Polyhandicap, soins palliatifs et fin de vie

Polyhandicap, soins palliatifs et fin de vie

© Masson, Paris, 2004 Tous droits réservés Motricité cérébrale 2004 ; 25(4) : 153-162 www.e2med.com/moce Polyhandicap Polyhandicap, soins palliatif...

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© Masson, Paris, 2004 Tous droits réservés

Motricité cérébrale 2004 ; 25(4) : 153-162 www.e2med.com/moce

Polyhandicap

Polyhandicap, soins palliatifs et fin de vie P. Marrimpoey (1), B. Paternostre (2), B. Burucoa (2) (1) Service de Médecine, Centre Hospitallier de Saint-Calais, 72120 Saint-Calais. (2) Centre Régional de Soins Palliatifs, Hôpital Xavier Arnozan, avenue Haut-Levêque 33604 Pessac. Tirés à part : P. Marrimpoey ; Service de médecine, Centre Hospitalier, Rue de la Perrine, 72120 Saint-Calais. e-mail : [email protected]

Résumé Cet article expose le travail de prise en charge du patient polyhandicapé en fin de vie. Cette prise en charge globale en équipe pluridisciplinaire s’inscrit dans une continuité de soins prodigués à cette personne depuis l’annonce du handicap et la mise en place d’un projet de vie individualisé. Après avoir abordé les besoins physiques du patient (douleurs, symptômes généraux, digestifs, respiratoires, neuro-psychiques, urinaires, cutanés et symptômes d’urgence), il propose une réflexion sur la prise en compte des besoins psycho-affectifs et spirituels de ces patients. L’accompagnement de l’entourage et le vécu des soignants sont aussi développés, de même que les problèmes décisionnels éthiques. La conclusion rappelle le droit des patients polyhandicapés à l’accès aux soins palliatifs, droit reconnu en France à tout individu par la promulgation de la loi du 9 juin 1999. Mots-clés : Polyhandicap, soins palliatifs, multidisciplinarité, syndromes physiques, besoins psychoaffectifs, soutien d’équipe, démarche décisionnelle.

INTRODUCTION

Dans les années 1980, le mouvement des soins palliatifs se développe en France, s’attachant plus particulièrement à la prise en charge des malades cancéreux. La survenue de l’épidémie HIV qui suit, ainsi que la gériatrie, permettra un développement progressif de cette approche. Ce n’est que très récemment que les soins palliatifs se sont étendus au secteur du polyhandicap et il n’existe encore que peu d’écrits sur ce sujet. Pourtant, la prise en charge d’un patient polyhandicapé, en fin de vie en adéquation avec le concept de soins palliatifs, n’est que le prolongement d’une prise en charge globale par une équipe pluridisciplinaire tout au long de sa vie.

La définition des soins palliatifs, proposée par la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP), est la suivante : « Les soins palliatifs sont des soins actifs, dans une approche globale de la personne, en phase évoluée ou terminale d’une maladie potentiellement mortelle. Prendre en compte et viser à soulager les douleurs physiques ainsi que la souffrance psychologique, sociale et spirituelle, devient alors primordial… Les soins palliatifs et d’accompagnement sont multidisciplinaires dans leurs démarches. Ils s’adressent au malade, à sa famille et à sa communauté, que ce soit à domicile ou en institution… Les soins palliatifs et d’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et sa mort comme un processus normal ; ils ne hâtent ni ne retardent le décès ».

