Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique

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ARTICLE IN PRESS

REVMED-5750; No. of Pages 8

La Revue de médecine interne xxx (2019) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mise au point

Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique Chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy: Diagnosis and therapeutic update J. Franques a,∗,b a b

Hôpital européen, 6, rue Désirée-Clary, 13003 Marseille, France Hôpital La Casamance, 33, boulevard des Farigoules, 13400 Aubagne, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : PIDC Polyradiculonévrite Neuropathie Immunoglobulines intraveineuses Rituximab

r é s u m é Les polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques sont des neuropathies démyélinisantes acquises appartenant au groupe des neuropathies auto-immunes. Des marqueurs biologiques spécifiques étant présents dans moins de 10 % des cas, le diagnostic repose sur l’analyse clinique et électrophysiologique de chaque patient. Pour les formes atypiques, un algorithme décisionnel hiérarchisant l’ensemble des autres outils paracliniques disponibles permettra de guider le praticien vers le diagnostic. Ces neuropathies dysimmunitaires sont sensibles, dans près de 80 % des cas, aux traitements de première intention, qu’il s’agisse des immunoglobulines intraveineuses, des corticoïdes ou des échanges plasmatiques. Un traitement de deuxième ligne peut être proposé en cas de résistance, intolérance ou non accessibilité aux trois traitements de référence. Si certains immunosuppresseurs ou les anticorps monoclonaux peuvent parfois s’avérer très efficaces, il n’existe à ce jour aucun marqueur ou recommandation permettant de prédire quel traitement sera le plus adapté pour tel patient. ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. © 2019 Societ ´ ´ Tous droits reserv es.

a b s t r a c t Keywords: CIDP Polyradiculonevritis Neuropathy Intravenous immunoglobulin Rituximab

Chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathies are acquired demyelinating neuropathies belonging to the group of autoimmune neuropathies. Since specific biological markers are present in less than 10% of cases, the diagnosis is based on the clinical and electrophysiological analysis of each patient. Furthermore, a decision-making algorithm ranking all other available paraclinical tools will guide the physician to the diagnosis of atypical forms. In nearly 80% of cases, these dysimmune neuropathies are responsive to first-line treatments, namely intravenous immunoglobulins, corticosteroids and plasma exchanges. A second line treatment may be proposed in case of no response, intolerance or inaccessibility to the three reference treatments. While some immunosuppressants or monoclonal antibodies can sometimes be very effective, there is currently no predictive marker or recommendation available to determine which treatment will be most appropriate for which patient. ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ Interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. © 2019 Societ All rights reserved.

∗ Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.07.007 ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ ´ ´ 0248-8663/© 2019 Societ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

Pour citer cet article : Franques J. Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.07.007

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1. Introduction Les polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC) sont des neuropathies démyélinisantes acquises appartenant au groupe des neuropathies auto-immunes. Si les PIDC sont les plus fréquentes des neuropathies dysimmunitaires, elles ne représentent qu’environ 5 % des neuropathies toutes étiologies confondues avec une incidence évaluée à 0,3/100 000 habitants par an [1]. Leur diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques, électrophysiologiques, biologiques, il est évolutif sous traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs. En l’absence de marqueur biologique spécifique, plusieurs groupes d’étude internationaux ont successivement proposé au cours de ces 30 dernières années des critères afin de classer ces neuropathies en fonction de leur degré de certitude. Ces travaux ont principalement concerné les critères électrophysiologiques nécessaires et suffisants pour définir une démyélinisation primaire [2]. Néanmoins, ces critères, pour certains trop stricts et pour d’autres moins spécifiques, exposent au risque de ne pas traiter les PIDC atypiques ou de traiter à tort des neuropathies ne justifiant pas de traitement immunomodulateur. De manière beaucoup plus pratique, un groupe d’experts franc¸ais a proposé en 2005 une classification toujours fondée sur le niveau de certitude diagnostique mais en fonction cette fois-ci de l’ensemble des éléments, à la fois cliniques et paracliniques [3]. Les progrès de la recherche en neuroimmunologie, ces toutes dernières années, ont enfin abouti à la mise en évidence d’auto-anticorps spécifiques dirigés contre de nouvelles cibles antigéniques nodales et paranodales permettant d’identifier des sous-groupes minoritaires de PIDC particuliers par leur profil clinique et évolutif [4–6]. Ainsi, plus d’un demi-siècle après la description initiale d’Austin d’une neuropathie corticosensible et dépendante [7], le démembrement des PIDC se poursuit pas à pas pour un diagnostic plus précoce et un choix thérapeutique plus ciblé. S’appuyant sur une première revue réalisée en 2010, ce travail a pour objectif de présenter une mise au point sur les différents outils diagnostiques ainsi que sur les différentes options thérapeutiques, efficaces dans la majorité des cas [8].

2. Outils diagnostiques 2.1. Clinique 2.1.1. Diagnostic syndromique de polyradiculonévrite À l’instar du Syndrome de Guillain-Barré, le diagnostic de PIDC repose principalement sur ses caractéristiques cliniques. S’agissant dans les deux cas d’une polyradiculonévrite, qu’elle soit aiguë (Guillain-Barré) ou chronique (PIDC), la présentation clinique est classiquement celle d’un déficit moteur proximo-distal aréflexique des quatre membres associé à une ataxie proprioceptive et parfois, une atteinte des paires crâniennes. L’incapacité fonctionnelle est de ce fait, importante voire totale, ce qui les différencie aisément des plus fréquentes neuropathies axonales longueur-dépendantes (polyneuropathies diabétiques, carentielles, toxiques, etc.). Néanmoins, il n’est pas toujours facile de distinguer une forme aiguë d’une forme chronique lors du premier mois d’installation des symptômes puisque seule la poursuite de l’aggravation clinique audelà du second mois permettra de trancher en faveur d’une PIDC, progressive ou évoluant par poussées. Hormis pour les formes très aiguës, il convient donc, lors d’une prise en charge initiale précoce, de surveiller ces polyradiculonévrites afin d’intervenir rapidement en cas de récidive des symptômes.

