; les autres formes histologiques d’adénomes, tubulovilleux et villeux, sont très rares. Les adénocarcinomes à forme polypoïde représentent un pourcentage relativement élevé des « polypes » gastriques : environ 5 % des cas dans la plupart des séries. Le risque de transformation carcinomateuse est très différent selon le type histologique : il est pratiquement nul pour les polypes glandulo-kystiques, de l’ordre de 2 ou 3 % (avec des extrêmes de 0 à 8 % selon les séries) pour les polypes hyperplasiques, environ 5 % pour les adénomes tubuleux et jusqu’à 40 % pour les adénomes villeux, heureusement très rares [23]. Ces chiffres soulignent l’importance d’un diagnostic histologique précis et conditionnent toute la prise en charge thérapeutique des polypes gastriques et leur mode de surveillance. Ils soulignent également la responsabilité du pathologiste lors de l’examen d’un polype gastrique réséqué en totalité.

Les polypes glandulo-kystiques du fundus Les polypes glandulo-kystiques (encore appelés polypes glandulaires fundiques) sont extrêmement fréquents, puisqu’ils peuvent être observés lors de 0,8 à 1,9 % des examens endoscopiques hauts (voire 5 % dans certaines séries) [24-26]. Ils sont localisés exclusivement en muqueuse fundique et se développent en muqueuse saine.

Caractères macroscopiques L’aspect endoscopique des polypes glandulokystiques est généralement très caractéristique : – ils sont de petite taille : leur diamètre est généralement inférieur à 5 mm [6] ; ils atteignent rarement les 10 mm ; les lésions les plus volumineuses rapoportées dans la littérature mesuraient environ 20 mm de diamètre [2] ; – ils sont localisés exclusivement au niveau de la muqueuse fundique, plus souvent au niveau du corps gastrique que de la grosse tubérosité ;

– ils sont souvent multiples, pouvant être responsables de véritables polyposes, définies par convention comme la présence d’au moins 50 lésions distinctes, le plus souvent associées à des contextes cliniques particuliers, mais exceptionnellement isolées [27] ; – ils se présentent comme des masses sessiles, hémisphériques, brillantes, de teinte rosâtre, parfois framboisées à leur sommet ; ils se détachent facilement lors de la biopsie et peuvent s’effondrer lors du prélèvement, ce qui traduit la présence de kystes intralésionnels [1] ; – ils ont une surface généralement régulière, rarement érodée ou ulcérée, sauf dans les lésions les plus volumineuses ; – ils sont séparés les uns des autres par une muqueuse d’aspect endoscopique normal.

Caractères histologiques (tableau II) L’aspect endoscopique des polypes glandulokystiques est souvent suffisamment caractéristique pour qu’aucun prélèvement ne soit effectué. Si l’indication d’un diagnostic histologique formel est cependant posée, c’est généralement sur biopsie qu’il se fera, compte tenu de la petite taille habituelle de ces lésions. L’architecture générale des polypes glandulokystiques rappelle celle de la muqueuse fundique normale, dont elle diffère par l’association de trois lésions caractéristiques (figures 1 et 2) : – le raccourcissement de la longueur des cryptes de surface, qui sont extrêmement courtes, parfois absentes ou à peine ébauchées : ce raccourcissement extrême des cryptes explique que l’un des meilleurs signes histologiques pour le diagnostic de polype glandulo-kystique soit la présence de glandes fundiques immédiatement au-dessous de l’épithélium de surface, apparemment sans interposition de cryptes ; – l’hyperplasie des glandes, qui restent bordées par les deux types cellulaires caractéristiques des glandes fundiques, les cellules principales et les cellules pariétales ; les cellules pariétales sont généralement hyperplasiques et leur pôle apical bombe dans la lumière des glandes hyperplasiques en leur donnant un aspect festonné ; l’hyperplasie glandulaire s’accompagne souvent d’une désorganisation architecturale : les glandes se regroupent habituellement en nodules séparés par un chorion oedémateux mais non inflammatoire ; – la dilatation, voire la kystisation, du collet des glandes : ces foyers de dilatation sont

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TABLEAU II. — Comparaison des caractères histologiques des polypes gastriques. TABLE II. — Comparison between the histological features of gastric polyps. Caractères de la lésion Épithélium de surface

Cryptes

Glandes

Stroma

Polype glandulokystique

Présent Mucosécrétant de type gastrique

Courtes

Hyperplasiques, de type fundique

Peu abondant, oedémateux, non inflammatoire

Exceptionnelle Le plus souvent : normale Parfois : signes de traitement anti-sécrétoire

Polype hyperplasique

Présent Mucosécrétant de type gastrique

Longues, irrégulières, Hyperplasiques

Peu développées, de type pylorique

Abondant, fibreux, inflammatoire

Possible (<5 % des cas)

Toujours pathologique (gastrite chronique, infection à H. pylori) Risque d’adénocarcinome synchrone

Polype de PeutzJeghers

Présent Mucosécrétant

Présentes Hyperplasiques

Présentes Hyperplasiques

Abondance variable Axes fibromusculaires de structure arborescente

Possible

Normale

Polype juvénile

Abrasé

Hyperplasiques

Rares, dilatées, Abondant, parfois rompues fibreux, inflammatoire, avec vaisseaux dystrophiques

Possible

Normale

Adénome

Présent

Prolifération tubuleuse ou villeuse

Constante

Aspect variable

bordés par des cellules souvent aplaties, cubiques ; elles appartiennent généralement à plusieurs types cellulaires ; certaines sont mucosécrétantes, comme celles de l’épithélium de surface ; d’autres ressemblent aux cellules principales ou aux cellules pariétales ; d’autres enfin ressemblent aux cellules du collet. La surface des polypes glandulo-kystiques est tapissée par un épithélium mucosécrétant, parfois hyperplasique, formé de cellules identiques aux cellules mucosécrétantes à pôle fermé de la muqueuse fundique normale ; cet épithélium est habituellement bien préservé, sans abrasion ni ulcération. Certains auteurs, notamment japonais, ont souligné le fait que l’aspect histologique caractéristique des polypes glandulokystiques pouvait être modifié ou altéré dans les lésions volumineuses, notamment lorsqu’elles sont ulcérées en leur centre [12]. Dans les zones situées en regard de l’ulcération, la lésion peut ainsi prendre un aspect « régénératif », caractérisé par la présence de longs tubes glandulaires bordés par des cellules basophiles et séparés par un chorion oedémateux ; ces tubes adoptent une disposition caractéristique en

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Dysplasie

Caractères de la muqueuse adjacente

Peu abondant

peau d’oignon, en s’alignant régulièrement les uns par rapport aux autres. L’aspect est potentiellement trompeur sur biopsie ; toutefois, l’aspect caractéristique du polype glandulo-kystique se retrouve en périphérie de la lésion. Entre les polypes glandulo-kystiques, la muqueuse fundique présente presque toujours un aspect histologique strictement normal, sans signe de gastrite chronique, d’atrophie glandulaire ou d’infection par Helicobacter pylori.