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La notion de polyhandicap est récente et fait suite à la prise de conscience professionnelle et plus généralement sociale, au début des années 1980, quant à la reconnaissance des besoins spécifiques de personnes qualifiées jusqu’alors de « lourdement handicapées », voire de personnes « arriérées mentales » (Tomkiewicz et Zucman [1], en collaboration avec le CTNERHI 1). Ces termes qui, fort heureusement, ne sont plus usités vingt ans après, ont donc été remplacés par celui de personne polyhandicapée dans la circulaire du 6 mars 1986 du ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi, complétée par l’annexe 24Ter du décret du 27 octobre 1989. Le polyhandicap est défini comme un « handicap grave à expression multiple chez lequel la déficience mentale sévère est associée à des troubles moteurs entraînant une restriction extrême de l’autonomie ». La prise en charge d’une personne polyhandicapée, enfant ou adulte, souvent nommée résident dans nos institutions, nécessite une approche globale de la personne. Cette prise en charge est effectuée en équipe pluridisciplinaire (médecin, psychologue, infirmier, aide-soignant ou aide médico-psycho-pédagogique, ergothérapeute, kinésithérapeute, psychomotricien, animateur, éducateur, bénévole), en partenariat avec les familles qui sont les nécessaires collaborateurs du projet personnalisé de leur parent (enfant ou conjoint dans le handicap acquis). Ce projet individuel est un projet de soins actifs visant à procurer une qualité de vie maximale pour cet être dépendant. Lorsque le résident deviendra malade, ce qui nous conduit à réaffirmer que nous ne le considérons pas malade dans la vie quotidienne, mais simplement différent de part l’existence de son handicap, lorsqu’il présentera donc un état pathologique, son projet de vie devra être réadapté pour accorder une part plus importante au projet de soins. Celui-ci comprendra, le moment venu, l’accompagnement du patient jusqu’au décès, ainsi que celui de la famille intégrant à sa demande un éventuel suivi de deuil. Il n’existe pas actuellement en France de données épidémiologiques sur l’espérance de vie d’une personne polyhandicapée ainsi que sur les causes de décès. Dans notre expérience de per1. CTNERHI : Centre Technique National d’Études et de Recherches sur les Handicaps et Inadaptations.

sonnes institutionnalisées, les facteurs de risque environnementaux (tabac, alcool, cholestérol) sont absents et la prévalence des maladies liées à ces facteurs de risque (pathologies cardio-vasculaires, hépatiques, cancers) est quasiment nulle, de sorte que les patients vieillissent au-delà de la cinquantaine, ce qui n’était pas encore connu il y a une quinzaine d’années. Les personnes polyhandicapées présentent des aggravations de leur état de santé dues, dans la majorité des cas, à des infections pulmonaires répétitives, elles-mêmes conséquence de reflux gastro-œsophagien, troubles de la déglutition et complications de décubitus sur déformations orthopédiques importantes. Comme nous venons de le voir ci-dessus, l’approche globale du résident polyhandicapé, sa prise en charge multidisciplinaire, les soins actifs qui lui sont prodigués, le rôle et l’implication de la famille dans le projet individualisé sont des éléments retrouvés dans la définition du concept de soins palliatifs. Il semble dès lors logique, que les équipes qui assurent une telle action au quotidien, puissent prolonger cette rigueur de prise en charge en dispensant des soins de qualité de fin de vie. Dans l’objectif du projet de soins du patient polyhandicapé, la dualité curatif/palliatif n’existe pas. « Il n’y a pas deux phases bien distinctes. Les deux types de prise en charge sont combinés, en oscillations constantes durant l’évolution de la maladie. Les soins palliatifs sont intriqués avec les soins curatifs, dans une perspective de soins continus qui s’adaptent progressivement à l’état du patient et à ses besoins. » [2]. En effet, dès les premiers mois de la vie, le deuil de l’enfant idéal est mené progressivement par les parents pour permettre l’émergence d’autres potentialités sur lesquelles s’appuiera le projet de l’enfant. « Ainsi, au niveau somatique, à une conception essentiellement palliative des actions médicales, se sont surajoutés des objectifs de prévention, de confort et de rééducation active… Enfin, sur le plan des soins en général, des interventions diversifiées au niveau éducatif et psychopédagogique ont permis de développer les capacités de communication de l’enfant et de favoriser une plus grande autonomie dans les gestes élémentaires de la vie quotidienne. » [3]. C’est donc l’approche globale de la personne polyhandicapée qui permet un projet de soins continus comprenant des actions actives de soins (rééducatifs, éducatifs, occupationnels) s’intriquant avec des actions plus « spécifiquement pal-

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liatives » (médicales), dans le but d’améliorer le confort de vie et les possibilités de relation et d’autonomie. Ce projet de soin/projet de vie guidera la prise en charge de la personne polyhandicapée tout le long de sa vie. BESOINS PHYSIQUES