2.1.2. Présentations cliniques atypiques En marge de la présentation clinique caractéristique, existent d’autres phénotypes beaucoup plus rares et atypiques répondant néanmoins au diagnostic de PIDC sur les critères électrophysiologiques ou leur réponse aux traitements immunomodulateurs. Il peut s’agir de formes sensitives pures (ataxiantes ou non), ou de formes motrices pures. Il peut s’agir aussi de symptômes ou signes associés inhabituels dans les PIDC : douleurs pseudo-radiculaires, tremblements, préservation des réflexes tendineux, fasciculations, dysautonomie. Dans toutes ces situations, le caractère rapidement évolutif, l’atteinte débutant aux membres supérieurs ou simultanément des quatre membres, ou l’absence d’amyotrophie initiale dans les formes motrices permettront d’orienter le diagnostic vers la confirmation paraclinique [8]. 2.1.3. Diagnostics différentiels : autres neuropathies démyélinisantes inflammatoires chroniques Au-delà de la frontière syndromique, il convient aussi de ne pas méconnaître les autres neuropathies dysimmunitaires pouvant parfois se présenter comme une forme plus ou moins typique de PIDC. Parmi ces neuropathies rares, la neuropathie dysglobulinémique à anticorps anti-MAG (myelin associated glycoprotein) est probablement la neuropathie la plus fréquente et ressemblante aux PIDC [9]. Dans sa forme classique, différente d’une PIDC, elle se présente comme une neuropathie très lentement évolutive du sujet âgé associant des troubles sensitifs distaux aux membres inférieurs, une discrète ataxie proprioceptive et un déficit moteur au second plan, restreint à la loge antéro-externe des jambes. Cette neuropathie est liée à un dépôt d’IgM portant une activité anti-MAG sur la gaine de myéline des nerfs périphériques. L’IgM peut être de signification indéterminée (bénigne) ou sécrétée par une hémopathie lymphoproliférative. Le diagnostic est clinique, électrophysiologique et biologique par la mise en évidence du pic monoclonal d’IgM et de son activité anti-MAG. Aucun traitement n’a, à ce jour, prouvé son efficacité. Néanmoins, il arrive parfois que cette neuropathie ait un mode évolutif beaucoup plus aigu et une atteinte fonctionnelle et notamment motrice plus sévère, s’apparentant au profil classique des PIDC. Dans ce cadre, la mise en évidence d’une IgM portant une activité anti-MAG permettra de redresser le diagnostic vers celui d’une neuropathie dysglobulinémique ayant une poussée inflammatoire secondaire ou associée au processus de dépôt sous-jacent. Cette présentation atypique incitera particulièrement à rechercher une hémopathie lymphoproliférative bénigne sous-jacente. Enfin, il semble que contrairement aux formes classiques, le rituximab mais probablement aussi les autres traitements immunomodulateurs soient efficaces dans ces formes particulières [10]. Les neuropathies dysimmunitaires à blocs de conduction, qu’il s’agisse de la forme motrice pure (neuropathie motrice multifocale à blocs de conduction) ou de la forme sensitivo-motrice (syndrome de Lewis et Sumner), constituent le second groupe de diagnostic différentiel [11,12]. La présentation clinique de ces très rares neuropathies est celle d’une mononeuropathie multiple avec un déficit asymétrique de distribution tronculaire. Comme pour les PIDC, les anomalies électrophysiologiques répondent aux critères de démyélinisation primaire avec néanmoins une très large prédominance des blocs de conduction ce qui expliquerait leur très grande sensibilité aux immunoglobulines intraveineuses (IgIV) et le risque d’aggravation sous corticoïdes [13]. Le CANOMAD (Chronic Ataxic Neuropathy with Ophtalmoplegia, M protein, cold Agglutinins and Disyalosyl antibodies) est une neuropathie ataxiante associée à une gammapathie monoclonale de type IgM présentant une activité dirigée contre au moins deux gangliosides disialylés (GD1b, GT1b, GQ1b, GD3, GT1a) [12]. Ce tableau clinico-biologique peut être complété par une ophtalmoplégie et

Pour citer cet article : Franques J. Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.07.007

