Annales de chirurgie plastique esthétique (2017) 62, 375—386
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Analyse clinique avant chirurgie de rajeunissement cervico-facial Clinical analysis before surgery in facial and neck rejuvenation M. Rouif a,*,b, P. Bogaert c a
30, boulevard Heurteloup, 37000 Tours, France ˆ le sante ´ Le ´ onard-de-Vinci-1, avenue du Professeur-Alexandre-Minkowski, 37350 Chambray-les-Tours, Po France c ´ esthe ´ tique Lafayette, 5, place Aristide-Briand, 44000 Nantes, France Carre b
MOTS CLÉS Lifting cervico-facial ; Vieillissement facial ; Rajeunissement facial ; Chirurgie ; Face ; Indication ; Joue ; Bajoue ; Cou ; Front ; Sourcil
Résumé L’examen clinique est la première étape de toute démarche thérapeutique médicale ou chirurgicale. Sa qualité est essentielle afin d’adapter le traitement à la demande du patient. Dans le cadre du rajeunissement facial, l’interrogatoire et la compréhension des motivations, photos anciennes à l’appui, participent à l’évaluation. La connaissance de l’anatomie et du processus de vieillissement facial facilite l’analyse. Il s’agit non seulement de déterminer le degré de ptôse tissulaire, mais aussi d’évaluer les variations volumétriques. Enfin, les tensions musculaires et la qualité cutanée participent à la genèse de rides distinctes. Ces modifications complexes aboutissent à un aspect fatigué ou triste, voire âgé. Les demandes des patients, souvent limitées à une seule région, ne doivent pas dispenser d’une analyse globale. Le rôle du praticien est aussi de faire prendre conscience au patient, avec tact, de l’incidence des autres régions sur l’impression générale. L’objectif sera d’obtenir un résultat harmonieux, naturel qui signe l’excellence du savoir-faire médicochirurgical. L’examen clinique doit, en outre, permettre de repérer les difficultés techniques. Enfin, un bilan photographique, voire vidéo, fixe l’analyse et permet de disposer d’éléments objectifs pour affiner le traitement, aider à sa compréhension et évaluer le résultat. Le temps passé à examiner et expliquer permet de statuer avec le patient sur les choix thérapeutiques et d’en préciser leurs limites. Il permettra ainsi d’accroître la satisfaction du patient qui doit s’approprier le résultat. Cet effort d’analyse est dès lors un acte opératoire, tout aussi important que la technique elle-même. Apporter un résultat « sur mesure », indispensable lorsqu’il s’agit de l’image de la personne, constitue enfin la garantie du plaisir à toujours vouloir améliorer notre pratique. # 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (M. Rouif),
[email protected] (P. Bogaert). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2017.09.002 0294-1260/# 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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KEYWORDS Facelift; Facial rejuvenation; Face; Jowl; Neck; Forehead; Eyebrow; Necklift; Clinical analysis
M. Rouif, P. Bogaert Summary The first step to determine a medical or surgical intervention is the clinical exam. The clinical exam is the paramount step to provide a treatment plan that can be modified and individualized accounting the patient preferences. During the consultation for facial rejuvenation, attention should be paid to understand the patient’s motivation and expectations. A thorough understanding of the anatomy and the natural history of ageing will facilitate the analysis of the face. Not only the degree of ptosis but also the degree of volume loss will need to be assessed, as well as the influence of the facial muscles, the skin quality, and the different causes of rythids. The comprehensive age-related anatomical changes are often perceived and described as tiredness or sadness. Patients very commonly only point out a single anatomical region. During the consultation, the surgeon should provide the patient with the information of the comprehensive interplay of the different anatomical regions and their individual ageing process. Obtaining a harmonious, natural appearing outcome is the result of excellent surgical skills and applied knowledge. The clinical exam should also find out traps and technical difficulties. Although standardized photographs allow a static evaluation of one’s result, video may deliver additional information about the postoperative result, and may contribute to the understanding of the technique used. Spending the additional time by performing a thorough facial analysis and preoperative planning is well-invested time. Having a good understanding of the possible surgical improvements and limitations will be beneficial for both, the patient and the surgeon. Managing the expectations of the patient and careful preoperative planning will increase patient’s satisfaction. At the same time, the surgeon will able to critically assess his/ her own result and taking pleasure improving their own technique. # 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Le lifting cervico-facial est l’intervention « reine » du rajeunissement du visage et du cou. Bien que nous soyons dans l’esprit des renouveaux technologiques avec l’apparition des simulations 3D (voir chapitres suivants), des échanges de mails avec des patients demandeurs tant en information qu’en résultat, l’interrogatoire soigneux et l’analyse clinique durant la consultation initiale demeurent un moment clé. Rien ne remplace à ce jour un examen clinique précis qui amène à choisir la technique la plus appropriée à chaque patient. Cette étape nécessite du temps et constitue déjà une grande partie de la réussite du projet thérapeutique. Elle contribue en outre au plaisir de la réalisation d’un acte médicochirurgical cervico-facial, minutieux, adapté à chaque patient, régulièrement important tant pour le patient que pour l’opérateur. Le lifting cervico-facial s’adresse aux femmes mais aussi à de plus en plus d’hommes. La morphologie du visage, les rebords osseux, l’épaisseur et la qualité de la peau, l’adiposité jugale et cervicale, la pilosité doivent être détaillés pour permettre un plan de traitement précis et préciser le résultat attendu. Aujourd’hui, beaucoup de patients ont déjà eu recours à la chirurgie ou à la médecine esthétique d’où la nécessité de rechercher les antécédents de chirurgie du visage et du cou (lifting, fils tenseurs), d’injections (toxine botulique, acide hyaluronique ou autres produits résorbables ou non résorbables). Soulignons aussi que le profil du patient et ses attentes peuvent être différents selon sa culture et ses origines, son lieu (dans le Nord ou le Sud de la France par exemple) ou son mode de vie. Nous n’aborderons pas dans ce chapitre toute la partie du statut psychologique du patient dont on connaît l’importance. Le profil du chirurgien retenu n’est pas non plus sans incidence sur le résultat escompté. Ainsi, le rajeunissement et l’embellissement peuvent être perçus de manière très différente selon les patients et selon les chirurgiens. L’interrogatoire d’un patient dans une démarche de lifting cervico-facial est primordial. Son âge, ses antécédents
