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ScienceDirect www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence xxx (2017) xxx–xxx
Article original
Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Borderline personality disorder at adolescence: What is the clinical reality? A. Auffret a,∗ , P. Lenoir b , C. Gauvreau b , P. Brunault c a
Centre hospitalier intercommunal d’Amboise/Château-Renault, centre médicopsychologique pour enfants et adolescents, 90, rue Marcel-Tribut, 37000 Tours, France b Centre hospitalier du Chinonais, service de psychologie clinique pour adolescents, centre Oreste, 66, boulevard Béranger, 37000 Tours, France c Équipe de liaison et addictologie, CHRU de Tours, hôpital Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France
Résumé Buts. – Mieux décrire la symptomatologie que recouvre l’entité « trouble de personnalité limite » (TPL) à l’adolescence en identifiant des profils cliniques plus homogènes en fonction de leur psychopathologie. Matériel et méthode. – Étude rétrospective portant sur des adolescents en hospitalisation complète et/ou suivis en consultation de psychiatrie de l’adolescent au CHRU de Tours ou au Centre Hospitalier de Chinon. Après identification des patients présentant un TPL (repérage des symptômes de TPL à partir des codes diagnostics CIM-10 attribués aux adolescents puis validation du diagnostic de TPL par le clinicien référent de l’adolescent), recueil des caractéristiques sociodémographiques, des antécédents pédopsychiatriques, des caractéristiques psychopathologiques et des diagnostics CIM-10 pour ces patients. Description de l’échantillon présentant un TPL et identification de différents groupes grâce à une analyse en cluster (classification ascendante hiérarchique). Résultats. – Parmi les 823 adolescents éligibles, 14,2 % (n = 117) présentaient un TPL, dont 2/3 de filles (n = 79) et 1/3 de garc¸ons (n = 38) (âge moyen : 15 ans ½). La prévalence du TPL était de 9,0 % en ambulatoire et 19,4 % en hospitalisation. L’analyse en cluster a permis d’identifier trois profils cliniques différents : 1) le trouble de personnalité limite (17,1 %) avec une symptomatologie sévère, des manifestations intrapsychiques et une inhibition relationnelle ; 2) la crise borderline à l’adolescence (35 %) avec des symptômes moins sévères et moins d’impulsivité ; 3) le trouble borderline expressif labile (47,9 %) où l’on retrouve plus de filles avec des manifestations comportementales, s’exprimant par une bonne verbalisation émotionnelle et une meilleure adaptation sociale. Conclusion. – On distingue trois profils dans la symptomatologie borderline à l’adolescence : le trouble de personnalité limite, la crise borderline à l’adolescence et le trouble borderline expressif labile. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es. Mots clés : Trouble de personnalité borderline ; États-limites ; Adolescence ; Troubles mixtes des conduites et des émotions ; Traumatismes psychiques ; CIM-10 ; DSM IV-TR
Abstract Aims. – To better describe the population of adolescents diagnosed with “borderline personality disorder”, by identifying some distinct clinical profiles based on their psychopathology. Material and methods. – This retrospective study included both adolescents hospitalized between January 2013 and December 2014 in the adolescent inpatient psychiatry service of the University Hospital of Tours, and adolescents followed up between January 2014 and December 2014 in the adolescent outpatient psychiatry service of Chinon. After identification of the patients diagnosed with “borderline personality disorder” (screening using ICD-10 diagnoses codes and confirmation or invalidation of the diagnosis by the clinician in charge of the patient), we assessed for each of
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Auffret).
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001 0222-9617/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es.
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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these patients their sociodemographic characteristics, their psychopathological characteristics, and the other psychiatric comorbidities (comorbid ICD-10 diagnoses). We identified different clusters of patients using ascending hierarchical classification, and compared them using univariate statistics. Results. – Among the 823 eligible adolescents, 14.2% (n = 117) had a borderline personality disorder, including two third of female (n = 79) and one third of male (n = 38), with a mean age of 15.5 years. Prevalence for borderline personality disorder was 9.0% for outpatients and 19.4% for inpatients. Cluster analysis identified three distinct groups of patients. The first group (called confirmed borderline personality disorder; 17.1%) included patients with higher symptom severity, intrapsychic symptoms and social isolation. The second group (called borderline crisis at adolescence; 35%) included patients that had lower symptom severity, and lower impulsivity. The third group (called expressive borderline disorder; 47.9%) included patients that were more oftenly female, and that had higher prevalence for behavioural manifestations but lower alexithymia and better social adjustment. Conclusion. – We identified three distinct clinical profiles in patients diagnosed with a borderline personality disorder: confirmed borderline personality disorder, borderline crisis at adolescence and expressive borderline disorder. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Borderline personality disorder; Adolescence; Psychological trauma; ICD 10; DSM IV-TR
1. Introduction Le trouble de personnalité limite (TPL) à l’adolescence connaît un regain d’intérêt ces dernières années avec la remise en cause de la classification nosographique catégorielle au profit d’une approche dimensionnelle. Les limites entre TPL avéré et symptomatologie borderline à l’adolescence semblent difficiles à circonscrire du fait de l’hétérogénéité des symptômes, des critères diagnostiques moins uniformes que chez l’adulte, du manque de spécificité et du chevauchement avec les troubles co-morbides associés [1]. Le trouble de personnalité implique, par définition, une certaine fixité et une inscription dans la durée. En outre, les critères diagnostiques du TPL sont identiques à l’adolescence ou à l’âge adulte et, en particulier, le critère temporel. Or les symptômes à l’adolescence sont plus variables et plus changeants qu’à l’âge adulte. Dès lors, les psychiatres d’adolescents se retrouvent devant un obstacle supplémentaire pour déterminer le diagnostic de TPL. Nous nous sommes intéressés à ce sujet afin d’explorer la clinique de ce (ou ces) trouble(s) en fonction de la psychopathologie adolescente. L’objectif principal de cette étude rétrospective était de mieux décrire la clinique des TPL à l’adolescence en identifiant parmi ces patients des profils cliniques plus homogènes en fonction de leur psychopathologie. Les objectifs secondaires étaient de déterminer la fréquence du TPL chez des adolescents hospitalisés et/ou suivis en psychiatrie en ambulatoire et de comparer ces mêmes dimensions cliniques en fonction du code diagnostique : F 60.3 (trouble de personnalité émotionnellement labile) versus F 92 (troubles mixtes des conduites et des émotions de l’enfance et de l’adolescence). 2. Matériel et méthode 2.1. Population d’étude Nous avons inclus : • tous les adolescents hospitalisés dans le service de psychiatrie de l’adolescent du CHRU de Tours du 01/01/2013 au 31/12/2014 ;