Circonstances de diagnostic Les polypes glandulo-kystiques peuvent survenir dans trois principales situations [24]. Les polypes glandulo-kystiques sporadiques (figure 1) surviennent en dehors de tout contexte étiologique, chez des patients à muqueuse gastrique normale, sans infestation par Helicobacter pylori [28]. Ils surviennent plus fréquemment chez les femmes d’âge moyen [28], mais peuvent aussi s’observer chez les hommes et chez les enfants (ils sont observés au cours de 0,3 % des endos-

Polypes gastriques

a

b

c

d

FIG. 1. — Polype glandulo-kystique sporadique. Les signes histologiques caractéristiques sont visibles dès le faible grandissement : raccourcissement des cryptes et hyperplasie des glandes à différenciation fundique (a). la présence de foyers de dilatation kystique du collet des glandes (*) est également très évocatrice (b). À fort grandissement (c), la présence de glandes fundiques immédiatement sous l’épithélium de surface est un signe très spécifique. Le revêtement des foyers de dilatation kystique (d) associe des cellules mucosécrétantes de type gastrique (flèches) et des cellules principales et pariétales (têtes de flèche). Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 160 ; b, × 220 ; c et d, 350. FIG. 1. — Fundic gland polyp. The main histological features are visible at low magnification (a), including the shortening of crypts and the hyperplasia of apparently normal fundic glands. The presence of cystic dilatations of gland necks is also very suggestive (b). At higher magnification (c), the presence of fundic glands immediately below the surface epithelium is a very important diagnostic sign. The epithelial lining of cystic dilatations (d) is formed by mucus-secreting cells of gastric type (arrows) and of parietal and chief cells (arrowheads). Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: a, ×160; b, ×220; c et d, 350.

copies effectuées en milieu pédiatrique, avec un âge moyen au diagnostic de 14,5 ans) [29, 30]. Ils sont habituellement isolés. Les polypes glandulo-kystiques associés à la polypose adénomateuse familiale (PAF) (tableau III), dans sa forme complète ou dans une forme atténuée [24], sont habituellement découverts lors du bilan d’extension de la maladie, mais peuvent exceptionnellement en être la circonstance de découverte initiale. Ils peuvent être mis en évidence chez 12,5 à 84 % des malades selon les séries et les modes d’exploration de l’estomac [24] ; dans ce

contexte, et contrairement à ce qui est observé dans les formes sporadiques, leur fréquence est comparable dans les deux sexes ; l’âge de diagnostic se situe généralement entre 10 et 20 ans, mais des formes plus précoces ont été décrites. La fréquence de survenue et l’âge au diagnostic des polypes glandulo-kystiques sont comparables dans les PAF typiques et les PAF atténuées [24] ; rappelons qu’il n’en est pas de même pour les adénomes coliques dont l’apparition est plus tardive dans les PAF atténuées que dans les PAF typiques. Les polypes glan-

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a

b

FIG. 2. — Polype glandulo-kystique sous traitement par IPP. L’aspect histologique de la lésion polypoïde, de petite taille, est très caractéristique de polype glandulo-kystique (a). Dans la muqueuse fundique adjacente (b), la protrusion des cellules pariétales (flèches) secondaire à leur pseudo-hyperplasie témoigne de la prise au long cours d’IPP. Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 100 ; b, 390. FIG. 2. — Fundic gland polyp associated with IPP treatment. The histological appearance of the small polypoid lesion is diagnostic of fundic gland polyp (a). In the adjacent mucosa (b), the protrusion of parietal cells (arrows) secondary to the their pseudo-hyperplasia is typical of IPP treatment. Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: a, ×100; b, 390.

dulo-kystiques associés aux PAF ont une présentation endoscopique caractéristique : ils sont généralement de petite taille mais très nombreux, formant un véritable tapis dans la muqueuse fundique. Leur aspect est suffisamment typique pour qu’ils soient rarement biopsiés ; il faut cependant rester prudent car ils peuvent s’associer à des adénomes authentiques : toute lésion inhabituelle doit donc faire l’objet de prélèvements pour un diagnostic histologique. Les polypes glandulo-kystiques survenant au cours d’un traitement au long cours par les inhibiteurs de la pompe à protons (figure 2) sont de description plus récente. Toutefois, ce sujet reste encore controversé. Rappelonsen rapidement l’historique. La surveillance des malades traités au long cours par les trai-

tements anti-sécrétoires, notamment par les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), a montré la survenue fréquente de plusieurs lésions histologiques. La plus habituelle, qui peut même servir de test de compliance au traitement par les IPP, est la pseudohypertrophie des cellules pariétales en réponse à l’hypergastrinémie chronique induite par l’inhibition thérapeutique de la sécrétion gastrique [31-33]. Sous traitement anti-sécrétoire, les cellules pariétales deviennent en effet plus nombreuses. Elles sont de taille plus haute et leur pôle apical forme un dôme bombant dans la lumière glandulaire : il en résulte un aspect festonné très caractéristique (figure 2b), connu sous le terme anglo-saxon de parietal cell protrusion (PCP). L’intensité de ces altérations est proportionnelle à la dose utilisée et à la durée du

TABLEAU III. — Lésions gastriques au cours des polyposes digestives. TABLE III. — Gastric lesions in polyposis syndromes. Polypose

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Lésions gastriques

Risque de cancer gastrique

Polypose adénomateuse familiale, forme classique

Polypes glandulo-kystiques Adénomes

Augmenté (risque cumulé, 0,6 %)

Polypose adénomateuse familiale, forme atténuée

Polypes glandulo-kystiques Adénomes

Augmenté

Polypose de Peutz-Jeghers

Polypes de Peutz-Jeghers

2 à 13 % des cas

Polypose juvénile

Polypes juvéniles

Augmenté

Syndrome de Cowden

Polypes de type hyperplasique, de type juvénile ou de type glandulo-kystique

Non connu

Syndrome de Cronkhite-Canada

Polypes de type hyperplasique

Non connu

Polypes gastriques

traitement. Ces lésions sont parfaitement bénignes, sans aucune traduction clinique, et régressent à l’arrêt du traitement. Plusieurs auteurs ont signalé la survenue de polypes glandulo-kystiques sous traitement antisécrétoire, le plus souvent par IPP [3438], mais aussi par anti-H2 [27], et ont considéré ces lésions comme des complications du traitement. Certains ont même suggéré une filiation entre l’apparition des polypes glandulo-kystiques et l’hyperplasie réactionnelle des cellules pariétales observée sous traitement par IPP [39]. Toutefois, une large étude rétrospective portant sur 2 251 patients recevant des inhibiteurs de pompe à proton depuis au moins 4 mois et 28 096 témoins ne recevant pas ce traitement [26], a montré que la fréquence des polypes kystiques était la même dans les deux groupes (5,2 % versus 5,0 %). La cause semblait entendue : l’augmentation apparente de la survenue de polypes glandulo-kystiques chez les patients traités par IPP n’était sans doute qu’un biais dû à la surveillance endoscopique plus étroite dont bénéficient ces malades. Ce travail a cependant été critiqué. La plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui à penser qu’il existe bien un tableau anatomoclinique particulier associé à la prise d’antisécrétoires, différent de celui des patients présentant des polypes glandulo-kystiques sporadiques habituels. Ce tableau est caractérisé par la survenue, après un traitement prolongé (plus de 30 mois en moyenne), de polypes glandulo-kystiques multiples réalisant un tableau de polypose, susceptibles de régresser après arrêt du traitement et de récidiver à la reprise de ce dernier [24, 27]. Un lien physiopathologique entre traitement par IPP et survenue de polypes glandulo-kystiques a même été suggéré : les effets de l’éradication de Helicobacter pylori, souvent secondaire aux traitements par IPP, favoriserait l’émergence de polypes glandulo-kystiques. Des observations confirment en effet l’existence d’un lien au moins

chronologique entre les deux évènements, comme en attestent l’apparition de polypes glandulo-kystiques après l’éradication de Helicobacter pylori ou, au contraire, leur disparition ou leur forte régression après une contamination récente par le germe [40].

Caractères moléculaires Les caractères moléculaires des polypes glandulo-kystiques varient en fonction de leur contexte de survenue : c’est donc un exemple de lésion où, pour un aspect histologique identique, des altérations génétiques différentes peuvent être observées (tableau IV). Il est bien établi que les polypes glandulo-kystiques associés à la polypose adénomateuse familiale (complète ou atténuée) présentent des mutations inactivatrices dans les deux allèles du gène APC, responsable de la maladie [41, 42]. La présence récurrente de ce type d’anomalie moléculaire dans les polypes glandulo-kystiques confirme le lien pathogénique entre ces lésions et la maladie sous-jacente. Une donnée plus récente est la démonstration que les polypes glandulo-kystiques sporadiques sont souvent associés à l’existence de mutations activatrices dans l’un des allèles du gène codant pour la beta-caténine [43, 44]. Ce type d’altération peut être détecté dans plus de 90 % des polypes glandulo-kystiques sporadiques, aussi bien dans l’épithélium de surface et des cryptes que dans les glandes hyperplasiques. Le même type d’altération est également retrouvé dans les lésions survenant sous traitement anti-sécrétoire [27]. Comme APC, la beta-caténine est une molécule clé de la voie Wnt et des altérations du gène correspondant sont observées dans de nombreux exemples de carcinogenèse digestive [45]. Toutefois, il faut insister sur le fait que, dans les polypes glandulo-kystiques, il est exceptionnel d’observer une localisation