médicaux, sa profession, son habitus de vie (tabagisme, pratique sportive, activité professionnelle. . .), l’exposition solaire sont autant d’éléments utiles qui guident le praticien. Prendre le temps d’écouter les motivations du patient et son histoire de vie, savoir cerner ses attentes sont des « fondamentaux ». Curieusement, les premières doléances ne concernent pas toujours un besoin de rajeunissement, exprimé comme tel, mais bien souvent un souhait de paraître moins fatigué, plus en forme, moins triste,. . . Il existe là une confusion étonnante entre le vieillissement et l’humeur, les émotions qui ne répondent pas aux mêmes critères cliniques. La face communique les émotions, le profil est plus vecteur du seul vieillissement (cou, paupières, ovale, projections des volumes de la joue, nez, menton). Certains auteurs ont tenté de déterminer l’information véhiculée par chaque zone de la face mais l’analyse reste très complexe [1]. La demande peut aussi être étayée par le désir de ne pas voir apparaître les traits de vieillissement d’un parent, photographies parfois à l’appui. Par ailleurs, le patient souhaite-t-il un rajeunissement spectaculaire ou un effet plutôt discret avec une éviction sociale la plus courte possible ? Enfin, doit-on se limiter à la seule région évoquée ou allons-nous aborder pour un résultat plus homogène et plus naturel un plan de traitement facial médicochirurgical plus ambitieux comme le souligne Nahai [2] ? Une photographie du patient jeune adulte au repos (si possible de meilleure qualité que celle de son permis de conduire) ainsi qu’une autre au sourire permettent d’analyser la volumétrie faciale et la balance musculaire présentes à cette époque. Le vieillissement facial n’est plus seulement une question de remise en place de tissus détendus, entre autres par la gravité, mais réellement une réadaptation volumétrique liée à des modifications de tous les types de tissus [3,4]. Les photos faites lors de la consultation sont essentielles par la suite en salle opératoire et pour le suivi, permettant de
Analyse clinique avant chirurgie de rajeunissement cervico-facial renforcer encore la satisfaction postopératoire pour le patient et d’évaluer plus objectivement le traitement effectué. Elles doivent être prises sans maquillage, en ôtant les accessoires, bijoux, et en réclinant les cheveux. Les incidences, les distances focales utilisées, l’arrière-plan photographique, l’éclairage doivent être adaptées et reproductibles. Les incidences doivent au moins comprendre la face, les profils, les trois-quarts en position neutre (plan de Francfort horizontal, ligne des épaules perpendiculaire à l’axe du regard), mais aussi des clichés plus spécifiques à la demande comme cou fléchi, regard en haut et en bas, contraction musculaire des peauciers, lors du sourire,. . . (Fig. 1). Ces photographies peuvent être complétées de courtes vidéos afin d’analyser la dynamique cervico-faciale du patient.
Modalités de l’examen clinique Selon l’heure de la consultation dans la journée (tôt le matin ou en fin de journée), la valeur de l’examen clinique sera quelque peu différente du fait du relâchement musculocutané et de l’état de fatigue du patient (paupières, commissures). L’examen clinique doit être fait assis à côté du patient devant un miroir, en lumière douce et homogène. La position de la tête doit être neutre dans un premier temps, regard droit devant dans le miroir qui est tenu par le patient à hauteur du regard (plan horizontal de Francfort), ligne des épaules bien perpendiculaire à l’axe de celui-ci. Cette position, parfois difficile à tenir pour le patient, qui a tendance à regarder le praticien, permet de bien objectiver (comme sur la photo préopératoire) les différentes caractéristiques de la face et du cou. L’inspection recherche des asymétries du visage, certains détails anatomiques parfois masqués par le port de lunettes, la présence de cicatrices éventuelles chirurgicales ou traumatiques, ou encore de zones de dyschromie à la suite d’un traitement au laser, de peeling profond ou d’une dermabrasion. Il est intéressant d’examiner ensuite le visage à la mimique puis fléchi sur le cou évaluant l’élasticité cutanée. Enfin, la position allongée permet d’apprécier l’incidence des forces gravitationnelles s’exerçant sur les tissus, leur repositionnement, et l’effacement ou le caractère estompé
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des sillons. Cela permet de valider entre autre l’incidence des vecteurs, les résections cutanées probables (en avant du tragus) et les adaptations de volume à prévoir pour la chirurgie. La palpation et l’inspection permettent de repérer les ligaments de Furnas, suspenseurs de la face, les rebords osseux, l’épaisseur des tissus sous-cutanés et leur élasticité. Tous les points fixes du visage jouent le rôle de poulie des muscles superficiels (Bossé), limitent les déplacements cutanés lors de la mimique. Ils jouent un rôle vasculaire [5] et luttent contre les effets de la pesanteur. Enfin, la qualité de la peau influence très fortement le résultat attendu. La terminologie des structures anatomiques superficielles et profondes de la face et du cou est primordiale afin de mieux communiquer tant avec les patients qu’entre praticiens. Les diverses structures anatomiques abordées dans ce chapitre seront confrontées à la terminologie clinique la plus habituelle pour faciliter la compréhension. Un lexique permet également de faire le lien entre les principaux termes cliniques courants, anglophones et francophones (Encadré 1). Le lifting cervico-facial répond à un affaissement des tissus et notamment de la peau. L’examen clinique s’attachera à classifier le degré de ptôse pour poser la bonne indication chirurgicale et organiser un arbre décisionnel. On peut s’aider de plusieurs classifications [6,7]. Marchac et Marchac [8] proposent : ptôse débutante : amorce d’un repli latéro-commissural et d’un excédent cutané cervical. Un pincement préauriculaire remet en place la joue et la région latérocommissurale. Elle disparaît chez le patient allongé ; ptôse moyenne : affaissement latéro-commissural et excédent cutané cervical évident à la flexion ; ptôse importante : bajoues, repli latéro-commissural marqué, affaissement cervical. La qualité cutanée est essentielle à évaluer pour le plan de traitement en particulier l’élasticité diminuée en cas de tabagisme ou d’élastose solaire. L’adiposité cervico-faciale, très variable par son importance et sa localisation, doit aussi être évaluée et peut être classifiée [6] en :
Figure 1 Bilan photographique préopératoire. Regard droit devant, position de la tête dans le plan de Francfort horizontal, ligne scapulaire perpendiculaire au regard (a,b,c). a : face ; b : trois-quarts ; c : profil ; d : profil cou fléchi ; e : face.