• tous les patients suivis en consultation ambulatoire pour adolescents à Chinon du 01/01/2014 au 31/12/2014. Étaient considérés comme potentiellement éligibles tous les patients ayant entre 13 et 18 ans. Nous avons exclu les dossiers de patients avec les codes CIM-10 associés suivants : • F 70 à F 79 : retard mental ; • F 84 : troubles envahissants du développement, F 88 : autres troubles du développement psychologiques et F 89 : trouble du développement psychologique, sans précision. 2.2. Procédure Notre étude rétrospective a été réalisée à partir de la consultation des dossiers de patients. Le diagnostic de TPL est sous-coté à l’adolescence du fait entre autres de l’hétérogénéité des symptômes et associé à un grand nombre de comorbidités [2]. Pour sélectionner les adolescents susceptibles d’avoir un TPL, nous avons créé une grille de correspondance symptomatologique permettant de faire une sélection de ces adolescents à partir du système de codage (Tableau 1). Le recueil des données hospitalières s’appuie en effet sur le système de recueil d’informations médicalisé pour la psychiatrie [RIM-P], utilisant les codages de la Classification internationale des maladies, 10e version (CIM10) [3]. Cette grille a permis d’élargir les critères du TPL afin de faciliter le repérage des patients avec une psychopathologie limite sans pour autant avoir un trouble de personnalité. Chacun des neuf critères diagnostiques pour le TPL dans le DSM IVTR [4] a été associé au(x) code(s) CIM-10 pour le(s)quel(s) la symptomatologie correspondait le mieux. Par exemple, le critère 4 du TPL dans le DSM IV-TR « impulsivité dans au moins deux domaines dommageables » (dont la toxicomanie) a été associé entre autres aux codes F 10 à F 19 dans la CIM-10. Ces codes correspondent en effet à une utilisation de substances psychoactives. La sélection des dossiers de ces adolescents s’est faite en 2 temps. Les dossiers ayant les codes F 60.3, F 60.30, F 60.31, F 60.8, F 60.9 et F 92 étaient directement éligibles. Pour les
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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Tableau 1 Grille de correspondances entre les critères de TPL du DSM IV-TR et les codes CIM-10. Critères DSM IV-TR pour le trouble borderline
Correspondances symptomatiques codes CIM-10
(1) efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés (3) perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi (6) instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (p. ex. : dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours) (7) sentiments chroniques de vide (8) colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (p. ex. : fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées) (4) impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par ex. : dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie)
F 93.0 F 48.1
(5) répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations (2) mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre les positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation (9) survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères
F 41.1 F 32 F 34
F 91
F 41.2 F 41.3 F 92
F 60.3 F 60.30 F 60.31 F 60.8 F 60.9
F 90
F 10-19 F 50.1 F 50.2 F 50.3 F 63.8 X 60-84 Z 91.5 F 94.1 F 94.2 F 94.8 F 94.9 F 21 F 23.0 F 23.9 F 44.8 F 44.9
Correspondances des codes CIM-10 [3] : F 1 : Tr. mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives F 10-19 ; F 2 : Tr. schizotypique F 21, tr. psychotique aigu polymorphe, sans symptômes schizophréniques F 23.0, tr. psychotique aigu et transitoire, sans précision F 23.9 ; F 3 : Épisodes dépressifs F 32, tr. de l’humeur persistants F 34 ; F 4 : Anxiété généralisée F 41.1, Trouble anxieux et dépressif mixte F 41.2, Autres tr. anxieux mixtes F 41.3, autres tr. dissociatifs F 44.8 ; tr. dissociatifs, sans précision F 44.9, Syndrome de dépersonnalisation-déréalisation F 48.1 ; F 5 : Anorexie mentale atypique F 50.1, boulimie F 50.2, boulimie atypique F 50.3 ; F 6 : Personnalité émotionnellement labile F 60.3, autres tr. spécifiques de personnalité F 60.8, tr. de la personnalité, sans précision F 60.9, Autres troubles des habitudes et des impulsions F 63.8 ; F 9 : Tr. hyperkinétiques F 90, Tr. des conduites F 91, Tr. mixtes des conduites et tr. émotionnels F 92, Anxiété de séparation F 93.0, tr. réactionnel de l’attachement de l’enfance F 94.1 ; tr. de l’attachement de l’enfance avec désinhibition F 94.2 ; autre tr. du fonctionnement social de l’enfance F 94.8 ; tr. du fonctionnement social de l’enfance, sans précision F 94.9 ; Lésions auto-infligées : X 60-84. Antécédents personnels de lésions auto-infligées : Z 91.5. Associations des critères DSM IV-TR avec les critères CIM-10 : Au moins 5 critères sur les 9 : F 60.3, F 60.30, F 60.31, F 60.8, F 60.9 ; 5 critères : F 92 ; 4 critères : F 41.2, F 41.3 ; 2 critères : F 32, F 34, F 41.1, F 90.
autres, nous avons sélectionné les dossiers ayant au moins deux critères du TPL selon le DSM-IV-TR, ce qui correspond à une combinaison d’au moins deux codes CIM-10 de notre grille (Tableau 1). Dans un deuxième temps, nous avons sollicité les cliniciens référents (psychiatres, pédopsychiatres et psychologues) de ces patients pour obtenir leur expertise clinique comme gold standard, sur les dossiers des adolescents sélectionnés afin de valider le diagnostic clinique de TPL. La définition correspondait à celle du DSM IV-TR (soit 5 critères présents sur les 9) avec une durée de la symptomatologie supérieure à un an. La symptomatologie borderline devait débuter à l’adolescence (au minimum après l’âge de 12 ans). Les cliniciens n’étaient pas au courant des codes associés aux dossiers des patients présentés. La validation s’est ainsi faite à l’insu des codes CIM-10 préalablement attribués. En résumé : • sélection des patients éligibles (n = 823) ; • identification des patients avec symptomatologie TPL selon grille de cotation (cf. Fig. 1 et 2) (n = 194) ;
• validation par le clinicien référent (n = 117) ; • recueil des données chez les patients inclus. À noter qu’il existait des doublons dans le recrutement initial des patients (certains patients ont été hospitalisés en 2013 et en 2014 et certains étaient suivis en ambulatoire en 2014 et hospitalisés en 2013 et/ou 2014). 2.3. Mesures des données cliniques et psychopathologiques Après validation, nous avons demandé au clinicien référent de coter les paramètres biographiques et cliniques (Tableaux 2 et 3). Nous avons consulté attentivement les dossiers de ces patients (observations médicales et infirmières si les observations médicales étaient trop succinctes) afin de compléter les éventuelles imprécisions. Nous avons construit la grille de lecture clinique en nous inspirant des deux entretiens semi-structurés suivants pour définir chaque variable étudiée : • le Diagnostic Interview for Borderlines–revised (DIB-R) [5,6] ;
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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2013
2014
163 hospitalisés
167 hospitalisés
Sélecon par la grille de correspondance (au moins 2 critères)
Validaon par l’experse du clinicien référent
46 séleconnés (28,2 %)
42 séleconnés (25,1 %)
32 validés
32 validés
(19,6 %)
(19,2 %)
Fig. 1. Sélection des adolescents avec TPL en hospitalisation complète en 2013 et 2014. Le pourcentage exprimé entre parenthèse est calculé par rapport au nombre total d’adolescents hospitalisés par année.
2014
767 paents suivis Sélecon par la grille de correspondance (au moins 2 critères)
128 séleconnés (16,7 %)
11 doss iers exclus :
Validaon par l’experse du clinicien référent
9 : pas de vali daon poss ible 2 : insuffisance de données.
69 vali dés (9,0 %)
Fig. 2. Sélection des adolescents avec TPL suivis en centre ambulatoire en 2014. Le pourcentage exprimé entre parenthèse est calculé par rapport au nombre total d’adolescents suivis en 2014.
