Occlusion de branche veineuse de la rétine associée à une sarcoïdose chez l’enfant : à propos d’un cas

Occlusion de branche veineuse de la rétine associée à une sarcoïdose chez l’enfant : à propos d’un cas

Journal français d’ophtalmologie (2011) 34, 243—247 COMMUNICATION DE LA SFO Occlusion de branche veineuse de la rétine associée à une sarcoïdose che...

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Journal français d’ophtalmologie (2011) 34, 243—247

COMMUNICATION DE LA SFO

Occlusion de branche veineuse de la rétine associée à une sarcoïdose chez l’enfant : à propos d’un cas夽 Branch retinal vein occlusion and sarcoidosis in a child: A case report M. Momtchilova a,∗, B. Pelosse a,b, E. Ngoma a, L. Laroche a,b a

Service d’ophtalmologie, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, 26, rue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex, France b CHNO des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France Rec ¸u le 2 aoˆ ut 2010 ; accepté le 19 octobre 2010

MOTS CLÉS Occlusion de branche veineuse de la rétine ; Sarcoïdose oculaire ; Pédiatrie

KEYWORDS Branch retinal vein occlusion; Ocular sarcoidosis; Childhood

夽 ∗

Résumé Nous rapportons un cas d’enfant présentant une occlusion de branche veineuse de la rétine dans le cadre d’une sarcoïdose. Un garc ¸on de 13 ans a été adressé pour un examen ophtalmologique systématique dans le cadre d’une asthénie. Le fond d’œil droit montrait plusieurs hémorragies rétiniennes dans le quadrant temporal inférieur de la rétine et une périphlébite sans signe d’iridocyclite. L’angiographie rétinienne à la fluorescéine objectivait l’occlusion de la veine temporale inférieure. L’examen ophtalmologique de l’œil gauche était sans anomalie. La présence de syndrome interstitiel avec adénopathies au scanner thoracique, l’enzyme de conversion de l’angiotensine élevée et la lymphocytose au lavage broncho-alvéolaire étaient en faveur du diagnostic de sarcoïdose. Le diagnostic de sarcoïdose était confirmé par la biopsie hépatique qui retrouvait des granulomes épithélioïdes. Une corticothérapie systémique était débutée et a permis la résorption des hémorragies rétiniennes. Devant une occlusion veineuse, même en l’absence de signe d’iridocyclite, le diagnostic de sarcoïdose doit être évoqué. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary We report a case of branch retinal vein occlusion associated with sarcoidosis in a child. A 13-year-old boy with a history of chronic fatigue was referred for ophthalmologic examination. Fundus examination in the right eye showed periphlebitis of the inferotemporal branch retinal vein, with nerve fiber layer hemorrhages without iridocyclitis. A fluorescein angiogram confirmed the occlusion of the inferotemporal branch retinal vein. His left eye was normal. The diagnosis of sarcoidosis, suggested by the presence of bilateral hilar adenopathy, increased

Communication orale présentée lors du 116e congrès de la Société franc ¸aise d’ophtalmologie en mai 2010. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Momtchilova).

0181-5512/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2010.10.022

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M. Momtchilova et al. angiotensin-converting enzyme levels, and lymphocytosis in the broncho-alveolar lavage, was confirmed by liver biopsy demonstrating epithelioid granulomas. Branch retinal vein occlusion was successfully treated with systemic corticosteroids. Branch retinal vein occlusion may occur as a rare vascular complication of sarcoidosis even without iridocyclitis. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La sarcoïdose est une maladie chronique multisystémique granulomateuse d’origine inconnue [1]. Elle est caractérisée par la formation de granulomes non caséeux dans les organes atteints. Les manifestations les plus fréquentes de la sarcoïdose sont l’atteinte pulmonaire, cutanée et oculaire. L’atteinte ophtalmologique est présente dans 25 à 60 % des patients avec sarcoïdose systémique [2]. L’uvéite antérieure, intermédiaire et postérieure, est la manifestation ophtalmologique la plus souvent observée [3]. Des tableaux se présentant sous forme de rétinopathie hémorragique, d’occlusion de la veine centrale ou de branche de la rétine, d’ischémie rétinienne et de néovascularisation rétinienne ont été rarement décrits [4—8]. Nous rapportons le cas d’un enfant de 13 ans présentant une occlusion de branche veineuse rétinienne dans le cadre d’une sarcoïdose.