TABLEAU IV. — Anomalies génétiques des polypes gastriques. TABLE IV. — Molecular alterations of gastric polyps. Polypes glandulo-kystiques

1) Formes sporadiques : beta-caténine (> 90 %), rarement APC 2) Formes associées à la polypose adénomateuse familiale : APC 3) Hyperméthylation des îlots CpG

Polypes hyperplasiques

Pas d’anomalie moléculaire récurrente connue En cas de dysplasie : TP53 (environ 50 %)

Polypose de Peutz-Jeghers

LKB1 En cas de dysplasie : TP53 ou beta-caténine

Polypose juvénile

MADH4 (SMAD4) (20 %), BRMP1A (20 %)

Syndrome de Cowden

PTEN (80 %)

Adénomes

APC (70 % des lésions sans foyer de cancer, 5 % des lésions avec foyer de cancer) Instabilité des microsatellites (20 % des lésions avec foyer de cancer) Autres anomalies : TP53 (> 60 %), beta-caténine (30-40 %), Ki-ras (< 10 %)

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nucléaire de la beta-caténine et une activation des gènes cibles de cette molécule, ce qui suggère que, malgré la présence de mutations inactivatrices, la voie de signalisation Wnt reste fonctionnelle [46]. Enfin, il a été récemment montré qu’un petit nombre de polypes glandulo-kystiques sporadiques peuvent être associés à des mutations inactivatrices du gène APC, comme les polypes glandulo-kystiques associés à la PAF [46, 47]. De telles anomalies s’observent notamment dans environ 50 % des très rares cas de polypes glandulo-kystiques avec dysplasie [47]. Il existe donc un lien pathogénique fort entre polypes glandulo-kystiques et altérations de la voie Wnt, mais avec des différences selon leur contexte de survenue. Un autre mécanisme moléculaire a cependant été récemment décrit dans ces lésions, cette fois indépendamment de leur contexte de survenue. C’est l’existence d’une hyperméthylation des îlots CpG présents dans les promoteurs de plusieurs gènes, dont les régulateurs du cycle cellulaire p14 et p16 [48]. Ce type d’anomalie peut s’observer dans tous les types de polypes glandulo-kystiques (sporadiques, associés à la PAF ou survenant sous traitement par IPP). C’est cependant dans les polypes glandulo-kystiques sous traitement par IPP que l’indice de méthylation est le plus élevé, ce qui suggère un mécanisme moléculaire spécifique sous-jacent à ces lésions. L’indice de méthylation n’est pas différent dans les polypes glandulo-kystiques associés à la PAF avec ou sans dysplasie, ce qui suggère que ce type d’anomalies moléculaires n’est pas impliqué dans la progression de ces lésions.

Diagnostic différentiel Le diagnostic de polype glandulo-kystique est généralement facile. Le risque principal est celui d’un diagnostic par excès, notamment sur biopsie et chez des malades soumis à un traitement prolongé par IPP. Pour porter formellement le diagnostic, il faut exiger une hyperplasie franche des glandes fundiques et un raccourcissement très net des cryptes. Comme nous l’avons souligné plus haut, une image très utile pour le diagnostic est la présence de glandes fundiques immédiatement sous l’épithélium de surface. Un piège diagnostique potentiel est représenté par les îlots de muqueuse fundique résiduelle persistant dans un contexte de gastrite atrophique chronique sévère : ces lésions peuvent être interprétées endoscopiquement comme des lésions poly-

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poïdes [7]. La comparaison avec les biopsies effectuées en muqueuse non polypoïde permet de corriger le diagnostic : les polypes glandulo-kystiques surviennent en effet toujours en muqueuse saine.

Histoire naturelle et évolution L’histoire naturelle des polypes glandulokystiques est relativement mal connue. Malgré la description récente de leur association à des anomalies moléculaires récurrentes, ces lésions restent encore considérées comme des lésions non néoplasiques, de nature « hamartomateuse », ce qui est justifié par leur risque évolutif, globalement faible. Ce risque est cependant très différent selon le contexte de survenue. Dans les polypes glandulo-kystiques sporadiques (comme dans les polyposes glandulokystiques isolées) et dans les polypes glandulo-kystiques associés à un traitement par IPP, le risque de cancer est considéré comme nul. Des lésions de dysplasie épithéliale ont cependant été décrites ; elles sont exceptionnelles (1 % des cas environ) et touchent électivement l’épithélium de surface et celui des cryptes [47]. La signification, aussi bien clinique que biologique, de ces lésions morphologiques reste encore à établir [49, 50]. Le risque est très différent dans les polypes glandulo-kystiques associés à la PAF, dans sa forme complète ou dans une forme atténuée [24]. Des lésions dysplasiques, habituellement de bas grade, exceptionnellement de haut grade, sont observées dans près de 25 % des lésions gastriques ; elles touchent habituellement l’épithélium de surface ou celui des cryptes [51, 52] ; leur survenue peut être précoce, puisque des cas ont été rapportés chez l’enfant [53]. Des cas de dégénérescence carcinomateuse à partir de polypes glandulo-kystiques associés à des PAF ont même été observés, mais de manière tout à fait exceptionnelle [54, 55]. Rappelons que le risque de cancer gastrique n’est évalué qu’à 0,6 % au cours des PAF, même s’il est peutêtre plus élevé dans certaines régions géographiques, comme au Japon [24].

Surveillance et conduite à tenir Aucune surveillance particulière n’est recommandée pour les polypes glandulokystiques sporadiques (ou les polyposes glandulo-kystiques isolées). Il n’existe cependant de consensus clair à ce sujet : une réé-

Polypes gastriques

valuation sera probablement nécessaire pour tenir compte des acquis récents, notamment en pathologie moléculaire. Lorsque des polypes multiples sont découverts chez un patient sous traitement anti-secrétoire (notamment par IPP mais aussi par anti-H2), il est probablement licite de discuter l’arrêt du traitement, malgré les incertitudes qui persistent sur le lien entre traitement anti-acide et émergence de polypes glandulo-kystiques. Pour les polypes glandulo-kystiques associés à la PAF, il est recommandé de pratiquer une surveillance endoscopique régulière, tous les 1 à 3 ans selon le nombre de polypes, et de biopsier toute lésion volumineuse ou suspecte. Cette surveillance doit s’intégrer dans le cadre de la surveillance globale du malade, et notamment de la surveillance des lésions coliques. Lorsque des polypes glandulo-kystiques multiples sont découverts fortuitement chez un malade sans antécédent connu et ne prenant pas de traitement anti-sécrétoire, une étude génétique doit être proposée pour rechercher une éventuelle PAF, typique ou atténuée [24]. En fonction des résultats, une enquête familiale pourra être réalisée et un conseil génétique mis en place. D’une façon générale, il a été recommandé par certains auteurs de réaliser une coloscopie systématique de dépistage chez les patients porteurs de polypes glandulo-kystiques en raison d’une incidence apparemment plus élevée d’adénomes coliques dans ce groupe de patients que dans la population générale [56].

Les polypes hyperplasiques Les polypes hyperplasiques sont les plus fréquents des polypes gastriques de plus de 5 mm de diamètre : ils en représentent environ 70 % des cas. C’est ce qui explique que les polypes hyperplasiques constituent le type histologique le plus fréquent de polypes gastriques dans les séries basées sur des résections endoscopiques [6]. Contrairement aux polypes glandulo-kystiques, les polypes hyperplasiques peuvent être observés dans n’importe quelle localisation au sein de l’estomac et se développent toujours en muqueuse pathologique.

Circonstances de diagnostic La plupart des polypes hyperplasiques sont découverts fortuitement lors d’une endos-

copie haute. Une proportion significative, qui peut être évaluée à 15 % des cas, est diagnostiquée lors de complications : hémorragie, anémie chronique, ou tableau d’obstruction haute par enclavement du polype, notamment dans la région pylorique [57-59]. La survenue de polypes hyperplasiques est possible dans certains syndromes malformatifs [60], sans qu’il soit possible d’exclure formellement une association fortuite.

