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Journal des Maladies Vasculaires (2016) xxx, xxx—xxx
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MISE AU POINT
Quand s’inquiéter devant un ulcère de jambe d’origine vasculaire ?夽 When to worry about before a vascular chronic leg ulcer?
I. Lazareth Service de médecine vasculaire, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France Rec ¸u le 11 juillet 2016 ; accepté le 17 juillet 2016
MOTS CLÉS Ulcère de jambe ; Ulcère de jambe infecté
夽
Résumé Les ulcères de jambe sont une pathologie chronique. Le temps de cicatrisation est long pour les ulcères d’origine veineuse et des complications sont possibles. La plus sévère est l’infection, soit sous forme d’une dermohypodermite bactérienne aiguë, facile à diagnostiquer et relativement facile à traiter à partir du moment où les doses minimales d’antibiotiques sont respectées, soit sous la forme d’infections localisées de diagnostic plus difficile. En effet, il n’y a pas de consensus dans la littérature sur les critères cliniques permettant de retenir le diagnostic d’infection localisée, ni sur l’attitude thérapeutique à proposer. L’attitude la plus logique est de débuter par un traitement local, puis en cas d’inefficacité, de traiter par antibiothérapie par voie générale. Cette attitude est à nuancer en fonction du terrain (patient immunodéprimé, ou artériopathie sévère justifiant un traitement antibiotique par voie générale plus rapidement prescrit). La deuxième complication volontiers observée est l’allergie à un topique appliqué sur la plaie. Le taux de sensibilisation des patients souffrant d’ulcères de jambe est élevé (60 %) même s’il a tendance à diminuer avec l’utilisation des pansements modernes. Il n’y a pas de produits parfaitement sûrs chez les patients polysensibilisés. Le traitement dermocorticoïde est très efficace. Les tests allergologiques sont utiles. Certains ulcères de jambe sont d’emblée inquiétants. Les ulcères creusants, voire nécrotiques, évoquent d’emblée une étiologie artérielle nécessitant des explorations vasculaires rapides et éventuellement une revascularisation. Les ulcères nécrotiques, très douloureux, superficiels et extensifs, par angiodermite nécrotique nécessitent une hospitalisation pour la réalisation de greffes cutanées qui permettent de stopper l’angiodermite et de calmer les douleurs. Les ulcères de localisation atypique, trop bourgeonnants, sont parfois des carcinomes. La biopsie des ulcères de jambe d’aspect ou d’évolution atypique (non-cicatrisation malgré des soins bien conduits) est un impératif dans le suivi de ces patients. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Travail présenté au 50e congrès du Collège franc ¸ais de pathologie vasculaire, mars 2016. Adresse e-mail :
[email protected]
http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.07.008 0398-0499/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Pour citer cet article : Lazareth I. Quand s’inquiéter devant un ulcère de jambe d’origine vasculaire ? J Mal Vasc (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.07.008
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I. Lazareth
KEYWORDS Leg ulcer; Infected leg ulcer
Summary Leg ulcers are a chronic condition. Healing can be long for venous ulcers and the risk of complications is significant. Infection is the most severe complication and can occur in the form of easily diagnosed acute bacterial dermohypodermitis that generally responds well to antibiotic treatment if given at an appropriate dose or in the form of localized infection that is more difficult to diagnosis. Indeed, no consensus has been reached in the literature on the clinical criteria to retain for the diagnosis of localized infection. Similarly, the most appropriate treatment remains to be established. Local care would be a logical starting point, followed by systemic antibiotics if this approach is unsuccessful. Individual conditions also should be taken into consideration (immunodepression, severe arteriopathy warranting more rapid use of systemic antibiotics). The second most frequent complication is an allergic reaction to a topical agent used for wound care. The rate of sensitivization in patients with leg ulcers is high (60 %), although the rate is declining with modern dressings. No product can be considered perfectly safe for these polysensitized patients. Dermocorticoid therapy can be very effective. Allergology tests are needed. Certain leg ulcers require special care from diagnosis. An arterial origin must be suspected for deep, or necrotic ulcers. Arterial supply must be explored rapidly, followed by a revascularization procedure when necessary. Highly painful superficial extensive necrotic ulcers due to necrotic angiodermitis require hospital care for skin grafts that will control the antiodermitis and provide pain. Carcinoma should be suspected in cases of leg ulcers with an atypical localization exhibiting excessive budding. A biopsy is mandatory for leg ulcers with an unusual course (absence of healing despite well-conducted care). © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Quand s’inquiéter devant un ulcère de jambe d’origine vasculaire ? En pratique clinique, il existe deux situations très différentes. La première est celle d’un ulcère de jambe traité, suivi et où l’on observe une dégradation brutale de la plaie. La deuxième est celle d’un ulcère de jambe que l’on voit pour la première fois et pour lequel certaines caractéristiques cliniques doivent alerter.