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M. Rouif, P. Bogaert
Encadre´ 1. Lexique franco-anglais des termes de description clinique de la face et du cou. rides du lion, rides verticales glabellaires,
frown-lines, glabellar furrows. patte d’oie, cross-feet wrinkles. jonction palpe´bro-jugale, cerne, lid-cheek junc-
tion (LCJ), nasopalpebral groove (cerne interne), palpebromalar groove (cerne externe). valle´e des larmes, tear trough. poche malaire, malar bag, malar mounds, malar crescent. compartiment graisseux malaire, graisse pre´malaire, malar fat pad (MFP). pli sous-malaire, sillon me´dio-jugal. boule de Bichat, buccal fat pad. bourrelet nasoge´nien. sillon naso-ge´nien, naso labial folds. pli ou sillon sous-commissural, repli late´rocommissural, marionnette lines, pli d’amertume, pli ou sillon labio-ge´nien ou labiomentonnier. goutte de parfum, musculo-mandibular triangle. pli sous-mentonnier (et non sous-mental, merci Alain Fogli), submental crease.
adiposité nulle aussi bien cervicale que jugale ; adiposité moyenne avec un excédent graisseux cervical entre la peau et le peaucier du cou ; adiposité importante : excédent sous-cutané mais aussi sous le peaucier, dans la zone médiane. Excédent graisseux au niveau des bajoues à évaluer et réséquer avec prudence. Il est donc essentiel de pouvoir évaluer le patient dans son poids d’équilibre. Dans cet esprit, il peut être utile de l’examiner à nouveau lors de la 2e consultation préopératoire pour confirmer les choix techniques retenus, concernant plus spécifiquement les adaptations volumiques (auto-transferts graisseux, liposuccion). Enfin, d’un individu à l’autre, l’importance des rides est très variable et influencée par de nombreux facteurs (exposition solaire, âge, hérédité, qualité cutanée, variation hormonale). Ainsi on peut décrire 3 types de rides par leur étiologie : rides d’expression, perpendiculaire à l’action musculaire (patte d’oie, frontale, glabellaire, verticales des lèvres, horizontales du cou) ; rides liées aux points d’ancrage et zones de fixation (sillon naso-génien, pli labio-génien, pli malaire) ; rides liées à la fracture cutanée de l’élastose telles que les rides verticales en pleine joue, au niveau du cou,. . . Par leur degré d’évolution :
rides débutantes : latéro-commissurales et de la patte d’oie ; rides moyennes : repli latéro-commissural, rides cervicales (horizontales) et médio-jugales ; rides prononcées : joues (rides verticales), repli latérocommissural incrusté, rides palpébrales multiples, rides cervicales verticales postérieures. L’analyse sera effectuée au niveau des différents étages de la face et du cou. En effet, le vieillissement cervico-facial peut être harmonieux entre ces différents étages ou dissociés [2,6,8]. Une des principales caractéristiques d’un résultat naturel est de restituer un aspect harmonieux entre les différents étages de la face et du cou.
Le tiers supérieur de la face Examen du front Le front nécessite une évaluation précise, du point de vue de ses rapports anatomiques avec le cuir chevelu et les sourcils, de sa mobilité, des rides glabellaires, de la position des sourcils et enfin de son incidence sur les paupières supérieures. Il constitue souvent la première région faciale concernée par le relâchement tissulaire (Fig. 2). L’analyse fine de la région frontale révèle une couche musculo-aponévrotique inextensible, avec un muscle frontal et ses extensions adhérentes à la peau. Le front est délimité en dehors par la crête temporale, en haut par la lisière du cuir chevelu et en bas par les sourcils. Le muscle frontal, pair, est en continuité avec la galéa en arrière et avec les deux-tiers internes de la peau sourcilière. Immédiatement sous son aponévrose profonde se trouvent les coussins adipeux de Charpy situés dans le plan de glissement du sourcil et très variables d’un individu à l’autre. On comprend aisément la valeur du front dans l’expression du patient. On remarque que la manœuvre d’étirement de la zone frontale du visage par nos doigts lors de l’examen clinique est peu efficace sur l’effacement des rides. Sa hauteur et sa largeur doivent être analysées, en fonction des sourcils et de la distance sourcils/tempe. Les volumes du front font partie intégrante de nos jours de l’analyse clinique précise d’une zone frontale. L’aspect bossé, irrégulier du front doit être noté car pouvant donner une apparence dure au visage féminin tout particulièrement (discussion de greffes graisseuses, plus rarement de meulage osseux de l’arcade orbitaire supérieure). Sa courbure également doit être considérée notamment avant d’effectuer un lifting frontal endoscopique.
