Aspects psychiatriques de la lipofuscinose chez l'enfant: à propos d'un cas clinique

Aspects psychiatriques de la lipofuscinose chez l'enfant: à propos d'un cas clinique

Neurops~chiatr Enfance Adolesc 2001 ; 49 : 141-6 0 2001 Editions ~ienti~ques et mkdicales EIsevier SAS. Tous droits r&sew&s Cas clinique Aspects psy...

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Neurops~chiatr Enfance Adolesc 2001 ; 49 : 141-6 0 2001 Editions ~ienti~ques et mkdicales EIsevier SAS. Tous droits r&sew&s

Cas clinique

Aspects psychiatriques de la lipofuscinose chez I’enfant B propos d’un cas clinique

:

F. Vanhalle’*, J. Appelboom* ‘Unite’ de p~d~p~c~i~trie, CHU Saint-Pierre, 322, me Haute, KW Bruxelles, Belg~q~e ; 2clinique de psychiatrie inf~nt~-~~v~~i~e, h&ital universitaire des Enfants Reine Fabiola, 1.5, avenue J.J Cmcq, 1020 Bruxetles, Belgique (Rey le 4 septembre 2000 ; accept6 le 2 1 novembre 2000)

Un enfant aveugle d’origine afghane arrive B la garde pbdiatrique dans un 6tat d’agitation anxieuse majeure. L’hospitalisation est dbcidee et un traitement anxiolytique instaurtk La mise au point meditale con&t a une forme juvenile de lipofuscinose (maladie de Batten). LWat mental de I’enfant evolue vers un &at depressif trait6 avec un antidepresseur. Apr& cinq semaines, un &at maniaque apparait. Le traitement antid~presseur est interrompu ; un traitement neuroleptique est introduit et associo ult~rieurement a un traitement thymor~ulateur. t’etat ~ymique devient mixte, puis se stabilise apres quatre semaines de traitement. Outre la deception theorique de la maladie et de l’~volution des symptomes psychiatriques, l’article met l’accent sur les differents diagnostics psychiatriques souleves par I’evolution de ce cas. 0 2001 Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS depression I &at maniaque I lipofusclnose I trouble anxieux I trouble blpolaire Summary - Psychiatric

diagnosis

of a child suffering from neuronal ceroid lipofuscinoses.

A blind child of afghan origin comes in the paediatric emergency centre, he is nervous and agitated. The child is hospitalised and an anxiolytic treatment is started. The medical diagnosis concludes that it is a juvenile form of neuronal ceroid lipofuscinoses (Satten Disease). The child develops a depression treated with an antidepressant. After five weeks an acute mania appears. The antidepressant is stoppad, a neuroteptic treatment is intr~uc~ and later combined with a mood stabi/iser. The thymic state becomes mixed. It is stabitised after four weeks of treatment. As we!/ as the th~retical description of the illness and the development of the psychiatric symptoms, the paper emphasises the different psychiatric diagnoses raised by the evolution of this case. 0 2007 gditions scientifiques et mhdicafes Etsevier SAS acute mania I anxiety disorder I bipolar disorder I depression I neuronal ceroid lipofusclnoses

CIRCONSTANCES D’ARRIVtiE A LA GARDE PkDIATRIQUE Un enfant afghan, IgC de neuf ans, prCnomm6 N., arrive Q la garde p~dia~que dans un &at d’anxiete majeure. I1 est a~compagn~ par sa mere et une interp&e. * Correspondance et tire%2 part. Adresse e-mail

: [email protected]

Le premier entretien retrace les evenements recents ; l’enfmt et sa mere sont arrives en Belgique, un mois auparavant. En Afghanistan, N. manifestait dej& son anxiete, craignant que les Talibans ne le tuent, ainsi qu’un membre de sa famille. La mere et le fils ont quitte leur pays du jour au lendemain, sans que l’enfant n’y soit prepare. La