Caractères macroscopiques Les polypes hyperplasiques gastriques se présentent habituellement comme des lésions sessiles ou à base large ; ils sont plus rarement pédiculés (environ 25 % des cas) ; ils sont parfois agglomérés en grappe [1]. Leur consistance est molle. Leur surface est habituellement régulière. Dans environ 35 % des cas, elle est cependant érodée ou ulcérée, notamment dans les lésions les plus volumineuses ; dans certains cas, l’importance de l’ulcération peut donner à la lésion un caractère faussement suspect [61]. Dans 10 % des cas, des foyers hémorragiques sont présents. La taille moyenne des polypes hyperplasiques est évaluée à 11 mm ; elle est parfois beaucoup plus volumineuse, jusqu’à 50 mm [6]. Les localisations les plus fréquentes des polypes hyperplasiques sont l’antre (environ 60 % des cas) et le corps gastrique (environ 30 % des cas). Les autres localisations gastriques sont rares. Des cas exceptionnels ont été décrits à partir d’hétérotopies de muqueuse gastrique, notamment duodénales [62, 63], parfois oesophagiennes [64]. Les polypes hyperplasiques sont habituellement uniques ; des lésions multiples sont cependant observées chez environ 15 % des patients : même dans ce cas, il n’existe habituellement pas plus de 2 ou 3 lésions. Toutefois, d’authentiques polyposes gastriques hyperplasiques, comportant plus de 50 lésions distinctes, ont été décrites [65, 66]. Enfin, des formes multiples de polypes hyperplasiques gastriques acquis ont été récemment décrites chez des patients ayant reçu une transplantation d’organe (cœur, foie ou rein) [67].

Caractères histologiques (tableau II) À l’examen microscopique, les polypes hyperplasiques sont caractérisés par une lésion élémentaire typique : le développement anormal des cryptes (figure 3). La longueur des cryptes est en effet très augmentée par rapport à la normale : comme le confirment les études

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FIG. 3. — Polype hyperplasique. À faible grandissement (a), la lésion est caractérisée par son aspect polypoïde, dû à l’allongement des cryptes, de forme irrégulière, dispersées au sein d’un stroma abondant, fibreux et inflammatoire. À plus fort grandissement (b), les cryptes apparaissent tapissées par des cellules mucosécrétantes hyperplasiques ; elles sont séparées par un abondant stroma inflammatoire, oedémateux ; à leur partie profonde, elles sont en continuité avec des glandes de type pylorique (flèches). Dans certains cas comme celui-ci (c), des foyers de métaplasie intestinale sont présents (flèches). Rarement, comme ici (d), un foyer dysplasique peut être mis en évidence (flèches). Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 60 ; b, × 120 ; c, × 350 ; d, × 390. Hyperplastic polyp. At low magnification (a), this lesion has a typical polypoid aspect, due to the hyperplasia of the crypts, which present an irregular shape and are scattered within an abundant, fibrous and inflammatory stroma. At higher magnification (b), the crypts appear lined by typical gastric mucus-secreting cells; they are separated by an inflammatory, edematous stroma; their deepest part is in relation with pyloric glands (arrows). In some cases like this one (c), islands of intestinal metaplasia are present (arrows). In rare cases like this one (d), dysplastic foci (arrows) may be observed. Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: a, ×60; b, ×120; c, ×350; d, ×390.

morphométriques, les cryptes des polypes hyperplasiques sont en moyenne trois à quatre fois plus longues que les cryptes normales [68]. Non seulement les cryptes hyperplasiques sont anormalement longues, mais elles présentent également une structure modifiée : elles forment en effet habituellement des cavités anfractueuses, dilatées, souvent ramifiées et complexes. À leur partie profonde, ces cryptes communiquent avec des glandes de type antral (même si le polype est à localisation fundique), bordées par des cellules mucosécrétantes de type gastrique. Entre le fond des cryptes et la partie proximale des glandes, il peut s’interposer un court segment rappelant le collet des glandes antrales normales, bordé par des cellules basophiles, conte-

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nant parfois des mitoses ; la présence de tels aspects histologiques ne doit pas conduire à un diagnostic de dysplasie par excès. Habituellement, les cryptes sont entourées par un chorion lâche, très oedémateux, contenant des amas inflammatoires, formés de lymphocytes et de plasmocytes, et des trousseaux disséminés de cellules musculaires lisses. Les cryptes hyperplasiques sont habituellement bordées par des cellules cylindriques hautes, mucosécrétantes, à pôle apical fermé, de type gastrique (il est possible de vérifier que le mucus qu’elles produisent est PAS positif, bleu Alcian négatif). Différents variants morphologiques ont été décrits. Un variant architectural rare est parfois observé : c’est le polype hyperplasique

Polypes gastriques

« inversé », où la croissance de la lésion se fait vers la sous-muqueuse et non pas vers la surface [69]. Les variants histologiques sont plus fréquents : (a) environ 15 à 20 % des polypes hyperplasiques contiennent des foyers de métaplasie intestinale (figure 3c) ; la métaplasie intestinale est habituellement de distribution très focale et de type incomplet ; il est souvent difficile de déterminer si ces foyers font partie intégrante de la lésion ou s’il s’agit de foyers préexistants emprisonnés par la croissance du polype [70, 71] ; (b) des formes dites éosinophiles ont été également décrites : elles sont caractérisées par la présence, le long des cryptes hyperplasiques, de cellules cylindriques à cytoplasme très éosinophile, presque oncocytaire [70]. Les polypes ulcérés, ou ayant subi une ulcération récente, présentent des remaniements souvent importants et parfois trompeurs, associant des remaniements inflammatoires parfois sévères du chorion et des lésions épithéliales d’aspect régénératif aboutissant parfois à des architectures pseudo-villeuses en surface. Les cryptes remaniées sont souvent bordées par des cellules basophiles et parfois dystrophiques, dont l’aspect ne doit pas conduire à un diagnostic de dysplasie par excès.

Contextes de survenue Des polypes de type hyperplasique peuvent s’observer dans plusieurs contextes anatomocliniques [2]. Les polypes hyperplasiques sporadiques sont les plus fréquents. Ils sont localisés le plus souvent dans l’antre et sont habituellement isolés (plus de 80 % des cas), rarement multiples. Contrairement aux polypes glandulo-kystiques, les polypes hyperplasiques sporadiques se développent habituellement au sein d’une muqueuse gastrique pathologique [71]. Il existe presque toujours des lésions de gastrite chronique, tantôt autoimmune, tantôt secondaire à une infestation par Helicobacter pylori. L’association entre polypes hyperplasiques et Helicobacter pylori est bien démontrée. En particulier, il est maintenant clair que l’éradication de H. pylori peut entraîner la régression des polypes hyperplasiques chez les malades porteurs du germe [72, 73]. Les polypes hyperplasiques sur anastomose gastrique ressemblent beaucoup aux polypes hyperplasiques sporadiques, dont ils ne diffèrent que par quelques minimes différences histologiques. Le diagnostic se fait le plus souvent de façon fortuite, habituellement

longtemps après l’intervention initiale (plus de 10 ans en général) ; des survenues plus précoces, dans les 6 mois post-opératoires, ont cependant été décrites. La survenue de ces lésions s’inscrit habituellement dans un contexte de gastrite du moignon ou de gastrite cystique profonde. Les polypes hyperplasiques de la jonction oesogastrique sont morphologiquement superposables aux polypes hyperplasiques sporadiques [74]. Ils se développent le plus souvent dans la région du cardia ; certains sont localisés dans la partie inférieure, voire médiane, de l’œsophage. Ils sont formés, comme les polypes hyperplasiques sporadiques, de cryptes longues, irrégulières et bordées de cellules mucosécrétantes, ici de type cardial ; compte tenu de leur localisation, ils contiennent fréquemment des îlots d’épithélium malpighien. Les polypes hyperplasiques de la jonction oesogastrique surviennent constamment dans un contexte de reflux gastro-oesophagien.