Examen du sourcil Le sourcil dit « idéal » réalise un arc décrit par Ellenbogen en 1983 [9]. Néanmoins, les variations de forme et de position sont très nombreuses comme le rappellent de nombreux auteurs [10,11]. La portion médiale du sourcil débute à l’aplomb d’une ligne verticale passant par le canthus interne. La portion latérale se termine par une ligne unissant la base de l’aile du nez au canthus externe. L’apex du sourcil se situe à la jonction des deux-tiers médiaux et du tiers latéral, à l’aplomb du limbe latéral. La
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Figure 2 Le tiers supérieur de la face. a : rides frontales (RF) et glabellaires (RG) dites du lion, tension asymétrique sur les deux-tiers internes des sourcils exercée par le muscle frontalis avec incidence sur la peau palpébrale supérieure ; b : creusement de la région temporale vieillissante en arrière de la crête temporale (CT, en bleu).
position des sourcils, leur degré d’affaissement et la présence des rides glabellaires seront variables selon l’âge du patient. À l’âge de 30 ans, les rides sont peu ou pas présentes et le sourcil est en position normale. À l’âge de 40/ 50 ans, les sourcils commencent à ptôser et les rides glabellaires à se marquer. À partir de 60 ans, on observe un affaissement des sourcils et les rides fronto-glabellaires sont marquées. Le positionnement très variable du sourcil, sa distance à la pupille en bas, à la ligne d’implantation capillaire frontotemporale en haut, et par rapport à l’arcade orbitaire osseuse supérieure, doivent être bien observés et interprétés. Ces informations éviteront par exemple une élévation excessive des sourcils lors d’un lifting frontal. L’incidence de sa position est essentielle aussi dans l’analyse et la proposition de traitement de la paupière supérieure. En effet, sa position trop basse aggrave artificiellement l’excès cutané de la paupière supérieure. La distance sourcils/cils, trop faible accentue l’effet de fatigue. Ce n’est pas tant la position du sourcil que sa forme qui communique l’émotion comme le montre Knoll et al. [12]. La valeur du sourcil dans la communication des émotions est aussi confirmée si besoin par son utilisation très fréquente dans les smiley et émoticons, utilisés sur les smartphones, associés aux yeux et à la bouche. Il est très intéressant enfin d’examiner plus précisément le sourcil, sa pilosité, la présence d’un maquillage permanent et de s’enquérir des modalités d’une épilation. Ces éléments du maquillage peuvent en effet troubler momentanément l’analyse clinique. La présence de contractions du muscle frontal au repos doit être appréciée car signe d’une tentative de rehaussement du sourcil, plus ou moins consciente par le patient. La proposition de traitement pouvant associer des injections de toxine botulique ou une chirurgie des paupières supérieures doit en tenir compte. On peut faire prendre conscience au patient de ce fait en lui demandant de fermer les yeux une dizaine de secondes puis les ouvrir doucement en tenant le miroir pour évaluer la position du sourcil sans contraction frontale (ou faible).
Examen de la région glabellaire L’analyse de cette région consiste essentiellement dans l’analyse de l’activité des muscles corrugators et procerus, au repos et à la contraction. Ceux-ci sont des acteurs essentiels dans la dépression du sourcil. La balance musculaire est une notion fondamentale dans l’usage de la toxine botulique (voir chapitre ultérieur). Un traitement abusif sur les corrugators fera remonter exagérément les sourcils.
Examen de la région temporale Il s’agit d’une zone anatomique clé, presque exclusivement latérale. Elle possède des rapports anatomiques étroits avec le cuir chevelu dont elle est en partie couverte, la région frontale, la région malaire, la queue du sourcil, et la région canthale externe. Elle est traversée par des éléments vasculo-nerveux nobles (artère temporale superficielle, rameau frontal du nerf facial) dont l’anatomie bien décrite et rappelée par Fogli dans un chapitre ultérieur, doit être confrontée aux constatations cliniques afin de préciser les risques et contraintes de certaines indications opératoires [13]. L’examen clinique s’attachera à évaluer : l’importance de la surface temporale glabre très variable et sa qualité trophique (épaisseur cutanée) dont l’affinement avec le temps laisse progressivement apparaître les rebords osseux (crête temporale, rebord orbitaire et zygomato-malaire) ; la distance entre la ligne d’implantation capillaire et la queue du sourcil. Comme pour le front, ces éléments détermineront la position d’une cicatrice, dans le but d’obtenir ou de conserver une ligne d’implantation bien positionnée (éviter en particulier un recul trop important) ; la distance entre canthus externe et queue du sourcil ; les rides de la patte d’oie, c’est-à-dire l’activité contractile du muscle orbiculaire de l’orbite ;
380 enfin, la volumétrie de la fosse temporale. Cette région est remplie pour la majorité par le muscle temporal. Cette information est importante car le caractère creusé de cette région contribue considérablement au vieillissement général du visage. On discutera alors de comblement par « fillers » (acide hyaluronique ou autre) ou autotransferts graisseux [14].
