Résections hépatiques pour métastases de cancer du sein : résultats et facteurs pronostiques (65 cas)

Résections hépatiques pour métastases de cancer du sein : résultats et facteurs pronostiques (65 cas)

Ann Chir 2001 ; 126 : 413-20 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394401005260/FLA Article original Ré...

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Ann Chir 2001 ; 126 : 413-20 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394401005260/FLA

Article original

Résections hépatiques pour métastases de cancer du sein : résultats et facteurs pronostiques (65 cas) M. Pocard1*, P. Pouillart2, B. Asselain3, M.C. Falcou3, R.J. Salmon4 1

Section de biologie, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris cedex 05, France ; 2section médicale, département d’oncologie médicale, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris cedex 05, France ; 3département de biostatistiques, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris cedex 05, France ; 4département de chirurgie générale, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris cedex 05, France

RE´SUME´ But de l’étude : Le but de l’étude a été d’évaluer les résultats des exérèses pour métastases hépatiques de cancer du sein (MhS). Patientes et méthodes : De 1988 à 1999, 69 patientes étaient opérées pour MhS et l’étude a porté sur les 65 patientes ayant eu une résection hépatique. Les critères de sélection avant chirurgie étaient : un indice de performance et des tests biologiques hépatiques normaux ; une réponse (objective à l’imagerie) des MhS à la chimiothérapie et/ou à l’hormonothérapie ; en cas de MhS non isolées, un contrôle des autres métastases (essentiellement osseuses) et l’absence de localisation cérébrale. L’âge moyen des 65 patientes était de 47 ans (extrêmes : 30–70 ans). Le délai moyen entre le diagnostic de cancer du sein et celui de MhS était de 60 mois (extrêmes : 0–205 mois). Les MhS étaient le plus souvent uniques (n = 44). Leur taille moyenne était de 3,8 cm (extrêmes : 0–12 cm). Le nombre moyen de cycles de chimiothérapie avant la résection hépatique était de 7,5 (extrêmes : 3–24). Les résections ont comporté : 31 hépatectomies majeures (19 droites, quatre gauches élargies et huit gauches), 25 hépatectomies mineures et neuf résections limitées. Résultats : La mortalité était nulle ; la morbidité de 18 % (incluant deux réinterventions). La médiane de suivi était de 41 mois (extrêmes : 6–100 mois). La survie à un an était de 90 %, à trois ans de 71 % et à quatre ans de 46 % ; 13 patientes étaient vivantes à quatre ans. En cas de délai d’apparition de la MhS > 48 mois, la survie à trois ans était de 86 % et en cas de délai < 48 mois de 55 % (p = 0,01). Les autres facteurs étudiés n’étaient pas statistiquement corrélés à la survie. Le taux de récidive hépatique à trois ans était de 40 % en cas de cancer initial Reçu le 12 janvier 2001 ; accepté le 15 mars 2001. *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (M. Pocard).

de stade N0N1a et de 81 % pour les cancers classés (N1bN2) (p = 0,01) ; il était de 45 % en cas de résection hépatique mineure et de 73 % en cas de résection hépatique majeure (p = 0,02). Conclusion : L’exérèse des métastases hépatiques doit être incluse dans les protocoles de consolidation après réponse des MhS à la chimiothérapie et/ou à l’hormonothérapie. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cancer du sein / chirurgie hépatique / métastases hépatiques

ABSTRACT Liver resections from breast cancer metastasis: results and prognosis factors after hepatic resection in 65 cases. Study aim: To report results of liver resections for breast cancer liver metastasis (BCLM) and to evaluate the rate of survival and the prognostic factors. Patients and method: Between 1988 and 1999, 69 patients were operated on for BCLM and 65 who had liver resection were analyzed. The selection criteria for surgery were: normal performance status and liver function test; radiological objective response to chemotherapy (and/or hormonotherapy); in cases of non-isolated BCLM, complete response of associated metastatic site (usually bone) and no brain metastases. The mean age of the 65 patients was 47 (30–70) years. BCLM was diagnosed an average of 60 (0–205) months after the initial cancer. The BCLM was more frequently solitary (n = 44). The mean diameter was 3.8 (0–12) cm. The mean number of cycles of chemotherapy before surgery was 7.5 (3–24). Liver resections included major hepatectomy (n = 31) : right n = 19, extended left n = 4, left n = 8, minor hepatectomy (n = 25) and limited resection (n = 9).

