Reconstruction des ruptures chroniques de l’appareil extenseur du genou par allogreffe totale de l’appareil extenseur

Reconstruction des ruptures chroniques de l’appareil extenseur du genou par allogreffe totale de l’appareil extenseur

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 574–577 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Note de technique...

2MB Sizes 1 Downloads 108 Views

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 574–577

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Note de technique

Reconstruction des ruptures chroniques de l’appareil extenseur du genou par allogreffe totale de l’appareil extenseur夽 Knee extensor mechanism allograft reconstruction following chronic disruption J. Murgier a,b,∗ , P. Boisrenoult a , N. Pujol a , J.-S. Beranger a , N. Tardy a , C. Steltzlen a , P. Beaufils a a b

Service d’orthopédie-traumatologie, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France Service d’orthopédie-traumatologie, hôpital Pierre-Paul-Riquet, 308, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 2 mai 2015 Accepté le 8 septembre 2015 Mots clés : Allogreffe Appareil extenseur genou

r é s u m é La rupture chronique de l’appareil extenseur du genou est une complication rare dont la prise en charge peut être complexe. Une des options thérapeutiques est la reconstruction par allogreffe. L’objectif de ce travail était de présenter la technique opératoire et d’en apporter les résultats préliminaires. L’allogreffe utilisée est un appareil extenseur complet (tubérosité tibiale antérieure, ligament patellaire, patella, tendon quadricipital). La patella native peut être excisée complètement en cas de mauvaise qualité osseuse ou, dans le cas contraire, une tranchée osseuse peut être réalisée en son sein afin d’accueillir l’allogreffe. La fixation proximale du tendon quadricipital s’effectue sous tension et en extension du membre. Cette technique opératoire a été réalisée à 5 reprises au recul minimum de 1 an. L’extension active a pu être récupérée dans tous les cas. Le KOOS postopératoire moyen était de 55,5, l’IKS fonction de 68,5 et l’IKS genou de 83. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction La rupture chronique de l’appareil extenseur (AE) du genou est une pathologie rare dont les conséquences fonctionnelles sont importantes [1]. Elle peut concerner un genou natif ou prothésé, et siéger au niveau du ligament patellaire, de la patella ou plus rarement du tendon quadricipital. Sa prise en charge dépend de nombreux facteurs (délai, demande fonctionnelle, état général, instabilité. . . [2]) et son résultat peut être décevant [3]. Parmi les différentes possibilités thérapeutiques [4–7], le traitement par allogreffe est une des options permettant de restaurer l’extension active du genou et donc la fonction [8–10]. Cette technique, peu décrite dans la littérature européenne, a comme un principal avantage d’éviter un prélèvement autologue diminuant la morbidité du geste opératoire

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2015.08.010. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Murgier). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2015.09.408 1877-0517/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

tout en possédant des qualités d’intégration biologiques analogues aux autogreffes [10]. Elle est une intervention de recours dans les genoux multiopérés et s’adresse essentiellement aux ruptures chroniques du ligament patellaire ou aux séquelles graves de fracture patellaire au-delà de toute possibilité de reconstruction. L’objectif de ce travail est d’en exposer la technique et d’en évaluer les résultats préliminaires.

2. Technique opératoire 2.1. Planification préopératoire La planification débute par le choix de l’allogreffe. Il convient de mesurer la longueur du ligament patellaire du genou natif, par comparaison au genou controlatéral et de choisir l’allogreffe qui s’en rapproche le plus. La voie d’abord est décidée en fonction des abords préalables sur ces genoux volontiers multiopérés. En cas de rupture sur prothèse totale de genou (PTG), une analyse du positionnement des implants (notamment en rotation), l’absence de descellement ou de signes d’infection sont recherchées avant tout geste chirurgical.

J. Murgier et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 574–577

575

Fig. 3. Incision longitudinale du tendon quadricipital de l’allogreffe formant deux brins.

Fig. 1. Vue peropératoire après patellectomie et excision des tissus fibreux.

Fig. 2. Réalisation de la tranchée osseuse au niveau de la TTA permettant d’accueillir la future allogreffe.