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la présence d’une activité agglutinines froides [14]. Au plan électrophysiologique, il existe deux sous-groupes : celui répondant au critère de démyélinisation primaire, et celui en faveur d’une atteinte isolée du ganglion rachidien postérieur (neuronopathie sensitive). Dans les deux cas, la réponse aux immunomodulateurs n’est souvent que partielle et le handicap fonctionnel lié à l’ataxie important. Le POEMS (Polyradiculoneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, Monoclonal plasma cell disorder and Skin changes) aussi dénommé Crow-Fukase syndrome est une neuropathie démyélinisante se démarquant principalement des autres neuropathies de ce groupe par son agressivité notamment électrophysiologique [15]. Cette neuropathie est constamment associée à une dyscrasie plasmocytaire (myélome ostéocondensant, plasmocytome) à l’origine de la sécrétion d’une IgG ou IgA comportant majoritairement une chaîne légère lambda. Ce tableau se complète de manière variable par des lésions osseuses ostéocondensantes, une maladie de Castleman, un œdème papillaire, un syndrome œdémateux, des troubles endocriniens, une organomégalie, des modifications cutanées, une thrombocytose. Le diagnostic sera confirmé par une élévation du dosage sérique du VEGF (vascular endothelial growth factor), élévation corrélée aux anomalies particulières de la perméabilité des vaisseaux endoneuronaux mise en évidence par la biopsie nerveuse. La prise en charge thérapeutique sera guidée par les données du bilan hématologique de cette dyscrasie plasmocytaire [16]. De manière pragmatique, le praticien devra sur son premier bilan évoquer cette hypothèse face à une « PIDC » sévère avec amyotrophie précoce, une gammapathie monoclonale (chaîne légère lambda) et une thrombocytose. 2.1.4. Autres pathologies ou situations associées aux PIDC Si dans la très grande majorité des cas les PIDC sont des neuropathies idiopathiques, elles peuvent de manière exceptionnelle être associées à d’autres maladies inflammatoires (maladies inflammatoires cryptogéniques de l’intestin, lupus, sarcoïdose, Gougerot-Sjögren) [17–20], infectieuses (VIH, VHC) [21,22], apparaître au décours de greffes d’organe solide ou de cellules souches [23,24] ou se comporter comme d’authentiques syndromes paranéoplasiques (lymphomes, mélanomes, cancer du sein) [25]. Plus récemment, des cas de PIDC induites par l’immunothérapie du cancer (anti-PD1) ont été rapportés [26]. Concernant le diabète, le débat sur son éventuelle association privilégiée avec les PIDC reste controversé [27]. 2.2. Électrophysiologie conventionnelle L’examen électrophysiologique confirme dans la plupart des cas le diagnostic clinique. Il s’attache pour cela à mettre en évidence le processus de démyélinisation primaire ainsi que sa sévérité évaluée par la perte axonale secondaire. Les critères de démyélinisation sont évalués par l’étude de la conduction motrice. Cinq anomalies sont recherchées : le ralentissement des vitesses de conduction tronculaire, l’allongement des latences distales et proximales (ondes F), la présence de blocs de conduction ou de dispersion temporelle. Un bloc de conduction se recherche en comparant l’amplitude de la réponse évoquée motrice après stimulation proximale et distale. Il est défini par une diminution de l’amplitude de la réponse motrice évoquée proximale d’au moins 30 % avec une augmentation de la durée inférieure à 15 % par rapport à la stimulation distale. La dispersion temporelle correspond quant à elle à une augmentation de la durée de réponse proximale supérieure à 15 % comparée à celle de la réponse motrice distale. L’exploration des fibres sensitives ne permettra pas de discuter le processus de démyélinisation mais d’apporter des arguments en faveur d’une PIDC par la mise en évidence d’une atteinte non

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longueur-dépendante et ne prédominant pas aux membres inférieurs. De manière beaucoup plus pratique, l’hypoexcitabilité nerveuse liée à la démyélinisation se manifestera dès le début de l’examen électrophysiologique par la nécessité d’utiliser des intensités de stimulation anormalement élevées pour obtenir des réponses motrices optimales [28]. Cette éventuelle « surprise » incitera ainsi l’électrophysiologiste à rechercher attentivement les anomalies sus citées. La démyélinisation n’est pas spécifique des PIDC puisqu’elle existe dans d’autres neuropathies démyélinisantes inflammatoires chroniques (cf. 2.1.3) ou dans certaines neuropathies génétiques. Outre le contexte et la clinique, certains aspects électrophysiologiques permettent de discerner ces différentes neuropathies. Alors que le Syndrome de Lewis et Sumner et la neuropathie motrice multifocale sont caractérisés par la présence unique ou prévalente des blocs de conduction, l’ensemble des paramètres de démyélinisation peuvent néanmoins se voir dans les PIDC avec des anomalies prédominant en général dans la partie proximale du nerf [29]. De l’autre côté du spectre, les neuropathies à anticorps anti-MAG sont caractérisées par des anomalies démyélinisantes à prédominance distale. Pour les dissocier des PIDC, certains outils de l’exploration électrophysiologique conventionnelle permettront d’étudier la topographie distale ou proximale des anomalies démyélinisantes : le MFR (Modified F Ratio) et le TLI (Terminal Latence Index) [29]. Différents groupes d’experts ont mis au point des critères diagnostiques électrophysiologiques comme ceux du Ad Hoc commitee de l’AAN (American Academy of Neurology) ou ceux de l’EFNS/PNS (European Federation of Neurological Societies/Peripheral Nerve Society) [2]. Ces critères très spécifiques car excluant 40 % des PIDC, ont justifié l’introduction d’autres paramètres cliniques et paracliniques afin d’améliorer la sensibilité diagnostique (Tableau 1) [3]. 2.3. Étude du liquide céphalorachidien L’étude du liquide céphalorachidien est recommandée lorsque l’on discute le diagnostic de PIDC. Indépendamment de la protéinorachie élevée dans 90 % des cas, c’est surtout l’absence d’une importante réaction cellulaire qui permettra d’écarter le diagnostic syndromique alternatif de méningoradiculonévrite. En effet, si une réaction cellulaire modérée peut être observée dans 6 % des PIDC, une élévation au-delà de 50 cellules dans le LCR réorientera le diagnostic vers une étiologie infectieuse (Lyme, VIH, brucellose, tuberculose, rickettsiose), tumorales (lymphome) ou inflammatoire [30]. 2.4. Biologie L’immunoélectrophorèse des protéines plasmatiques est le principal paramètre biologique à étudier en cas de PIDC puisque la présence d’une gammapathie monoclonale est retrouvée dans près de 30 % des cas. S’il s’agit d’une IgM, il faudra dans un premier temps s’assurer que cette gammapathie ne porte pas d’activité spécifique anti-MAG. L’autre réflexe à avoir face à une « PIDC » agressive associée à une gammapathie monoclonale sera de rechercher des éléments cliniques ou paracliniques en faveur d’un POEMS (cf. 2.1.3). Quel que soit son isotype (IgM, IgG ou IgA), la mise en évidence d’une gammapathie monoclonale justifiera toujours la réalisation d’un bilan hématologique à la recherche d’une hémopathie bénigne ou maligne qui, s’il en est, modifiera dans certains cas particuliers la prise en charge thérapeutique. En effet, un nouveau concept clinico-biologique semble actuellement être individualisé autour des hémopathies lymphoïdes