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M. Pocard et al.

Results: There was no postoperative mortality. The 18% morbidity rate included a majority of pleural effusions with two reoperations. The median follow-up was 41 months (6–100 months). The survival rate after surgery was 90% at 1 year, 71% at 3 and 46% at 4 years. Thirteen patients are alive at 4 years. The 36-month survival rate differed according to the time to onset of BCLM: 55% before versus 86% after 48 months (p = 0.01). The other studied factors were not statistically associated with survival. The recurrence rate in the remaining liver at 36 months differed according to the lymph node status of the initial breast cancer: 40% for N0-N1 versus 81% for N1b-N2 (p = 0.01) and according to the type of liver resection: 45% for minor liver resection versus 73% for major (p = 0.02). Conclusion: Adjuvant liver surgery should be included in multicenter treatment protocols for medically-controlled breast cancer liver metastasis. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS breast cancer / liver secondary cancer / liver surgery

Les métastases hépatiques du cancer du sein (MhS) traduisent le plus souvent un cancer disséminé avec un pronostic très péjoratif [1]. La médiane de survie après la découverte des MhS qui était avant les années quatre-vingt, inférieure à 14 mois est actuellement voisine de deux ans [2, 3]. Les traitements systémiques permettent d’obtenir approximativement 60 % de réponses et dans certains cas, de contrôler la progression tumorale [4-7]. Plus récemment, de nouveaux agents ont semblé efficaces, permettant probablement d’accroître encore le taux de réponse, en particulier avec des sels de platine et des taxoïdes [8, 9]. Il est donc devenu nécessaire de proposer « des stratégies de consolidation de ces rémissions », comme l’ont proposé dans leurs conclusions en 1996 Greenberg et al. [7]. Ainsi, en cas de réponse, certains ont proposé différentes attitudes thérapeutiques essentiellement chimiothérapeutiques, en variant la durée des cures et du traitement, en utilisant des intensifications ou des fortes doses, ou de nouveaux agents associés [4]. En cas d’arrêt de la chimiothérapie devant une réponse radiologique, la reprise évolutive n’est sensible à la chimiothérapie que dans 40 % des cas, avec une médiane de réponse de dix mois et une médiane de survie de 13 mois [5]. De plus, la chimiothérapie après un nombre de cycles, variable selon l’agent et l’état général de la patiente, ne peut être indéfiniment poursuivie, en particulier du fait

des toxicités cumulées. Il est donc nécessaire de proposer d’autres solutions pour la prise en charge des patientes ayant une réponse objective à la chimiothérapie. Chez ces patientes ayant des MhS, si l’on exclut la réalisation d’une transplantation hépatique rapportée de façon anecdotique [10], la résection des MHs peut être envisagée. Parallèlement aux progrès réalisés par la chimiothérapie, la chirurgie hépatique a progressé. La mortalité de la chirurgie d’exérèse hépatique sur foie non cirrhotique a diminué et ne constitue plus un critère décisionnel [11, 12]. Sans prétendre être curatif dans les MhS, chez des patientes traitées et stabilisées par de nombreux cycles de chimiothérapie, nous avons été amenés progressivement à réaliser des résections chirurgicales adjuvantes comme d’autres équipes à la fin des années quatre-vingt. Elias et al. ont été les premiers à publier, en 1991, spécifiquement sur cette indication [13]. Plusieurs équipes chirurgicales ont ensuite publié des résultats suggérant un possible bénéfice de survie. Actuellement près de 200 cas ont été publiés, répondant a cette indication (tableau I). Le but de cette étude était de rapporter les résultats les plus récents de ces résections hépatiques, chez des patientes très sélectionnées selon une stratégie déjà rapportée [16], et d’évaluer la pertinence de certains facteurs pronostiques prédictifs soit de la survie soit de la survenue de récidive sur le foie restant (RFR). PATIENTES ET MÉTHODES Les données de cette étude ont été obtenues par la base de données du département de biostatistiques de l’institut Curie. De mai 1988 à mars 1999, 71 laparotomies ont été réalisées chez 69 patientes ayant des MhS. Les quatre patientes ayant eu une simple laparotomie ont été exclues de l’étude. La série analysée comporte donc 65 cas. La sélection des patientes, ayant des MhS accessibles à la chirurgie, était réalisée selon plusieurs critères, déjà notés comme éléments de meilleur pronostic [2, 7]. Les patientes avaient un indice de performance normal, un ou deux sites métastatiques lors du premier bilan (le second site, osseux dans tous les cas, était contrôlé par le traitement médical), pas de métastase du système nerveux central, une à trois métastases hépatiques le plus souvent unilobaires, un effet objectif du traitement systémique, avec

