MCd Ma1 Infect 1999 ; 29 : 301-h 0 Elsevier, Paris
Article original
Aspergillose pulmonaire
invasive et infection par le VIH
E. Fleck ‘, C. Rabaud ?*, S. BCot 3, J. Chemardin 4, C. Amiel2, T. May 2, P. Canton 2 ’ Servicr J service
d’h&nutologie, de parasitologic
m&de&e mycologic.
A ; 2 service des maladies CHU Namy h8pituux
infectiewes dc, Brabois,
et tropic&s ; s service de radiologie 5451 I Vandawre, France
;
II s’agit d’une etude retrospective sur la periode 1987-l 995 concernant 420 patients presentant un sida declare, dont 12 patients porteurs d’Aspergi//us sp. Parmi les 420 patients sideens suivis dans notre etude de 1987 g 1995, Aspergillus sp. n’a ete isole que chez 12. Pour huit patients, le diagnostic d’aspergillose pulmonaire invasive etait certain (prelevement autopsique : examen histologique et culture positifs). Le diagnostic a ete considere comme probable dans un cas oti Aspergil/us sp. a ete isole dans 2 LBA et 00 le patient presentait un signe du halo au scanner. Pour les trois autres patients, I’identification d’Aspergi//us sp. etait consideree comme une simple colonisation. La toux et la fievre dans un contexte de degradation de Mat general etaient les signes cliniques les plus frequemment retrouves. La radiographie permettait d’objectiver des formes localisees (infiltrats arrondis ou triangulaires, nodules isoles ou multiples) et des formes diffuses (infiltrats alveolaires plus ou moins excaves, aspects multinodulaires, epanchements pleuraux). Le scanner a recherche un signe evocateur : le signe du halo. Un nouveau test Elisa detectant les antigenes aspergillaires (galactomannane) avec une bonne sensibilite et specificite pourrait etre utile au diagnostic precoce. Le de&s reste I’issue la plus frequente malgre la mise en place d’un traitement par I’amphotericine B (antifongique de reference) eVou I’itraconazole. De nouvelles molecules et I’institution plus precoce d’un traitement donneront peut-etre de meilleurs resultats. 0 1999 Elsevier, Paris aspergillose
pulmonaire
invasive
/ Aspergillus
sp. I sida
Summary - Invasive pulmonary aspergillosis in aids patients. Frequency, clinical features, and prognosis of pulmonary aspergillosis were studied in AIDS patients. This retrospective study was carried out between 1987 and 1995, among 420 AlDS patients. Aspergillus sp. was isolated in 72 patients. Invasive aspergillosis is an uncommon infectious complication in patients with AIDS. Aspergillus sp. was isolated in only 12 of the 420 patients with AIDS followed between 1987 and 1995 in our department. Invasive aspergillosis was confirmed by histology in eight patients. Invasive aspergillosis was considered as probable with the halo sign in chest CT scan and two positive bronchoalveolar lavage fluid cultures for Aspergillus sp. in one patient. In the three other cases, Aspergillus sp. isolation was considered as colonization. Cough and fever were the most common symptoms. Radiological patterns included upper-lobe cavitaty disease, nodules, pleura-based lesions, and diffuse infiltrates (mainly of the lower lobe). Typical CT scan findings were: pleura-based lesions, triangular shaped lesions contiguous to the pleura of the major fissure, and the halo sign. A new and sensitive Elisa test could be used to detect significant amounts of Aspergillus sp. antigens (galactomannan) in body fluids and may provide a non-invasive diagnosis test. Death was the usual outcome, despite treatment with amphotericin B and/or itraconazole. New approaches must be investigated. 0 1999 Elsevier; Paris pulmonary
invasive
* Correspondance
aspergillosis
et tires j part.