Les ulcères de jambe pris en charge et s’aggravant brutalement Les ulcères de jambe mettent du temps à cicatriser. En moyenne, dans les études publiées, qu’il s’agisse d’enquêtes transversales ou d’essais randomisés contrôlés, le temps de cicatrisation moyen est de six mois. Il n’est donc pas étonnant que des péripéties puissent survenir. Les plus fréquentes sont l’infection et l’intolérance à un produit local. La complication potentiellement la plus grave est la surinfection de l’ulcère. Elle s’explique par la colonisation bactérienne quasi-constante des ulcères de jambe non compliqués (Tableau 1). Il s’agit essentiellement de staphylocoque doré, d’entérocoque, de Pseudomonas, de streptocoque [1—5]. Plus l’ulcère est ancien, plus la présence de Pseudomonas augmente. Habituellement, les bactéries présentes à la surface des ulcères de jambe n’ont pas d’influence sur l’évolution de l’ulcère. Elles disparaissent avec la cicatrisation de l’ulcère. Parfois, sous l’influence de divers facteurs (immunodépression générale, hypoxie locale), les bactéries vont acquérir des gênes de virulence et provoquer l’infection de l’ulcère.
Le tableau le plus simple à reconnaître est la dermohypodermite bactérienne aiguë avec un aspect de grosse jambe rouge aiguë et fébrile du côté de l’ulcère (Fig. 1). Plus de 30 % des dermohypodermites bactériennes aiguës surviennent chez des patients ayant des antécédents d’ulcère de jambe [6] et lorsqu’on suit des ulcères de jambe le taux de survenue d’une dermohypodermite bactérienne aiguë est d’environ 5 % pour un délai de suivi de six mois [7]. La bactérie en cause est le plus souvent un streptocoque ou parfois un staphylocoque doré, ou même dans certains cas plus rares un bacille gram négatif comme le Pseudomonas. L’existence d’un ulcère de jambe comme porte d’entrée d’une dermohypodermite bactérienne aiguë a été reconnue comme un facteur de risque d’échec du traitement empirique en ambulatoire [8]. Ceci est un argument pour proposer l’hospitalisation quand ce type de complication survient chez un patient porteur d’un ulcère de jambe.
Figure 1 Petit ulcère à l’origine d’une dermohypodermite bactérienne aiguë. Acute bacterial dermophypodermitis causing a small leg ulcer.
Pour citer cet article : Lazareth I. Quand s’inquiéter devant un ulcère de jambe d’origine vasculaire ? J Mal Vasc (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.07.008
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Tableau 1 Taux de présence des bactéries à la surface d’ulcères de jambe non compliqués (écouvillon). Bacteria count on the surface of an uncomplicated leg ulcer. Bactéries
Staphylocoque (%)
Entérocoque (%)
Pseudomonas et streptocoque (%)
Alinovi, 1986
56
10
Madsen, 1996
95
51
Hansson, 1995 Davies, 2007 Moore, 2010, étude dynamique
88 Staphylocoque et pseudomonas : 75 55—64
72
18 15 32 32 16
20
32—34
Le traitement antibiotique est indispensable, mais il n’y a pas de recommandation particulière pour le choix de l’antibiotique pour traiter la dermohypodermite bactérienne aiguë (DHBA) compliquant un ulcère de jambe. Le traitement le plus couramment donné en première intention est l’amoxicilline à la dose d’au minimum 50 mg/kilo/j pendant au moins 10 jours. En cas de non-amélioration à 48 heures (persistance de la fièvre et des symptômes inflammatoires), un élargissement de l’antibiothérapie aux bacilles gram négatif ou aux staphylocoques dorés résistants est réalisé après prélèvement bactériologique si possible. Le cas de figure le plus difficile et le plus courant (15 à 25 % des sorties d’essais thérapeutiques sur les pansements) sont les infections localisées. Il n’y a pas de fièvre, pas de rougeur ni d’œdème extensif de la jambe. Mais l’ulcère se modifie. Les symptômes retenus comme devant faire évoquer une surinfection de l’ulcère ont été proposés par un panel d’experts internationaux, selon la méthode Delphi [9] (Tableau 2). En pratique, toute modification anormale (Fig. 2 et 3) d’un ulcère doit faire évoquer