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Résections hépatiques pour métastases de cancer du sein

Tableau I. Survie dans les séries de plus de dix cas de résections hépatiques pour métastases de cancer du sein. Série Elias et al., 1991 [13] Elias et al., 1995 [14] Raab et al., 1996 [15] Pocard et al., 1997 [16] Elias et al., 1998 [17] Seifert et al., 1999 [18] Pocard et al., 1999 [19] Krissat et al., 2000 [20] Maksan et al., 2000 [21] Selzner et al., 2000 [22] Yoshimoto et al., 2000 [23]

Période

n

Survie médiane (mois)

Survie à 3 ans %

1986–1988 1986–1994 1983–1993 1987–1994 1984–1996 1985–1997 1988–1997 1984–1999 1984–1998 1987–1999 1985–1998

12 21 34 21 35 15 42 45 20 17 25

37 38 27 38 33 57 42 – – 24 34

55 78* 90 40 71 65 36** 50 35 71

* Survie à deux ans ; ** survie à cinq ans.

au minimum stabilisation clinique, radiologique et biologique et une réponse complète d’un autre site métastatique éventuellement associé [16]. Les explorations préopératoires ont toujours comporté : un examen clinique, un bilan biologique hépatique, des marqueurs tumoraux, une scintigraphie osseuse, une radiographie pulmonaire, une échographie hépatique et une tomodensitométrie abdominopelvienne. Le scanner cérébral n’était pas systématique et réalisé selon la clinique.

1). Dans 44 cas (68 %) la MhS était unique, dans dix cas (15 %) il existait deux MhS, dans cinq cas (8 %) trois MhS et dans six cas (9 %) de plus de trois. Ces MhS étaient, uniques et isolées dans 55 % (n = 36) des cas. La taille moyenne de la MhS la plus volumineuse pour chaque patiente, était de 3,8 ± 2,5 cm (extrêmes : 0,4–12 cm).

Population

Quarante-huit patientes (74 %) ont reçu une chimiothérapie associée ou non à une hormonothérapie avant l’intervention, 12 (18 %) ont reçu une hormonothérapie isolée avant l’intervention. Les types de protocoles de chimiothérapie ont varié dans le temps, comportant : doxorubicine, navelbine, 5-fluorouracile, taxoïde, et épirubicine selon différentes associations, pouvant associer une hormonothérapie [19, 24-27]. Le nombre moyen de cycles de chimiothérapie, avant la chirurgie, était de 7,5 (extrêmes : 3 à 24). Pour les 36 patientes traitées par chimiothérapie seule, le délai moyen entre le début de la chimiothérapie et l’intervention chirurgicale était de 11 mois. La réponse à l’hormonothérapie et/ou chimiothérapie a été une stabilisation dans 34 % des cas (n = 20), une régression dans 58 % (n = 35) et une rémission dans 3 % (n = 2).