I Aspergillus
sp. / aids
E. Fleck
402
L’aspergillose est une infection rare chez les patients infect& par le VIH. Ainsi, parmi les 1 762 premiers patients atteints de sida recensesaux Etats-Unis par les Centers for Disease Control, trois seulement ont prCsentCune aspergillose [l]. Selon les skries, 0 2 9 % des sidkens d&eloppent une aspergillose [2]. L’incidence de cette infection chez les patients sidkensapparaissait croissantejusqu’8 I’introduction des trithkrapies incluant les antiprotCases: elle survenait tardivement au tours de I’infection par le VIH, 10 2 26 mois apr&sI’entrCe en sida [3, 41, et sa dkcouverte Ctait le plus souvent autopsique. Nous rapportons ici 12 nouvelles observations de patients infect& par le VIH chez lesquelsAspergillus sp. a pu &tre identifik dans un pr&?vement d’origine respiratoire. PATIENTS ET MI?THODE II s’agit d’uneCtuderktrospectiveportant sur les420 patients suivisdansle servicede maladiesinfectieuseset tropicalesdu CHU de Nancyet ayantdCveloppCs un sidaentre 1987et 1995. Chew12 patients.I’examenmicroscopiqued’un prklitvement d’originerespiratoirea permisde mettreen evidencedesfilamen& myckliens septk permettant de suspecter une aspergillose et/au la mise en culture de ce prClkvement a permis de mettre en Cvidence la presence d’ilsper~ilhs sp. en culture. Pourchacunde cespatients,les don&es suivantes ont Ctk colligCes : Bge. sexe. mode de contamination VIH, antkkdents
d’infectionsopportunistes, nombrede lymphocytesCD4+ lors de I’identificationde I’Aspergilh sp.. prksenceou non d’une neutropknie(infkrieurea SOO/mm?). d’unecorticothkapie(toule prise de corticoi’des quelle que soit la dose durant la semaine
prCcCdant le diagnostic).site de la colonisationou de I’infestation aspergillaire,espkceaspergillaireidentitXe, traitement antifongique
instaurk, Cvolution + r&hats
autopsiques.
Lorsqueque cet examena CtCrtalisk, l’antigknkmiea CtC recherchkepar dktectiondu galactomannane par le test semquantitatifPastorex@ A.vpercgi//us du laboratoireSanofiPasteur Diagnostics. Le diagnosticd’aspergillose pulmonaireinvasive (API) a Cti considCr6 comme certain a posteriori,
lorsque I’examen histo-
logiqued’un prklkvementautopsique a permisdemettreenCvidencedesfilamentsmy&liens ramifies et septCs dans le tissu pulmonaireCtudi@ et quela culturede ce m&metissuCtait positive 2 Aspergillus sp. Chewun patientprksentantun tableau de pneumopathie et en l’absencede donnCes histologiques,le diagnosticd’AP1 a et6 consid@ comme: - probable lorsque la m&me espkce aspergillaire a pu &tre mise en Evidence lors d’au moinc deux lavages broncho-alvColaires (LBA) successif ; - improbable lorsqu’une espke aspergillaire n’a pu &tre mise en evidencequ’uneseule fois lors d’un LBA ou dans un examen cytobactkriologique des crachats.