• le Borderline Personality Disorder Severity Index IVadolescent version & parent version (BPDSI-IV) [7,8]. Les antécédents pédopsychiatriques ont été définis comme étant présents avant l’âge de 12 ans, les antécédents de traumatismes psychiques dans l’enfance le sont avant 12 ans et les traumatismes psychiques à l’adolescence le sont à partir de 12 ans. Les données que nous avons retenues évaluaient (Tableaux 2 et 3) : • des données sociofamiliales et scolaires ; • le nombre d’hospitalisations en service spécialisé ;
• les antécédents pédopsychiatriques avant 12 ans classés en : ◦ les troubles externalisés (troubles des conduites, trouble oppositionnel avec provocation et TDAH), ◦ les troubles internalisés (troubles anxieux, troubles dépressifs, troubles alimentaires pré-pubères), ◦ les antécédents d’ESPT et d’autres antécédents pédopsychiatriques (énurésie, haut potentiel intellectuel avec répercussion sociale et scolaire, etc.) ; • les troubles spécifiques des apprentissages ; • les antécédents familiaux psychiatriques ; • les antécédents de traumatismes psychologiques avant 12 ans : il s’agit des antécédents mentionnés dans les dossiers de violences émotionnelles, de violences sexuelles, de violences physiques et des deuils survenus dans l’enfance ; • les antécédents de traumatismes psychologiques après 12 ans : ◦ les agressions sexuelles, ◦ le bullying (agressions physiques et harcèlement), ◦ les deuils survenus à l’adolescence ; • les codes CIM-10 lors de la dernière hospitalisation en 2013 ou 2014 et au 31/12/2014 lors du suivi au centre Oreste ; • des dimensions cliniques cotées par 0 (absence de symptôme), 1 (symptôme présent d’intensité modérée par rapport à un adolescent de la population générale) ou 2 (symptôme présent d’intensité sévère par rapport à un adolescent de la population générale) (sauf pour les conduites cotées de fac¸on binaire) : ◦ autour des conduites (présentes ou absentes) : – les tentatives de suicide, – les scarifications et automutilations, conduites à risque (fugues, relations sexuelles à risque), – les troubles du comportement alimentaire, – l’hétéroagressivité, la consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis ou autres) et/ou pratiques problématiques (jeux vidéo, Internet, jeux de hasard et d’argent) ; ◦ autour des émotions : – l’impulsivité, – l’intolérance à la frustration, – la labilité émotionnelle, – les colères excessives et incontrôlées,
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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Tableau 2 Recueil des paramètres étudiés [1].
Tableau 3 Recueil des paramètres étudiés [2] : dimensions cliniques.
Données administratives Nom et prénom ; date de naissance ; sexe Antécédents pédopsychiatriques avant 12 ans (présents ou absents) État de stress post-traumatique Troubles internalisés (dépression, troubles anxieux et troubles apparentés) Troubles externalisés (TDAH, trouble des conduites, TOP et troubles apparentés) Troubles spécifiques des apprentissages (dyslexie, dyspraxie, autres) Autres antécédents pédopsychiatriques (énurésie, haut potentiel intellectuel avec difficultés relationnelles ou retentissement scolaire, etc.) Antécédents psychiatriques familiaux (présents ou absents) Données sociofamiliales (présentes ou absentes) Statut conjugal des parents Unis Séparés Veufs Parent non connu (au moins un) Adoption Placement à tout âge Placement avant l’âge de 12 ans Placement après l’âge de 12 ans Parcours scolaire (oui ou non) Cursus habituel ITEP SEGPA Antécédent de traumatismes psychologiques (présents ou absents) Traumatismes psychologiques survenus avant l’âge de 12 ans Violences physiques Violences sexuelles Violences émotionnelles et psychologiques Deuils Traumatismes psychologiques survenus après l’âge de 12 ans Bullying Agressions sexuelles Deuils
Âge présumé du début du trouble (en années) Codes CIM-10 attribués lors de l’hospitalisation en 2013 et/ou 2014 et au 31/12/2014 pour le suivi ambulatoire Nombre d’hospitalisations en service spécialisé Conduites (oui/non) Tentatives de suicide Scarifications/automutilations Hétéroagressivité agie Consommations de substances psycho-actives et pratiques problématiques Troubles du comportement alimentaire (TCA) Conduites à risque Émotions (oui (intensité moyenne ou sévère)/non) Impulsivité Intolérance à la frustration Labilité émotionnelle Colères excessives et incontrôlées Angoisses d’abandon et de séparation Difficulté à verbaliser ses émotions Somatisations et plaintes somatiques sans motif organique Angoisses et manifestations anxieuses (notamment des phobies) Dissociation : dépersonnalisation/déréalisation Expériences d’allure psychotique Humeur (oui (intensité modérée ou sévère)/non) Dépression, dépressivité Sentiment de vide existentiel Relations (oui (intensité moyenne ou sévère)/non) Instabilité des attachements et relations conflictuelles Sensitivité relationnelle et hostilité Manque d’authenticité de la relation (y compris mythomanie et fabulations) Isolement social Axe narcissique (oui (intensité moyenne ou sévère)/non) Faible estime de soi
ITEP : institut thérapeutique éducatif et pédagogique ; SEGPA : section d’enseignement général et technologique adapté ; TOP : trouble oppositionnel avec provocation.
– les angoisses d’abandon et de séparation, – les difficultés à verbaliser les émotions, somatisations et plaintes somatiques sans motif organique, – les angoisses et manifestations anxieuses de type phobies, – les épisodes dissociatifs (dépersonnalisation et/ou déréalisation), – les expériences quasi-psychotiques ; ◦ autour de l’humeur : – l’intensité de la dépressivité (cotée 1) jusqu’à une dépression caractérisée (cotée 2), – le sentiment de vide existentiel ; ◦ autour de la relation à l’autre : – l’instabilité des attachements et/ou relations conflictuelles, – la sensitivité relationnelle ou l’hostilité, – le manque d’authenticité de la relation (y compris fabulations ou mythomanie), – l’isolement social ;
5
◦ autour de l’axe narcissique : – la faible estime de soi. À noter que les troubles de l’identité n’ont pas été retenus lors de la confection de la grille car les données retrouvées dans les dossiers des patients concernant cette dimension n’étaient pas suffisantes pour pouvoir interpréter les résultats. 2.4. Analyses statistiques Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide des logiciels R (R Core Team, 2012) et SPSS version 22.0. Nous avons tout d’abord réalisé des statistiques descriptives pour les variables qualitatives (effectif et pourcentage) et les variables quantitatives (moyenne et écart-type) afin de décrire la population des adolescents dont les symptômes répondent aux critères du TPL. Nous avons utilisé le logiciel libre R [9] et le package RCmdr [10] pour déterminer différents groupes au sein de notre population d’adolescents avec TPL grâce à une analyse en cluster (classification ascendante hiérarchique). Nous avons ensuite déterminé les associations entre variables qualitatives à l’aide d’un test du Chi2 (2 ) ou d’un test de Fisher selon qu’il existait ou non des effectifs théoriques non nuls. Nous avons déterminé les associations entre variables qualitatives et