Diagnostic différentiel En dehors des difficultés posées par les formes remaniées et ulcérées, le principal problème diagnostique posé par les polypes hyperplasiques, notamment sur biopsie, est la distinction avec une hyperplasie « fovéolaire » réactionnelle (figure 4). Il est en effet fréquent d’observer, dans un contexte de gastrite chronique, un allongement des cryptes gastriques et une hyperplasie des cellules mucosécrétantes qui les bordent. De « petits » signes histologiques, comme une longueur des cryptes plus faible dans les lésions réactionnelles que dans les polypes authentiques, ont été décrits pour tenter de faire la différence entre polype hyperplasique et hyperplasie fovéolaire réactionnelle [68]. Néanmoins, le plus simple, et le plus sûr, est de s’en tenir à une règle de bon sens : ne porter le diagnostic de polype hyperplasique que s’il y a une notion endoscopique et/ou macroscopique de polype et jamais sur l’aspect histologique seul. Un autre problème diagnostique peut se poser avec les hyperplasies des cryptes gastriques observées dans les gastrites hypertrophiques. L’aspect endoscopique peut être trompeur, décrit comme polypoïde. Il faut exiger des biopsies profondes (la présence de glandes fundiques à la partie distale des cryptes élimine en effet le diagnostic de polype hyperplasique) et des biopsies de muqueuse entre les lésions polypoïdes.

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FIG. 4. — Hyperplasie fovéolaire focale. Sur une biopsie superficielle, la différence histologique entre un polype hyperplasique (a) et une hyperplasie fovéolaire focale (b) est minime. Le diagnostic de polype hyperplasique doit donc être réservé aux cas où il existe une notion claire de polype visible à l’examen endoscopique. Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : × 260. FIG. 4. — Foveolar hyperplasia. In a superficial biopsy, the histological difference between a hyperplastic polyp (a) and a focus of foveolar hyperplasia (b) are slight. The diagnosis of hyperplastic polyp must therefore be proposed only when a polyp has been clearly observed at endoscopical examination. Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: ×260.

Histoire naturelle et évolution Comme les polypes glandulo-kystiques, les polypes hyperplasiques sont considérés comme des lésions non néoplasiques. Leur pathogénie reste obscure : il s’agit probablement de lésions hyperplasiques s’inscrivant dans un contexte inflammatoire chronique. Cette hypothèse est renforcée par leurs rapports étroits avec l’infection par Helicobacter pylori et par la survenue de lésions comparables, développées à partir de la muqueuse cardiale, à la jonction oesogastrique et dans le bas œsophage dans le cadre du reflux chronique. Elle est également renforcée par la description de lésions polypoïdes ressemblant à des polypes hyperplasiques développées au niveau de cicatrices de traitements endoscopiques locaux [75, 76]. Cependant, contrairement aux polypes glandulo-kystiques et malgré leur caractère apparemment non néoplasique, les polypes hyperplasiques s’accompagnent d’un risque faible, mais non négligeable, de dégénérescence carcinomateuse. En effet, un foyer adénocarcinomateux peut être découvert fortuitement au sein d’un polype hyperplasique dans 2 à 3 % des cas en moyenne (de 0 à 8 % selon les séries) [70, 77, 78]. Ce risque augmente avec la taille de la lésion (elle peut atteindre 20 % des cas lorsque le polype mesure plus de 2 cm de diamètre) ou en cas de polypose hyperplasique. Le foyer adénocarcinomateux peut être de type gastrique ou intestinal. En raison de leur caractère habituellement très localisé, les foyers adé-

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nocarcinomateux sont facilement méconnus sur des prélèvements biopsiques ; c’est pourquoi certains auteurs recommandent la résection complète de tous les polypes hyperplasiques de plus de 5 mm de diamètre, en l’absence de contre-indication ou de risque particulier [6]. Comme dans les lésions néoplasiques gastriques ou intestinales, la transformation maligne des polypes hyperplasiques se fait selon une filiation dysplasie — adénocarcinome. Les lésions dysplasiques (figure 3d), observées dans environ 5 % des polypes hyperplasiques [71], peuvent intéresser les cellules mucosécrétantes gastriques ou survenir au sein de foyers de métaplasie intestinale. Comme dans le reste du tube digestif, les critères de dysplasie sont à la fois architecturaux (irrégularité des cryptes, aspects cribriformes) et cytologiques (cellules à cytoplasme basophile, irrégularités nucléaires, perte de polarité, perte de la mucosécrétion, augmentation du nombre de mitoses). Le grade (bas grade ou haut grade) doit être évalué selon les critères de la classification de Vienne [79]. Cependant, le diagnostic de dysplasie au sein de polypes hyperplasiques ne doit être porté qu’avec une très grande prudence ; il ne doit être évoqué que si les lésions répondent à des critères très stricts ; il faut être particulièrement prudent si le polype est ulcéré ou s’il présente des remaniements fibroinflammatoires importants. Outre le risque de dégénérescence carcinomateuse in situ, les polypes hyperplasiques

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peuvent s’associer à un adénocarcinome gastrique synchrone. Une telle association est observée dans environ 6 % des cas dans de grandes séries [71, 80]. L’association est sans doute favorisé par le fait que les deux lésions surviennent dans le même contexte clinique de gastrite chronique atrophique

Caractères moléculaires Aucune anomalie moléculaire récurrente n’a été décrite jusqu’à présent dans les polypes hyperplasiques (tableau IV). L’existence d’une instabilité microsatellite est possible, mais n’a été démontrée que dans un trop petit nombre de cas pour que sa signification réelle puisse être évaluée [81, 82]. Une étude récente suggère que certaines anomalies chromosomiques peuvent être fréquemment détectées dans les polypes hyperplasiques, notamment des pertes localisées en 15q11-14, 1p21-31, et 21q11-21.2 [83] ; ces résultats doivent être cependant confirmés. À l’heure actuelle, seules les lésions dysplasiques et carcinomateuses développées au sein des polypes hyperplasiques ont été associées de manière fréquente à des anomalies génétiques bien identifiées. Celles-ci touchent préférentiellement la voie p53. Une accumulation de la protéine p53 peut en effet être détectée par immunohistochimie dans 40 à 60 % des lésions néoplasiques ; des mutations du gène correspondant peuvent être identifiées dans un pourcentage comparable de cas [84-86]. Des anomalies de gènes partenaires (p21, cycline D1) peuvent également être démontrées dans une proportion comparable de cas [85]. Par contre, les anomalies de la voie ras sont exceptionnelles (5 % des cas) [85].

Surveillance et conduite à tenir Il est maintenant clair que les polypes hyperplasiques s’associent à un risque, certes faible, mais mesurable, de transformation néoplasique ou d’association à un adénocarcinome gastrique synchrone. En tout état en cause, il est donc aujourd’hui recommandé de : (a) réséquer en totalité tous les polypes hyperplasiques, et impérativement ceux de plus de 2 cm, afin de dépister une éventuelle transformation carcinomateuse et de ne pas laisser évoluer une éventuelle dysplasie, (b) explorer et échantillonner largement la muqueuse apparemment normale de voisinage pour mettre en évidence d’éventuelles lésions néoplasiques débutantes synchrones.

Les polypes hamartomateux : polypes de Peutz-Jeghers, polypes juvéniles, syndrome de Cowden et syndrome de Cronkhite-Canada Le terme de polypes « hamartomateux » regroupe, de manière conventionnelle, plusieurs types de lésions considérées comme non néoplasiques, mais qui sont associées à des anomalies génétiques et qui, dans certaines conditions, s’accompagnent d’un risque élevé de cancer digestif.

Les polypes de Peutz-Jeghers Les polypes de Peutz-Jeghers sont les plus fréquents, ou les moins exceptionnels, des polypes hamartomateux gastriques. Ils présentent les mêmes caractéristiques générales que dans leurs autres localisations digestives (tableau II). Leur structure est arborescente ; la muqueuse est soulevée par des axes musculaires lisses, en continuité avec la musculaire muqueuse (figure 5). Les polypes de Peutz-Jeghers gastriques peuvent être isolés ; ils sont souvent volumineux et peuvent être révélés par un syndrome obstructif secondaire à l’enclavement du polype [87-89]. En pratique, ils sont plus souvent associés à une polypose de Peutz-Jeghers syndromique. La polypose de Peutz-Jeghers [90] est secondaire à une mutation inactivatrice du gène LKB-1 (tableau IV), qui code pour une protéine de type sérine thréonine kinase ; la fonction de cette protéine est encore imparfaitement connue : elle semble intervenir dans le processus de différenciation et de polarisation des cellules épithéliales [91]. L’inactivation du gène correspondant par recombinaison homologue chez la souris entraîne des lésions gastro-intestinales comparables à celles observées en pathologie humaine [92]. Dans les polypes observés en pathologie humaine, il s’associe habituellement une mutation germinale dans l’un des allèles du gène LKB-1 et une mutation somatique ou une perte d’hétérozygotie dans l’autre allèle [93]. La polypose de Peutz-Jeghers est associée à un risque accru de survenue d’un cancer, digestif ou extra-digestif (tableau III). La transformation néoplasique d’un polype de PeutzJeghers, sous forme d’un foyer adénomateux ou adénocarcinomateux, est un évènement rare mais possible. Elle est associée à des altérations moléculaires dans les gènes codant pour la beta-caténine et/ou p53 [93].