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separation de son p&e ainsi que de ses deux soeurs, fut brutale. Depuis lors, N. dort mal, r&lame son p&e et souhaite repartir pour Kaboul. 11faut signaler que N. a perdu la vue vers l’age de cinq ans ; l’hypothese du role joue par l’explosion d’une bombe a proximite du domicile, est Cvoquee par la mere pour expliquer le deficit visuel apparu cinq mois plus tard. Ce handicap ainsi que la situation politique, a reduit la frequentation de l’ecole maternelle par N. a une duree de neuf mois. L’agitation est devenue majeure, selon la mere, suite au verdict de l’incurabilite de la &it6 prononcee par l’ophtalmologiste et suite au projet d’integration scolaire de N. Le tableau clinique present6 par N., a la garde, consiste en anxiete majeure, agressivite, agitation psychomotrice, cris, logorrhee, agrippement a. la mere et sursauts. I1 est difficile de savoir si l’enfant vit desflashback ou des hallucinations ; il donne des coups de pieds sur toute persorme &rang&e qui l’approche, imaginant etre en presence de Talibans et emet un bruit de mi~aille~es avec les roues du camion qu’il tient en mains. Seul le contact physique de sa mere semble l’apaiser ; celle-ci semble tres fatiguee. Face a cette situation de crise, une hospitalisation est proposee afm d’effectuer une mise au point diagnostique somatique et psy~hiatrique, et d’elaborer un projet therapeutique. ANAMNESE FAMILIALE La mere de N. a epoud son cousin germain et ils ont eu trois enfants : une fille ainee &gee de 11 ans, N., puis une seur cadette &gee de trois ans et demi. Les deux soeurs sont en bonne Sante. La grossesse et l’accouchement de N. se sont deroules normalement. Les antecedents medicaux sont marques par l’apparition d’une kite et par une chute du deuxieme &age sans perte de conscience secondaire. N. n’aurait jamais presente de symptdmes psychiatriques avant l’episode actuel et aucun autre membre de la famille ne souffre de pathologie visuelle, ni psychiatrique. STATUT LEGAL ET SITUATION SOCIALE La mere est demandeuse d’asile politique pour ellememe et son fils. 11ssont soutenus par un organisme social qui les aide a regulariser leur sejour, leur ’ Adresse e-mail : [email protected]

fournit une aide financiere, ainsi que l’acds aux soins de Sante et a un logement. Par ailleurs, la mere est soutenue par un reseau familial. Au tours du sejour hospitalier, la mere apprit que son Cpoux dont elle etait sans nouvelles, Ctait en vie et sejournait dans un camp de refugies au Turkmenistan, pays voisin de 1’Afghanistan. ~immigration de son Cpoux et de ses deux filles en Belgique semble impossible dans l’immediat. MISE AU POINT MEDICALE L’examen du fond de I’ceii decele une retinite pigmentaire qui evoque d’emblee au neurologue l’hypothese d’une maladie de Batten. Plusieurs examens neurophysiologiques contirment la validite de cette hypothbse : l’electro-retinogramme (ERG) est plat, les potentiels Cvoques visuels (PEV) sont perturb&, la resonance magnetique nucleaire (RMN) de&e un ~largissement mod&e des deux ventricules lateraux et des espaces pericerebraux plus marques. La biopsie cutanee confirme le diagnostic de lipofuscinose (maladie de Batten) par la presence de lipopigments intracellulaires ayant la forme de ~ng~~ri~~, Une recherche genetique est en tours afin de specifier le type (homozygote ou heterozygote). DESCRIPTION DE LA MALADIE DE BATTEN (JUVENILE N LC) ’ Connue aussi sous le nom de maladie de Spielmeyer-Vogt-Sjogren-Batten ou idiotie amaurotique familiale, elle est la forme la plus commune d’un desordre appele par les anglo-Saxons New-owl ceroid lipojhscinoses ou NLCs. Elle est la plus frequente des maladies Nero-d~g~n~ratives chez l’enfant. Les differentes formes sont classees par age mais sont genetiquement differentes : infantile, infantile tardive, juvenile et ad&e. Cette maladie, d’origine genetique, autosomique recessive, n’apparait chez l’enfant, que si celui-ci herite du gene defectueux de chacun des deux parents. Deux parents, porteurs sains, de cette anomalie, ont une chance sur quatre d’avoir un enfant malade et chacun des enfants a une chance sur deux d’etre porteur du gene defectueux sans Ctre atteint ; neanmoins il peut transmettre le gene a ses