Le tiers moyen de la face On parle de la sénescence de l’étage moyen de la face. Cette zone anatomique englobe la région orbito-palpébrale, la région malaire, la joue et le sillon naso-génien. N’importe quelle technique de lifting visera à remettre en position normale les tissus qui se sont déplacés avec les effets du temps comme la peau, le tissu adipeux, les plans fibromusculaires. Une des corrections les plus complexes et les plus discutées du tiers moyen de la face est celle du bourrelet naso-génien et de la région centro-faciale [15,16]. L’examen clinique du tiers moyen de la face s’attachera à comprendre la demande précise du patient, et à interpréter le mécanisme du vieillissement. Différents éléments seront examinés : la peau : une peau fine, peu élastique, abîmée par le soleil, avec des rides profondes donnera un résultat peu satisfaisant. Une peau tonique, sans élastose, et quelques rides superficielles présagera d’un meilleur résultat ;
M. Rouif, P. Bogaert la graisse sous-cutanée et les ligaments suspenseurs : véritable plan de dissection du lifting, très variable selon l’individu amaigri ou obèse, l’épaisseur du tissu graisseux influencera le résultat final notamment sur la définition des rebords osseux. Cette graisse est traversée par différents ligaments suspenseurs décris par Furnas en 1989 [5], qui s’insèrent depuis des structures profondes fixes jusqu’au derme. Il s’agit de ligaments ostéo-cutanés (zygomatique et mandibulaire), parotido-cutanés et massetéro-cutanés qui, selon l’étendu du décollement seront libérés. Ces points fixes d’ancrage sont à palper soigneusement (Fig. 3 et 4) ; le système musculo-aponévrotique superficiel (SMAS) : fine couche musculo-aponévrotique séparant le tissu graisseux sous-cutané du fascia parotido-massétérin et des branches du nerf facial, le SMAS est un plan de glissement important permettant de présager là aussi cliniquement d’un résultat évident. Son épaisseur palpée est variable selon la zone anatomique faciale [17].
Les muscles mimétiques de la face Ils sont nombreux, superficiels et profonds, innervés par le nerf facial et envoient des insertions sur la peau. Leur contraction permet les nombreux mouvements de la face notamment au niveau de la région péri-orbitaire et de la région péribuccale.
Figure 3 a : la jonction palpébro-jugale en forme de V (pointillés jaunes) dont le segment oblique interne constitue la vallée des larmes (VdL) ou tear trough ; rebord osseux orbitaire (pointillé fin bleu) ; b : poche malaire (flèche).
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Figure 4 Le tiers moyen de la face. a et b : pli médio-jugal (PMJ) ou malaire, vallée des larmes (VdL) ; c : joue creusée, bourrelet naso-génien (BNG) cutané pur et sillon naso-génien (SNG) marqué ; d : joue pleine avec BNG graisseux et SNG marqué.
Examen de la jonction palpébro-jugale Cette jonction entre la joue et la paupière inférieure, qui ne se distingue que par la texture cutanée dans la jeunesse, se marque peu à peu avec le vieillissement pour constituer une forme curviligne située quelques millimètres sous le niveau du rebord orbitaire inférieur. En dedans, le cerne est souvent plus creusé, parfois pigmenté en raison de la présence d’un ligament suspenseur orbiculaire interne (ORL, orbital retaining ligament) très puissant, appliquant la face profonde du muscle orbiculaire (m. orbicularis oculi) au contact du périoste. En externe, le ligament suspenseur est plus lâche et donne cet aspect en marche d’escalier au cerne externe. Au milieu, il n’existe pas de ligament, ce qui aboutit quand ce creusement est important, à l’aspect en V de la jonction palbébro-jugale [18,19] (Fig. 3). Ceci est essentiellement lié à la perte des volumes [3,4]. Le cerne interne de la jonction palpébro-jugale se poursuit vers le bas au-dessus du bourrelet naso-génien créant la vallée des larmes (tear trough) [20], qui continue sous la pommette par un possible pli ou sillon médio-jugal (Fig. 3 et 4). Dans sa partie externe, le cerne peut être aggravé, en particulier dans les relâchements cutanéo-ligamentaires importants par une poche malaire, véritable « banane » suspendue au-dessus de la pommette. Cette déformation focalise parfois toute l’attention de la patiente et ne doit pas être confondue avec une poche palpébrale externe. Son traitement peut être complexe et la cause multifactorielle [21] (Fig. 3 et 4).
Examen de la pommette Elle est constituée par la convexité de l’os malaire et par les tissus mous d’importance variable, en particulier du tissu
graisseux. Ce tissu graisseux « pré »-malaire est disposé en 2 plans l’un sous le muscle orbiculaire, de faible épaisseur (sub orbicularis oculi fat [SOOF]), l’autre superficiel au muscle orbicularis oculi, beaucoup plus épais, bien décrit par Rohrich et Pessa [22]. De ces éléments constitutifs, l’examen permettra de déterminer si l’ajout de graisse autologue est bénéfique ou non sur cette région ou sur la région palpébro-malaire située juste au-dessus (jonction palpébro-jugale externe). En effet, la région orbito-palpébrale doit être soigneusement examinée afin d’envisager un transfert de graisse autologue. La remise en place des tissus lors d’un lifting centro-facial permet avec une efficacité variable le traitement de la portion externe de la jonction palpébro-jugale. L’examen de la volumétrie prend tout son sens dans cette région. L’analyse de la vallée de larmes, éventuellement poursuivie par le pli médio-jugal (au-dessous de la pommette) tout comme celle de la poche malaire (au-dessus de la pommette) sont subtiles. La demande d’amélioration conjuguée de cette zone anatomique est importante, responsable en grande partie de l’aspect « fatigué » du visage. Il s’agit de zones très intéressantes et complexes dont les traitements seront abordés dans les chapitres correspondants de ce rapport.