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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quantitatives à l’aide de tests de comparaisons de moyenne non paramétriques de Mann et Whitney (Z) ou test de comparaison de moyenne de Student (t) selon le caractère normal ou non des données. Pour toutes les analyses statistiques, nous avons retenu le seuil de significativité p < 0,05 (test bilatéral). Le rapport des côtes ou odds ratio (OR) n’était présenté que si le p était inférieur à 0,05. 3. Résultats 3.1. Description de l’échantillon Trois cent trente séjours d’adolescents ont été analysés en hospitalisation complète et 767 adolescents ont été suivis en 2014 en consultation externe. Il a été retenu avec notre méthode 117 adolescents avec le diagnostic de TPL : 62 adolescents en hospitalisation (les adolescents TPL retrouvés à la fois hospitalisés en 2013 et 2014 n’ont été comptés qu’une fois) et 55 adolescents suivis en consultation externe exclusivement (Tableau 4). La moyenne d’âge au moment de l’inclusion était de 15,5 ± 1,3 ans (entre 13 et 18 ans). On retrouve 79 filles et 38 garc¸ons, soit environ deux tiers de filles et un tiers de garc¸ons. Près de 71 % des adolescents TPL ont vécu des traumatismes psychologiques. Nous avons identifié plus d’adolescents avec des traumatismes survenus pendant l’adolescence que pendant l’enfance (46,5 % versus 39,3 %). Les traumatismes psychologiques survenus dans l’enfance sont majoritairement constitués de violences émotionnelles et psychologiques puisqu’ils représentent 67,4 % de l’ensemble des traumatismes survenus avant l’âge de 12 ans. À l’adolescence, les agressions sexuelles représentent 22,2 % du total des traumatismes survenus à cette période. Les deuils sont les traumatismes de l’adolescence les plus fréquents dans notre étude (40,7 % des traumatismes). La symptomatologie du trouble limite a débuté en moyenne vers l’âge de 13 ans entre 12 et 14 ans et demi. Les dimensions cliniques retrouvées dans l’échantillon sont consignées dans le Tableau 5. 3.2. Comparaison des groupes F 60.3 et F 92 Vingt-trois adolescents étaient diagnostiqués avec le code F 60.3 (100 % validés par le clinicien référent). Trois adolescents ont été codés avec le sous-type impulsif (F 60.30), dix avec le sous-type borderline (F 60.31), les autres étant codés F 60.3 sans plus de précision. Concernant les codes F 92, 59 adolescents portaient ce diagnostic. Parmi ceux-ci 35 ont été validés comme ayant un TPL soit 59,3 %. La comparaison des groupes F 60.3 (n = 23) et F 92 (n = 35) est présentée dans le Tableau 6 en annexe. L’âge à l’inclusion est de 15 ans ½ pour les deux groupes ce qui est similaire à la population initiale. La proportion des sexes est comparable entre les groupes F 60.3 et F 92 : on retrouve près d’un tiers de garc¸ons dans les deux cas. Les adolescents TPL ayant le code F 92 proviennent plus du centre de
Tableau 4 Paramètres étudiés chez les adolescents TPL. Codes CIM-10
Effectif
Pourcentage (%)
X. . ./Z 91.5 F 92 F 91 F 60.3 F 60.9/F 60.8 F 32/F 34 F 10-19/F 63.8 F 50.1.2.3 F 41.2.3 F 94.1.2.8.9 F 93.0 F 90 F 44/F 48.1 F 21/F 23
41 35 29 23 21 19 17 10 9 9 6 5 2 1
35,0 29,9 24,8 19,7 17,9 16,2 14,5 8,5 7,7 7,7 5,1 4,3 1,7 0,9
Antécédents (ATCD)
Effectif
Pourcentage
ATCD pédopsychiatriques avant 12 ans ATCD troubles externalisés ATCD troubles internalisés ATCD ESPT Autres ATCD ATCD troubles DYS ATCD familiaux psychiatriques
80 31 29 19 36 16 71
68,4 26,5 24,8 16,2 30,8 13,7 61,7
Données sociofamiliales et scolaires
Effectif
Pourcentage
Parents unis Parents séparés Parent veuf ou inconnu Adopté ATCD placements à tout âge ATCD placements avant 12 ans ATCD placements après 12 ans Scolarité Scolarité habituelle ITEP SEGPA
48 63 11 7 30 8 30
41,0 53,8 9,4 6,0 26,1 6,8 25,6
100 5 11
85,5 4,3 9,4
Traumatismes psychologiques
Effectif
Pourcentage
Traumatismes à tout âge Traumatismes avant 12 ans Violences physiques Violences sexuelles Violences émotionnelles et psychologiques Deuils Traumatismes après 12 ans Agressions sexuelles Bullying Deuils
83 46 20 15 31 7 54 12 20 22
70,9 39,3 17,1 12,8 26,5 5,9 46,5 10,3 17,2 19,0
X. . ./Z 91.5 : codes relatifs aux lésions auto-infligées. Se référer à l’annexe pour la définition des codes. ITEP : institut thérapeutique éducatif et pédagogique ; SEGPA : section d’enseignement général et technologique adapté.
consultation alors que les adolescents TPL du groupe F 60.3 ont été sélectionnés pour la plupart lors de leur hospitalisation (résultat non significatif : 2 = 1,69 ; p = 0,43) (Tableau 7). Le nombre d’hospitalisation est deux fois plus fréquent dans ce dernier groupe (trois hospitalisations en moyenne pour le groupe F 60.3 contre 1,6 hospitalisations pour le groupe F 92).
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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Tableau 5 Données concernant le recueil des dimensions cliniques dans la population d’étude. Dimensions cliniques
Effectif
Moyenne ± (min-max) ou (%)
Âge présumé du début du trouble (en années) Conduites Conduites à risque Scarifications/automutilations Tentatives de suicide Consommations de toxiques ou pratiques quasi-addictives Hétéroagressivité TCA Émotions Impulsivité Angoisses d’abandon Angoisses et manifestations anxieuses Colères excessives et incontrôlées Difficultés à verbaliser les émotions Intolérance à la frustration Labilité émotionnelle Somatisations et plaintes somatiques Dissociation Expériences quasi-psychotiques Humeur Dépression ou dépressivité Sentiment de vide existentiel Relations Instabilité des attachements et relations conflictuelles Manque d’authenticité de la relation Sensitivité relationnelle et hostilité Isolement social Narcissisme Faible estime de soi
117
13,2 ± 1,4 (11–17)
72 72 66 64 56 37
61,5 61,5 56,4 54,7 47,9 31,6
100 94 86 85 81 80 78 35 21 20
87,0 81,0 74,8 73,3 73,0 69,6 67,8 29,9 17,9 17,1
89 60
76,7 67,4
97 87 70 61
84,3 76,3 64,2 54,5
77
72,6
TCA : trouble du comportement alimentaire. Tableau 6 Comparaison du groupe F 60.3 versus F 92. Variables
F 60.3 n = 23 (% ou moy. ± )
F 92 n = 35 (% ou moy. ± )
X2 ou t ou Z
p
Nombre d’hospitalisations ATCD pédopsy ATCD familiaux TS Automutilations Labilité émotionnelle Angoisses et manifestations anxieuses Sentiment d’abandon Sentiment de vide d’intensité sévère Faible estime de soi d’intensité sévère
3,0 ± 2,4 20 (87,0) 18 (81,8) 20 (87,0) 19 (82,6) 20 (87,0) 21 (95,5) 22 (95,7) 10 (50,0) 12 (60,0)
1,6 ± 1,3 23 (65,7) 19 (55,9) 20 (57,1) 21 (60,0) 21 (61,7) 19 (54,3) 24 (68,6) 3 (12,5) 7 (21,9)
2,80 5,25 4,22 6,23 3,48 4,63 13,07 7,34 7,74 8,22
0,01a 0,02a 0,08 (Fisher) 0,01a 0,06 0,03a 0,00a 0,02a (Fisher) 0,02a < 0,02a
OR (IC 95 %) 1,38 (2,37–0,40) 4,44 (1,11–17,83) 3,55 (0,99–12,75) 5,00 (1,25–19,99) 4,13 (1,02–16,68) 17,68 (2,14–146,37) 10,08 (1,20–84,62)
X2 : Chi2 ; t : test de Student ; Z = test de Mann-Whitney (Fisher) : test de Fisher ; OR : odd ratio ou rapport de cotes ; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %. a Valeur significative ; les valeurs en gras sont les plus pertinentes.