L’âge moyen au moment du diagnostic de cancer du sein était de 47,1 ± 9,6 ans (extrêmes : 30–70 ans). Dans 89 % des cas (n = 58), le cancer initial était de type canalaire infiltrant, dans trois cas intracanalaire et dans quatre cas lobulaire infiltrant. Le stade initial (TNM) était T1 dans 28 % des cas (n = 16), T2 dans 51 % (n = 29), T3 dans 17 % (n = 10) et, T4 dans 3 % (n = 2) ; N0 dans 55 % (n = 32), N1a dans 14 % (n = 8), N1b dans 29 % (n = 17) et N2 dans 2 % (n = 1). Le grade SBR était de type I dans 25 % des cas (n = 13), II dans 49 % (n = 25), III dans 20 % (n = 10), IV dans 6 % (n = 3), et inconnu dans 14 cas. La présence de récepteurs aux estrogènes était positive dans 69 % des cas (n = 29), négative dans 29 % (n = 12), non significative dans un cas et inconnu dans 23 cas. La ou les MhS étaient diagnostiquées après le cancer initial, dans un délai médian de 59,6 mois (extrêmes : 0–205 mois). Dans cinq cas, la ou les MhS étaient diagnostiquées moins de neuf mois après le diagnostic de cancer du sein (0 mois : n = 1, un mois : n = 2, deux mois : n = 1, trois mois : n =

Traitement médical : chimio- et/ou hormonothérapie

Étude statistique Pour chaque patient, plusieurs facteurs ont été analysés : l’âge, le stade initial du cancer du sein (TNM), les résultats anatomopathologiques, l’intervalle séparant le diagnostic de cancer du sein de

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M. Pocard et al.

celui de la métastase hépatique, l’association d’autres métastases extra-hépatiques, le nombre de cycles de chimiothérapie, l’association d’une hormonothérapie, la réponse aux traitements systémiques, le type d’intervention chirurgicale réalisée, la morbidité postopératoire, l’évolution et la survie. La RFR a été définie comme toute modification radiologique posthépatectomie compatible avec le diagnostic de MhS, la biopsie pour confirmer la récidive n’ayant été que très rarement réalisée. Toutes ces données ont été analysées pour évaluer un éventuel facteur pronostique sur la survie ou la survenue de RFR. Les résultats ont été exprimés par des moyennes (± écarts-types) et des pourcentages par rapport au nombre de données pour chaque paramètre étudié. Les comparaisons ont été réalisées avec le test t de Student, le test de χ2 corrigé de Yates ou le test exact de Fischer, selon les nécessités. La valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. L’étude de la survie était réalisée selon la méthode de Kaplan–Meier. La survie était calculée de la date du diagnostic histologique de métastase et de la date de la chirurgie hépatique. Les comparaisons de survie étaient réalisées en utilisant le test du log-rank. RÉSULTATS Résultats des laparotomies Les quatre patientes exclues de l’analyse n’ont eu qu’une simple laparotomie, chez trois patientes du fait de lésions multiples et chez une car la métastase avait totalement disparu et les biopsies peropératoires étaient normales. La réalisation d’une échographie peropératoire ou de biopsies ganglionnaires du pédicule hépatique n’a pas été systématique. Les résultats des 65 laparotomies figurent sur le tableau II. Les interventions réalisées comprenaient 31 hépatectomies majeures (19 droites, 12 gauches dont quatre élargies), 25 segmentectomies et neuf exérèses non systématisées. La mortalité postopératoire était nulle. La morbidité globale était de 18 % (n = 12), essentiellement des épanchements pleuraux (deux cas ont nécessité une réintervention, pour syndrome hémorragique [n = 1] et septique [n = 1]). Les résultats anatomopathologiques ont mis en évidence dans 6 % des cas (n = 4) une MhS stérilisée par le traitement préopératoire, une tranche

Tableau II. Découvertes peropératoires et interventions réalisées chez les 65 patientes.