Aspects psychiatriques

de la lipofuscinose

propres enfants. Dans le cas present, le mariage consanguin augmente le risque d’apparition de la maladie. Dans la forme juvenile (celle de N.), la perte de vision debute vers l’age de cinq ans et s’aggrave pro~essivement jusqu’a la &cite. Celle-ci est une manifestation typique precoce, suivie d’epilepsie (de type myoclonique ou de type Gastaut Lennox), puis de deterioration mentale progressive et d’ataxie. En general, les troubles mentaux et la deterioration motrice apparaissent plus tard que l’atteinte visuelle. La frequence de la maladie est estimee de 2 a 4 sur 100 000 naissances aux Etats-Unis ; elle est plus frequente en Finlande, en Suede (dans le nord de 1’Europe) et dans le Newfoundland au Canada, mais elle a Cte identifiee dans d’autres parties du monde. Dans 73 % des cas de la forme juvenile de la maladie, c’est le gene CLN3, localisd sur le chromosome 16, qui a subi une deletion ; dans les autres cas, il s’agit d’autres anomalies sur ce meme gene. Le diagnostic sur ADN permet le depistage prenuptial des porteurs sains ainsi que le diagnostic prenatal. Les symptomes de la maladie proviennent de depots intracellulaires, constitues de lipides et de proteines, appeles lipopigments colores en vertjaune sous la lumiere ultra-violette du microscope Clectronique. Ces depots s’accumulent autant dans les cellules des yeux et du cerveau que dans celles de la peau, des muscles et d’autres tissus, en leur causant des dommages ; ceux-ci pr~sentent des formes specifiques aux examens microscopiques qui permettent le diagnostic de la maladie a partir de biopsie de peau. Le defaut biochimique responsable des dCp&s, dans la forme juvenile, n’a pas encore CtCidentifie. 11 pourrait s’agir d’une deficience d’enzymes (lysosomiaux) responsables de la destruction de ces lipopigments. Une autre hypothese serait que certaines cellules malades produiraient trop ou anormalement de lipoproteines. De nombreuses recherches se developpent sur la maladie, dans les domaines de la genetique et de la biochimie. En Finlande, une etude de Jarvela et al. [4] effectuee sur 36 patients atteints de la maladie de Batten, homozygotes et heterozygotes pour une deletion (1.02-kb) sur CLN3, montre que l’installation de la perte visuelle et celle de l’epilepsie concordent dans les deux groupes homozygotes et heterozygotes. En revanche, une grande heterogeneite intra- et interfamiliale, a Cte demontree dans le developpement du handicap mental et physique ainsi que sur les images

chez I’enfant

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lesionnelles sur les RMN. Parmi les deux groupes, le handicap mental et physique est toujours associe a la forme homozygote, tandis que le phenotype heterozygote peut etre benin sans atteinte cerebrale. Ces don&es suggerent que le background genetique et les facteurs environnementaux influencent le phenotype final de la maladie. L’examen genetique est done important pour le pronostic de la maladie. Une etude de Ranta et al. [9] cot&me que l’epilepsie progressive avec un retard mental subsequent (EPMR) appartient a un nouveau sous-type dans lequel le gene (CLN8) aurait subi une mutation encodant une proteine trans-membranaire putative responsable d’une degenerescence des neurones moteurs. k l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement specifique de la maladie. L’epilepsie est controlee par les anticonvulsivants (Valproate, Lamot~gine) et les autres problemes medicaux sont trait& a mesure qu’ils apparaissent : physioth~rapie et therapie occupationnelle. Les symptomes psychiatriques sont trait& specifiquement en sachant que les neuroleptiques risquent d’aggraver l’epilepsie et les symptbmes parkinsoniens [2], Certains auteurs ont decrit une evolution plus lente de la maladie chez les enfants trait& avec de la vitamine E et C, ainsi qu’un regime pauvre en vitamine A. La chloroquine pourrait avoir une influence sur l’expression ph~no~ique de la maladie [8]. Des gref5es de moefle osseuse pourraient ralentir l’evolution de la maladie [S]. Un soutien psychosocial est indispensable dans tous les cas. Contrairement aux formes infantiles precoces et tardives dont le pronostic est mauvais (de&s aprbs quelques annees) ; la forme juvenile dont est atteint N., evolue moins rapidement ; le d&es survient vers l’age de 20 ans. Certains patients survivent jusqu’a l’age de 30 ans. EVOLUTION PSYC~IATRIQUE DE L’ENFANT EN TROIS PHASES Agitation anxieuse L’hypothese diagnostique initiale est celle d’un trouble anxieux severe associe a une &cite qui a permis de diagnostiquer la maladie de Batten. Le diagnostic di@rentiel des troubles anxieux selon le DSM IV se pose entre les symp6mes suivants.