Nous retrouvons plus d’antécédents pédopsychiatriques avant l’âge de 12 ans et notamment des antécédents de troubles externalisés dans le groupe F 60.3 (différence non significative : 2 = 0,97 ; p = 0,32) ainsi que plus d’antécédents d’ESPT et d’antécédents familiaux psychiatriques (différence non significative, respectivement : 2 = 1,85 ; p = 0,20 avec le test de Fisher et 2 = 4,22 ; p = 0,08 avec le test de Fisher). Concernant la famille, les adolescents codés F 60.3 ont une situation familiale plus chaotique : plus de parents séparés, parent décédé ou non connu, plus de placement à l’adolescence
(résultats non significatifs). On ne retrouve pas plus de jeune adopté dans l’un ou l’autre groupe. Le parcours scolaire n’est pas différent non plus. Les antécédents de traumatismes pendant l’enfance sont comparables dans les deux groupes mais les antécédents de traumatismes à l’adolescence sont plus importants dans le groupe F 60.3 (sauf en ce qui concerne le bullying qui est similaire dans les deux groupes). Sur le plan clinique, le profil des adolescents portant le code F 60.3 est plus sévère que le profil des codes F 92 (plus
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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Tableau 7 Résumé des différences caractéristiques des adolescents TPL avec le code F 60.3 et le code F 92. F 60.3 Hospitalisationsa Antécédents pédopsychiatriquesa ATCD tb externalisés ATCD ESPT ATCD familiaux psy Parents séparés, veufs ou inconnus Placements après 12 ans Traumatismes après 12 ans Tentatives de suicidea et automutilations TCA Conduites à risque Colères fréquentes Labilité émotionnellea Angoisses et manifestations anxieusesa Sentiment d’abandona Sentiment de vide d’intensité sévèrea Dépression Dissociation Expériences quasi-psychotiques Somatisations et plaintes somatiques Relations conflictuelles Sensitivité relationnelle Isolement social Faible estime de soi d’intensité sévèrea a
F 92
Deux fois plus a
+ + + + + + a
+ + + a a a a
+ +
+ + + a
Résultats significatifs.
d’hospitalisations et plus de tentatives de suicide). Les signes cardinaux typiques du TPL se retrouvent dans ce groupe : labilité émotionnelle, angoisses, sentiment d’abandon et sentiment de vide. Les colères et les conduites à risque sont plutôt associées au groupe F 92 (résultats non significatifs : 2 = 0,53 ; p = 0,50 et 2 = 2,16 ; p = 0,19 avec le test exact de Fisher). 3.3. Étude de profils La classification ascendante hiérarchique a permis de définir initialement deux groupes distincts (n = 20 et n = 97), le deuxième groupe ayant pu être scindé en deux autres groupes (n = 41 et n = 56). Nous avons ainsi obtenu trois profils : • le profil 1 (que nous avons appelé trouble de personnalité limite et dont l’effectif est de 20 adolescents (17,1 %)) ; • le profil 2 (que nous avons appelé crise borderline à l’adolescence et dont l’effectif est de 41 (35,0 %) ; • le profil 3 (que nous avons appelé trouble borderline expressif labile et dont l’effectif est de 56 (47,9 %). Les caractéristiques de ces différents profils sont présentées dans le Tableau 8. La comparaison du profil 1 et du profil 2 + 3 nous montre que ce dernier est associé à moins d’hospitalisations et que l’agressivité adressée vers l’extérieur est plus importante : les adolescents du profil 2 + 3 sont plus intolérants à la frustration (2 = 4,11 ; p = 0,04*) et ont un style d’attachement plus instable (résultat non significatif cependant : 2 = 3,28 ; p = 0,08). Nous
avons choisi de détailler la population qui composait le profil 2 + 3. Le premier profil, TPL, correspond à une minorité de patients âgés en moyenne de 15 ans et demi. Il est constitué d’un tiers de garc¸ons. Les jeunes constituant ce profil sont plus placés et notamment après l’âge de 12 ans (40 % de ce groupe). Le code CIM-10 le plus fréquemment retrouvé est celui correspondant à ce trouble : le code F 60.3 (trouble de personnalité émotionnellement labile). On peut caractériser le trouble de ces patients de sévère puisque l’on retrouve en moyenne 5 hospitalisations et la population du profil 1 a été en grande partie sélectionnée en hospitalisation (60 %). Des antécédents psychiatriques familiaux (résultat n’étant pas significatif pour autant (2 = 3,79 ; p = 0,15) et des antécédents personnels d’état de stress post traumatique sont plus fréquemment retrouvés (résultat non significatif : 2 = 3,82 ; p = 0,15). On retrouve plus d’antécédents de traumatismes dans l’enfance de ces sujets. Les violences physiques et émotionnelles y sont plus importantes que dans les autres profils (le résultat est significatif en comparaison avec le profil 3 : 2 = 4,71, p = 0,03* pour les violences physiques et 2 = 4,59, p = 0,03* pour les violences émotionnelles). Il est à noter que les problématiques de bullying1 à l’adolescence sont prédominantes dans ce profil. L’impact des traumatismes infantiles semble associé à la sévérité de ce trouble. On retrouve, en effet, plus de troubles de l’attachement. La consommation de substances psychoactives et problématiques associées prédomine légèrement au sein du profil 1 sans pour autant que le résultat soit significatif (2 = 0,44 ; p = 0,80). En revanche, les troubles du comportement alimentaire atteignent 50 % de la population du profil 1, ce qui est supérieur en comparaison aux deux autres profils (résultat significatif en comparaison avec le profil 2 : 2 = 5,81 ; p = 0,02*). Les signes cardinaux des TPL se retrouvent dans la population du profil 1 avec des angoisses nettement prédominantes (100 % des sujets) (2 = 14,23 ; p = 0,00*), plus de sentiment de vide (88,9 %, 2 = 5,45 ; p = 0,02* ; résultat retrouvé lors de l’étude comparative du profil 1 et du profil 2), plus de sentiment d’abandon (95 %, résultat non significatif cependant et plus d’impulsivité (idem). Le profil 1 se distingue également par les difficultés de verbalisation émotionnelle majoritairement retrouvées (95 %, résultat significatif : 2 = 7,46, p = 0,01* en comparaison avec le profil 2 et 2 = 6,23, p = 0,03* en comparaison avec le profil 3) ainsi qu’un manque d’authenticité dans la relation (94,7 %) (2 = 5,77, p = 0,03 en comparaison au profil 3). Il existe aussi plus de phénomènes dissociatifs (dépersonnalisation, déréalisation) : 45 % des jeunes de ce groupe (résultat significatif par rapport aux autres profils, cf. Tableau 9) et plus d’expériences d’allure psychotique (même proportion, résultat significatif, cf. Tableau 9). L’isolement social est nettement prédominant dans ce groupe (84,2 %, résultat significatif, cf. Tableau 9).
1 Comportement d’agression dans le cadre scolaire caractérisé par 3 aspects : l’intention de nuire, la dissymétrie des forces (violence du plus fort envers le plus faible) et le caractère répétitif du comportement. Syn. : harcèlement scolaire [11].
