Le rachis
JFK 2011
Yves Chatrenet
Lombalgies : l’indispensable réharmonisation du complexe musculaire Low back pain: indispensable re-harmonization of the muscle complex Ces textes sont les résumés des communications portant sur la thématique « Le rachis » des JFK 2011 qui se sont déroulées au palais des congrès de Marseille les 4 et 5 février 2011.
MOTS-CLÉS
KEYWORDS
Lombalgie – Muscle – Stabilisation vertébrale
Low back pain – Muscle – Stabilization
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Figure 1. Importance de la musculature lombale.
et inférieurs et plus superficiellement par les grands dorsaux. Cette contention transversale permet ainsi, en particulier pour l’ilio-costal qui n’a pas d’insertions lombales, d’être plaqué sur la lordose (figure 2). Cela permet ainsi un ajustement de tension pour augmenter l’efficacité de l’extrémité crâniale des muscles longs sur la convexité de la région thoracique [7]. Le plan vertébral latéral est constitué par les psoas et carrés des lombes. Le psoas est avant tout un muscle de stabilisation vertébrale particulièrement actif dans la stabilisation dynamique lors des inclinaisons lombaires contro-latérales et dans un rôle de frein convexitaire de la colonne lombale dans le plan frontal. En avant le ligament longitudinal antérieur est renforcé par les piliers du diaphragme. Les muscles abdominaux constituent un élément de stabilisation latérale et antérieure avec un rôle prépondérant du transverse. Cette stabilisation par les viscères interposés, répond à un modèle de contrôle neuro-musculaire élaboré du fait des variations respiratoires du diaphragme, des variations digestives du contenu abdominal et à un degré moindre des variations du plancher pelvien lors de la locomotion. La physiologie de la stabilisation vertébrale repose sur la co-contraction de l’ensemble de cette musculature à l’image de la stabilisation du genou en Chaîne Cinétique Fermée (CCF). Cette stabilisation peut prendre des formes différentes, de la stabilisation statique mise en jeu dans la posture
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elon les recommandations internationales de prise en charge des lombalgiques chroniques, les kinésithérapeutes sont reconnus comme les principaux acteurs pouvant apporter des solutions à ce problème de santé publique [1-5]. En effet les recommandations préconisent prioritairement les thérapies actives individualisées pour une efficacité supérieure. Hayden et al. [6] dans une revue de la littérature sur l’utilisation des techniques de rééducation chez les patients lombalgiques présente la supériorité d’efficacité des techniques de stretching sur la douleur et des techniques de renforcement musculaire sur la fonction. Par ailleurs la rééducation de la colonne lombale constitue la principale activité des kinésithérapeutes libéraux puisque, selon les caisses d’assurance maladie, elle constitue 30 % des prescriptions de kinésithérapie [1]. Cette fréquence, et la pression économique exercée par les caisses d’assurance, obligent les kinésithérapeutes à une efficience dans ce domaine passant par une maîtrise et optimisation des concepts recommandés. La colonne vertébrale lombale, représente un empilement de cinq vertèbres dont la vocation, pour un bipède, est d’assurer l’ensemble des contraintes liées à la stabilisation et mobilité de la base du tronc. A fortiori, ce rôle est accru lors du port de charges par les membres supérieurs. À la différence de la colonne thoracique stabilisée par l’ensemble semi-rigide ostéo-cartilagineux de la cage thoracique, les cinq vertèbres articulées de la colonne lombale ne peuvent être stabilisées que par le système musculo-ligamentaire. On comprend ainsi aisément l’importance de la musculature vertébrale lombale (figure 1). Cette importante musculature développée autour de la vertèbre est représentée en arrière par les multifides tapissant les lames vertébrales et plus latéralement par les longissimi et ilio-costaux. CDSK - Clinique de rééducation Sancellemoz Ces muscles longs sont 150, promenade Marie Curie, contenus transversalement 74190 Passy par les dentelés postérieurs
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Figure 2. Rôle de contention transversale des muscles longissimus et ilio-costal par le dentelé postérieur et inférieur.