et al
RkSULTATS Huit patients ont pr&entC une aspergillose certaine confirm&e par les donn&esautopsiques.11s’agissaitdans tous les casd’API, associkepour trois d’entre elles & une atteinte mu1tiviscCrale(tableau f). Tous ces patients Ctaient de sexe masculin I leur s&opositivitk VIH avait ttC dkouverte en moyenne 3,7 + I ,6 an plus t8t [ 1 mois-6 ans] et ils avaient dklarC leur sida depuis 1I + 15 mois [I+48 mois] lorsqu’ils ont dtveloppk leur d’aspergillose. Le taux moyen de lymphocytes CD4+ lors du diagnostic d’aspergilloseCtait de 8 + 1O/mm3[ 1-27/mm3]. Quatre patients bCn&?ciaientd’une corticothkapie lorsqu’ils ont dCveloppCleur aspergillose,et deux patients &taient neutropeniques. Trois pneumocystoses,deux pneumopathiesB germe banal, une tuberculose pulmonaire et une infection pulmonaire g CytomCgalovirus Ctaient nodes dans les ant& &dents de ces patients. Lors du diagnostic d’aspergillose, sept de ces patients prksentaient une altkration de I’Ctat gCnCra1avec asth&nie et anorexie, et six prksentaient un syndrome febrile (t 2 38,5 “C). Cinq patients ont pr&ientC une insuffisancerespiratoire aigue, quatre une toux qui Ctait productive dansdeux cas, un patient s’est plaint de douleurs thoraciques et un patient a prbentk une hkmoptysie. La radiographie pulmonaire Ctait toujours anormale et montrait : - un syndrome alvkolo-interstitiel diffus dans cinq cas, associk B une image abcCdCedans un cas ; - une condensationpulmonaire dans deux cas ; - une image excavee isolCedans un cas. Six patients ont bt?nCficiCd’un examen tomodensitomCtrique pulmonaire : un signe du halo a Ctt5objective danstrois cas (jigwe i), associCdans un casg une lesion excavCe.Des kions excavkes ont CtCmisesen evidence par cet examen dansdeux autres cas. Sept patients ont bCnCficied’au moins un LBA ; cet examen a CtCr6alist au total I I fois et s’est rCvC1C positif 2 neuf reprises (prksence de filaments septCsCvocateurs d’une infestation aspergillaire dans cinq examens directs et cultures positives pour Aspergillus sp. danshuit cas). Chez un seul patient, les deux LBA rCalisCssont rest& nkgatifs. Des examens cytobact&iologiques des crachats (ECBC) ont &tk r&alisCschez trois patients, permettant dans tous les cas d’identifier Aspergillus sp. en culture et de mettre en evidence des filaments septCs Cvocateurs d’une infestation aspergillaire & I’examen direct. La recherched’une antigCnCmieaspergillaire a CtCrCaIisCe de faGon rkpCtCetout au long de I’Cvolution de I’API chez quatre de ces huit patients, mais ne s’est r&CIke positive que dans deux cas et uniquement dans les 48-72 heurespr&dant le dC&s.
I.
H. 64 1989
l’aspergiilose
5OOfmu-1~ pltbodes
pulmonaire
de diagnostic
TB ptllm. et extrajXhOllaire pu~,,,otie
H : hornme ; pep : pn~,,mocyst~ atypique ; CMV : Cytomkgalovims.
decks fj30) oai oui
1 LBA+
condensation pubnon~G opacig contmlat&aie
-ttoux&&e
tubercuh
Autres infections
Autopsie @u&on) Confirmation API (o&ion) Autos or8anes atteiets
lholution
Traitement
ESpire
Doyens
Examen s.cannograPhique
Radiogmphie
Ak&ation &at g&&al/&vre Signes d’appel res~iratoires
pled&Dt
Nen#@ie-< InfeetioDs
d&s
(20 mois) oui oui
4LBA.k EcBC+ A. jkmigatus A.ddl&UlS
puhilonaile
condensation
+f-+ toax productive
bactirienDe
+
A, 58 19!90 hLsAbr0. 4iws 48 mois 5
n 27
oui
; ECBC
d@s@%o, oui
A. jkmigarus
autopsie
1992 hcmm. 4ans 24 mois
; LBA : lavage bmncho-alv&laire
Mode de contaminad~ llemoph. B L3kq&tivi@ VM connue depuis 4ans Diagnostic de sida depuis smois wmm3 3 Corti~encours>l sem.