Observation Un garc ¸on de 13 ans d’origine martiniquaise a été adressé pour un examen ophtalmologique systématique dans le cadre d’une asthénie, une altération de l’état général avec ralentissement psychique et une microcytose. Son examen ophtalmologique montrait une acuité visuelle de 10/10, P2 avec correction myopique de 3,0 dioptries, œil droit et gauche. L’examen des segments antérieurs ne montrait pas de signe d’inflammation. Le fond d’œil droit montrait plusieurs hémorragies péripapillaires et dans la moitié inférieure de la rétine, la veine temporale inférieure était très dilatée et tortueuse avec une périphlébite importante (Fig. 1). Le fond d’œil gauche ne présentait pas d’anomalie. L’angiographie rétinienne à la fluorescéine objectivait une occlusion de la veine temporale inférieure, associée à une vascularite et un courant veineux granuleux au niveau de l’œil droit (Fig. 2). L’angiographie de l’œil gauche était sans anomalie. Quinze jours plus tard, l’occlusion veineuse s’est complétée par des hémorragies disséminées dans la moitié inférieure de la rétine et des exsudats (Fig. 3). Le bilan sanguin montrait un syndrome inflammatoire avec CRP à 6 mg/L et vitesse de sédimentation à 20 mm, une enzyme de conversion de l’angiotensine élevée à 181 U/L. L’ionogramme et l’électrophorèse des protéines étaient sans anomalie. Le typage lymphocytaire montrait une élévation du rapport CD4/CD8 (2,5 pour une normale à 1,4) avec diminution globale de la population T. Le bilan immunologique était négatif. Le bilan du complément montrait un CH, C3 et C4 élevés. Le bilan hépatique était perturbé avec une cytolyse supérieure à trois fois la normale et une cholestase modérée (ASAT à 145 UI/L, ALAT à 149 UI/L,

Figure 1. Fond d’œil droit : hémorragies rétiniennes, veine temporale inférieure dilatée et tortueuse, un nodule cotonneux, périphlébite.

gamma GT à 167 UI/L, phosphatases alcalines à 1097 UI/L). L’intradermoréaction était négative. Le scanner thoracique montrait un syndrome interstitiel avec petites adénopathies. L’échographie abdominale mettait en évidence de multiples adénopathies cœliomésentériques et rétropéritonéales. Au lavage broncho-alvéolaire, on notait une lymphocytose très élevée. La ponction biopsie hépatique retrouvait une inflammation granulomateuse épithélioïde et gigantocellulaire compatible avec une sarcoïdose. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) montraient une diminution modérée de la capacité vitale lente, une augmentation modérée des résistances, une compliance dynamique à 66 % avec gaz du sang normaux. Les résultats du bilan général étaient donc en faveur d’une sarcoïdose. Une corticothérapie intraveineuse par bolus de méthylprednisolone 500 mg/jour pendant trois jours était débutée avec un relais de prednisone 30 mg/jour per os à doses décroissantes. Un traitement par un bolus de méthylprednisolone par mois a été poursuivi pendant un an. Au total, le patient a bénéficié de 12 bolus de méthylprednisolone sur un

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Figure 2. Angiographie rétinienne à la fluorescéine œil droit : occlusion de la veine temporale inférieure de la rétine, vascularite, courant veineux granuleux.

Figure 3. Fond d’œil droit : occlusion de la veine temporale inférieure de la rétine 15 jours plus tard en l’absence de traitement.

an. Quatre mois plus tard, les hémorragies et les exsudats au fond d’œil étaient résorbés. L’angiographie rétinienne montrait de petits territoires ischémiques sans néovaisseau rétinien (Fig. 4).

tion du taux de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, une élévation du rapport CD4/CD8 dans le lavage bronchoalvéolaire, une anergie à la tuberculine sont associées. La radiographie et la TDM pulmonaire montrent des adénopathies. Les biopsies tissulaires ne sont pas pathognomoniques. Cependant, elles sont essentielles au diagnostic. Un granulome épithélioïde et gigantocellulaire avec peu ou pas de nécrose est mis en évidence. La biopsie hépatique est de réalisation relativement simple avec un excellent taux de positivité [12—14]. Les manifestations ophtalmologiques sont présentes chez 25 à 65 % des patients avec sarcoïdose systémique [2]. Elles sont souvent inaugurales et insidieuses. Un syndrome sec et des nodules conjonctivaux ont été rapportés. L’uvéite est l’atteinte la plus fréquente. Dans environ 30 % des cas l’uvéite précède les signes extraoculaires de la sarcoïdose [15]. Classiquement, l’uvéite antérieure est la localisation la plus fréquente. Le plus souvent elle est caractérisée par une uvéite chronique granulomateuse avec des précipités cellulaires denses et des nodules iriens. Elle se complique fréquemment de cataracte, glaucome, œdème maculaire et kératopathie en bandelette. L’uvéite intermédiaire avec hyalite, « œufs de fourmi » et vascularite peut également faire partie du tableau clinique de la sarcoïdose. L’atteinte postérieure se caractérise par une périphlébite associée à des lésions périphériques choroïdiennes nommées « taches de bougie » par Franceschetti et Babel, en 1949 [16]. Un œdème papillaire, un granulome du nerf optique, une paralysie oculomotrice