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par exemple, jusqu’à la stabilisation dynamique de contrôle des mouvements de grande amplitude de la colonne et des membres. Ces différentes formes de stabilisation feront l’objet de rééducations adaptées. Le concept de gainage doit ainsi prendre une notion dynamique complémentaire à la seule rigidification statique qu’il pourrait avoir. Ce gainage est préférentiellement effectué en lordose neutre avec à la base les exercices proposés par Richardson et al. [8]. Il est peut être complété par une action supérieure de la colonne vertébrale qui est la principale zone articulaire du redressement. [9]. La description des muscles vertébraux ne peut être complète sans citer les principaux tissus conjonctifs qui l’accompagnent. Ils se présentent sous forme d’aponévrose tendue entre les dentelés (aponévrose des dentelés ou fascia thoracolombaire) ou tapissant les psoas (gaine des psoas ou fascia iliaca). Le tissu conjonctif peut également être une lame de recouvrement tendineux à l’image de celle du longissimus ou du petit psoas qui sont analogues à celles tapissant les semimembraneux et biceps fémoral [10]. La rétraction du tissu conjonctif impliquera l’utilisation des techniques d’étirement dans le cadre de la réharmonisation musculaire. Les interactions muscles/lombalgies sont nombreuses et assez bien identifiées par les publications depuis une quinzaine d’années. Il est préférable de parler d’interactions, ne pouvant affirmer si c’est la déficience musculaire qui entraîne la lombalgie ou l’inverse. La réalité porte sur le constat que les patients lombalgiques présentent des désorganisations musculaires et que le kinésithérapeute se doit de réharmoniser celles-ci. Ces désorganisations sont volumiques-atrophiques, histologiques, neuro-musculaires et de diminution d’extensibilité [11-23]. Ainsi, Hides [12] a montré que dès le premier épisode de lombalgie, la fonte du multifidus apparaît précocement au niveau de l’étage vertébral et du coté douloureux. 4BOTFOUSBÔOFNFOUTQÏDJGJRVF DFUUFBNZPUSPQIJFMPDBMJTÏF persiste même après disparition des symptômes douloureux et fonctionnel. Par contre avec un entraînement par gainage lombo-abdominal, cette fonte est réversible [13],
diminuant les récidives [24]. Cette fonte des muscles postérieurs s’étend également sur le psoas du côté douloureux chez les patients lombalgiques chroniques [11, 16]. L’altération du contrôle neuro-musculaire d’un ou plusieurs étages vertébraux [12, 14, 17, 22, 25] est certainement source d’une instabilité vertébrale qui explique l’évolution récidivante ou chronique de la lombalgie. Les exercices actifs précoces chez les lombalgiques s’avèrent ainsi particulièrement recommandés pour lever les inhibitions musculaires réflexes localisées. Les perturbations neuro-motrices ne se limitent pas uniquement aux muscles postérieurs et psoas, puisque le transverse présente également une atrophie [15] et surtout des déficits du contrôle neuro-moteur alors que les muscles obliques internes et externes ne semblent pas altérés [22, 23, 26]. C’est pourquoi le travail postural de redressement axial associant l’activité simultanée des muscles postérieurs, latéraux et antérieurs apparaît particulièrement indiqué. Hides a ainsi pu démontrer, avec un temps de recul suffisant, des récidives deux fois et demie moins nombreuses à la suite de ce type d’entraînement [24]. Quant à la diminution de l’extensibilité musculaire, la chaîne musculaire postérieure ainsi que les psoas sont sujets à une hypoextensibilité (figure 3). Celle-ci peut être une adaptation morphologique du tissu conjonctif par réorganisation des fibres de collagènes ou une exacerbation de la sensibilité conjonctive neurogène. Dans ce dernier cas, les techniques manuelles de réharmonisation articulaire des étages vertébraux et les techniques d’étirement neuro-dynamique peuvent collaborer à la réharmonisation musculaire. Dans le premier cas les techniques d’étirement segmentaire et de chaînes musculaires seront profitables. L’évaluation musculaire vertébrale n’est pas l’évaluation la plus accessible et aisée. L’électromyographie [27] et l’échographie [28] sont des techniques qui font l’objet de validation
Figure 3. Organisation musculo-conjonctive de la chaîne musculaire postérieure.
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Kinésithérapie la revue
et d’intérêt dans l’investigation musculaire des lombalgiques. Malheureusement à ce jour les kinésithérapeutes français ne peuvent accéder à ces outils. Les techniques instrumentales isocinétiques [29] ou d’évaluation du redressement [9], sont coûteuses et peu vulgarisées. Le test gymnique validé de 4PSFOTFO <> FTU EJGGJDJMFNFOU BQQMJDBCMF EBOT TB NJTF FO place sur une population algique. L’IRM nous renseigne sur l’asymétrie musculaire ainsi que sur l’involution musculaire graisseuse. L’aspect fonctionnel peut être approché par des questionnaires (type Oswestry) [31] évaluant la répercussion de la lombalgie sur la vie quotidienne du patient.Les raideurs sont quant à elles plus facilement évaluées par des tests de réduction des lordoses et distance doigts-sol éventuellement. O
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