Douleurs La prévalence des douleurs chez le patient polyhandicapé est mal connue mais semble augmenter avec la polypathologie [4]. En fin de vie, les douleurs sont d’origine musculaire et articulaire intervenant sur une majoration des déformations orthopédiques, douleurs dues à des défaillances cardio-respiratoires, viscérales ainsi qu’à des problèmes cutanés exacerbés par un alitement quasi constant. Leur physiopathologie est donc le plus fréquemment un excès de nociception [5]. L’évaluation représente une étape nécessaire de la prise en charge [6]. L’auto-évaluation par le patient luimême est souvent impossible et il faut avoir recours à une hétéro-évaluation réalisée par les soignants. Des outils adaptés au polyhandicap sont maintenant disponibles, notamment chez l’enfant la grille DESS (Douleur Enfant San Salvadour) et chez l’adulte le projet de grille conçu par l’équipe pluridisciplinaire de l’Hôpital Marin de Hendaye (consultable sur site interclud AP/ HP), qui devrait obtenir une validation statistique en partenariat avec l’ISPED 2 d’ici la fin de l’année 2004. Ces échelles permettent de mesurer l’intensité de la douleur et d’adapter le traitement antalgique. Le traitement médicamenteux fait appel aux antalgiques (palier I, II ou III de l’OMS) dont l’ordre d’utilisation sera respecté : changement de palier lorsque l’antalgique du palier précédent utilisé à la dose maximale efficace est inefficace. La voix d’administration doit être la plus simple et adaptée [7] et la voie orale est maintenue tant que le patient peut déglutir. Quand la voie orale devient impossible, la première alternative est la voie sous-cutanée [8]. L’utilisation des morphiniques doit intégrer la prescription d’interdoses (doses supplémentaires en cas de recrudescence douloureuse ou en prévision d’un acte potentiellement douloureux) égales à 1/6 de la dose de morphine quotidienne [9]. Les antalgi2. ISPED : Institut Santé Publique Épidémiologie et Développement, Université V. Segalen Bordeaux II.

ques sont administrés à intervalle régulier comme indiqué dans le tableau I. L’augmentation posologique est prévue par paliers de 30 % de la dose journalière. Le traitement préventif de la constipation sera majoré dès la prescription de morphine. Il faut aussi prévenir les nausées et vomissements fréquents pendant les premiers jours et accepter une somnolence modérée transitoire. La tant redoutée « dépression respiratoire » est un signe de surdosage et non un effet secondaire ; « elle ne s’observe pas si le traitement morphinique est correctement conduit et respecte les règles de prescription des paliers de l’OMS » [2]. Elle est toujours précédée d’une somnolence durable. L’utilisation d’une co-analgésie adaptée (corticoïdes, antispasmodiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, myorelaxants…) doit compléter l’effet antalgique des opiacés [10]. Le traitement non médicamenteux fait appel à des techniques de relaxation par massages, musicothérapie, lecture de contes. Une attention toute particulière doit être accordée au positionnement avec l’aide de la position 3/4 ou cocon [11]. Les soins de masso-kinésithérapie sont aussi des soins primordiaux. En effet, le kinésithérapeute est un intervenant de longue date dans la prise en charge et, au-delà du soin technique, le soin relationnel, qui s’est installé au fil du temps, doit pouvoir être maintenu dans cette période difficile de fin de vie. Les interventions viseront un objectif de confort.

Symptômes généraux Asthénie – Anorexie Quasiment inévitable à un stade avancé de la maladie, l’asthénie se traduit par une faiblesse généralisée qui diminue les capacités de communication (non verbale) et de relation. Elle est souvent associée à une anorexie, qui va entraîner un amaigrissement pouvant conduire à une dénutrition. En situation palliative terminale, l’alimentation orale est maintenue dans un but de confort et de plaisir [12] et le refus alimentaire du patient est respecté. L’équilibre nutritionnel des repas n’est pas recherché à tout prix et l’équipe soignante s’attache à présenter des mets antérieurement appréciés, en petite quantité. Actuellement, les progrès dans la prise en charge de la personne polyhandicapée ont comme conséquence qu’un bon nombre de résidants sont gastrostomisés à un moment de leur vie pour des

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TABLEAU I. — Rythme de prise des antalgiques opiaces per os. Substance Codéine +/– Paracétamol

Nom commercial ®

Codenfan – Codoliprane

Rythme d’administration

®

4 à 6 heures

Efféralgan codéiné® Tramadol

Contramal®-Topalgic®- Zamudol®

Dihydrocodéine

Dicodin®

Tramadol LP

12 heures ®

Contramal LP - Topalgic LP

®

Zamudol LP® Dextropropoxyphène +/– Paracétamol

Antalvic®

6 à 8 heures

Di-Antalvic Morphine en solution ou cp

®

Chlorhydrate de Morphine-Sevrédol ®

4 heures

Actiskénan® Morphine à libération prolongée

Moscontin® Skénan

12 heures

®

Kapanol® Fentanyl transdermique Hydromorphone LP

24 heures

Durogésic®

72 heures

®

12 heures

Sophidone

troubles de la déglutition entraînant des pneumopathies d’inhalation massive. Ces résidents peuvent vivre plus de dix ans avec une alimentation entérale et abordent une fin de vie sans dénutrition ni anorexie. Les problèmes alors rencontrés en situation terminale reposent sur des questions décisionnelles, sur l’opportunité ou non d’une poursuite de cette alimentation…