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Stress post traumatique La plupart des symptomes sont en faveur de ce diagnostic. N. a vecu dans son pays la perte d’un sentiment de securite, des menaces pour son integrite physique et celle de son p&-e, il Cvoque repetitivement la situation politique marquee par la violence meurtriere des Talibans. Ces evocations majorent l’agitation anxieuse et declenchent une detresse intense, de meme que les bruits inhabituels dans l’environnement hospitalier. N. manifeste peu d’interet pour les jeux et presente des acces de coke non motives par une cause objective. AnxitW de Gparation N. ne supporte pas de se &parer de sa mere et souffre de l’absence de son p&e. Par ailleurs, la reaction tres protectrice de la mere face a son tils malvoyant, peut avoir favorise I’angoisse de separation et maintenu N. dans une dependance affective : N. ne llche pas la main de sa mere, la suit pat-tout et refuse de dormir seul. L’angoisse de separation semble etre dans ce cas favoride, entre autre par l’etat psychique de la mere. Trouble de l’adaptation

avec an.xi&t!

L’accumulation des differents facteurs de stress (la guerre, les separations, l’emigration, l’exil, l’immigration dans un pays utilisant une langue Ctrangbre, l’incurabilite de la cecite, la souffrance maternelle) engendre un haut niveau d’anxiete et des difficultes d’adaptation. La perte progressive de la vue est a elle seule anxiogene. Comme le decrit Marcelli [6], elle peut induire des strategies d’evitement (phobies du toucher), mais celles-ci n’ont jamais CtC observees chez N. Au contraire, quand N. est moins anxieux, il recherche le contact physique avec ses interlocuteurs. 11semble que celui-ci ait developpe de bonnes strategies d’adaptation a la &cite. Comme le decrit Freiberg [3], qui a observe le comportement des bebes aveugles, N. a une activite tactile exacerbee ; il touche simultanement son sexe d’une main et sa mere de l’autre, comme s’il s’agissait en meme temps d’une manceuvre d’auto-assurance, d’un mode d’apprehension de la relation, plus archa’ique, remplacant le regard indispensable a l’organisation psychique. Trouble dt;pressif Les problbmes de sommeil, de separation, d’agitation et l’anxiete peuvent Ctre chez un enfant les

symptdmes d’une depression. Le trouble anxieux massif a l’avant-plan peut masquer un trouble depressif associe. La gravite de l’anxiete justitia l’instauration d’un traitement anxiolytique a base de diazepam (Valium@) a raison de 2 mg x 4 fois/j. Le choix de cette benzodiazepine est motive par son effet antiCpileptique associe. L’alprazolam (Xanax@) a raison de 0,125 mg x 4/j, remplaca le diazepam dans un deuxieme temps, afin d’eviter une accumulation toxique de la substance et une sedation diurne. L’anxiete s’attenua progressivement mais le sommeil demeura tres precaire. Les entretiens psychiatriques avec N. et sa maman, avaient pour but d’evaluer le fonctionnement psychique de l’enfant, les relations de celui-ci avec sa mere et de permettre autant que possible une intervention psychotherapeutique. Btat mClancolique