Examen du sillon naso-génien et du bourrelet naso-génien Véritable entité anatomique, séparant la sous-unité anatomique de la lèvre supérieure de la joue, le sillon naso-génien est l’objet de demande d’amélioration en consultation parmi les plus fréquentes et souvent mal comprise (Fig. 4). L’examen minutieux de sa nature, de son ancrage naturel, de sa constitution (diminution du volume maxillaire et
382 dentaire), de l’épaisseur du pannicule adipeux, de la qualité de la peau et des tissus avoisinants permet de définir la bonne indication. Cette indication de correction peut être médicale et/ou chirurgicale. Le but est de l’estomper et surtout pas de le supprimer. Cliniquement, l’analyse devant un miroir, praticien placé derrière le patient ou patient allongé est d’une aide précieuse afin de se projeter vers un résultat naturel. Un sillon naso-génien et un bourrelet naso-génien susjacent s’examinent de manière statique et bien entendu dynamique lors de mouvement du sourire ou du baiser afin d’évaluer la profondeur de son ancrage ligamentaire et ses rapports étroits aux autres structures de la mimique faciale. L’examen clinique permet de définir si une résection du bourrelet naso-génien est nécessaire ou non (cas de patients très maigres). Zone anatomique très mobile et responsable de l’expression du tiers moyen du visage, son appréciation clinique permet d’évaluer le travail de correction, de retente à réaliser, sans le faire disparaître afin d’éviter le caractère trop figé de cette région.
Examen de la joue La qualité de la peau y est essentielle, les peaux très fines et peu élastiques, très ridées (élastose, tabagisme) posant parfois des problèmes de redrapage et de stabilité. Il existe des joues creuses sur un visage fin ou des joues plus convexes, épaisses avec un pannicule adipeux plus important et une boule de Bichat plus prononcée. La répartition graisseuse en compartiments de la joue a été particulièrement bien étudiée par Rohrich et Pessa [22]. De cette épaisseur va découler le geste de dissection dans un plan choisi, et une éventuelle résection de la boule de Bichat située entre le bord antérieur du masséter et les muscles buccinateurs. Différentes couches musculaires constituées de muscles de la mimique composent cette joue essentiellement antérieure et communicante : la première couche superficielle est constituée du muscle plastysma et du muscle risorius ; la deuxième couche comprend le muscle triangulaire des lèvres (depressor anguli oris), le muscle petit zygomatique (zygomaticus minor), le muscle orbiculaire des paupières (orbicularis oculi) ; la troisième couche est composée du muscle grand zygomatique (zygomaticus major), du muscle releveur de la
M. Rouif, P. Bogaert lèvre et de l’aile du nez (muscle labii superioris alaeque nasi) ; la quatrième couche comprend le muscle orbiculaire des lèvres (orbicularis oris), le muscle releveur propre de la lèvre (m. levator labii superioris) ; la cinquième couche est constituée par le muscle releveur de l’angle de la bouche (m. levator anguli oris), le muscle mental (mentalis), le muscle buccinateur (buccinator). La palpation de l’adhérence zygomatique pour le traitement de la région malaire et celle de l’adhérence massétérine pour pouvoir mobiliser la joue donnent une idée de ce qui est possible d’obtenir par la remise en position des tissus.
Examen de la région péri-auriculaire Son examen est particulièrement utile lors des liftings secondaires. Il n’est déjà pas rare que certaines patientes oublient de mentionner qu’elles ont déjà eu une intervention dans le passé. Il convient donc de regarder d’emblée s’il n’existe pas une cicatrice ancienne mais aussi d’examiner la forme du lobule qui peut être inhabituelle, parfois étirée vers le bas. Le vieillissement du lobule est aussi une réalité parfois distendue, trop important. Sa réduction et parfois son comblement peuvent faire partie de raffinements chirurgicaux. La migration vers le bas d’une cicatrice rétro-auriculaire ou le décalage de la ligne d’implantation capillaire doivent être notés et seront le lieu de discussion pour la technique d’incision à choisir, tenant compte en particulier des habitudes de coiffure de la patiente. La région prétragienne naturellement marquée par un sillon prétragien peut aussi présenter un manque de définition, après un ancien lifting, qu’il convient de notifier à la patiente dans le cadre du bilan préopératoire.
Le tiers inférieur de la face Motif de demande de rajeunissement, d’embellissement et de retente cutanée fréquente, le tiers inférieur du visage est l’étage de la face qui subit rapidement les effets du vieillissement. L’examen fin devant le miroir va chercher à examiner les angles (mentonnier, mandibulaire) et analyser la perte de l’ovale du visage (Fig. 5). La traction manuelle des tissus cutanéo-graisseux, du SMAS va mettre l’accent sur
Figure 5 Les tiers moyen et inférieur de la face : SNG : sillon naso-génien ; BNG : bourrelet naso-génien ; B : bajoue ; LM : ligament mandibulaire (Furnas) ; SLG : sillon labio-génien, marionnette line.
Analyse clinique avant chirurgie de rajeunissement cervico-facial les zones d’adhérence et le résultat prédictible en faisant varier la traction horizontale puis verticale selon les axes du lifting de cette région. La discussion avec la patiente lors de ces mouvements est indispensable afin de bien comprendre la demande et de montrer les effets possibles des vecteurs de tension. Il convient d’évaluer l’existence ou non d’un excédent cutané jugal. L’élévation de la joue en direction de la tempe mais surtout vers l’arrière corrige-t-elle l’affaissement du bas du visage (bajoue) ? Est-elle suffisante pour estomper réellement le sillon sous-commissural (pli d’amertume) ? Il est utile d’évaluer en arrière enfin l’importance de la masse du masséter (exemple des populations asiatiques) qui peut participer à un élargissement défavorable du tiers inférieur. À l’inverse, une insuffisance de volume à ce niveau peut nécessiter un comblement pour améliorer l’ovale. Son analyse repose donc sur plusieurs points : sur l’inspection de la bajoue, de la qualité de la peau, de l’élasticité, de la présence de cicatrice et sur la palpation de sa texture, de son épaisseur (tissu graisseux) et de sa forme qui peut se prolonger parfois dans la région sousmandibulaire ; sur l’examen du pli d’amertume (marionnette line, sillon labio-mentonnier), de la commissure labiale, de la formation d’une bajoue avec encoche mandibulaire marquée.