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Tableau 8 Description et comparaison des 3 profils : paramètres étudiés. Données administratives
Profil 1 n = 20 (moy. ± ou %)
Profil 2 n = 41 (moy. ± ou %)
Profil 3 n = 56 (moy. ± ou %)
Âge à l’inclusion (en années) Filles Garc¸ons Nombre d’hospitalisation
15,6 ± 1,2 (13–18) 13 (65 %) 7 (35) 4,9 ± 2,1 (2–10)
16,4 ± 1,0 (14–18) 22 (53,7) 19 (46,3) 0,4 ± 0,6 (0–2)
15,2 ± 1,2 (13–17) 44 (78,6) 12 (21,4) 1,8 ± 1,0 (0–5)
X2 ou t ou Z
p
6,8
0,03a
Codes CIM-10
Profil 1 n = 20 (%)
Profil 2 n = 41 (%)
Profil 3 n = 56 (%)
X2
p
F 60.3 F 60.9.8 F 92 F 90 F 91 F 41.2.3 F 32/F 34 F 94 X (lésions auto-infligées) F 50 F 10-19
7 (35,0) 7 (35,0) 3 (15,0) 1 (5,0) 2 (10,0) 0 (0) 4 (20,0) 4 (20,0) 6 (30,0) 2 (10,0) 6 (30,0)
5 (12,2) 9 (21,9) 11 (26,8) 2 (4,9) 12 (29,3) 6 (14,6) 5 (12,2) 2 (4,9) 14 (34,1) 3 (7,3) 5 (12,2)
11 (19,6) 5 (8,9) 26 (46,4) 2 (3,6) 15 (26,8) 3 (5,3) 10 (17,9) 3 (5,4) 21 (37,5) 5 (8,9) 6 (10,7)
4,19 7,37 8,35 0,13 3,37 5,92 0,83 4,06 0,39 0,14 4,01
0,12 0,02a 0,01a 0,94 0,18 0,05 0,66 0,13 0,82 0,93 0,13
ATCD psychiatriques
Profil 1 n = 20 (%)
Profil 2 n = 41 (%)
Profil 3 n = 56 (%)
X2
p
ATCD pédopsychiatriques avant 12 ans ATCD troubles externalisés ATCD troubles internalisés Autres ATCD ATCD ESPT ATCD troubles DYS ATCD familiaux psychiatriques
12 (60,0) 3 (15,0) 4 (20,0) 3 (15,0) 6 (30,0) 2 (10,0) 16 (80,0)
30 (73,2) 18 (43,9) 13 (31,7) 14 (34,1) 4 (9,7) 7 (17,1) 23 (56,1)
38 (67,9) 10 (17,9) 12 (21,4) 19 (33,9) 9 (16,1) 7 (12,5) 32 (59,3)
0,26 9,11 1,14 3,14 3,82 0,69 3,79
0,88 0,01a 0,57 0,21 0,15 0,71 0,15
Données sociofamiliales et scolaires
Profil 1 n = 20 (%)
Profil 2 n = 41 (%)
Profil 3 n = 56 (%)
X2
p
Parents séparés Parent veuf ou inconnu Adopté Placement à tout âge ATCD placement avant 12 ans ATCD placement après 12 ans Scolarité habituelle ITEP SEGPA
10 (50,0) 2 (10,0) 1 (5,0) 8 (44,4) 2 (10,0) 8 (40,0) 19 (95,0) 1 (5,0) 1 (5,0)
28 (68,3) 4 (9,8) 1 (2,4) 6 (14,6) 2 (4,9) 7 (17,1) 35 (85,4) 3 (7,3) 4 (9,8)
25 (44,6) 5 (8,9) 5 (8,9) 16 (28,6) 4 (7,1) 15 (26,8) 46 (82,1) 1 (1,8) 6 (10,7)
5,57 0,26 1,96 6,14 0,56 3,73 2,36 1,87 0,66
0,06 0,88 0,38 0,05 0,76 0,16 0,31 0,39 0,72
Traumatismes psychologiques
Profil 1 n = 20 (%)
Profil 2 n = 41 (%)
Profil 3 n = 56 (%)
X2
p
Traumatismes tout âge Traumatismes avant 12 ans Violences physiques Violences sexuelles Violences émotionnelles et psychologiques Deuils Traumatismes après 12 ans Agressions sexuelles Bullying Deuils
16 (80,0) 10 (50,0)
26 (63,4) 17 (41,5)
41 (73,2) 19 (33,9)
1,90 1,71
0,39 0,43
6 (30,0) 2 (10,0) 9 (45,0)
9 (22,0) 4 (9,7) 11 (26,8)
5 (8,9) 9 (16,1) 11 (19,6)
5,74 1,02 4,60
0,06 0,60 0,10
2 (10,0) 10 (50,0) 3 (15,0) 5 (25,0) 2 (10,0)
3 (7,3) 13 (31,7) 1 (2,4) 5 (12,2) 7 (17,1)
2 (3,6) 31 (55,3) 8 (14,5) 10 (18,2) 12 (21,8)
5,18 5,12 5,23 1,60 0,60
0,07 0,08 0,07 0,45 0,74
X2 : Chi2 ; t : test de Student ; Z = test de Mann-Whitney. En gras : valeurs les plus significatives, retrouvées lors de la comparaison des profils 2 à 2. a Résultat significatif.
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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Il correspond au TPL dans sa description princeps avec cependant une dimension plus inhibée : plus de difficultés de verbalisation et de manque d’authenticité dans la relation, plus d’isolement social. Les conduites sont orientées contre soi et dans une moindre mesure vers l’extérieur. Il existe également des troubles perceptifs (phénomènes dissociatifs et expériences d’allure psychotique). Ce profil se distingue du profil 3 par la présentation intériorisée des symptômes. Les manifestations du profil 1 sont à dominante intrapsychique avec des manifestations comportementales moindres : les dimensions d’abandon, de vide et d’angoisses sont les plus visibles avec des symptômes cognitifs tels que la dissociation et les expériences d’allure psychotique. Le deuxième profil illustre le concept de crise borderline à l’adolescence. Il décrit des adolescents plus âgés lors de l’inclusion (16 ans et demi) avec autant de filles que de garc¸ons. Ces jeunes ont pour la majorité d’entre eux, des parents séparés (68,3 %, résultat significatif en comparaison au profil 3 : 2 = 5,42, p = 0,02*). Ces jeunes ont des antécédents personnels de troubles externalisés (TDAH, troubles des conduites, trouble oppositionnel avec provocation et autres troubles apparentés) (2 = 9,11 ; p = 0,01* et résultat significatif en comparaison deux à deux : profil 2 versus profil 1 et profil 2 versus profil 3). L’environnement est moins traumatisant que pour les deux autres profils. On retrouve moins de traumatismes à l’adolescence, notamment les agressions sexuelles même si ce dernier résultat n’est pas significatif. Le profil est de sévérité moindre car on ne retrouve quasiment pas d’hospitalisation et moins de passages à l’acte autoagressifs (entre 35 et 40 % contre 70 % dans les 2 autres profils, résultat significatif cf. Tableau 9). Il existe moins de conduites à risque (moins de 50 % de l’effectif de ce profil). En effet, la population constituant le profil 2 a été majoritairement sélectionnée lors du suivi ambulatoire (68,3 %). Le profil 2 se caractérise par moins d’angoisses (63,4 %) et moins de sentiment d’abandon (75,6 %), moins d’impulsivité (75,6 %, résultat significatif en comparaison au profil 3 : 2 = 5,37, p = 0,02*), moins de sentiment de vide (60 %, résultat significatif en comparaison au profil 1, 2 = 5,45, p = 0,02*) mais plus d’intolérance à la frustration (75,6 %, résultat significatif en comparaison au profil 1 : 2 = 3,90, p < 0,05*). Le troisième profil, trouble borderline expressif labile à l’adolescence, en revanche, présente des symptômes parfois aussi graves que le profil 1 avec une prédominance des conduites à risque, des relations instables et conflictuelles. Près de la moitié des adolescents de l’étude sont dans ce groupe. Le profil 3 a une majorité de codes F 92 (troubles mixtes des conduites et des émotions survenant dans l’enfance ou l’adolescence) (46,4 %, 2 = 8,35, p = 0,01*). Par ailleurs, il se différencie du premier profil par une histoire moins traumatisante dans l’enfance (moins de violences physiques et de violences psychologiques, respectivement : 8,9 % versus 30 % 2 = 4,71, p = 0,03*, 19,6 % versus 45 %, 2 = 4,59, p = 0,03*). Cependant, l’adolescence apparaît traumatique et vécue comme tel. C’est dans ce profil qu’on retrouve le plus de traumatismes psychologiques à l’adolescence (55,3 %, résultat significatif en comparaison au profil 3 : 2 = 4,28 ; p = 0,04*).