une surinfection locale à partir du moment où l’on ne retrouve pas une explication simple : intolérance à un produit local pour la rougeur et la douleur, défaut de compression pour la douleur ou l’écoulement, détersion trop énergique pour les douleurs. L’attitude thérapeutique dépend de l’importance des symptômes, de la présence d’un terrain à risque d’infection grave (Tableau 3) et de l’existence d’un syndrome inflammatoire biologique. Si les signes sont mineurs, le terrain rassurant, un traitement local simple est proposé en première intention : Tableau 2 Signes locaux faisant évoquer une surinfection de l’ulcère. Local sings suggestive of ulcer super-infection. Douleur d’apparition nouvelle Rougeur péri-ulcéreuse limitée (inférieure à 5 cm) Odeur nauséabonde Augmentation de l’exsudat Chaleur locale Tissu de granulation de mauvaise qualité d’apparition récente Érosions péri-ulcéreuses d’apparition récente Augmentation brutale de la taille Arrêt de la cicatrisation
Figure 2 Dégradation locale : érosions péri-ulcéreuses. Local degradation: peri-ulcer erosions.
• passage à des soins locaux quotidiens ; • utilisation d’eau boriquée en cas de coloration verdâtre faisant suspecter l’intervention du Pseudomonas dans la dégradation de la plaie ; • application de pansements à l’argent. L’Urgotul argent est le seul pansement qui a montré une efficacité en étude contrôlée, randomisée dans le traitement des ulcères de jambes inflammatoires, ce qui lui a permis d’obtenir un
Tableau 3 Terrain à risque d’infection grave. Favorable environment for serious infection. Immunodépression Chimiothérapies, corticothérapies générales, biothérapies, cancers, maladies hématologiques, maladies immunologiques Antécédents de dermohypodermite bactérienne aiguë (DHBA) Lymphœdème associé Artériopathie associée
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Figure 3 Dégradation locale : rougeur péri-ulcéreuse. Local degradation: peri-ulcer inflammation.
nom de marque et le remboursement auprès des autorités de tutelle [10]. La réévaluation précoce de l’ulcère, à j3 est nécessaire, pour valider cette stratégie thérapeutique (Fig. 4). Si les signes cliniques sont plus importants (Fig. 5), que le terrain est à risque, ou si l’ulcère ne s’améliore pas rapidement sous stratégie locale de première intention, un traitement antibiotique par voie générale doit être prescrit, au mieux après prélèvement bactériologique local. Il s’agit alors du même schéma thérapeutique que dans les DHBA, c’est-à-dire l’amoxicilline en première intention. En cas de non-amélioration sous amoxicilline, évaluée après 2 à 3 jours d’antibiothérapie, un élargissement de l’antibiothérapie est proposé en fonction des résultats du prélèvement bactériologique. Il faut rappeler ici que le traitement antibiotique des infections cutanées à Pseudomonas nécessite l’hospitalisation et la voie parentérale. Le
Figure 5 Infection active à Pseudomonas : aspect verdâtre, jambe inflammatoire, odeur nauséabonde nécessitant d’emblée un traitement antibiotique par voie générale. Active pseudomonas infection: greenish aspect, inflammation, nauseous odor requiring immediate systemic antibiotic therapy.
traitement du Pseudomonas par mono-antibiothérapie orale (quinolones) expose à des résistances rapides.
Une complication fréquente : l’intolérance à un produit appliqué Le taux de sensibilisation des patients porteurs d’ulcère de jambe était estimé entre 72 et 85 % des patients dans les enquêtes réalisées dans les années 2000, avec comme premier allergène identifié, le baume du Pérou (Tableau 4) [11—13]. Avec l’éviction de cet allergène dans les pansements, le taux de sensibilisation a diminué, concernant 60 %
Figure 4 Dégradation locale : l’amélioration sous traitement local doit être rapide : a : avant dégradation ; b : dégradation ; c : après 4 jours de traitement local. Local degradation: improvement after rapid local treatment: a: before degradation; b: degradation; c: after 4 days local treatment.