Examen des lèvres L’examen de la commissure labiale sera effectué de face également devant le miroir. On notera la présence éventuelle de signe de paralysie faciale ou d’hypertonie unilatérale liée à la toxine botulique ou autre. Le tonus musculaire des abaisseurs de la lèvre inférieure a ici une incidence importante. Toute asymétrie au repos ou au sourire devra être signifiée au patient en préopératoire de façon à éviter des remarques après chirurgie (Sylvester Stallone Syndrom par paralysie faciale gauche). L’analyse profonde repérera la couche graisseuse souscutanée à traiter ainsi que la palpation des rebords osseux. Le point fixe ostéocutané mandibulaire traverse le muscle platysma, s’insère sur le tiers antérieur du corps de la mandibule au-dessus du rebord mandibulaire, délimitant la partie antérieure de la bajoue. Point important souvent oublié, l’examen de l’os maxillaire supérieur avec l’arcade dentaire et la denture à la recherche d’anomalies. Le pli d’amertume (marionnette line), de plus en plus prononcé avec le vieillissement, est une zone complexe à traiter. Il peut être « alourdi » par des injections répétées d’acide hyaluronique, avec un « boudin » dans sa portion supéro-externe. La fonte osseuse mandibulaire peut aggraver le creusement de ce sillon également. Son décollement lors de la chirurgie doit être réfléchi car la mise en tension peut modifier la commissure labiale entraînant un effet de « bouche de joker » redoutée par les patients. La mise en tension manuelle préopératoire permet de définir avec le patient l’action du lifting sur le pli d’amertume et la commissure selon les gestes réalisés et l’étendu du décollement.
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La lèvre supérieure nécessite un examen attentif car son incidence sur l’aspect général du vieillissement facial est parfois majeure. Il existe régulièrement un allongement vertical de la lèvre blanche qui couvre les incisives au sourire. La lèvre rouge est plus fine. Les volumes de la lèvre diminuent en raison de la détente musculaire mais aussi de la perte de soutien postérieur (os alvéolaire). L’arc de cupidon (fin bourrelet entre lèvres rouge et blanche) disparaît. Enfin la présence de rides superficielles ou profondes verticales (parfois indélicatement identifié à un « code-barre ») font discuter plusieurs approches de traitement (comblement, lifting, resurfaçage). L’examen de profil du menton, de sa position par rapport à la bouche et par rapport à l’orbite et au front (profiloplastie) termine l’examen du tiers inférieur. Il permet d’anticiper un éventuel geste osseux à proposer sur la mandibule (génioplastie d’avancement ou de recul) ou des tissus mous dans certains cas (affinement, implant, modelage greffes graisseuses), voire sur le nez. Son examen de face permet l’analyse de sa largeur, de la présence d’une fossette digastrique (ligament de la houppe), de la contractilité du muscle du menton (mentalis) pouvant être traité par la toxine botulique en cas d’hypertonie [23].
Le cou L’importance esthétique de la région cervicale est prépondérante lors d’une demande d’embellissement cervicofacial. Bien qu’il ne s’agisse pas de la région la plus précocement touchée par le vieillissement, il s’agit d’un des motifs les plus fréquents de consultation et l’un des plus difficile à traiter sur le long terme. Le cou est d’ailleurs aussi un des premiers motifs de récrimination lorsqu’il est perçu par la patiente comme insuffisamment amélioré [6,24]. Le traitement de la région cervicale intègre souvent le cadre d’une prise en charge globale du vieillissement facial par continuité anatomique du muscle plastysma cervical et des muscles peauciers de la mimique faciale. L’examen clinique de la région cervicale est donc d’une grande importance. Il permet de repérer les points fixes de cette région : l’os hyoïde, le rebord inférieur de la mandibule et du menton, la mastoïde, l’implantation capillaire. Ce sont des points repères clés car leur position et leur hauteur ne changent pas. La position basse de l’os hyoïde (normalement en regard de C4) rend le modelage du cou moins favorable. Il faudra bien sûr le noter dans l’observation et en tenir compte pour définir les objectifs accessibles avec le patient (angle cervico-mentonnier). La morphologie du menton de face et de profil joue un rôle important dans la retente de la région cervicale. Selon la morphologie du patient et de son poids, la présence de graisse sous-mentonnière et cervicale sera évaluée ainsi que sa profondeur, perçue par rapport au plan des platysmas. Selon les cas, une liposuccion sous-mentale sera envisagée. L’adiposité au niveau du cou peut être majeure. Pour évaluer son épaisseur, il est utile de pincer le repli sousmentonnier, cou fléchi. Cette manœuvre peut être reproduite à la contraction du muscle platysma. Ainsi, cela permet
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M. Rouif, P. Bogaert
de découvrir les piliers antérieurs du cou qui saillent. Ces derniers peuvent être traités chirurgicalement ou par de la toxine botulique pour relâcher leur action jugée trop importante. Lorsque le plan musculaire est trop antérieur, notamment chez une personne en surpoids, il existe très probablement un excès graisseux sous les peauciers. Les adhérences du derme au niveau du plan aponévrotique sont variables au sein même de la région cervicale (muscle sterno-cléido-mastoïdien, platysma). La ptôse des tissus cervicaux est un élément clé dans l’indication du lifting cervico-facial. On doit évaluer l’existence d’un excédent cutané cervical qui se corrige manuellement en mettant latéralement la peau en tension. Là encore, les axes de mise en tension de la peau cervicale permettent d’apprécier la mobilisation des tissus, d’anticiper le résultat et de discuter des souhaits du patient. Les patients recherchent dans leur grande majorité une remise en tension cutanée bien orientée sans traction excessive (risque de visage figé, d’élargissement cicatriciel). Ne pas oublier que l’évaluation de l’excédent cutané doit tenir compte du pouvoir de rétraction de la peau mais aussi du fait que l’on recherche à créer une concavité au niveau du cou, qui nécessite un capital cutané plus important qu’une surface plane.