2.2. Technique chirurgicale L’installation se fait en décubitus dorsal sans garrot pneumatique. Les tissus fibreux sont excisés (Fig. 1) (Vidéos). Une évaluation de la qualité de l’appareil extenseur est réalisée afin de juger de l’opportunité de préserver un maximum de tissus autologue, qu’il soit osseux ou tendineux. En fonction de l’état de la patella native, deux options sont possibles : conserver la patella si elle est de bonne qualité et réaliser une tranchée osseuse au sein de celle-ci afin d’accueillir l’allogreffe ; ou remplacer complètement la patella par l’allogreffe. L’AE est libéré de ses adhérences au niveau des culs-de-sac quadricipitaux à l’aide d’une rugine permettant de mobiliser le quadriceps et d’en récupérer la longueur. Le positionnement de l’allogreffe est simulé sur le genou du patient en extension et à 30◦ de flexion afin de centrer la patella sur la trochlée, si la patella est remplacée. Après avoir repéré la hauteur et le positionnement optimal de la future greffe, une tranchée osseuse est réalisée au niveau de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) de 7 cm de long sur 15 mm de large et 2 cm de profondeur (Fig. 2). La partie proximale est biseautée afin d’améliorer la stabilité primaire du montage. L’allogreffe est préparée, après un bain de 20 minutes dans une solution de rifampicine (1200 mg par litre de sérum physiologique). La greffe utilisée est un appareil extenseur complet avec tubérosité tibiale antérieure (TTA), ligament patellaire, patella et tendon quadricipital (TQ). Le TQ est divisé en deux dans sa longueur (Fig. 3). Quatre orifices antéropostérieurs et un tunnel transversal dans la patella sont forés (mèche diamètre 2,5 mm) pour l’ancrage des ailerons patellaires. En cas de conservation de la patella native, une tranchée osseuse est effectuée dans celle-ci, de forme trapézoïdale à base proximale et d’environ 10 mm de profondeur.

Fig. 4. Présentation de l’allogreffe et fixation de la tubérosité tibiale antérieure par impaction.

Fig. 5. Renforcement de la fixation de la baguette osseuse tibiale à l’aide de deux cerclages et deux vis antéropostérieures.

La baguette de tubérosité tibiale antérieure est recoupée à la scie oscillante pour s’adapter aux dimensions de la tranchée osseuse tibiale (Fig. 4). La TTA de l’allogreffe est ensuite impactée dans la tranchée osseuse permettant d’obtenir une stabilité primaire satisfaisante. Elle est fixée par un double cerclage transosseux (fils 1,2 mm) et deux vis antéropostérieures en compression de diamètre 4,5 mm (Fig. 5). Si la patella est totalement remplacée, le centrage de la patella de l’allogreffe est assuré par un point en « u » passant dans le tunnel transversal de la patella et dans les ailerons patellaires (Fig. 6).

576

J. Murgier et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 574–577

Fig. 6. Réinsertion transosseuse des ailerons patellaires de part et d’autre de la patella. La greffe est fixée sous tension.

Fig. 8. En cas de conservation de la patella native, la tranchée patellaire accueille l’allogreffe. Celle-ci est fixée par des cerclages patellopatellaires.

Enfin, un cadrage métallique tibiopatellaire est réalisé afin de protéger la bonne tenue de l’allogreffe, il est serré à 30◦ de flexion. 2.3. Soins postopératoires Une orthèse crurojambière thermomoulée en extension est positionné pour une durée de six semaines. L’appui est autorisé à l’aide de cannes anglaises. Une thromboprophylaxie est entreprise jusqu’à reprise de l’appui complet. La rééducation du genou débute à 6 semaines. 3. La série Fig. 7. Suture en pullvertaft des deux brins du tendon quadricipital de l’allogreffe dans le quadriceps.

Cette fixation, sous tension du ligament patellaire, est complétée par des points de suture transosseux au fil non résorbable numéro 2 (FiberWire ; Arthrex, Florida). Dans le cadre d’une fixation osseuse par l’intermédiare d’une tranchée dans la patella native, la baguette de l’allogreffe est fixée, sous tension, par l’intermédiaire d’agrafes ou de cerclages (Fig. 7 et 8). L’étape suivante nécessite de réaliser des incisions longitudinales de 2 cm, décalées les unes par rapport aux autres, sur une hauteur d’environ 10 cm dans le quadriceps natif pour réaliser un montage en pulver taft, sous tension, des deux bandelettes quadricipitales de l’allogreffe (au fil PDS 0). La traction est maintenue par les aides opératoires afin de prévenir au maximum tout déficit d’extension postopératoire [9,11,12].

Cette série inclut cinq patients (3 femmes et 2 hommes) dont trois sur PTG et 2 sur genou natif. Quatre patients présentaient une séquelle de rupture chronique du ligament patellaire et un une séquelle de fracture patellaire. L’âge moyen était de 60,2 ans (38–83). En moyenne, 2,4 interventions avaient été effectuées préalablement sur l’appareil extenseur. Dans quatre cas, il s’agissait d’une allogreffe avec baguette patellaire et dans 1 cas, d’une allogreffe avec patella totale. Une patiente est décédée dans les suites opératoires après avoir présenté un hématome sous anticoagulation curative surinfecté dans un contexte d’insuffisance cardiaque. Pour les quatre autres, au recul minimum d’un an et moyen de 19 mois (14–26), l’IKS fonction moyen était de 68,5 (45–89), l’IKS genou de 83 (77–88), le KOOS de 55,5 (28,6–72). L’extension active était possible dans tous les cas avec un déficit moyen de 6,25◦ (0–15). La hauteur patellaire moyenne selon l’index de Caton et Deschamps était de 1,02 (0,4–1,8) ; (Tableau 1). La consolidation

Tableau 1 Évaluation clinique et radiographique à un an de recul minimum.

Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4 Cas 5

KKS clinique

KSS fonction

KOOS

Déficit d’extension

Hauteur rotulienne

86 77 81 88 –

60 45 80 80 –

67,3 28,6 54,2 72 –

5 15 5 0 –

1,8 1 0,9 1 0,4

KSS : Knee Society Score ; KOOS : Knee injury and Osteoarthritis Outcome Score.

J. Murgier et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 574–577

577

osseuse était obtenue dans tous les cas. Trois patients étaient très satisfaits du résultat du geste et un satisfait.

Zimmer. J.M., P.B.O, J.-S.B, N.T. et C.S. déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

4. Discussion

Annexe A. Matériel complémentaire

La reconstruction de l’appareil extenseur du genou par une allogreffe est une technique fiable et dont les résultats paraissent satisfaisants. Plusieurs auteurs ont publié les résultats de cette technique avec cependant deux complications majeures potentielles. Le risque de re-rupture est évalué avec des taux variables allant de 5 % à 100 % [3,7,9,11]. La rupture fait suite à un échec de fixation osseuse de la TTA ou plus fréquemment de fixation proximale dans le tendon quadricipital. Certains auteurs évoquant une élongation progressive des parties molles pour expliquer ce phénomène [3]. La prévention de la rupture secondaire passe par une fixation primaire solide mais également par une immobilisation en extension pendant 6 à 8 semaines [12]. Le déficit d’extension active postopératoire est l’élément pronostique majeur. Il est en moyenne de 15◦ [12] mais peut aller jusqu’à 59◦ [3]. Nos résultats sont à cet égard meilleurs. Le déficit est en partie prévenu par une mise en tension de la greffe et le maintien du membre en extension lors de la fixation quadricipitale [9].

Le matériel complémentaire (vidéos) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect. com et doi:10.1016/j.rcot.2015.09.408.

5. Conclusion L’allogreffe de l’appareil extenseur du genou est une solution chirurgicale intéressante et fiable, dans le cadre de la difficile prise en charge des ruptures chroniques de l’appareil extenseur au niveau du ligament patellaire ou de la patella. Une des limites à cette technique est la disponibilité des allogreffes. Déclaration de liens d’intérêts P.B. est consultant occasionnel pour l’éducation Zimmer, Smith & Nephew. N.P. est consultant occasionnel pour l’éducation

Références [1] Llombart Blanco R, Valenti A, Diaz de Rada P, Mora G, Valenti JR. Reconstruction of the extensor mechanism with fresh-frozen tendon allograft in total knee arthroplasty. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2014;22:2771–5. [2] Parker DA, Dunbar MJ, Rorabeck CH. Extensor mechanism failure associated with total knee arthroplasty: prevention and management. J Am Acad Orthop Surg 2003;11:238–47. [3] Leopold SS, Greidanus N, Paprosky WG, Berger RA, Rosenberg AG. High rate of failure of allograft reconstruction of the extensor mechanism after total knee arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1999;81:1574–9. [4] Browne JA, Hanssen AD. Reconstruction of patellar tendon disruption after total knee arthroplasty: results of a new technique utilizing synthetic mesh. J Bone Joint Surg Am 2011;93:1137–43. [5] Akey DL, Brown WC, Dutta S, et al. Structures reveal surfaces for associations with membranes and the immune system. Science 2014. [6] Cadambi A, Engh GA. Use of a semitendinosus tendon autogenous graft for rupture of the patellar ligament after total knee arthroplasty. A report of seven cases. J Bone Joint Surg Am 1992;74:974–9. [7] Crossett LS, Sinha RK, Sechriest VF, Rubash HE. Reconstruction of a ruptured patellar tendon with achilles tendon allograft following total knee arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 2002;84–A:1354–61. [8] Malhotra R, Garg B, Logani V, Bhan S. Management of extensor mechanism deficit as a consequence of patellar tendon loss in total knee arthroplasty: a new surgical technique. J Arthroplasty 2008;23:1146–51. [9] Burnett RS, Berger RA, Paprosky WG, Della Valle CJ, Jacobs JJ, Rosenberg AG. Extensor mechanism allograft reconstruction after total knee arthroplasty. A comparison of two techniques. J Bone Joint Surg Am 2004;86–A:2694–9. [10] Robertson A, Nutton RW, Keating JF. Current trends in the use of tendon allografts in orthopaedic surgery. J Bone Joint Surg Br 2006;88:988–92. [11] Nazarian DG, Booth RE. Extensor mechanism allografts in total knee arthroplasty. Clin Orthop Relat Res 1999;367:123–9. [12] Burnett RS, Fornasier VL, Haydon CM, Wehrli BM, Whitewood CN, Bourne RB. Retrieval of a well-functioning extensor mechanism allograft from a total knee arthroplasty. Clinical and histological findings. J Bone Joint Surg Br 2004;86:986–90.