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Tableau 4 Allergènes les plus fréquemment retrouvés dans les enquêtes allergologiques des patients porteurs d’ulcères de jambe. Commonly encountered allergens reported in allergology surveys of patients with leg ulcers. Allergènes
Reichert, 1999 (%)
Machet, 2004 (%)
Jankicevic, 2008 (%)
Baume du pérou Madecassol Fragance mix Lanoline Chl. de benzalkonium Neomycine Biafine
39 38 25 19,5 15 14,5 14
40
21 Carbamix, 18 Paraben, 12 8 18,7 10 Colophane, 13
Figure 6
18 21 13 9
Bains de pied à la biseptine responsable d’un eczéma sévère. Foot bath with biseptin caused severe eczema.
des patients dans la grande étude multicentrique franc ¸aise publiée en 2014 [14]. Cette sensibilisation se traduisait soit par des vrais eczémas (32 % des cas), soit par des érythèmes périulcéreux (61 % des cas). On voyait apparaître dans cette étude les pansements modernes, en particulier le Ialuset crème en raison des excipients contenus dans la crème. Les conservateurs peuvent être en cause, ainsi que les parfums (fragance mix), la lanoline, émulsifiant extrait de la graisse de mouton, très présent dans les crèmes hydratantes de supermarchés. En pratique, l’apparition d’une rougeur, d’un prurit, d’une douleur (Fig. 6) justifie un interrogatoire policier pour dépister tous les produits appliqués sur la jambe concernée : savons, antiseptiques, crèmes hydratantes, même d’apparence anodine, et bien sûr pansements, même modernes. Le diagnostic est très facile si la rougeur est dessinée par le pansement. Le premier traitement est de suspendre tous les produits utilisés et d’appliquer une crème dermocorticoïde de classe 2, associée à un pansement peu allergisant (pansement vaseliné, interface). L’amélioration est très rapide : dès les heures suivantes, les douleurs diminuent et l’aspect local est modifié dès le lendemain (Fig. 7). En cas de nonamélioration, un autre diagnostic doit être envisagé.
veineuse. L’impression clinique actuelle est qu’on observe une diminution des étiologies veineuses (varices opérées, meilleure prévention et prise en charge des thromboses veineuses profondes) et une augmentation des participations artérielles (vieillissement de la population). Ainsi, dans le service de médecine vasculaire du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, au recrutement forcément biaisé, sur 100 hospitalisations consécutives pour ulcère de jambe en 2016, en excluant les ulcères du pied, avec un âge moyen de 73,8 ans (27—97 ans), 54 % avaient une participation artérielle. Le diagnostic de l’artériopathie est crucial, la revascularisation pouvant être nécessaire pour permettre la
Quand s’inquiéter en présence d’un nouvel ulcère de jambe ? Savoir évoquer un ulcère artériel Les études épidémiologiques, qui commencent à dater, nous ont montré que 70 % des ulcères de jambe étaient d’origine
Figure 7 Amélioration après 48 heures de dermocorticoïdes. Improvement 48 h after dermocorticosteroid therapy.
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Figure 8 Aspect évocateur d’ulcère artériel : localisation prétibiale, caractère creusant, nécrose. Aspect suggestive of an arterial ulcer: pretibial localization, deep ulcer, necrosis.
cicatrisation, voire indispensable pour éviter une amputation. Une participation artérielle doit être d’emblée invoquée si la localisation est évocatrice : face antérieure de jambe
Figure 9 Localisation malléolaire interne mais s’étendant vers la face antérieure de jambe, de grande taille, aspect atone et nécrotique évocateur d’ulcère artériel. Localization on the medial malleolus extending to the anterior aspect of the leg. Large dystonic wound with necrosis suggestive of an arterial ulcer.
Figure 10 Stries ischémiques provoquées par la compression dans le cas d’une artériopathie méconnue. Ischemic lines caused by compression in a case of unrecognized arteriopathy.
ou cou-de-pied, si l’ulcère est creusant, tout particulièrement si les tendons sont exposés, ou s’il existe de la nécrose (Fig. 8). Le caractère douloureux n’est pas discriminant, les ulcères d’étiologie veineuse étant douloureux dans 80 % des
Figure 11 Angiodermite nécrotique : ulcère nécrotique superficiel de la face antéro-externe de la jambe gauche. Noter le halo violacé d’extension de la nécrose, le caractère superficiel de la nécrose. Necrotic angiodermitis: superficial necrotic ulcer of the anterolateral aspect of the left leg. Violet halo corresponds to the extent of the superficial necrosis.