Pour citer cet article : Franques J. Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.07.007

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Tableau 1 Traitement d’attaque et d’entretien par IgIV dans les PIDC, Kuitwaard K et al. JNNP 2018 [45]. 1ère cure d’IgIV Absence d’amélioration au décours de la 1re cure d’IgIV Absence d’amélioration au décours de la 2nde cure d’IgIV Amélioration suivie d’une 1re rechute Amélioration suivie d’une 2nde rechute Amélioration insuffisante Effet fin de dose Détérioration au cours d’une période de stabilité clinique Stabilité clinique de 6 mois

2 g/kg sur 2 à 5 jours en fonction de l’âge et du poids < 2 g/kg en cas de dysfonctionnement rénal Revoir le diagnostic 2nde cure d’IgIV de 2 g/kg sur 2 à 5 jours Revoir le diagnostic Corticoïdes, ou échanges plasmatiques en cas de forme motrice pure Nouvelle cure d’IgIV de 0,4 à 2 g/kg selon la sévérité et la rapidité de dégradation Traitement de maintenance selon un protocole d’1 g/kg/3 semaines ou adapté au patient (début par faibles doses avec augmentation progressive ou fortes doses avec diminution progressive) Augmentation de la dose ou diminution de l’intervalle Diminution de l’intervalle Rajout d’une dose supplémentaire d’IgIV de 0,4 g/kg au sein de l’intervalle habituel Recherche d’une dépendance aux IgIV en diminuant les doses ou en espac¸ant l’intervalle

IgIV : immunoglobulines intraveineuses.

bénignes (lymphomes de bas grade, maladie de Waldenström) (données personnelles). Ces hémopathies, sans volume tumoral décelable, se comporteraient comme de véritables générateurs immunogènes à l’origine, outre de la PIDC et la gammapathie monoclonale, d’autres anomalies biologiques le plus souvent infracliniques telles une cryoglobulinémie, un second pic monoclonal ou tout autre auto-anticorps spécifique. La mise en évidence d’une gammapathie monoclonale doit donc inciter à la réalisation d’un bilan immunologique plus large et, en cas d’anomalies, parfois plusieurs explorations hématologiques pour aboutir au diagnostic étiologique définitif et à une prise en charge thérapeutique plus ciblée. Dans la plupart des cas, les gammapathies monoclonales associées aux PIDC sont isolées et dites bénignes ou de signification indéterminée. Dans ce cadre, la présentation clinique, le pronostic et la prise en charge de ces PIDC sont les mêmes que pour les PIDC sans gammapathie monoclonale [31]. La principale actualité de ces dernières années est la découverte très attendue de cibles antigéniques nodales et paranodales à l’origine d’anticorps pathogènes de type IgG4 : les antineurofacine-155 (Nfasc155), les anti-contactin1 (CNTN1) et les anti-neurofacine-140/186 (Nfasc140/186) [4–6]. Dans le cadre des PIDC, il existe enfin un marqueur biologique spécifique permettant de sursoir à tous les pièges diagnostiques liés à l’hétérogénéité du spectre clinico-électrophysiologique. Néanmoins, il ne s’agit que d’une sous-population minoritaire car représentant moins de 10 % des PIDC. Comparé aux PIDC classiques, les PIDC associées aux antiNfasc155 ou anti-CNTN1 présentent un phénotype particulier caractérisé par un début chez le sujet jeune, l’importance de l’ataxie, du tremblement et la possible coexistence d’une atteinte du système nerveux central [32]. Par ailleurs, l’hypertrophie radiculaire visible à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) serait plus significative et évocatrice que dans les PIDC sans ce type d’auto-anticorps [33]. Enfin et surtout, ces PIDC associées aux anti-Nfasc-155 et anti-CNTN1 sont caractérisées par leur relative résistance aux IgIV. Cette résistance pourrait être expliquée par le sous type IgG4 de ces anticorps qui ne portent pas la fraction C1q du complément et ont une faible affinité pour les récepteurs Fc des immunoglobulines [32]. Pour ce qui est des très rares PIDC associées aux antiNfasc140/186, elles seraient caractérisées par un début subaigu, une ataxie sévère et une atteinte des paires crâniennes [6].

2.5. Autres outils électrophysiologiques 2.5.1. Stimulation magnétique transcrânienne Dans les PIDC, le processus de démyélinisation intéresse de manière aléatoire ou diffuse les troncs, plexus et racines nerveuses.