La population de ce groupe est essentiellement féminine (78,6 % de filles dans ce profil : 2 = 6,8, p = 0,03*). On retrouve une fréquence importante de l’impulsivité au sein du profil 3 (92,6 %) avec plus de conduites à risque (73,2 %, 2 = 7,29 ; p < 0,03*). La verbalisation émotionnelle est plus aisée (moins de difficultés à verbaliser les émotions : 2 = 7,87 ; p = 0,02*) avec moins de somatisations (résultat non significatif). Le sentiment d’abandon est non négligeable alors qu’il s’agit des adolescentes les moins isolées (2 = 10,20 ; p < 0,01*). Ceci peut s’expliquer par des relations apparaissant compliquées et très souvent conflictuelles (88,9 %, résultat non significatif). La verbalisation émotionnelle est plus facile (2 = 7,87 ; p = 0,02*).
4. Discussion Le diagnostic de TPL est fréquent à l’adolescence mais il n’est pas homogène et recouvre des entités cliniques variées. Notre étude a ainsi permis de distinguer trois profils cliniques : • « le profil 1 » correspond au TPL représentant moins de 20 % de la population de l’échantillon ; • « le profil 2 » que nous avons nommé crise borderline à l’adolescence représentant 35 % de l’échantillon ; • « le profil 3 » correspondant au trouble borderline expressif labile (près de 50 % de l’échantillon). Ces profils sont cliniquement différents (Tableau 10). Notre étude a permis de recruter un échantillon important d’adolescents portant le diagnostic de TPL avec un spectre large d’intensité des symptômes puisque nous avons étudié les données d’un service d’hospitalisation et d’un service de consultations ambulatoires spécialisées. Un autre point fort de notre étude est la méthode de sélection originale avec la création de la grille de correspondance symptomatologique. Cette grille apparaît pertinente du fait du nombre relativement important de validation par le clinicien référent au regard de la sélection via la grille (taux de validation en hospitalisation de 72,9 % et en consultation : 59 %. Notre échantillon est constitué d’un tiers de garc¸ons, ce qui est conséquent au regard des études s’intéressant au TPL. La fourchette d’âge d’adolescents inclus est également étendue avec une population âgée de 13 à 18 ans. La prévalence du TPL est cependant plus faible dans notre étude en comparaison des données de la littérature : près de 10 % en consultations externes (9,0 % dans notre étude) et près de 20 % en hospitalisation (19,4 %) contre 11 à 22 % en ambulatoire [12] et près de 50 % en hospitalisation [13]. Le début des troubles se situe autour de l’âge de 13 ans, ce qui concorde avec les données de la littérature [14,15]. La comparaison des codes CIM-10 les plus fréquents, F 60.3 (trouble de personnalité émotionnellement labile) et F 92 (troubles mixtes des conduites et des émotions) a montré que les adolescents ayant le code F 60.3 avaient une symptomatologie plus sévère (plus d’hospitalisation) avec des antécédents pédopsychiatriques plus importants.
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Tableau 9 Description et comparaison des dimensions cliniques des 3 profils. X2 ou t ou Z
p
36 (64,3) 40 (71,4) 28 (50,0) 31 (55,4) 19 (33,9 %) 41 (73,2)
14,61 10,77 0,21 0,44 6,08 7,29
0,00a < 0,01a 0,90 0,80 < 0,05a < 0,03a
31 (75,6) 31 (75,6) 29 (70,7) 31 (75,6) 27 (65,9) 26 (63,4) 7 (17,1) 7 (17,1) 13 (31,7) 31 (75,6)
50 (92,6) 39 (72,2) 34 (63,0) 38 (69,1) 35 (43,2) 40 (74,1) 5 (8,9) 4 (7,1) 13 (23,2) 44 (80,0)
7,05 4,25 1,23 1,08 7,87 14,23 11,42 13,20 3,34 4,15
0,03a 0,12 0,54 0,58 0,02a 0,00a 0,00a 0,00a 0,19 0,13
17 (85,0) 16 (88,9) 5 (27,8) 11 (61,1)
30 (73,2) 24 (60,0) 18 (45,0) 6 (15,0)
42 (76,4) 20 (64,5) 14 (45,2) 6 (19,4)
1,13 5,63 14,21
0,57 0,60 < 0,01a
14 (70,0) 12 (63,2) 18 (94,7) 16 (84,2)
35 (85,4) 28 (68,3) 31 (75,6) 22 (55,0)
48 (88,9) 30 (61,2) 38 (70,4) 23 (43,4)
3,54 0,50 5,79 10,20
0,17 0,78 0,05 < 0,01a
15 (83,3)
26 (65,5)
36 (75,0)
2,40
0,30
Variables
Profil 1 n = 20 (moy. ± ou %)
Profil 2 n = 41 (moy. ± ou %)
Profil 3 n = 56 (moy. ± ou %)
Âge présumé du début du trouble (en années) Conduites Tentatives de suicide Scarifications/automutilations Hétéroagressivité Consommations de toxiques ou pratiques quasi-addictives TCA Conduites à risque Émotions Impulsivité Intolérance à la frustration Labilité émotionnelle Colères disproportionnées Difficultés à verbaliser les émotions Angoisses et manifestations anxieuses Déréalisation/dépersonnalisation Expériences d’allure psychotique Somatisations et plaintes somatiques Angoisses d’abandon Humeur Dépression ou dépressivité Sentiment de vide existentiel Modéré Intense Relations Instabilité des attachements et relations conflictuelles Sensitivité relationnelle et hostilité Manque d’authenticité de la relation Isolement social Narcissisme Faible estime de soi
13,3 ± 1,4 (11–17)
13,2 ± 1,4 (11–16)
13,3 ± 1,3 (11–16)
16 (80,0) 15 (75,0) 9 (45,0) 12 (60,0) 10 (50 %) 12 (60,0)
14 (34,1) 17 (41,5) 19 (46,3) 21 (51,2) 8 (43,9 %) 19 (46,3)
19 (95,0) 10 (50,0) 15 (75,0) 16 (80,0) 19 (95,0) 20 (100,0) 9 (45,0) 9 (45,0) 9 (45,0) 19 (95,0)
X2 : Chi2 ; t : test de Student ; Z = test de Mann-Whitney. En gras : valeurs les plus significatives, retrouvées lors de la comparaison des profils 2 à 2. a Résultat significatif.
Les symptômes prédominants sont comme nous nous y attendions les plus spécifiques du trouble borderline. Nous les avons classés selon la catégorisation de Zanarini : • des symptômes aigus : la labilité émotionnelle (symptôme affectif) et les tentatives de suicide (symptôme impulsif) ; • des symptômes tempéramentaux : le sentiment de vide d’intensité sévère et le sentiment d’abandon (symptômes interpersonnels). On trouve également plus d’angoisses et des troubles de l’estime de soi d’intensité sévère, ce qui peut correspondre aux troubles de l’identité (symptômes cognitifs). La prédominance des symptômes tempéramentaux dans ce groupe peut faire craindre l’inscription dans un trouble de longue durée. Le groupe F 60.3 est d’ailleurs associé au groupe 1 (cf. cidessous). Nos résultats concernant la psychopathologie valide le codage F 60.3. Les adolescents TPL ayant le code F 92 se distinguent non seulement par la moindre sévérité des symptômes énoncés ci-dessus mais aussi par le fait qu’il existe plus de colères inappropriées et plus de conduites à risque (résultats non
significatifs pour ce code). Là encore, les symptômes retrouvés correspondent à la définition de troubles mixtes des conduites et des émotions : la colère inappropriée peut être le reflet d’une irritabilité importante, marqueur d’un état dépressif. Il conviendrait de réserver le code F 92 pour les troubles mixtes débutant à l’adolescence (cf. nos propos concernant le groupe 3 ci-après). 4.1. Le profil 1 : trouble de personnalité limite Le profil 1, TPL, correspond au fonctionnement limite, au sens psychanalytique, marqué par des angoisses de perte d’objet, une relation d’objet d’ordre anaclitique et l’utilisation du clivage (il y a en effet plus de TCA dans ce groupe). Il existe une prédominance de l’inhibition dans la relation, ce qui se traduit par un plus grand isolement social. Le sentiment de vide pourrait être le témoin de l’échec des attachements précoces (ceci étant conforté par le fait que ces jeunes ont un parcours émaillé de placements). L’évolution pourrait être péjorative. Il pourrait correspondre au type inhibé des fonctionnements limites retrouvés dans le Rorschach [16].