Découvertes peropératoires carcinose péritonéale autres MhS non connues métastases ganglionnaires pédiculaires Résections hépatiques hépatectomies droites hépatectomies gauches hépatectomies gauches élargies segmentectomies exérèses non systématisées

Nombre de cas

%

1 7 5

1,5 11 8

19 8 4 25 9

29 12 6 40 16

de section envahie dans un cas et dans 11 % des cas (n = 7) une MhS non vue en peropératoire au voisinage de la lésion connue. Dans cinq cas, des métastases ganglionnaires ont été mises en évidence dans le pédicule hépatique. La chimiothérapie était reprise dans 32 cas (49 %), une hormonothérapie dans 30 cas (46 %). Dans trois cas, aucun autre traitement médical n’était repris après la résection chirurgicale, dans deux cas à la demande des patientes qui refusaient tout traitement. La médiane de suivi était de 41 mois (extrêmes : 6–100 mois). Treize patientes étaient vivantes quatre ans après l’intervention. À la date d’analyse, 60 % des patientes (n = 39) étaient vivantes dont 24 en évolution et 40 % (n = 26) étaient décédées. Parmi les 39 patientes vivantes, 35 avaient un indice de Karnosky compris entre 100 et 80. Parmi les 24 patientes en évolution, 19 avaient une récidive hépatique, cinq des métastases osseuses, quatre une récidive mammaire et trois des métastases pulmonaires. La survie après résection chirurgicale était de 90 ± 7 % à 12 mois, 71 ± 12 % à 36 mois et 46 ± 16 % à 48 mois (figure 1). Le taux de récidive hépatique sur le foie restant a été de 27,5 ± 11 % à 12 mois, 55 ± 14 % à 36 mois et 67 ± 15 % à 48 mois (figure 2). Parmi les cinq patientes qui avaient des métastases ganglionnaires dans le pédicule hépatique, une était sans RFR et vivante à 12 mois, deux étaient en évolution à 78 et 56 mois (RFR à 69 et 15 mois respectivement), deux étaient décédées à 33 et 61 mois (RFR à 20 et cinq mois respectivement).

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Résections hépatiques pour métastases de cancer du sein

Facteurs pronostiques Un seul critère était corrélé statistiquement avec la survie : le délai séparant le diagnostic de cancer primitif de celui de la MhS (tableau III). En cas de délai de survenue de moins ou de plus de 48 mois, la survie à 36 mois était respectivement de 55 contre 86 % (p = 0,01) (figure 3). La survie n’était pas différente en cas de MhS unique et isolée ou en cas de MhS associée à d’autres sites métastatiques contrôlés (essentiellement osseux) (figure 4). Les autres critères, ne figurant pas sur le tableau III, n’étaient pas corrélés statistiquement à la survie : âge (< ou > à 45 ans), stade TNM du cancer du sein, nombre de cycles de chimiothérapie avant la chirurgie (< ou > à six cycles), siège droit ou gauche des MhS, présence ou non de récepteurs hormonaux sur l’examen de la tumeur initiale et stabilisation ou régression des MhS par l’hormono- ou la chimiothérapie. Deux critères étaient corrélés statistiquement avec le taux de RFR : le statut ganglionnaire du cancer initial, et le type de chirurgie mineure ou majeure (tableau IV). Le taux de RFR à 36 mois, était selon le statut ganglionnaire N0–N1a ou N1b–N2, respectivement de 40 contre 81 % (p = 0,01). Le taux de RFR à 36 mois, était selon le type de chirurgie mineure ou majeure, respectivement de 45 contre 73 % (p = 0,02). Aucun des autres critères précités n’était corrélé avec le taux de RFR.

Figure 1. Survie globale après exérèse de métastases hépatiques de cancer du sein chez 65 patientes.

DISCUSSION La chirurgie hépatique pour MhS est très controversée. Dans notre expérience, pour des patientes très

Figure 2. Récidive sur foie restant après exérèse de métastases hépatiques de cancer du sein chez les 65 patientes.

Tableau III. Facteurs pronostiques de survie après résection de métastases hépatiques de cancer du sein (MhS) chez les 65 patientes.