L’exploration électrophysiologique conventionnelle confirmera le diagnostic si les anomalies sont identifiées au niveau des troncs ou plexus. Néanmoins, l’exploration pourra être prise en défaut si ces anomalies sont restreintes aux racines nerveuses ou si la diminution de l’amplitude de la réponse motrice distale ne permet plus de faire une étude étagée jusqu’à la partie proximale du membre (formes « axonales »). La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) avec triple stimulation est une technique électrophysiologique permettant d’explorer spécifiquement le neurone moteur périphérique de l’émergence de la racine au point d’Erb [34]. Cette technique permet donc de mettre en évidence des blocs de conduction très proximaux et notamment chez les patients présentant des arguments cliniques pour une PIDC non confirmée par l’exploration électrophysiologique conventionnelle [35,36].

2.5.2. Potentiels évoqués somesthésiques L’exploration des potentiels évoqués somesthésiques (PES) permet de connaître les temps de conduction des fibres sensitives, de la périphérie au cortex sensitive et notamment au niveau des segments radiculaires. À l’instar de la stimulation magnétique transcrânienne pour le versant moteur, les PES permettent donc d’objectiver les anomalies radiculaires dans les formes classiques de PIDC mais surtout, dans les formes échappant au diagnostic par électrophysiologie conventionnelle, qu’il s’agisse des formes « axonales » ou sensitives pures [37]. Si les PES et la TMS sont particulièrement intéressants dans l’exploration des formes atypiques de PIDC, ces deux techniques nécessitent néanmoins des équipes expérimentées uniquement accessibles dans les centres experts. Par ailleurs leur apport diagnostic est uniquement topographique. Un défaut de conduction sensitif et/ou moteur au niveau radiculaire nécessitera au préalable une imagerie rachidienne afin d’éliminer une origine mécanique avant d’en déduire qu’il s’agit d’un processus de démyélinisation.

2.6. Imagerie 2.6.1. Imagerie par résonnance magnétique Ces dernières années ont vu croître l’intérêt de l’IRM conventionnelle dans le diagnostic des PIDC. Pour cela, l’IRM explore les racines et les plexus brachiaux et/ou lombosacrés à la recherche d’hypersignaux en séquence STIR, d’hypertrophies nerveuses voire de prises de contraste. Dans les PIDC typiques, ces anomalies morphologiques, étendues de manière diffuse et symétrique sont retrouvées dans plus de 80 % des cas [38]. Pour les formes atypiques, l’apport de l’IRM permettrait de confirmer le diagnostic dans plus de 50 % des cas [39]. Dans ces mêmes formes, les hypersignaux et hypertrophies nerveuses observés seraient en revanche le plus souvent focaux et asymétriques [39].

Pour citer cet article : Franques J. Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.07.007

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Sa sensibilité d’ores et déjà élevée, qui de plus progresse avec l’évolution de la technique, et surtout l’accessibilité de cet examen feront très probablement de l’IRM un outil prépondérant au diagnostic des PIDC dans les années à venir. 2.6.2. Échographie L’échographie des nerfs périphériques est considérée depuis longtemps comme un outil complémentaire à l’électrophysiologie conventionnelle dans l’exploration des syndromes canalaires. Dans le cadre des PIDC, cet examen permet comme l’IRM de mettre en évidence de manière indolore un aspect d’hypertrophie nerveuse qu’elle soit diffuse ou segmentaire [40]. Outre la taille du nerf, cette exploration analyse l’échogénicité et l’aspect des différents fascicules au sein même du nerf. Enfin et surtout peut-être, il peut être utilisé pour le suivi des patients puisque les anomalies échographiques tendraient à disparaître chez ceux qui sont répondeurs aux IgIV [41]. 2.7. Biopsie nerveuse La biopsie nerveuse a pour but de confirmer au plan morphologique la présence de lésions de démyélinisation que l’exploration électrophysiologique ou les autres outils paracliniques sus cités n’auraient pas mise en évidence. Cet examen comprend les colorations standards, parfois prises en défaut, la microscopie électronique et l’étude des fibres dissociées qui sont des techniques très performantes mais dont peu de centres disposent. Les PIDC sont des neuropathies à prédominance motrice, proximale, segmentaires et multifocales. Les limites de cet examen résident donc, d’une part, dans le caractère « échantillonné » et très distal du prélèvement et, d’autre part, dans le caractère purement sensitif des fibres analysées. Les anomalies anatomopathologiques en faveur d’une PIDC sont des signes de démyélinisation et remyélinisation, une démyélinisation (soit au microscope électronique (> 5 fibres), soit au « teasing » (> 12 % de 50 fibres)), des infiltrats de cellules mononucléées, des formations en « bulbes d’oignon » et une variation marquée dans le degré de démyélinisation entre les fascicules. Initialement indispensable au diagnostic, la biopsie nerveuse est actuellement réservée à trois types de situations : lorsque les données cliniques et paracliniques sont discordantes pour le diagnostic de PIDC, lorsqu’une PIDC associée ou non à une gammapathie monoclonale a une évolution inhabituelle [42] ou, bien sûr, lorsqu’une maladie systémique associée ou alternative est suspectée et non confirmée par les autres examens paracliniques (POEMS, lymphome, amylose, sarcoïdose) [43]. 2.8. Algorithme diagnostique Différents critères diagnostiques au premier rang desquels ceux de l’EFNS/PNS ont été mis au point pour l’inclusion de patients PIDC dans des essais thérapeutiques [2]. Ces critères reposent principalement sur l’électrophysiologie conventionnelle et la mise en évidence d’un processus de démyélinisation primaire. Si ces critères ont pour la plupart une spécificité élevée, leur manque de sensibilité a justifié la création d’un algorithme diagnostique répondant de manière pratique à la réalité clinique [3]. Ainsi, cet algorithme part de cinq situations clinico-électrophysiologiques hiérarchisées en fonction du degré de certitude diagnostique et, y intègre selon la situation, les autres outils paracliniques actuels pour affirmer ou infirmer le diagnostic de PIDC [3]. En l’absence de marqueurs immunologiques spécifiques couvrant l’ensemble des PIDC, cet algorithme reste actuellement un outil pertinent pour répondre au cas par cas à la problématique diagnostique d’une neuropathie présumée inflammatoire.