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Figure 12
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Aspects évocateurs de carcinome : localisation atypique et aspect très bourgeonnant. Suggestive aspects of carcinoma: atypical localization and budding aspect.
cas. Une localisation malléolaire interne, donc plus évocatrice d’étiologie veineuse, mais s’étendant vers la face antérieure de jambe, avec un aspect atone doit faire rechercher une artériopathie (Fig. 9). La mauvaise tolérance de la compression veineuse avec apparition de douleurs inexpliquées ou de signes de souffrance cutanée (Fig. 10) est évocatrice d’artériopathie. La recherche d’une artériopathie chez un patient porteur d’un ulcère de jambe est obligatoire et doit être réitérée au cours du temps, la prévalence de l’artériopathie augmentant avec l’âge des patients. Le dépistage de l’artériopathie se fait sur la palpation des pouls, la mesure des index de pression systolique distale, l’échodoppler artériel. La gravité de l’artériopathie est évaluée par le niveau des pressions distales et par la pression du gros orteil, mesure plus fiable car non influencée par la médiacalcose. Ces mesures hémodynamiques sont précieuses pour retenir l’indication de la revascularisation et pour permettre ou contre-indiquer la compression. Une pression d’orteil supérieure à 50 mmHg en valeur absolue autorise le port de la compression peu élastique et laisse présager d’une cicatrisation sans revascularisation.
Tableau 5 Arguments cliniques en faveur d’un carcinome. Clinical arguments favoring carcinoma. Notion de site cicatriciel Absence d’explication vasculaire satisfaisante Aspect très bourgeonnant Bords indurés, saignement facile
Savoir évoquer une angiodermite nécrotique Ulcère rare, sa présentation clinique est très évocatrice : survenue après un traumatisme mineur, expliquant la localisation habituelle à la face antéro-externe de jambe, débutant par une ecchymose très douloureuse, qui va laisser place à une nécrose superficielle (Fig. 11). La nécrose a une évolution extensive, progressant à partir d’un halo violacé péri nécrotique et l’extension peut intéresser toute la jambe. Elle est atrocement douloureuse, nécessitant l’utilisation d’antalgiques de paliers 3. Le terrain est évocateur : femme de plus de 65 ans, ayant une longue histoire d’hypertension artérielle [15]. Dans sa forme pure, il n’y a pas de maladie artérielle ou veineuse associée, l’étiologie est purement microcirculatoire. Le diagnostic doit être posé rapidement, car l’excision de la nécrose avec réalisation d’une greffe cutanée en pastilles permet dans la majorité des cas de calmer les douleurs et de ralentir, voire de stopper la progression [16]. Une deuxième, voire une troisième greffe, est souvent nécessaire pour cicatriser l’ulcère.
Savoir évoquer un carcinome épidermoïde
Figure 13 Aspect banal évoquant un ulcère veineux, mais pas de cicatrisation depuis 4 ans. Biopsie cutanée : carcinome épidermoïde. Wound suggestive of a venous ulcer but that failed to heal for 4 years. Skin biopsy: squamous-cell carcinoma.
Un carcinome se présentant sous l’aspect d’un ulcère chronique de jambe n’est pas une éventualité exceptionnelle. La fréquence est évaluée à 10,3 % en milieu dermatologique [17] et à 4 % en milieu vasculaire. Il existe des arguments cliniques faisant évoquer la possibilité d’un carcinome (Tableau 5) (Fig. 12), mais l’aspect peut être banal (Fig. 13) et la règle est de biopsier tout ulcère ne s’améliorant pas malgré un traitement local bien conduit. Il ne faut pas hésiter à répéter les biopsies cutanées.
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Conclusion Le diagnostic des complications des ulcères de jambe est fait sur des arguments cliniques simples, d’interrogatoire et surtout d’examen clinique. À ce titre, la prise de photographies régulières, très facilitée par l’utilisation des smartphones, est une aide précieuse d’autant plus s’il existe un dossier informatisé permettant de stocker les clichés et de pouvoir facilement comparer.
Déclaration de liens d’intérêts L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Pour citer cet article : Lazareth I. Quand s’inquiéter devant un ulcère de jambe d’origine vasculaire ? J Mal Vasc (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.07.008