Délai d’apparition de la MhS < 48 mois > 48 mois Nombre de MhS lésion unique plus d’une lésion Type de résections hépatiques ** hépatectomie mineure hépatectomie majeure

n

12 mois

% de survie 36 mois

48 mois

p

33 32

87 93

55 85

25 64

0,01*

44 21

90 78

71 72

50 37

ns

34 31

92 86

69 72

52 39

ns

* Statistiquement significatif ; ** hépatectomie mineure : résection de moins de trois segments hépatiques, majeure : trois segments ou plus.

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M. Pocard et al.

Figure 3. Survie globale après exérèse de métastases hépatiques de cancer du sein chez les 65 patientes, selon le délai de survenue des métastases avant ou après 48 mois (p < 0,01).

Figure 4. Survie globale après exérèse de métastases hépatiques de cancer du sein chez les 65 patientes, selon le caractère unique et isolé de la métastase ou non (ns).

sélectionnées, la résection hépatique a été associée à une survie évaluée à 70 % à 36 mois et dans près d’un cas sur deux s’est accompagnée de la suspension postopératoire de la chimiothérapie. Ces pourcentages de survie sont très différents de ceux de la littérature et très probablement liés à la sélection des patientes. Aucune patiente n’avait d’altération de l’état général, d’ictère, d’ascite ou d’hépatomégalie, tous ces critères ayant été associés à un mauvais pronostic des MhS [1]. Aucune patiente n’avait des métastases symptomatiques et celles-ci avaient toujours été contrôlées par la chimiothérapie. Ces deux éléments nous semblent indispensables à la sélection des patientes mais induisent un biais majeur pour l’analyse de la survie car ils sont associés à une meilleur survie. L’impact réel sur la survie des patientes est trés difficile à évaluer, en dehors d’une étude randomisée. Toutefois, les survies longues après traitement médical seul de MhS sont rares. Le traitement chirurgical des MhS reste controversé mais se développe comme en témoignent les différentes séries récentes publiées et même une revue publiée sur ce seul sujet [28]. Les séries en cas de MhS symptomatiques rapportent une médiane de survie de trois à six mois. La surveillance après traitement d’un cancer du sein est indispensable pour traiter ces lésions, autrement que par une simple attitude palliative Ainsi, dans cinq cas, seule une élévation du taux de CA 15-3, a permis de mettre en évidence une MhS [29]. Il est

Tableau IV. Facteurs pronostiques de récidive sur foie restant (RFR) après résection de métastases hépatiques de cancer du sein (MhS) chez les 65 patientes.

Délai d’apparition de la BCLM < 48 mois > 48 mois Nombre de MhS lésion unique plus d’une lésion Sade T du cancer initial N0 et N1a N1b et N2 Type de résection hépatique** hépatectomie mineure hépatectomie majeure

n

12 mois

% de récidive sur foie restant : RFR 36 mois

48 mois

p

33 32

32 22

69 44

– 55

ns

44 21

22 37

54 57

63 –

ns

40 18

24 48

40 81

54 –

0,01*

34 31

21 35

40 76

51 88

0,02

* Statistiquement significatif ; ** hépatectomie mineure, résection de moins de trois segments hépatiques, majeure : trois segments ou plus.