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FIG. 5. — Polype de Peutz-Jeghers. À faible grandissement (a), le caractère arborescent de la lésion est facilement visible ; il s’agit ici d’un polype de grande taille, fragile, qui s’est morcelé lors de la résection. À fort grandissement (b), la lésion est formée par une muqueuse de type gastrique tapissant des axes fibro-musculaires comportant des trousseaux de fibres musculaires lisses (flèche). Dans certains cas comme celuici (c), des foyers dysplasiques sont présents. Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 40 ; b, × 250 ; c, × 390. FIG. 5. — Peutz-Jeghers polyp. At low magnification (a), the arborizing structure of the lesion is readily visible; this lesion is a large, fragile polyp, fragmented during the resection. At higher magnification (b), the lesion appears formed by a gastric-type mucosa lining a fibromuscular axis, containing numerous muscle cells (arrows). In some cases like this one (c), dysplastic areas are present. Hematoxylin-phloxinsaffron, original magnifications: a, ×40; b, ×250; c, ×390.

Les polypes juvéniles Les polypes juvéniles sont des lésions souvent volumineuses, pédiculées ou à base large, souvent érodées en surface, saignant facilement au contact. L’aspect histologique est caractéristique (tableau II) : la lésion est constituée par des glandes de forme irrégulière, souvent dilatées, parfois kystisées, rarement rompues (figure 6). Elles sont bordées par des cellules mucosécrétantes à pôle fermé. Elles sont dispersées dans un abondant stroma fibreux, contenant des amas inflammatoires, de composition polymorphe, et de nombreux vaisseaux, parfois

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dystrophiques [94]. En surface, la lésion est recouverte d’un épithélium mucosécrétant, souvent abrasé, parfois ulcéré. Les polypes juvéniles gastriques sont rarement isolés. Ils s’intègrent le plus souvent dans le cadre de polyposes syndromiques. La moins rare est la polypose juvénile, qui peut toucher l’estomac seul, ou, plus souvent, l’estomac et le côlon ; quelques cas sont associés à la maladie de Rendu-Osler [95]. Les polyposes juvéniles syndromiques sont associées à des anomalies génétiques qui peuvent toucher les deux gènes suivants : SMAD4 (ou MADH4) et BRMP1A (tableau IV) ; ces deux gènes codent pour des

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a

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FIG. 6. — Polype juvénile. À faible grandissement (a), les caractères de la lésion, formée par des cryptes irrégulières, dispersées dans un abondant stroma fibreux très inflammatoire, sont bien visibles ; il existe des structures dilatées, emplies de mucus, partiellement rompues (*). À fort grandissement, l’abrasion de l’épithélium de surface est très typique ; le caractère très inflammatoire du stroma est également bien visible. Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 120 ; b, × 290. FIG. 6. — Juvenile polyp. At low magnification (a), the lesion is formed by irregular hyperplastic crypts dispersed in an abundant fibro-inflammatory stroma; dilated, mucus-filled structures are present (*); some are ruptured. At higher magnification (b), the abrasion of the surface epithelium is highly suggestive, as well as the markedly inflammatory stroma. Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: a, ×120; b, ×290.

protéines impliquées dans la voie de signalisation TGF-beta ; ils sont impliqués dans respectivement 20 % des cas environ (ce qui signifie qu’aucune mutation n’a été encore identifiée chez plus de 50 % des patients) [96]. Les lésions gastriques semblent plus fréquentes dans les formes associées à des mutations de MADH4 [94, 97, 98]. Les polypes juvéniles isolés n’ont pas de potentiel malin. La situation est différente s’il s’agit d’une polypose juvénile. Des foyers de dysplasie ou d’adénocarcinome sont en effet présents dans environ 30 % des lésions gastriques [99-101]. Un autre risque majeur est celui de la survenue d’un adénocarcinome colique [2]. Les mécanismes moléculaires associés à la transformation néoplasique des polypes juvéniles ne sont pas établis [102].

Le syndrome de Cowden Le syndrome de Cowden (tableau III), ou maladie des hamartomes multiples, est une génodermatose rare, à transmission autosomique dominante, dont 80 % des cas sont associés à une mutation du gène PTEN [103] (tableau IV). Il associe des lésions d’origine diverse, ectodermique, endodermique et mésodermique, incluant : des malformations crâniofaciales, des anomalies cutanées (taches café au lait, tricholemmomes) et muqueuses

(papillomes de la muqueuse buccale et oropharyngée, acanthose glycogénique en muqueuse oesophagienne), lésions hamartomateuses du sein et de la thyroïde. Les lésions intestinales sont de type histologique variable [104] : elles incluent des polypes de type hyperplasique, de type Peutz-Jeghers ou de type juvénile, des lésions fibro-inflammatoires et des lésions pseudo-léiomyomateuses développées aux dépens de la musculaire muqueuse. Les lésions gastriques sont rares et mal décrites dans la littérature [2] ; elles se présentent habituellement comme des polypes ressemblant aux polypes hyperplasiques. Le risque de cancer, notamment du sein et de la thyroïde, est augmenté ; les autres localisations tumorales sont plus rares. Le syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba, ou syndrome de Ruvalcaba-Myhre-Smith, est un syndrome proche du syndrome de Cowden, également lié à des altérations du gène PTEN, détectées dans environ 60 % des cas [103]. Il est susceptible de s’associer à des lésions polypoïdes gastriques, ressemblant à des polypes juvéniles [96].

Le syndrome de Cronkhite-Canada Le syndrome de Cronkhite-Canada est une affection rare, acquise, d’étiologie inconnue, sans caractère familial. Les lésions gastro-

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intestinales réalisent un aspect de polypose diffuse. L’atteinte gastrique est constante (tableau III). L’aspect endoscopique est celui de lésions polypoïdes nombreuses, de localisation préférentiellement antrale, associées à une muqueuse hyperplasique, pouvant simuler une gastrite hypertrophique de type Ménétrier. L’aspect histologique des lésions gastriques est variable [2] : il s’agit le plus souvent de polypes sessiles, formés de cryptes hyperplasiques, séparées par un chorion abondant, riche en cellules inflammatoires, en fibroblastes et en cellules musculaires lisses ; la surface peut être ulcérée. La muqueuse non polypoïde est elle aussi souvent altérée, avec présence de foyers de cryptes hyperplasiques et d’œdème du chorion. Il existe un risque augmenté de cancer gastro-intestinal, notamment colique [2].

Les polypes hétérotopiques Des lésions polypoïdes peuvent révéler une hétérotopie pancréatique ou des hétérotopies des glandes de Brunner [5, 6].