Déshydratation Dans tous les cas, si le malade peut boire, l’apport de liquides sous différentes formes (eau, eau gélifiée, jus de fruit épaissi, potage) doit être maintenu. Une hydratation par voie veineuse à raison de 21/24 h reste une attitude trop répandue. En effet, en fin de vie, une surcharge hydrique peut favoriser l’apparition d’une rétention urinaire, de vomissements, d’un encombrement respiratoire et d’œdème pulmonaire [13]. Il est dès lors recommandé de prescrire une hydratation par voie sous-cutanée à raison de 500 ml à 1 litre de sérum salé isotonique par 24 h (tableau II). De nombreux médicaments sont perfusables en continu ou en injections par cette voie (tableau III). Pour les patients polyhandicapés porteurs d’une sonde de gastrostomie, si cette voie est fonctionnelle, l’hydratation se fera par

TABLEAU II. — Perfusion sous-cutanée 500 ml à 1litre de sérum sale isotonique par 24 h Éviter solute glucose, plus irritant pour la peau Avec aiguille à ailette n 22 + régulateur de débit Pansement transparent Aiguille placée en biais, angle de 30 biseau tourne vers peau Région sous-claviculaire, abdominale, cuisse Si irritation locale entre 3 et 7 jours : changer de site Possibilité de perfusion de médicaments par cette voie

son utilisation ainsi que l’administration des médicaments.

Symptômes digestifs Constipation La prévalence de la constipation dans une population de personnes polyhandicapées vivant en institution approche les 80 % [14]. La majoration de la constipation en fin de vie, causée par une diminution de la verticalisation associée à l’utili-

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TABLEAU III. — Produits utilisables par voie sous-cutanée d’après Burucoa B, 1999 SOLUTE : Chlorure de sodium à 9 %o (500 ml à 1 L/24 h maximum) MÉDICAMENTS perfusables en sous-cutané

indications

Morphine Aguettant

douleurs

Solumédrol Primpéran Haldol

®

œdème tumoral

®

vomissements

®

hallucinations, vomissements ®

Largactil Nozinan

agitation, hoquet

®

angoisse, agitation ®

Hypnovel , Narcozep

®

urgences

Scopolamine

râles, sécrétions, spasmes

MEDICAMENTS utilisables uniquement par voie sous-cutanée discontinue Atropine

râles, sécrétions

Prostigmine ®

®

Gardénal , Rivotril

constipation ®

convulsions

Amiklin®, Rocéphine®

infections

PRÉCAUTIONS D’EMPLOI Haldol® et Nozinan® ne sont pas miscibles avec Solumédrol ® dans un petit volume

sation de dérivés morphiniques doit rester un souci primordial des équipes de soins. La surveillance de la fréquence des selles reste, à ce moment plus qu’à tout autre, un objectif de soins prioritaire [4]. La prise en charge thérapeutique de la constipation nécessite des mesures physiques (massages abdominaux doux, balnéothérapie, mobilisation passive, verticalisation minimale) associées à un traitement par laxatifs osmotiques et/ou stimulants avec arrêt des thérapeutiques ralentissant le transit intestinal et qui ne sont plus indispensables. Pour dépister la constitution d’un fécalome, un toucher rectal est effectué au 4 e jour sans selles ; s’il est positif, un lavement administré avec une sonde rectale souple ou, le cas échéant, une évacuation manuelle doit être effectué.

Symptômes respiratoires Dyspnée La dyspnée terminale est un symptôme pénible et angoissant pour le malade et l’entourage. Elle peut être soulagée par l’utilisation d’opiacés et de benzodiazépines par voie orale ou sous-cutanée, à des doses modérées et adaptées au soulagement ressenti par le malade. Souvent redoutés par les médecins pour leur effet dépresseur respiratoire, il est démontré qu’ils améliorent le confort respiratoire, sans forcément aggraver l’état respiratoire. Les corticoïdes seront utilisés, si nécessaire, pour leur effet anti-œdémateux. L’oxygénothérapie n’est pas systématique et sera utilisée en cas d’hypoxémie, à débit faible continu (0,5 à 21/ minute). Elle entraîne une sécheresse des muqueuses [13].