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3. Options thérapeutiques 3.1. Immunoglobulines intraveineuses Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) ont démontré leur efficacité dans toutes les études contrôlées contre placebo avec un taux de répondeurs évalué à près de 80 % [44]. La dose d’attaque est de 2 g/kg réparties sur 2 à 5 jours en fonction de l’âge et de la fonction rénale. Pour 15 % de ces patients, une ou deux cures d’IgIV espacées d’un mois seront suffisantes pour obtenir une rémission durable. Pour les autres, un traitement au long cours reste nécessaire pour maintenir un statut fonctionnel normal ou du moins stable. Ce protocole de maintenance est individualisé pour chaque patient, il consiste habituellement en des doses d’IgIV de 0,4 à 1,2 g/kg avec un intervalle de 2 à 6 semaines entre chaque cure [45] (Tableau 1). Pour les patients non répondeurs, il convient en priorité de réévaluer le diagnostic avant d’envisager d’autres traitements. Si les mécanismes d’action des IgIV restent complexes, leur taux sérique semble être le marqueur biologique le plus fortement corrélé à l’efficacité clinique dans les PIDC. En effet, il existerait pour chaque patient un seuil sérique au-delà duquel la réponse thérapeutique apparaît et en dessous duquel le patient rechute lorsqu’il est dépendant [46]. Par ailleurs, le catabolisme des IgG augmentant avec leur taux sérique, la question de privilégier des doses plus faibles sur des intervalles plus courts se pose actuellement pour les PIDC nécessitant un traitement au long cours [47]. Les IgIV sont en général bien tolérées et les effets secondaires mineurs facilement pris en charge [48]. Certaines précautions doivent néanmoins être prises afin d’éviter les rares effets secondaires plus graves tels que l’insuffisance rénale aigue, les manifestations thrombotiques et l’hémolyse [48]. 3.2. Glucocorticoïdes En 1975, Dyck et al. rapportent la première série de patients présentant un tableau chronique de polyradiculonévrite. Hormis leurs caractéristiques cliniques, ils mettent en évidence par la seule étude contrôlée et randomisée à ce jour, une efficacité significative de la corticothérapie en comparant 19 patients traités à 16 patients témoins [49]. Depuis, de nombreuses études ouvertes ont confirmé ces résultats avec un taux de répondeurs similaire à celui des IgIV [50]. Le traitement d’attaque se fait à la posologie d’1 mg/kg/j de prednisone maintenue en fonction de l’évolution clinique. La décroissance se fait par la suite progressivement jusqu’à la dose minimale efficace. Si les glucocorticoïdes sont efficaces, simples d’usages, peu onéreux et induiraient une rémission clinique plus longue comparé aux IgIV, l’importance de leurs effets secondaires lors de leur prise au long court a justifié la recherche d’une alternative galénique. La prise quotidienne de prednisone ou prednisolone a donc été comparée à la prise mensuelle de dexamethasone (40 mg/j, 4 jours/mois pendant 6 mois) et de methylprednisolone IV (500 mg/j pendant 4 jours renouvelé selon la réponse clinique) [51]. Dans cette étude rétrospective, l’analyse des 3 groupes ne révélait aucune différence significative en terme d’efficacité, de risque de rechute à 5 ans mais surtout, d’effets secondaires [51]. Une autre étude rétrospective récente à mis en évidence un taux d’ostéoporose plus important dans une population PIDC comparée à une autre population de sujets sains [52]. Néanmoins et contre toute attente, le risque d’ostéoporose n’était pas lié à la prise de corticoïdes mais à la sévérité du déficit fonctionnel [52]. 3.3. Échanges plasmatiques Deux essais contrôlés ont démontré l’efficacité des échanges plasmatiques (EP) dans les PIDC [53]. Le protocole consiste