Les polypes inflammatoires La lésion la plus caractéristique et la mieux connue est le polype fibroïde inflammatoire

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(encore appelé tumeur de Vanek) [105, 106]. Il s’agit d’une lésion souvent volumineuse, d’aspect pédiculé ou à base d’implantation large, développée à partir de la sousmuqueuse [107, 108]. Malgré des caractères endoscopiques évocateurs, le diagnostic est le plus souvent histologique. L’aspect est caractéristique (figure 7). La lésion est formée par un axe fibreux constitué par un tissu conjonctif souvent lâche, parfois oedémateux, relativement cellulaire, comportant de nombreuses cellules d’aspect myofibroblastique ; ce tissu est parcouru par de nombreux vaisseaux et contient des amas inflammatoires de composition polymorphe, riches en plasmocytes et en polynucléaires éosinophiles, parfois associés à des follicules lymphoïdes. En surface, la lésion est recouverte par la muqueuse gastrique, parfois ulcérée et remaniée. L’une des lésions les plus caractéristiques est l’aspect des vaisseaux, dont la paroi est épaisse, formée par plusieurs couches concentriques de cellules d’aspect myofibroblastique, responsables d’un aspect typique « en bulbe d’oignon ». L’histogenèse de cette lésion est discutée. Une origine myofibroblastique a été classiquement évoquée, sur la base d’arguments immunohistochimiques et ultrastructuraux [105]. Plus récemment, une origine à partir de cellules dendritiques interstitielles, de localisation périvasculaire, a été évoquée [109, 110].

b

FIG. 7. — Polype fibroïde. À faible grandissement (a), la lésion se présente comme un large polype fibreux, tapissé par une muqueuse gastrique normale ; il existe de nombreux nodules lymphoïdes. À plus fort grandissement (b), le stroma fibreux apparaît cellulaire, riche en vaisseaux et en cellules inflammatoires. Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 40 ; b, × 180. FIG. 7. — Fibroid polyp. At low magnification (a), the lesion appears as a large fibrous polyp, lined by gastric mucosa; numerous lymphoid nodules are visible. At higher magnification, the fibrous stroma appears cellular, rich in vessels and inflammatory cells. Hematoxylinphloxin-saffron, original magnifications: a, ×40; b, ×180.

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Les xanthelasmas ou xanthomes gastriques Les xanthelasmas (ou xanthomes) gastriques sont des lésions rares, mais d’aspect endoscopique très caractéristique, puisqu’ils se présentent sous la forme de petits nodules jaunâtres en saillie sur la muqueuse, souvent multiples [111]. À l’examen histologique (figure 8), la lésion est définie par la présence d’amas nodulaires de macrophages spumeux, à cytoplasme clair, chargé de lipides, développés entre des cryptes souvent hyperplasiques. La lésion peut être ainsi confondue à faible grandissement, ou par un examen superficiel, avec un banal polype hyperplasique (avec lequel elle peut d’ailleurs être associée) [111]. Un problème de diagnostic différentiel plus grave est la confusion possible avec une tumeur maligne à cellules claires (adénocarcinome, voire tumeur endocrine) ou avec un adénocarcinome à cellules en bague à châton [112, 113]. Un lien pathogénique entre xanthomes gastriques et Helicobacter pylori est très probable [114, 115]. La muqueuse gastrique adjacente aux lésions xanthomateuses est infectée par Helicobacter pylori dans environ 50 % des cas. Dans ce contexte, la présence du germe ou de ses antigènes a pu être demontrée dans le cytoplasme des cellules xanthomateuses par différentes techniques, comme la microscopie électronique et l’immunohistochimie.

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Les polypes néoplasiques Les plus fréquents des polypes néoplasiques sont les adénomes et les adénocarcinomes de type polypoïde ; les autres types de tumeurs sont rares ou exceptionnels [4].

Adénomes gastriques Les adénomes représentent moins de 10 % de l’ensemble des polypes gastriques. Les adénomes gastriques ressemblent beaucoup, par leurs aspects endoscopiques et histologiques, aux adénomes coliques. Cependant, il faut insister sur le fait que, contrairement aux adénomes coliques, les adénomes gastriques ne sont pas les précurseurs habituels des adénocarcinomes de l’estomac, qui se développent préférentiellement à partir de lésions planes ou déprimées, survenant habituellement en muqueuse pathologique, le plus souvent dans un contexte de gastrite chronique atrophique avec métaplasie intestinale [116].

Caractères endoscopiques Les adénomes gastriques sont habituellement isolés ; ils sont rarement multiples : même dans ce cas, ils sont le plus souvent peu nombreux. Dans la classification endoscopique japonaise des lésions néoplasiques de l’estomac, les adénomes appartiennent au type 0 (lésions supericielles), sous-type 0-I

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FIG. 8. — Xanthelasma. Des amas de macrophages (flèches) sont visibles entre les cryptes irrégulières, largement espacées (a). Ces cellules ont un abondant cytoplasme spumeux et clair (b). Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 230 ; b, × 360. FIG. 8. — Xanthelasma. Aggregates of macrophages (arrows) are visible between the irregular crypts (a). These cells have a large, clear cytoplasm (b). Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: a, ×230; b, ×360.

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(lésion polypoïde). Ils sont plus souvent sessiles (0-Is dans la classification japonaise) que pédiculés (0-Ip). Leur surface, de couleur foncée, est lisse ou multilobulée, parfois érodée. L’analyse endoscopique de ces lésions peut être facilitée par l’utilisation de colorants vitaux, comme l’indigo carmin (0,5 %), et du zoom [1].

Caractères histologiques (tableau II) L’architecture des adénomes gastriques est le plus souvent tubuleuse [2, 3] (figure 9). Elle est rarement tubulo-villeuse, villeuse ou papillaire. Du point de vue histologique, deux types d’adénomes gastriques sont classiquement distingués [2, 3, 117] : (a) le type intestinal, caractérisé par une prolifération de cellules à différenciation intestinale, comportant une majorité de cellules caliciformes, associées à une proportion variable de cellules entérocytaires et de cellules de Paneth ; une variante caractérisée par la prédominance de cellules de Paneth a même été décrite [118] ; (b) le type pylorique (ou gastrique), caractérisé par une prolifération de cellules mucosécrétantes de type gastrique, à pôle fermé, parfois associées à d’autres types cellulaires (cellules principales et pariétales notamment). Des formes mixtes entre ces deux types ont été décrites. Enfin, des variantes inhabituelles ont été rapportées, comme des adénomes ressemblant aux adénomes « festonnés » du côlon [119].

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Contexte de survenue Les adénomes gastriques peuvent être sporadiques ou s’inscrire dans le cadre d’une PAF [120, 121] (tableau III). Dans ce dernier cas, ils sont habituellement associés à des polypes glandulo-kystiques, qui sont souvent suffisamment nombreux pour risquer de les masquer ; leur fréquence est faible, de l’ordre de 5 à 10 % des patients selon les séries et les modes d’exploration endoscopique de l’estomac.

Caractères moléculaires Les anomalies moléculaires (tableau IV) les plus fréquentes observées dans les adénomes gastriques touchent le gène APC, mais avec des fréquences très variables : plus de 70 % pour les lésions polypoïdes ou non sans cancer, moins de 5 % pour les lésions polypoïdes ou non avec foyer de cancer (cette fréquence est comparable à celle observée dans les adénocarcinomes gastriques, indépendamment de leur différenciation histologique) [122]. Il semble donc exister deux profils moléculaires d’adénomes gastriques : ceux avec mutation de APC, qui présentent un faible risque de transformation néoplasique, et ceux sans mutation d’APC, qui ont un risque élevé de transformation [122]. D’autres anomalies moléculaires ont été décrites avec des fréquences variables : altérations de p53 dans une

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FIG. 9. — Adénome gastrique. La lésion (a) est caractérisée par une prolifération superficielle d’architecture tubulaire, formée de glandes bordées de cellules basophiles de type intestinal ; il s’agit d’une lésion de bas grade. Les cellules adénomateuses expriment p53 (b). a : hématoxylinephloxine-safran, grandissement original : × 120 ; b, immunoperoxydase indirecte, grandissement original, × 360. FIG. 9. — Gastric adenoma. The lesion (a), characterized by a proliferation of glands lined by basophilic cells, shows a tubular architecture; the lesion is of low grade and of intestinal type. Neoplastic cells express p53. a: hematoxylin-phloxin-saffron, original magnification: ×120; b, indirect immunoperoxidase, original magnification, ×360.

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majorité de cas, plus fréquemment à un stade tardif d’évolution [84, 123], anomalies d’expression de la beta-caténine, dans environ 30 à 40 % des cas [123], anomalies de Kras, dans moins de 10 % des cas [124]. Une instabilité microsatellite a été détectée dans moins de 5 % des cas sans foyer carcinomateux mais dans environ 20 % des cas avec foyer carcinomateux (cette fréquence est comparable à celle observée dans les adénocarcinomes gastriques) [82, 122].