Encombrement Muqueuse buccale En cas de déshydratation, le symptôme le plus pénible est la sécheresse de bouche qui donne une sensation de soif. Les soins de bouche, auxquels la famille peut participer, sont indispensables [13].

L’encombrement trachéo-bronchique et pulmonaire est très fréquent en fin de vie chez les patients polyhandicapés. Il est le plus souvent dû à une infection pulmonaire ou à l’agonie. Sa prévention consiste à éviter les fausses routes – en épaississant les liquides ou en arrêtant

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toute prise orale – et les reflux gastro-œsophagiens sur sonde naso-gastrique. La Scopolamine, à raison de 1 à 2 mg/24 h par voie sous-cutanée est efficace tant que les sécrétions ne sont pas surinfectées. Les aspirations buccales ou naso-bronchiques doivent être douces, avec une dépression d’aspiration faible pour ne pas agresser les muqueuses, en expliquant ce que l’on fait et précédées au besoin d’une injection analgésique et sédative.

Symptômes neuro-psychiques Nombre de patients polyhandicapés présentent, toute leur vie durant, une maladie épileptique, témoin de la lésion cérébrale à l’origine du handicap. En fin de vie, il peut exister une aggravation notable des convulsions évoluant vers un véritable état de mal épileptique. L’utilisation de Clonazepam (Rivotril®), de Phénobarbital (Gardénal®) par voie sous-cutanée ou du Prodilantin ® par voie intramusculaire permet d’y faire face. Tout état d’agitation, confusion ou délire doit faire évoquer une possible épilepsie partielle.

Symptômes urinaires La rétention urinaire avec globe vésical est un symptôme fréquent en fin de vie. Le globe doit être suspecté chez un patient qui devient subitement inconfortable, douloureux et agité. La percussion et la palpation de la région sus-pubienne établissent le diagnostic positif et impliquent un sondage vésical immédiatement réalisé. Une incontinence peut être le signe de mictions par regorgement.

Symptômes cutanés Chez ces malades, la prévention d’escarre revêt un enjeu primordial. Elle fait appel à une hygiène cutanée rigoureuse, des mobilisations fréquentes, un matelas adapté et surtout un positionnement de 3/4 (tableau IV). Nous ne développerons pas ici le traitement des escarres qui vient de faire l’objet d’une codification par rédaction d’une conférence de consensus validée par l’ANAES3 le 15 novembre 2001.Néanmoins, nous rappellerons les principes généraux de traitement des escarres en fin de vie, à savoir que le but à atteindre est celui du confort du patient et non pas la recherche d’une cicatri3. ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé.

TABLEAU IV. — Position de 3/4 droit. Corps placé en position latérale Disposer un traversin le long du dos, du cou au sacrum Dégager l’épaule et le bras droits Placer un oreiller sous la tête en l’inclinant vers l’avant et en dégageant l’oreille Placer les membres inférieurs en semi-flexion, le gauche un peu en arrière du droit Séparer les genoux et les jambes par un coussin

sation à tout prix, dont l’obtention semble pour le moins illusoire. Ce confort passe nécessairement par une antalgie efficace au moment des soins (douleur provoquée), qui sont réalisés dans un temps supportable par le patient de manière à ne pas lui occasionner un inconfort supplémentaire. Une prémédication antalgique, environ une heure avant le pansement, peut être administrée avec de la Morphine par voie sous-cutanée (1/6 de la dose de 24 heures) éventuellement associée à du Midazolam (Hypnovel®) 2,5 ou 5 mg utilisé par la même voie d’administration.

Symptôme d’urgence Il s’agit de symptômes intenses et d’apparition brutale comme la dyspnée, l’hémorragie, l’agitation… Les Prescriptions Anticipées Personnalisées (PAP) sont des prescriptions écrites et signées par le médecin donnant la conduite à tenir en cas de survenue ou de persistance d’un symptôme (si douleur, si dyspnée,…). Elles doivent être généralisées dans la prise en charge de patients en phase terminale et nécessitent de la part du prescripteur une anticipation des symptômes prévisibles. Elles permettent à l’infirmier de prodiguer des soins adaptés et de qualité en assurant au patient un soulagement rapide et efficace. Elles permettent de passer un cap critique dont le but est le soulagement du symptôme, à différencier d’un « acte euthanasique qui cherche irrémédiablement, rapidement et volontairement à provoquer la mort » [13]. En cas de symptôme intense et incontrôlable, il est alors justifié de provoquer une sédation transitoire par l’utilisation de Midazolam (Hypnovel®) et Morphine, injectés par voie intraveineuse lente, en titration ml par ml, jusqu’au soulagement du symptôme [15].