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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Tableau 10 Résumé des caractéristiques de chaque profil. Profil 1
Profil 2
Profil 3
15 ans ½ F 60.3 ; F 60.9.8 5 en moyenne 1/3 de garc¸ons ATCD familiaux et ESPT
16 ans ½ F 41.2 NON Mixte Troubles externalisés Parents séparés
15 ans F 92 1 à 2 hospitalisations ¾ féminin –
Placement surtout après 12 ans Plus de traumatismes dans l’enfance
Moins de traumatismes à l’adolescence
Plus de traumatismes à l’adolescence
++ + + –
+ – – ++
Sentiment d’abandon Sentiment de vide d’intensité sévère Angoisses Dissociation et expériences d’allure psychotique Manque d’authenticité de la relation
+++ ++ +++ ++ +
– – – Non –
Isolement social sévère
++
–
Trouble de personnalité limite
Crise borderline à l’adolescence
+ + ++ Relations conflictuelles ++ + + – Non Bonne verbalisation émotionnelle Meilleure intégration sociale Trouble borderline expressif labile
Âge à l’inclusion Codes CIM 10 Hospitalisation Sex ratio Antécédents psychiatriques Famille Placement Traumatismes Dimensions psychopathologiques TCA PAA autoagressifs Conduites à risque et impulsivité Intolérance à la frustration et instabilité des attachements
Hypothèse typologique
4.2. Le profil 2 : crise borderline à l’adolescence Une enfance « agitée » serait prédictive d’une adolescence « compliquée » s’apparentant à la symptomatologie borderline comme le montre le profil 2, crise borderline à l’adolescence. On peut émettre l’hypothèse que le contexte familial favoriserait l’expression d’une symptomatologie hétérogène avec des symptômes moins bruyants mais une plus grande intolérance à la frustration et des relations plus conflictuelles. On retrouve, en effet, une dislocation familiale plus importante dans ce groupe. Cet ensemble laisse présager une évolution favorable.
4.3. Le profil 3 : trouble borderline expressif labile Le profil 3, trouble borderline expressif labile se manifeste de fac¸on bruyante. Le terme de « trouble borderline » convient bien pour définir ce profil car il se rapporte à la dimension comportementale des symptômes, comme M. Robin l’argumente [17]. Ce groupe pourrait ainsi correspondre au deuxième type des fonctionnements limites décrits par Chabert : le type expressif et labile. On peut émettre l’hypothèse que ce trouble serait circonscrit dans le temps. Il évoluerait sous une autre forme à l’âge adulte. On pourrait rapprocher ce profil clinique du trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle du DSM-5 [18]. Il s’agit en effet d’un trouble de l’humeur survenant dans l’enfance se caractérisant par une irritabilité chronique et persistante se traduisant par des colères importantes. Ce trouble persiste à l’âge adulte sous forme de troubles dépressifs.
Ainsi, au regard de notre étude, nous observons que la majorité des adolescents diagnostiqués avec un TPL ne souffrent pas d’un trouble constitué de la personnalité (nous parlons ici du troisième profil clinique) et que seulement une minorité, les adolescents du premier profil, ont une pathologie avérée qui semble évoluer depuis l’enfance. Les symptômes « limites » seuls ne suffisent pas. Il est intéressant d’investiguer la psychopathologie associée avant de pouvoir établir un éventuel diagnostic et de proposer une prise en charge adaptée qui en découle. Ces trois tableaux cliniques confortent l’intérêt d’une nosographie dimensionnelle à l’adolescence plutôt que catégorielle, les symptômes étant évolutifs. Les psychiatres d’adolescent sont d’ailleurs plus attentifs à l’aspect dimensionnel car seulement une minorité des patients de notre étude ont été initialement diagnostiqués comme ayant un trouble de personnalité. L’évolution de ces trois groupes d’adolescents n’est probablement pas la même. Nous pouvons ainsi créer un continuum entre un aspect « normal » de l’adolescence en passant par l’aspect pathogène de la crise borderline à l’aspect pathologique du trouble borderline expressif labile et du TPL représentés. 4.4. Limites Notre étude est rétrospective avec les biais que nous connaissons. Nous n’avons pas évalué la fiabilité interjuge du diagnostic de TPL à partir d’un échantillon de dossiers du fait des réserves faites sur la fiabilité du diagnostic de TPL à l’adolescence [19]. Les résultats sont tributaires du codage CIM-10 attribué à un
Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001
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moment donné. Il est possible que la fréquence du TPL soit mal estimée dans notre étude. Malgré tout, nous avons retrouvé une prévalence similaire des adolescents TPL en 2013 et en 2014 en hospitalisation (19,6 et 19,2 % respectivement), ce qui tempère ce potentiel biais. Par ailleurs, les critères cliniques n’ont pas été évalués selon une grille standardisée. Il manque enfin une étude du suivi de l’évolution de ces adolescents pour confirmer ou infirmer les hypothèses typologiques formulées au décours de cette étude. 5. Conclusion Bien que la symptomatologie borderline soit fréquente à l’adolescence, notre étude a permis de distinguer différents profils cliniques. Nous avons montré que seule une minorité souffre d’un TPL constitué avec les symptômes cardinaux, correspondant au premier profil clinique. Il s’agit de jeunes au parcours de vie marqué par une prévalence plus élevée de traumatismes dans l’enfance. Il se dégage une continuité des troubles dès l’enfance. La symptomatologie est tournée vers soi avec une inhibition relationnelle. L’évolution pourrait être péjorative. Si certains patients avec symptomatologie borderline souffrent effectivement d’un TPL constitué, une majorité souffre d’un trouble borderline avec des symptômes comportementaux extériorisés prédominants. Ce trouble serait lié à des événements traumatiques ressentis comme tel au moment de l’adolescence. Ce trouble ne s’inscrirait pas forcément dans un trouble de personnalité constitué. Des études de suivi pourraient valider cette hypothèse. Un troisième profil s’est dégagé, plus contextuel, correspondant à la crise borderline à l’adolescence avec une symptomatologie plus hétérogène et moins sévère. Ce travail révèle l’importance de l’approche dimensionnelle et différentielle à cet âge où les caractéristiques psychopathologiques se confondent avec la psychodynamique de l’adolescence et montre un continuum entre les différents profils cliniques. Ce n’est pas le diagnostic de TPL qui fait l’évolution et la prise en charge, ce sont les facteurs psychopathologiques associés. Il serait intéressant d’étudier le devenir des jeunes de ces différents profils afin de mieux cerner l’évolution dans une approche développementale. Ceci pourrait contribuer à innover des approches thérapeutiques plus ciblées selon la psychopathologie associée. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Pour citer cet article : Auffret A, et al. Trouble de personnalité limite à l’adolescence : quelle réalité clinique ? Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.02.001