Résections hépatiques pour métastases de cancer du sein

donc indispensable de suivre les patientes régulièrement et de façon prolongée après traitement d’un cancer du sein. L’amélioration de la survie par la chimiothérapie reste controversée [30, 31], puisque des survies prolongées, sans traitement ont été rapportées [32]. Il est certain que les études sélectionnent des patientes dont la cinétique tumorale est particulière. Cependant, quelle qu’en soit la cause, après chimiothérapie et/ou hormonothérapie, les oncologues médicaux observent des réponses complètes ou partielles pour les MhS. Le nombre moyen de cycles de chimiothérapie avant la chirurgie était de 11 cycles dans cette série, soit un an environ de traitement dans la plupart des cas. Après de nombreux mois de traitement, les oncologues hésitent à arrêter un traitement en présence de reliquats tumoraux à l’imagerie. De plus, l’administration prolongée d’une chimiothérapie risque de sélectionner des clones tumoraux résistants à la chimiothérapie. Enfin la toxicité médullaire limite la poursuite des chimiothérapies dans le temps. Cette évolution nous a conduits a proposer le concept de la chirurgie adjuvante [16]. La chirurgie y est proposée comme adjuvante d’un traitement systémique efficace. Certains facteurs semblent pouvoir être prédictifs de l’évolution après chirurgie des MhS : le délai de survenue de la MhS et le stade initial du cancer du sein. Les facteurs anatomopathologiques (SBR, récepteurs hormonaux) n’ont pas de valeur pronostique dans notre étude, peut-être à cause de données manquantes ou du nombre limité de patientes. En effet, de nombreuses patientes avaient été traitées il y a 15 ans de leur cancer primitif. De même, seuls les dossiers récents comportent des donnés relatives à la ploïdie, ce qui ne permet pas encore d’étudier le rôle pronostique de ce facteur. En revanche, la présence d’autres sites métastatiques associés n’a pas été mise en évidence comme un facteur pronostique. Il s’agissait le plus souvent de métastases osseuses, qui sont plus facilement contrôlables par un traitement médical et/ou une irradiation [33]. La présence de lésions osseuses associées ne doit pas faire récuser une hépatectomie selon nos résultats et ceux d’autres équipes [23], mais cette attitude reste controversée [22]. La présence d’adénopathies pédiculaires hépatiques envahies semble être un facteur péjoratif mais le nombre

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de patientes analysé est trop faible pour permettre une bonne évaluation dans notre série. Une des interrogations notées par la plupart des équipes ayant publié sur ce sujet, concerne les examens préopératoires. Pour certaines équipes, une coloscopie est systématique, pour d’autres la biopsie des lésions hépatiques est régulière [16], plus récemment certains réalisent un PET-scan systématique [22]. Le but de ces examens n’est pas seulement de confirmer le diagnostic, mais surtout d’éviter des laparotomies inutiles. Dans notre série, près de 10 % des cas avaient un bilan préopératoire inexact notamment sur le plan radiologique, ce taux atteignant 50 % dans certaines publications [34]. Il est possible qu’une cœlioscopie exploratrice puisse améliorer ce taux, comme elle a été proposée pour d’autres cancers. Toutefois, aucune expérience n’est actuellement publiée à ce sujet. CONCLUSION La faible morbidité de cette chirurgie, les résultats en terme de survie et l’existence de facteurs prédictifs doivent nous permettre de mieux considérer l’intérêt de cette stratégie. Il nous semble important que la possibilité de réalisation d’une chirurgie hépatique soit incluse dans les protocoles multicentriques thérapeutiques des MhS. La qualité des réponses obtenues par les nouveaux protocoles de chimiothérapie, notamment ceux utilisant les taxanes, pourrait augmenter les indications d’exérèse en attendant l’apparition de nouvelles molécules. Il est possible que le taux de survie élevé dans notre série, soit fortement lié à ce suivi des malades ; soit en isolant du groupe général des malades ayant une maladie métastatique, des patientes particulièrement répondeuses à la chimiothérapie avant que la maladie tumorale ne devienne incontrôlable ; soit en sélectionnant artificiellement des malades ayant une tumeur dont la cinétique de croissance est très lente, et dont la tumeur n’aurait été symptomatique que dans plusieurs années. La sélection des patientes est donc l’élément majeur, expliquant le nombre limité de patientes dans cette série, alors que l’institut Curie prend en charge chaque année plus de 1 000 nouveaux cas de cancer du sein, dont 50 % sont ou seront métastatiques. Le nombre de patientes pour lesquelles une résection hépatique peut être proposée est limité, mais pas nul. Il est indispensable pour progresser et mieux connaître l’intérêt de cette

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M. Pocard et al.

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