Quand les manifestations anxieuses massives ont disparu, N. manifeste un Ctat melancolique profond, exprimant a sa mere son desir de mourir et de se jeter par la fenetre. Son sommeil reste tres perturb6 ; il s’endort tres tard (4 heures du matin) et se reveille frequemment, parfois a cause de cauchemars. Durant la journee, N. est apathique, son appetit est absent, il est tres replie sur lui-mCme et ne tente pas spontanement d’entrer en relation avec aucune autre personne que sa mere avec laquelle, il garde encore un contact physique permanent. Quand elle manifeste sa tristesse, il la rep&e en echo. Le comportement de N. est tres regressif et celui-ci ne manifeste pas d’autre emotion que celle de la tristesse, l’expression de son visage est Cteinte. A ce stade le diagnostic differentiel suivant se pose entre trouble thymique depressif d’origine organique (TMO) ou d’origine psychogenetique. Le diagnostic de maladie de Batten presage l’apparition d’epilepsie, puis d’une deterioration mentale progressive (demence) s’accompagnant de troubles psychiatriques et moteurs, 10 a 20 ans plus tard. Dans le cas de N., outre sa &cite, il n’y a pas de symptomes dementiels Cvidents et l’apparition precoce des troubles psychiatriques peut avoir tte favorisee par les stress successifs. Une evaluation neuro-cognitive aurait permis d’evaluer les facultes et les competences intellectuelles de N., mais une stabilisation prealable de son &at psychique Ctait indispensable.

Aspects psychiatriques

de la lipofuscinose

Pour Marcelli [7] le meilleur indice psychopathologique d’appreciation de l’evolutivite de l’encephalopathie est la regression des acquisitions psychomatrices. Or, N. semble avoir conserve toutes ses aptitudes psychomotrices. Pour ~ofmann le debut de la d~t~~oration mentale se manifeste par des troubles de la memoire h court terme, des difficult& a trouver les mots et de suivre le rythme scolaire ; ce qui n’est pas trouve chez N.

Trouble bipolaire Ce diagnostic

ne peut etre retenu a ce stade, vu l’absence de symptomes specifiques d’un &at maniaque. La symptomatologie evoque plutcit de facon univoque une depression majeure masqde precedemment par l’anxiete massive. Le traitement par benzodiaz~pines en ~liminant les troubles anxieux a rev& et peut-etre favorise la depression [IO]. Le diagnostic de depression est Ctabli ; la gravite de celle-ci, ainsi que la souffrance psychique associee au fait que les facteurs la declenchant restent presents, justifikent l’administration d’un antidepresseur a raison de 5 mg de citalopram (Cipramil@) par jour, augment6 g 10 mg apres quelques jours. Le choix de cet antidepresseur est motive par l’efficacite prouvee des SSRI chez les adolescents deprimes [ 113, ainsi que par le risque moins ClevC de ceux-ci, par rapport aux tricycliques, de favoriser l’epilepsie ou de provoquer des effets secondaires toxiques. Par ailleurs, l’association a d’autres substances est moins dangereuse que ne le seraient les tricycliques. Le citalopram a 6te prefer& a la fluoxetine a cause de sa demi-vie plus courte. Progressivement l’humeur, le sommeil et l’alimentation s’ameliorent. N. recommence a jouer et d &outer de la musique. Peu a peu, son autonomie augmente et N. accepte d’aller jouer avec d’autres enfants ; ce qui in&-me le diagnostic d’une anxiete de separation. N. entre rapidement en contact avec les autres enfants, mais N. a des gestes brusques et manifeste une instability impo~ante. A partir du moment ou N. fut moins deprime, ii manifesta un comportement anormalement sexualise vis-a-vis de sa mere et des femmes en general. La transmission du diagnostic par le pediatre, fut un moment Cprouvant pour la mere ; l’heredite et l’incurabilite lui ont CtC expliquees sans que ne soit precisee l’evolution potentiellement l&ale. Un projet d’orientation de N. vers l’enseignement specialise pour malvoyants, en intemat, fut propose. L’enfant sort alors de l’institution hospital&e et le

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chez I’enfant

diagnostic, selon les axes du DSM IV et de la [CIM9-MC] est : Axe I 1. F43.1 [309.81] &at de stress post-traumatique aigu 2. F32.x [296.2x] Trouble depressif majeur, episode isole avec caract~ristiqu~s m~l~coliques Axe II : R46.8 [799.9] Diagnostic differe Axe III : 330.1 Lipidose (maladie de Batten, de forme juvenile) 369.9 c&cite (secondaire) Axe IV : Multiples problemes psychosociaux : separation brutale de sa famille, p&e emprisonne en Afghanistan, emigration, immigration, difficultes d’acculturation, absence de scolarisation, experience des violences de la guerre en Afghanistan. Axe V : Evaluation globale de fonctionnement a 50 % lors de l’admission a l’h~pital ayant atteint 70 % lors de la sortie. TRAITEMENT