Examen de la région cervicale antérieure Cette région de forme triangulaire paramédiane, légèrement creusée s’étend du rebord mandibulaire où se trouve sa base à la clavicule où se trouve son sommet. Dans sa partie haute, juste sous le rebord mandibulaire, on doit rechercher une voussure qui correspond à la glande sous-maxillaire, contribuant par sa taille et/ou sa ptôse à une perte de définition de l’ovale à ce niveau (Fig. 6). Le patient doit être averti de cela et l’on pourra dans les cas les plus marqués être amené à discuter d’une résection partielle de la glande, intervention parfois délicate [25,26]. L’épaisseur du tissu graisseux peut parfois dissimuler la glande sous-maxillaire sous-jacente. Il ne faut pas confondre cette voussure avec les ventres antérieurs des digastriques, situés chacun de part et d’autre de la ligne médiane en arrière du menton. L’évaluation du caractère pré- ou rétroplatysmal de la graisse reste cliniquement parfois difficile même avec les
Figure 6
Glande sous-maxillaire ptosée.
manœuvres de contraction du peaucier et d’abaissement du menton (Feldman) [24].
Examen de la région cervicale postérieure Sa limite antérieure est le bord antérieur du muscle sternocléido-mastoïdien. Cette région étendue en haut du rebord mandibulaire à la clavicule en bas est naturellement convexe. Son analyse est plus celle de la qualité cutanée, de plis (sillons) transversaux, horizontaux éventuels, adhérences de la peau au platysma, souvent difficile à faire totalement disparaître. Il faut noter l’épaisseur graisseuse de la peau et son élasticité. La présence d’une peau flétrie (élastose) qui ne revient pas au pincement digital après 30 secondes est le signe d’un manque majeur d’élasticité imposant un décollement cutané et un redrapage étendu. Enfin, il est important de noter la présence de pli verticaux postérieurs nombreux qui nécessitent un drapage postérieur.
Examen du creux rétro-mandibulaire Cette région rétro-mandibulaire est parfois comblée par les parotides ou par un empâtement graisseux, voire par le redrapage cutanéo-graisseux secondaire à un premier lifting. Son caractère concave, lieu du dépôt de la « goutte de parfum », apporte indéniablement un caractère plus raffiné au cou.
Examen de la région sous-mentonnière Située juste en arrière du menton et constituant la partie antérieure du plancher buccal, cette région doit être analysée afin d’évaluer sa nature graisseuse ou musculaire (ventres antérieurs des muscles digastriques). L’accumulation de tissu graisseux peut être retrouvée en effet aussi bien entre les digastriques qu’en sous-cutané. La graisse interdigastrique peut être explorée par le test de Nahai qui consiste à prendre la graisse médiane sous-mentonnière entre deux doigts et à demander au patient de contracter les platysmas en avalant. Le tissu graisseux interdigastrique file alors entre les doigts. Enfin, la suspension du bord postérieur des platysma simulant l’amarrage au prolongement du fascia de Loré, permet d’évaluer, en demandant au patient d’avaler, les modalités de traitement nécessaire à la région sous-mentonnière (manœuvre de Labbé) (Fig. 7) en particulier la nécessité d’une suture des ventres antérieurs des muscles digastriques [27,28]. Au regard de ces caractéristiques anatomocliniques du cou, on peut qualifier selon Giordano et al. [24], comme « cous difficiles », aussi bien des formes acquises, évolutives avec une peau distendue (« cou de dindon », fanons cutanés du sujet sans surpoids) et/ou à empâtement graisseux prédominant (« double menton » en cas de surpoids) que des formes constitutionnelles (brièveté platysmale, os hyoïde bas) (Fig. 8 et 9). En conclusion, l’analyse clinique préopératoire est, comme très souvent en chirurgie, le temps essentiel pour poser la bonne indication opératoire et garantir le meilleur résultat. L’analyse purement objective des tissus peut être archivée suivant différentes classifications dans une évaluation systématique de chaque région cervico-faciale [6—8], confirmée par les clichés photographiques. À cette analyse s’ajoute la demande de la patiente qui parfois focalise son
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Figure 7 Manœuvre de Daniel Labbé. a : profil standard ; b : tension du platysma simulant son amarrage au prolongement du fascia de Loré ; c : patiente avalant.
Figure 8
Figure 9
Cous difficiles constitutionnels. a : os hyoïde bas ; b : brièveté platysmale.
Cous difficiles acquis. a : à relâchement cutané prédominant ; b : à empâtement graisseux prédominant.
386 attention sur une partie seulement des modifications crées par le vieillissement ou par des caractéristiques morphologiques qui participent à l’aspect général fatigué ou vieillissant. À ce stade du bilan clinique, s’engage alors un échange fondamental entre le patient et le praticien sur les choix techniques qui tiendront compte du souhait, très fréquemment émis, d’un résultat harmonieux, naturel, ne donnant pas l’impression d’avoir été opéré. Le patient peut aussi souhaiter un résultat spectaculaire ou un traitement plus discret ou très localisé. Dans tous les cas, il conviendra de définir les contraintes post opératoires et mesurer toujours la balance bénéfice/risque. L’aboutissement de cette démarche diagnostique est une proposition thérapeutique « sur mesure » qui contribue grandement au plaisir de notre pratique médicochirurgicale toujours en quête d’amélioration, tant technique que dans la relation patient-praticien.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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