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classiquement en six EP sur trois semaines suivi d’un EP hebdomadaire sur trois semaines afin d’éviter l’effet rebond. Ce protocole est adapté en fonction de la réponse clinique initiale, favorable dans deux cas sur trois, et des rechutes lors du sevrage. Les limites de ce traitement sont, d’une part, son coût élevé et, d’autre part, la nécessité d’avoir recours à des centres spécialisés. La seule étude ayant comparé l’efficacité des EP et des IgIV en traitement d’induction n’a pas montré de différence significative [54]. 3.4. Immunoglobulines sous-cutanées Utilisées depuis plus de 25 ans dans les déficits immunitaires primitifs, les immunoglobulines sous-cutanées (IgSC) rentrent lentement mais sûrement dans le champ thérapeutique des PIDC. Plusieurs études ont montré que les IgSC étaient plus efficaces que le placebo et aussi efficaces que les IgIV, à court et long terme, en relais des IgIV ou en première intention [55–57]. Au prix de la contrainte d’injections le plus souvent pluri-hebdomadaires, un taux sérique efficace mais aussi stable d’immunoglobulines dans le sang, est atteint après cinq semaines de traitement. Les IgSC apparaissent donc aujourd’hui comme une réelle alternative pour certains patients présentant une forme progressive de PIDC : ceux ne tolérant pas les IgIV, ceux invalidés par l’effet fin de dose des IgIV inhérent à la diminution de leur pic plasmatique, ceux pour lesquels la voie veineuse périphérique ou centrale n’est plus accessible, ceux ayant une fonction rénale limite ou tout simplement ceux souhaitant une organisation pratique différente et surtout autonome de leur traitement. 3.5. Autres options thérapeutiques L’apport d’autres thérapies est une nécessité pour les 20 % des PIDC ne répondant pas aux traitements de première ligne ou pour éventuellement ceux qui sont dépendants de ces traitements. Des alternatives thérapeutiques sont aussi nécessaires en cas d’intolérance ou de non-accessibilité aux traitements classiques. À ce jour, aucune autre molécule n’a démontré une efficacité significative dans les PIDC, qu’il s’agisse, pour les principaux essais, de l’azathioprine, de l’interféron bêta-la, du méthotrexate ou plus récemment du fingolimod [58,59]. Néanmoins, la pratique clinique de chacun permettra de constater que certains patients peuvent être répondeurs à tel ou tel immunosuppresseur. 3.5.1. Rituximab Dans deux études rétrospectives récentes, le rituximab a montré une efficacité clinique dans environ 70 % des cas [60,61]. Cette efficacité serait associée à une prise en charge précoce et à la présence contemporaine d’autres maladies auto-immunes ou hématologiques. La présence d’une gammapathie monoclonale bénigne ne semble pas être un facteur prédictif de réponse clinique [60]. Dans ce cas précis, et si la sévérité de la PIDC le nécessite, le rituximab sera tout de même une alternative privilégiée aux autres traitements immunosuppresseurs classiques compte tenu du risque de faire évoluer cette gammapathie vers une hémopathie maligne. L’action du rituximab a aussi été rapportée comme favorable dans les PIDC associées à la présence d’anticorps anti-Nfasc155 et anti-CNTN1, PIDC particulièrement résistantes aux traitements de première intention [62]. Enfin, le délai de réponse évalué à deux mois, plus court que celui des immunosuppresseurs classiques, pourrait être un argument dans le choix d’un traitement de seconde intention. Le protocole d’attaque consiste en deux injections intraveineuses de 1000 mg réalisées à 15 jours d’intervalle ou une injection intraveineuse hebdomadaire de 375 mg/m2 pendant 4 semaines. Il n’existe actuellement aucune recommandation sur les modalités d’un éventuel traitement d’entretien.

3.5.2. Mycophenolate mofetil Si le niveau de preuve n’est pas encore suffisant, le mycophenolate mofetil à la posologie de 2 g/j sur une durée d’au moins 6 mois semble être dans certains cas, un immunosuppresseur, particulièrement efficace et bien toléré [63]. Un essai contrôlée franc¸ais multicentrique en cours permettra peut-être de le démontrer (ClinicalTrials.gov: NCT02494505). 3.5.3. Autres traitements De nombreux autres traitements ont été essayés et rapportés comme parfois efficaces dans des cas ou séries de cas : cyclophosphamide, cyclosporine, alemtuzumab, natalizumab, etanercet, fludarabine, tacrolimus, transplantation de cellules souches [64]. 3.5.4. Recommandations thérapeutiques Des recommandations internationales sur la prise en charge thérapeutique des PIDC ont été révisées en 2010 [65]. Dans les formes sensitivo-motrices classiques, les experts recommandent en première intention l’utilisation des immunoglobulines intraveineuses (recommandation niveau A) ou des corticoïdes (recommandation niveau C). Les échanges plasmatiques ont le même effet (recommandation niveau A), mais sont parfois moins bien tolérés et surtout d’accès plus limité. Ils sont néanmoins recommandés en cas d’échec des IgIV et des corticoïdes. Dans les formes motrices pures, les IgIV sont le traitement de première intention compte tenu du risque d’aggravation sous corticoïdes. Une combinaison de ces 3 traitements pourra aussi être envisagée en cas de réponse insuffisante. Concernant les autres options thérapeutiques (cf. 3.5), les données de la littérature ne permettent toujours pas actuellement d’établir des recommandations pour ces derniers. 3.6. Évaluation de l’efficacité des traitements 3.6.1. Évaluation clinique L’évaluation clinique des PIDC est une étape indispensable pour le suivi des patients traités. Cette évaluation doit quantifier la symptomatologie présentée par les patients, doit être validée, reproductible et suffisamment sensible pour détecter une évolution. Le choix de l’outil d’évaluation clinique sera par ailleurs adapté au type de neuropathie, quantifiant les symptômes (douleurs, dysesthésies,. . .), les signes physiques (déficits sensitifs et moteurs) ou la fonction. Les PIDC étant des neuropathies responsables d’une incapacité dans la majorité des cas, les échelles les plus pertinentes seront donc celles évaluant le déficit fonctionnel. Dans ce cadre, les dernières décennies ont vu ces échelles évoluer, de la très généraliste Rankin Modified Scale à des échelles plus spécifiques et plus sensibles telles l’INCAT (Inflammatory Neuropathy Cause And Treatment), l’ODSS (Overall Disability Sum Score) puis l’ONLS (Overall Neuropathy Limitation Score). Ces trois dernières, à la différence du Rankin, ont l’avantage de dissocier les membres supérieurs et inférieurs et de ce fait d’être plus adaptées aux neuropathies inflammatoires. Le R-ODS (Rasch-built Overall Disability Scale) est le dernier né de cette dynamique d’évaluation fonctionnelle des neuropathies inflammatoires. Ce score de réalisation rapide est obtenu à partir de 24 questions simples sur les capacités fonctionnelles mais aussi sociales d’un patient à un instant T [66]. Les outils évaluant le déficit moteur tel le vigoromètre ou le dynamomètre peuvent aussi être utilisés en routine ou comme évaluation complémentaire dans le cadre des essais thérapeutiques. 3.6.2. Évaluation électrophysiologique L’exploration électrophysiologique est un outil complémentaire aux paramètres cliniques dans la surveillance des patients traités. Dans ce cadre, l’amplitude de la réponse motrice après stimulation proximale et la quantification du nombre d’unités motrices (MUNIX) sembleraient être les indices les plus corrélés à la force