Histoire naturelle et évolution Le risque de transformation carcinomateuse est beaucoup plus élevé dans les adénomes que dans les autres types de polypes gastriques [23]. Il dépend néanmoins de plusieurs paramètres : (a) la taille de la lésion : le risque est inférieur à 5 % pour les lésions de moins de 2 cm mais de 40 % environ pour les lésions de plus de 2 cm ; (b) le type architectural : le risque est évalué à environ 5 % dans les adénomes tubuleux mais atteint 40 % dans les adénomes villeux à taille égale ; (c) le type histologique : le risque de transformation est réputé plus élevé dans les formes intestinales que dans les formes pyloriques [3, 117]. La transformation carcinomateuse au sein des adénomes gastriques est précédée par des stades de dysplasie de grade croissant. Le grade de dysplasie des adénomes gastriques doit être évalué selon les critères habituels, formalisés notamment dans la classification de Vienne [79]. Il est également indispensable de rechercher, dans le reste de l’estomac, des lésions adénomateuses planes (dont le risque d’évolution vers le cancer est deux fois plus élevé que celui des lésions polypoïdes à taille égale [1]) et des lésions adénocarcinomateuses synchrones par un examen endoscopique très attentif, au besoin sensibilisé par des techniques adaptées (zoom, colorants vitaux, chromoscopie). Des biopsies en muqueuse non polypoïde sont indispensables pour préciser l’état de la muqueuse gastrique.

Adénocarcinomes polypoïdes Environ 5 % des « polypes » gastriques correspondent à d’authentiques adénocarcinomes, dont c’est le mode de révélation. Les types histologiques des adénocarcinomes polypoïdes sont variés (adénocarcinomes de type intestinal ou diffus, adénocarcinomes colloïdes muqueux). Leur découverte fortuite sur pièce de polypectomie ou de mucosectomie impose un geste chirurgical

complémentaire, lorsque la lésion est manifestement invasive en profondeur et, a fortiori, lorsque la limite profonde de résection est en tissu pathologique.

Autres lésions néoplasiques Tumeurs endocrines Les tumeurs endocrines gastriques se révèlent souvent comme des lésions polypoïdes. C’est le cas notamment des tumeurs à cellules ECL de la muqueuse fundique. Rappelons qu’il existe trois types principaux de tumeurs à cellules ECL de l’estomac [125] : – Les tumeurs de type I, survenant dans un contexte de gastrite chronique atrophique : ce sont des tumeurs développées aux dépens des cellules enterochromaffin-like (ECL) de la muqueuse fundique de l’estomac ; elles représentent le stade ultime d’un processus séquentiel dont les différentes étapes sont bien connues ; – Les tumeurs de type II, survenant dans un contexte de syndrome de Zollinger-Ellison, c’est-à-dire d’hypergastrinémie secondaire à une tumeur endocrine sécrétant de la gastrine (gastrinome) ; elles s’inscrivent habituellementdans le cadre d’un syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (MEN1) ; ces tumeurs sont très proches des tumeurs de type I, dont elles ne se distinguent en pratique que par le contexte de survenue ; – Les tumeurs de type III : ce sont des tumeurs sporadiques, ne survenant pas dans un contexte particulier, de plus mauvais pronostic. Ce sont les tumeurs de type I qui se présentent habituellement comme des lésions polypoïdes de petite taille (< 1 cm), parfois très nombreuses, souvent multifocales et multicentriques, pouvant simuler une véritable polypose localisée à la partie haute de l’estomac. Le diagnostic est assuré par l’examen histologique d’une lésion réséquée ou biopsiée. Des biopsies à distance des « polypes » sont indispensables pour préciser l’état de la muqueuse gastrique.

Lymphomes malins De rares cas d’atteintes gastriques au cours de polyposes lymphomateuses digestives ont été rapportées. Les lésions présentent les mêmes caractéristiques morphologiques et immunohistochimiques que dans les autres localisations digestives [126].

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Tumeurs conjonctives Les tumeurs conjonctives du tube digestif, et en premier lieu, les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), ont un point de départ sous-muqueux et un développement habituellement extra-luminal. Elles bombent souvent dans la lumière digestive mais ne présentent qu’exceptionnellement un aspect polypoïde vrai. Quelques cas en ont été décrits dans la littérature [127, 128].

Lésions polypoïdes inhabituelles ou difficiles à classer Même si la très grande majorité des polypes gastriques peuvent être classés sans trop de difficultés dans l’une des principales catégories histologiques que nous avons décrites, certaines lésions peuvent présenter des aspects très inhabituels qui rendent leur classification précise difficile, voire impossible. Nous en citerons deux exemples : – les « polypes glandulaires hétérotopiques » (figure 10) : on peut regrouper sous ce terme générique des lésions d’aspects histologiques très variés mais dont le caractère commun est d’être formées par une prolifération de structures glandulaires d’aspect normal à développement essentiellement sous-muqueux, bombant sous la muqueuse normale de sur-

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face ; les glandes sont tantôt de type antral (ou pylorique), tantôt de type fundique (dans ce cas, le diagnostic différentiel avec un polype glandulo-kystique peut être difficile, notamment si la lésion est de petite taille) ; les glandes se regroupent en nodules séparés par des faisceaux de fibres musculaires lisses ; ces lésions, rares, ont été décrites sous des noms très variés, comme ceux d’hétérotopie glandulaire gastrique inversée ou polypoïde, ou celui de polype fundique hamartomateux [129-131] ; il est possible que les lésions décrites sous le nom de polype hyperplasique inversé appartiennent à ce groupe [69] ; – des lésions formées par une prolifération de structures glandulaires bordées par des cellules principales, avec des atypies nucléaires relativement importantes, parfois suffisantes pour amener à poser le problème du diagnostic différentiel avec une lésion adénocarcinomateuse ; ces lésions ont été décrites sous le nom d’hyperplasies à cellules principales, et sont considérées comme des variantes inhabituelles de polypes glandulo-kystiques [132, 133].

Polypes gastriques et pathologie pédiatrique Des polypes gastriques sont découverts dans un peu moins de 1 % des endoscopies

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FIG. 10. — « Polype glandulaire hétérotopique ». Lésion inhabituelle, formée par une prolifération de structures glandulaires d’aspect normal à développement essentiellement sous-muqueux (a) (d’où le terme de polype inversé parfois utilisé), bombant sous la muqueuse normale de surface (flèches) ; dans ce cas, les glandes sont de type antral et forment des nodules séparées par des trousseaux de fibres musculaires lisses (b). Hématoxyline-phloxine-safran, grandissements originaux : a, × 40 ; b, × 180. FIG. 10. — “Heterotopic glandular polyp”. Unusual lesion, formed by a proliferation of glandular structures developing in the submucosa (a) (hence the term inverted polyp sometimes used for this type of lesion), within the surface mucosa (arrows); in this case, glands are of pyloric type and are organized in nodules separated by bundles of muscle cells (b). Hematoxylin-phloxin-saffron, original magnifications: a, ×40; b, ×180.

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hautes faites en milieu pédiatrique [30]. Les principaux types histologiques observés chez l’adulte se retrouvent chez l’enfant, avec des fréquences comparables et des circonstances de survenue similaires. Les lésions les plus fréquentes sont les polypes glandulokystiques (environ 45 % des cas) qui peuvent s’observer, comme chez l’adulte, sous traitement anti-sécrétoire [134]. Il est probable que la lésion décrite chez l’enfant sous le nom de complexe pli/polype inflammatoire (inflammatory polyp-fold) [135, 136] soit à rapprocher des polypes hyperplasiques de la jonction oesogastrique observés chez l’adulte ; il s’agit de polypes ressemblant aux polypes hyperplasiques, situés à la jonction oesogastrique, dans un contexte de reflux et associés à de gros plis inflammatoires de la partie haute de l’estomac. En conclusion, de très importants progrès ont été accomplis dans la définition histologique des différents types de polypes gastriques, la connaissance des contextes cliniques dans lesquels ils surviennent et les altérations moléculaires qui leur sont associées. Beaucoup reste cependant à faire pour parvenir à une meilleure compréhension de leurs mécanismes physiopathogéniques et de leur histoire naturelle : ces progrès sont indispensables pour rendre plus efficaces les stratégies de traitement et de surveillance. ■

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