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BESOINS PSYCHOAFFECTIFS ET SPIRITUELS

Le grand malade est avant tout une personne à part entière ; c’est un homme, une femme qui a une histoire, une vie, des liens avec d’autres personnes. La relation qui s’établit entre le malade et le soignant reste basée sur le respect. Elisabeth Kübler-Ross a décrit des étapes de refus, de colère, de marchandage, de dépression et d’acceptation qui permettent à la personne malade d’essayer de s’adapter à la maladie grave [16]. Il semble plus difficile, compte tenu de l’absence de communication verbale, de pouvoir individualiser aussi clairement ces phases chez le patient polyhandicapé, mais il serait très dangereux de limiter et ne pas vouloir reconnaître les besoins psychoaffectifs des résidents. Ils existent bel et bien, mais le soignant doit faire preuve de disponibilité accrue et d’attention soutenue pour pouvoir les faire émerger. Écouter implique aussi d’être présent : la disponibilité à l’autre est nécessaire, la disponibilité à soi aussi. L’écoute demande une certaine connaissance de soi pour pouvoir entendre les sentiments d’autrui sans s’identifier à eux. La relation avec la personne en fin de vie demande de « ne pas se mettre à la place de l’autre, mais de mettre une distance entre soi et l’autre, distance indispensable à la relation » [2].

Angoisse et anxiété L’angoisse accompagne souvent un symptôme douloureux. De diagnostic difficile chez un patient qui ne verbalise pas, elle est souvent envisagée lorsqu’un traitement antalgique n’amène pas l’effet escompté. L’angoisse majeure avec agitation semble très peu rencontrée dans notre expérience de prise en charge de patients polyhandicapés en fin de vie. Il faut la différencier des peurs fréquentes en fin de vie, autour des peurs des modalités du mourir (peurs de souffrir, d’étouffer, d’isolement…) notamment.

Dépression Le diagnostic de dépression n’est pas aisé non plus. En fin de vie, elle s’apparente aux dépressions d’épuisement physique. Les difficultés de diagnostic conduisent souvent à réaliser un test thérapeutique par prescription d’un antidépresseur généralement sérotoninergique pendant 2 à 4 semaines.

Les questionnements existentiels sont présents chez tout être humain. Même s’il est difficile pour un soignant d’appréhender les besoins spirituels d’un patient polyhandicapé, on peut estimer qu’il les prend en compte dès lors qu’il restaure la communication à travers des sollicitations de beauté par la vue, l’ouïe, le goût et l’odorat. « Prendre en compte les besoins spirituels, c’est aussi, pour le soignant, respecter la culture religieuse d’une personne en fin de vie. La religion, ses expressions symboliques ou rituelles, sont aussi, pour le malade et sa famille, une possible médiation à l’expression de leur désarroi, de leur espérance… » [2]. ACCOMPAGNEMENT DE L’ENTOURAGE

Rôle de l’équipe auprès de l’entourage Les soins palliatifs sont indissociables d’un accompagnement de la famille. Faire preuve d’empathie dans la relation avec l’entourage, c’est s’engager dans une relation avec lui, en comprenant qu’il vit une situation de crise. Les difficultés liées à cette crise peuvent intervenir à plusieurs niveaux : – la fin de vie d’un enfant polyhandicapé devenu adulte renvoie aux parents vieillissants l’image de leur propre mort à venir ; – cette fin de vie réactive des conflits et des douleurs qui plongent la famille quelques 40 ans en arrière, juste après la naissance de leur enfant, lors de l’annonce du handicap, faisant défiler à grande vitesse le film de toute une vie ; – parfois, cette situation sera aussi l’occasion pour la fratrie de connaître l’existence d’un frère ou d’une sœur polyhandicapée qui leur avait été cachée jusque-là ; – certains couples et même certaines familles se retrouveront autour de ce grand malade qui les réunira à leur tour, après les avoir si longtemps désunis. – Un outil simple, le génosociogramme – schéma représentant la personne polyhandicapée et ses proches (parents, fratrie, conjoint, enfants…) – est utile pour connaître l’entourage familial et amical proche du malade polyhandicapé.