ET PROJET A LA SORTIE

PROPOSES

Pharmacologique : anxiolytique (alprazolam 0,125 mg x 4/j) et antidepresseur (citalopram 10 mg /j). Suivi psychiatrique. Psychotherapie de soutien avec traducteur : mere/ enfant ; institution scolaireienfant ; enfant seul en fonction de son &at psychique. Insertion scolaire en enseignement spfkialise pour malvoyant. l&at

maniaque

Une semaine apres la sortie de l’hbpital, N. est plus agite ; la cohabitation en famille est tres difkile car N. ne dort plus. Sa maman ne le quitte plus, craignant des degats occasionnes par le comportement de son Iils. A l’examen mental, N. presente a nouveau une agitation psychomotrice, sans anxitte associee ainsi qu’une d~sinhibition sexuelle avec elation ; il ne repond pas aux questions, est logo~h~ique, ludique et tient des propos grivois. Sa maman eprouve beaucoup de difficult& a le calmer. Face a cet &at maniaque apparu avec le traitement antidepresseur, l’hypothese d’un trouble bipolaire est Ctabli et le traitement pharmacologique modifie : l’antidepresseur est arrete et un neuroleptique introduit (Pipamperone, Dipiperon*), 1 goutte de 2 mg x 2/j) pour temperer l’agitation. La benzodiazepine alprazolam (Xanax@) est diminuee progressivement. Un mois plus tard, N. dort mieux ; il est plus calme, mange peu et manifeste de l’interet pour les activites

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F. Vanhalie, .I. Appelboom

proposees a l’ecole. Deux mois apres l’arret de l’antidepresseur, N. apparait g nouveau depressif, triste, aboulique, replie sur lui-meme, ne jouant ni ne dormant plus. Un traitement thymoregulateur est alors instaure. Le choix s’est fixe sur le Valproate (Depakine@) plutot que sur le lithium en raison de son efftcacite antiepileptique, cumulee a la faible toxicite immediate. La posologie journaliere est de 150 mg x 2/j. Le dosage plasmatique revble un taux dans les limites th~rapeutiques inferieures (465 pg/L) ; la dose ~~rapeutique &ant sit&e entre 40 et 100 ug/L. Apres trois semaines, durant la consultation, N. manifeste d’abord un &at de tristesse avec apathie puis il s’agite en crescendo, sans raison precise. Son humeur est oscillante et mixte. De fait, le comportement de N. a justitie une interruption temporaire de la scolaritd car N. se montrait agressif, agite et presentait un comportement hypersexualise vis-a-vis des petites filles. La presence intermittente de l’interprete en classe semble neanmoins avoir aide N. B se stabiliser dans les activites. I1 est alors decide que N. quitte l’intemat jusqu’a stabilisation de son humem, avec le projet de reprendre plus tard la scolarite. Le choix du thymoregulateur est maintenu car le valproate s’est rev& etre plus efficace dans les troubles bipolaires mixtes et a cycles rapides [l, lo], mais la posologie est majoree a 200 mg x 2/j. Le dosage ulterieur r&Ye un taux therapeutique plus median (69,6 kg/L). Actuellement, N. est beaucoup plus calme, son humeur est stabilisee et son sommeil regularise. Malgre son desir de partir en Afghanistan rejoindre son pere, N. retourne cependant en classe, accompagne par sa mere qui restera avec lui. Ses performances scolaires s’amcliorent signi~cativement et son contact social est adequat. La therapie de l’enfant et le soutien psychologique de la mere se poursuivent actuellement. CONCLUSION 11s’agit d’une situation clinique complexe du point de vue diagnostique, etiologique et therapeutique, oh

les facteurs organiques (maladie de Batten, &cite), environnementaux (guerre, emigration, Cclatement familial, insecurite) et intra-psychiques sont intertriques et indissociables. Seule, une prise en charge multidisciplinaire associant les aspects pddiatriques, psychiatriques, neurologiques, psychotherapeutiques (analytique, systemique), pedagogiques et sociaux peut permettre d’aider l’enfant et sa famille dans la gestion de cette maladie grave Cvolutive et degenerative. REFERENCES 1

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