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motrice et les plus sensibles aux changements sous immunothérapie [67,68]. 4. Conclusion Le diagnostic de PIDC repose sur l’expertise clinicoélectrophysiologique de chaque patient. Pour les formes atypiques, ce diagnostic nécessitera l’apport des différents autres outils paracliniques disponibles ou, de manière plus pragmatique, une réponse clinique indiscutable aux traitements de première intention efficaces dans la majorité des cas. À l’image des nouvelles cibles antigéniques nodales et paranodales récemment décrites, les prochaines étapes attendues concerneront, d’une part, l’identification d’autres auto-anticorps spécifiques aidant au diagnostic et, d’autre part, la mise en évidence de marqueurs de réponse thérapeutique aux traitements de première mais surtout de seconde intention nécessaires dans près de 20 % des cas. Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Hafsteinsdottir B, Holafsson E. Incidence and natural history of idiopathic chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy: a population-based study in Iceland. Eur J Neurol 2016;75:263–8. [2] Breiner A, Brannagan 3rd TH. Comparison of sensitivity and specificity among 15 criteria for chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy. Muscle Nerve 2014;50:40–6. [3] Antoine JC, Azulay JP, Bouche P, Créange A, Fournier E, Gallouedec G, et al. Polyradiculonevrites inflammatoires demyelinisantes chroniques : strategie diagnostique. Recommandations du groupe d’Etude francais des PIDC. Rev Neurol (Paris) 2005;161:988–96. [4] Ng NK, Malotka J, Kawakami N, Derfuss T, Khademi M, Olsson T, et al. Neurofascin as a target for autoantibodies in peripheral neuropathies. Neurology 2012;79:2241–8. [5] Querol L, Nogales-Gadea G, Rojas-Garcia R, Martinez-Hernandez E, DiazManera J, Suárez-Calvet X, et al. Antibodies to contactin-1 in chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy. Ann Neurol 2013;73:370–80. [6] Delmont E, Manso C, Querol L, Cortese A, Berardinelli A, Lozza A, et al. Autoantibodies to nodal isoforms of neurofascin in chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy. Brain 2017;140:1851–8. [7] Austin JH. Recurrent polyradiculoneuropathies and their corticosteroid treatment. Brain 1958;81:157–92. [8] Franques J, Azulay JP, Poujet J, Attarian S. Les polyradiculonevrites inflammatoires demyelinisantes chroniques. Rev Med Interne 2010;31:411–6. [9] Latov N, Braun PE, Gross RB, Sherman WH, Penn AS, Chess L. Plasma cell dyscrasia and peripheral neuropathy: identification of the myelin antigens that react with human paraproteins. Proc Natl Acad Sci USA 1981;78:7139–42. [10] Gazzola S, Delmont E, Franques J, Boucraut J, Salort-Campana E, Verschueren A, et al. Predictive factors of efficacy of rituximab in patients with anti-MAG neuropathy. J Neurol Sci 2017;377:144–8. [11] Chad DA, Hammer K, Sargent J. Slow resolution of multifocal weakness and fasciculation: a reversible motor neuron syndrome. Neurology 1986;6:1260–3. [12] Lewis RA, Sumner AJ, Brown MJ, Asbury AK. Multifocal demyelinating neuropathy with persistent conduction block. Neurology 1982;32:958–64. [13] Attarian S, Verschueren A, Franques J, Salort-Campana E, Jouve E, Pouget J. Response to treatment in patients with Lewis-Sumner syndrome. Muscle Nerve 2011;44:179–84. [14] Willison HJ, O’Leary CP, Veitch J, Blumhardt LD, Busby M, Donaghy M, et al. The clinical and laboratory features of chronic sensory ataxic neuropathy with anti-disialosyl IgM antibodie. Brain 2001;124:1968–77. [15] Bardwick PA, Zvaifler NJ, Gill GN, Newman D, Greenway GD, Resnick DL. Plasma cell dyscrasia with polyneuropathy, organomegaly, endocrinopathy, M protein, and skin changes: the POEMS syndrome. Report on two cases and a review of the literature. Medicine 1980;59:311–22. [16] Dispenzieri A. POEMS syndrome: 2017 update on diagnosis, risk stratification, and management. Am J Hematol 2017;92:814–29. [17] Gondim FA, Brannagan TH, Sander HW, Chin RL, Latov N. Peripheral neuropathy in patients with inflammatory bowel disease. Brain 2005;128:867–79. [18] Vina ER, Fang AJ, Wallace DJ, Weisman MH. Chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy in patients with systemic lupus erythematosus: prognosis and outcome. Semin Arthritis Rheum 2005;35:175–84. [19] Singhal NS, Irodenko VS, Margeta M, Layzer RB. Sarcoid polyneuropathy masquerading as chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy. Muscle Nerve 2015;52:664–8.

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Pour citer cet article : Franques J. Polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques : mise au point diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2019), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.07.007