Le deuil Le deuil désigne l’état réactionnel dans lequel se trouve toute personne éprouvée par le décès d’un proche. Il ne s’agit pas d’un état pathologique,

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mais d’un processus qui permet à l’endeuillé de s’adapter à la perte et à la séparation (SFAP, 1999). À la mort d’un proche, la famille vit aussi une situation de perte, de crise. Chaque histoire familiale est unique. La mort arrive dans une histoire tissée depuis longtemps [17]. Avant le décès, il est important que la famille puisse aborder l’éventualité de la mort avec l’équipe soignante et médicale. Cela permet, outre le fait de connaître au plus juste le pronostic, de se préparer psychologiquement et d’aborder sans impudeur des questions matérielles sur le décès et l’organisation des obsèques. La relation équipe-famille permet aussi de savoir si des membres de l’entourage souhaitent être présents au moment du décès, de manière à les préparer. Certains parents arrivent à verbaliser aussi auprès des équipes leur soulagement quant au décès de leur enfant avant le leur, comme si euxmêmes pouvaient partir plus sereinement dès lors qu’ils ne laissent pas leur enfant polyhandicapé dans ce monde… [4]. Nous ne disposons pas de données sur le deuil pathologique d’ascendants endeuillés par le décès de leur enfant polyhandicapé devenu adulte. Certains estiment que le bon déroulement d’un deuil à l’âge adulte dépend de l’acceptation de la séparation d’avec la mère dans la toute petite enfance [18]. Si tel est le cas, les parents des résidents nés dans les années 1960-1970, à qui le corps médical avait préconisé un placement immédiat ou un abandon en institution, présentent de nombreux facteurs pour développer un deuil pathologique. C’est dire si la qualité de prise en charge de la personne en fin de vie, en contribuant à la prévention d’un deuil difficile, trouve ici une place importante. Fort heureusement, de nos jours, l’annonce du handicap est entreprise de façon plus prudente, progressive et adaptée aux conditions psychologiques, sociales et intellectuelles de la famille [19] et celle-ci est mieux investie dans le projet individuel de leur enfant. Ces nouvelles approches devraient permettre dans l’avenir une amélioration de la prise en charge de l’entourage lors du décès et devraient concourir à diminuer la fréquence des deuils pathologiques. VÉCU DES SOIGNANTS ET SOUTIEN DE L’ÉQUIPE

S’occuper de patients en fin de vie, c’est déjà accepter pour un soignant que la mort n’est pas

un échec mais un aboutissement de la vie, c’est accepter que la médecine puisse exister autrement que pour guérir, c’est nous plonger aussi dans l’angoisse d’un événement inéluctable qui nous atteindra un jour. La relation du soignant et du patient en fin de vie va donc inévitablement provoquer des émotions et des sentiments personnels. Dans les institutions de personnes polyhandicapées, les soignants ont la particularité d’avoir prodigué des soins au patient depuis de nombreuses années. L’implication affective est inévitable et justifie un soutien psychologique adapté [20], à plus forte raison lorsque le résident en fin de vie n’a plus de famille et que les seuls liens qu’il a pu tisser sont ceux avec les soignants. La mort de l’autre renvoie le soignant à un face à face avec lui-même. Le soutien d’équipe doit être effectif à deux niveaux : – d’une part, la formation professionnelle doit permettre au soignant d’acquérir un savoir, un savoir-faire et un savoir-être face aux malades en fin de vie. La formation initiale et continue doit proposer un enseignement des soins palliatifs et d’ accompagnement ; – d’autre part, le soutien d’équipe peut s’opérer par la constitution d’un groupe de parole auquel la participation des soignants sera basée sur le volontariat. Ce groupe de parole permet aux tensions émotionnelles de s’exprimer et propose des pistes de réflexion, des décodages des ressentis qui vont nourrir la recherche personnelle. En reconnaissant et en exprimant leurs émotions, les soignants deviennent plus disponibles avec les patients [2]. PROBLÈMES DÉCISIONNELS [21, 22]

Selon Emmanuel Levinas, la responsabilité que nous avons à l’égard d’autrui est du domaine de l’éthique [23]. La discipline de l’éthique clinique accorde beaucoup d’importance à l’échange de points de vue au sein d’une même équipe confrontée à une décision difficile. Cet échange n’a pas pour but de conduire à ce qui pourrait être appelé le consensus d’équipe en vue de la prise de décision [24]. Il a pour but d’éclairer le médecin qui prendra la décision sous sa seule responsabilité et qui, dans un souci d’éthique, consulte les soignants impliqués dans la prise en charge du malade concerné.