Discussion La sarcoïdose est une maladie chronique multisystémique granulomateuse d’origine inconnue [1]. Elle est caractérisée par la formation de granulomes non caséeux dans les organes atteints. C’est une maladie rare chez l’enfant. La prévalence de la sarcoïdose cliniquement prouvée chez les enfants danois de moins de 15 ans est estimée à 0,22—0,27 pour 100 000 enfants par an [9]. Elle est plus fréquente et plus sévère chez des sujets de race noire [10]. Chez l’enfant, il existe deux formes de sarcoïdose en fonction de l’âge. La triade rush, uvéite, arthrite est caractéristique des enfants de moins de quatre ans [11]. La tranche d’âge la plus concernée est celle des sujets de huit à 15 ans. Les atteintes sont similaires à celles de l’adulte : atteinte pulmonaire, cutanée, oculaire, hépatique. D’autres manifestations sont également décrites comme la neurosarcoïdose et l’insuffisance rénale. En l’absence de cause étiologique connue, le diagnostic de sarcoïdose reste un diagnostic d’élimination. Il repose sur un faisceau d’arguments cliniques, paracliniques, radiologiques et histologiques. Une hyperprotidémie, une hypercalcémie, une hypergammaglobulinémie, une éléva-

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M. Momtchilova et al. d’uvéite antérieure étaient absents comme dans le cas de Denis et al. Le traitement classique de la sarcoïdose oculaire est la corticothérapie, essentiellement topique ou périoculaire. L’indication d’une corticothérapie systémique d’une atteinte oculaire est posée sur l’existence d’une névrite optique ou d’une corticorésistance locale dans le cas d’une uvéite postérieure. De fortes doses sont souvent nécessaires au début du traitement, relayées par de faibles doses de corticoïdes au long cours [15]. De faibles doses de méthotrexate peuvent être discutées chez des patients corticorésistants [18]. Le traitement anti-inflammatoire systémique peut faire régresser la néovascularisation rétinienne, mais des cas d’ischémie rétinienne, de néovascularisation persistante ou d’hémorragie intravitréenne peuvent bénéficier d’une photocoagulation au laser [19].

Conclusion La sarcoïdose est une cause rare d’occlusion veineuse. Nous décrivons un cas d’occlusion de branche veineuse de la rétine associée à une sarcoïdose chez un enfant. Devant une occlusion veineuse, même en l’absence de signe d’iridocyclite, le diagnostic de sarcoïdose doit être évoqué.

Conflit d’intérêt Figure 4. Angiographie rétinienne à la fluorescéine œil droit quatre mois après traitement : résorption des hémorragies rétiniennes, microterritoires d’ischémie rétinienne sans néovaisseau.

Aucun.

Références associés à une atteinte du système nerveux central ont été également rapportés [17]. Des tableaux vasculaires rétiniens plus rares dans le cadre d’une sarcoïdose ont été rapportés dans la littérature. En 1988, Duker et al. décrivent sept cas (11 yeux) de rétinopathie proliférante sarcoïdosique [8]. Des néovaisseaux prérétiniens étaient présents dans tous les cas. Une néovascularisation papillaire était présente dans deux yeux et une néovascularisation irienne dans un œil. Les néovaisseaux rétiniens étaient associés à des occlusions capillaires rétiniennes périphériques. Pour les auteurs, l’ischémie rétinienne, dans la sarcoïdose, est en rapport avec une occlusion capillaire par un mécanisme mal connu [8]. Quelques publications font part de cas isolés d’occlusion veineuse de la rétine, associée à une sarcoïdose. Gass et Olson rapportent, en 1976, un cas d’occlusion de la veine temporale inférieure de la rétine chez un patient avec sarcoïdose [4]. Kimmel et al. décrivent un cas d’adulte très semblable à notre patient. La veine temporale inférieure était également le siège d’une vascularite importante à l’origine de l’occlusion de la veine, située au croisement avec l’artère [5]. Ohara et al. rapportent le cas d’un enfant de 13 ans présentant une iridocyclite et une périphlébite compliquées d’occlusion de branche veineuse de la rétine et d’un œdème maculaire [7]. Dans le cas de Denis et al., la cause de l’occlusion veineuse était un granulome choroïdien sans signe d’uvéite antérieure [6]. Dans les trois derniers cas, la sarcoïdose était histologiquement confirmée comme dans le cas présenté. Dans le cas rapporté, les signes

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