Polyhandicap, soins palliatifs et fin de vie / 161

Les questionnements éthiques les plus fréquents chez la personne polyhandicapée en fin de vie sont ceux liés à l’alimentation dès lors que le résident est porteur d’un abord entéral par gastrostomie depuis quelques années, qui lui a permis de garder un statut nutritionnel, sans altération notable. Tant que cet abord est fonctionnel, il y a lieu de s’en servir, notamment pour maintenir une hydratation correcte qui améliore le confort de vie. En ce qui concerne l’alimentation entérale, il s’agit bien d’un traitement et non d’un soin de confort ; or le maintien en vie d’un patient par des « moyens artificiels de soins constitue un traitement futile » [25]. En conséquence, l’interruption d’un tel traitement est éthiquement admissible, à condition d’être suffisamment réfléchi et explicité, y compris à la famille, compte tenu de la valeur symbolique de l’alimentation dans nos sociétés occidentales. Chaque cas individuel doit être posé et débattu. La prise de décision est effectuée pour un individu donné dans une situation singulière qui est la sienne.

comme préalable la prise en compte adéquate des besoins physiques [26, 27]. Le soulagement des douleurs nécessite une évaluation spécifique et des traitements qui répondent aux trois paliers de l’OMS, actuellement bien codifiés, associés à une co-analgésie adaptée. Les symptômes généraux peuvent être pris en charge en utilisant des techniques spécifiques comme la perfusion sous-cutanée. Les prescriptions anticipées personnalisées permettent de prévoir et de faire face à des symptômes intenses. La prise en charge des besoins psychoaffectifs représente un travail plus complexe. Elle nécessite une attention et une écoute attentive au vécu affectif du malade et à son questionnement existentiel. « Donner des soins palliatifs, c’est répondre de façon pluridisciplinaire à tous les besoins d’un patient pris dans son entière et singulière dimension, dans un esprit d’amélioration de la qualité de la vie et de respect de son identité unique. C’est également aider la famille tout au long de la maladie mais aussi au moment et après le décès dans un travail d’accompagnement et de soutien du deuil [2] ». L’accompagnement de la famille, et notamment celui des parents vieillissants, peut leur permettre d’exprimer leur culpabilité d’avoir donné naissance à cet enfant différent et, parfois aussi, le soulagement tout aussi culpabilisant de le voir quitter ce monde avant eux. Cette prise en charge ne peut se concevoir que dans un travail en équipe pluridisciplinaire où le soutien des soignants est indispensable. Développer les soins palliatifs pour les patients polyhandicapés en fin de vie, c’est leur permettre de terminer leur vie dans des conditions acceptables et, en dehors des deux extrêmes que sont l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie, en étant fidèle à l’esprit de la loi du 9 juin 1999 qui vise à garantir l’accès aux soins palliatifs à toute personne dont l’état le nécessite. Des études et des travaux ultérieurs devront permettre le développement des connaissances spécifiques des méthodes et des pratiques palliatives adaptées aux malades polyhandicapés en fin de vie.

CONCLUSION

RÉFÉRENCES

La prise en charge globale de la personne polyhandicapée en fin de vie pose plus de questions qu’elle ne rencontre de certitudes. Elle nécessite

[1] ZUCMAN E., SPRINGA J. – Enfants atteints de handicaps associés : les multihandicapés. 1985. PUF, Paris.

L’Organisation Mondiale de la santé (OMS) et l’Association Européenne pour les Soins Palliatifs (EAPC) ont proposé de fonder l’éthique en fin de vie sur un certain nombre de principes ; à côté des principes de bienfaisance et de non maléficience qui s’appliquent à la relation de soins en général, certains principes s’appliquent plus spécifiquement en fin de vie : – principe d’autonomie (capacité de la personne à choisir ce qui est bon pour elle), applicable partiellement dans le domaine développé ici ; – principe d’humanité : aucune atteinte somatique, ni mentale ne peut « dégrader » quoi que ce soit de la dignité d’une personne en fin de vie ; – principe de proportion qui permet d’éviter un acharnement thérapeutique, en supprimant les traitements disproportionnés avec l’état du patient ; – principe de futilité : une thérapeutique est sans objet quand elle n’apporte aucun bénéfice au patient ; il est alors justifié de s’abstenir ou de la suspendre ; – principe de non euthanasie ; – principe de justice qui propose de distribuer honnêtement bénéfices, risques et coûts.

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[2] INSTITUT UPSA

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