Patient : sexe,tige (arts) Aim&!dudiagnostic
Tableau
____
inf%C
sun-&a&-f&e-rate
reins--
d&i?S(i68) uui oui
autopsique 2LBAA. jmigatus
interstitiel ditiils avec halO et foyer ~ptleumopathie
Syndrome
bilatkai
S-m iDterstide1
H, 31 1993 h&m. 4ans 12 mois
: examen cytobactitiologique
rIec& 062) oui oui
IttacoDazole 4x3 mti 2 mois
toux pmductive
dyspnee
H, 39 1992 toxica. IV 5aDs 2 mois
LBA +
SY-
itltel%titiel b&it&al
H, 51 1993 home. 3atls 1 mois 24 +
des crachats ; Amp 3 : am#&+cifw
oni mywarderems
d6chs (in oui
avec halo et I&ion cavitak apamis &aissie LBA + asp. tracbhde A. jionigm anti&dmie + A~PB ~wsfh Sjours
diffiS
syndrome inter&tie1
TM*
smo’me . mkXEtlW1
H, 53 1993 lI&&o. lD35is lumis 27 +
B ; flB : mk=atose
excavation d’lmc l&ion conden&
+/+ dyspk
1994
n 29
; MAC : mYcUe
A.&miga@s
LBA + (2f3)
avec halo
COtl&D%UiOIl
PCP
ns 1994 lIl%m. 2ans 2ans
Asp-giilose pihlbk
404
Figure
E. Fleck Ed al
1. Aspergillose
pulmonaire
invasive
: signe du halo
Concernant le traitement anti-aspergillaire, l’itraconazole (400 a 600 mg/j) a ete initialement prescrit chez quatre patients ; compte tenu d’une evolution defavorable, l’amphotericine B (0,7 a 1 mg,kg-‘.j-‘) a ensuite CtC ajout&e chez deux patients. Un seul patient a 6tC trait6 seulement par amphotericine B (1 mg.kg-t.j-‘). Dans ces cinq cas. le traitement a CtC poursuivi jusqu’au d&es. Un patient n’a bCn&iciC d’aucun traitement anti-aspergillaire. Les LBA successifs realids lors des differents episodes infectieux pulmonaires qu’il a present& ont toujours permis d’identifier au moins une bacterie (Pseudomonas ueruginnsa etfou Stuphyloccocus nureus) consideree comme responsable de la symptomatologie. Sous traitement antibiotique adapt& l’evolution apparaissait alors favorable mais le patient a systematiquement present6 des rechutes apt&s quelques semaines. Un nouveau LBA Ctait alors realise. Au total, ces LBA ont tour a tour permis d-identifier en culture plusieurs especes aspergillaires (A. fi4migut~4s et A. nidz&zns), confortant l’idee que cette presence aspergillaire n’etait pas responsable de la symptomatologie mais revelait une simple colonisation intercurrente saris consequence. Pourtant, apres le dernier episode de pneumopathie qui entrdna le d&es du patient. l’autopsie a permis d’afirmer l’existence d’une API. Entin, deux patients n’ont btntficie d’aucun traitement, le diagnostic d’AP1 ayant Cte une decouverte autopsique. Bien qu’il apparaisse probable, le diagnostic d’aspergillose n’a pu &tre definitivement contirme chez un patient de 34 ans de&de dans un tableau de pneumopathie mais non autopsie. Ce patient avait prealablement presente deux episodes de pneumocystose. Dans un contexte febrile. il a presente une degradation de l’etat general, une toux et une douleur thoracique. L’examen tomodensitometrique pulmonaire Ctait alors tres Cvocateur d’ API. mettant en
evidence un comblement alveolaire du segment posteroinferieur gauche de 3 cm de diametre, associe a un signe du halo. Trois LBA ont &tC realids, permettant a deux reprises d’identifier A. jkmigatus en culture. Un traitement fut alors institue : itraconazole a 600 mg/j pendant 23 jours secondairement associe a de l’amphotericine B du fait de l’aggravation de son &tat clinique ; le patient est d&&de deux jours plus tard. Pour trois patients enfin, le diagnostic d’aspergillose apparait plus improbable bien qu’AspergiZlus sp. ait CtC identifie au moins une fois d’un prelevement d’origine respiratoire. Ces trois patients presentaient une immunodepression importante (taux moyen de lymphocytes CD4+ : 12/mm [O-3 l/mm”]). Une patiente neutroptnique a presenti: une insuffisance respiratoire aigue dans un contexte de confusion majeure, d’agitation et de fievre. La radiographie pulmonaire montrait alors une pneumopathie interstitielle bilaterale. L’ECBC a permis l’identification en culture d’A. ,fimigatus. Un traitement par itraconazole a la posologie de 600 mg/j a Cte introduit et poursuivi pendant 7,5 mois. L’evolution a tte favorable et la patiente est toujours en vie 3 ans plus tard, saris signe de recidive. Elle beneficie desormais d’une tritherapie. Chez un patient, la mise en evidence d’ilspergillus sp. est concomitante de la decouverte d’une pneumocystose. Dans un premier temps, la radiographie pulmonaire a mis en evidence une pneumopathie basale bilatirale, puis dans un second temps une excavation du lobe suptrieur droit. Le LBA realise initialement n’a mis en evidence aucun agent pathogene et seul I’ECBC a permis l’identification d’A. fimigatus en culture. Un traitement par amphotericine B (1 mg.kg-‘.j-‘) et flucytosine (50 mg.kg-I.8 h-t) a alors CtC instaure pour une durde de 13 jours saris permettre l’obtention de l’apyrexie. Un second LBA est alors realise et a permis de mettre en evidence Pneumocystis carinii. Aspergillus sp. ne fut pas retrouve dans ce second prelevement. L’instauration d’un traitement associant le cotrimoxazole et des corticdides a alors permis une evolution favorable. Le de&s est survenu 43 mois apres l’episode infectieux et l’autopsie realisee n’a pas isole Aspergillus sp. Un patient a presente un tableau de pneumopathie dans un contexte de degradation de l’etat general. La radiographie pulmonaire a mis en evidence un syndrome interstitiel diffus. Deux LBA successifs ont Cte realises, mettant en evidence A. nidulans la premiere fois et A. ,fumigatus la seconde. Sans qu’aucun traitement antifongique n’ait CtC mis en route, le patient a presente une evolution favorable. I1 est toujours en vie. DISCUSSION Laspergillose reste relativement rare chez le patient sideen, 4 % pour Denning ]2] et 2.1 % dans notre strie. Le delai moyen entre l’entree en sida et le diagnostic
Aspergilloae
pulmonaire
invasive
d’aspergillose varie selon les series de 10 a 26 mois 13: 41 et est de 12 mois dans notre experience. Le taux de lymphocytes CD4+ est classiquement inferieur a 5O/mm” [4, 51 et de g/mm3 dam notre serie. De nombreux facteurs de risque sont decrits dans le developpement d’une aspergillose pulmonaire chez les patients immunodeprimes non infect& par le VIH comme une corticoth&apie meme de courte duke et 6 faibles doses et/au une neutropenie (< SOO/mm”) [3]. Dans notre strie, quatre patients ttaient sous corticotherapie au moment du diagnostic d’aspergillose et deux presentaient une neutropknie inferieure a 500/mm3. Chez les patients infect& par le VIH, l’existence d’ant&&dents d’infections pulmonaires a l’origine d’excavations pulmonaires sequellaires est un facteur de risque reconnu d’infections aspergillaires ]3]. Cette relation semble bien illustree par notre propre serie, puisque cinq patients presentaient des antecedents de pneumocystose, deux patients des antecedents de tuberculose pulmonaire et trois patients des antecedents d’autres infections bacteriennes pulmonaires. La localisation la plus frequente de l’aspergillose au COWS du sida est pulmonaire. Les atteintes extrapulmonaires sont plus rares (20 a 30 % des cas) et peuvent concerner en premier lieu le cerveau [2-41 (decouverte autopsique) mais aussi la sphere ORL, la peau, l’ceil, le cceur, les OS ou le tractus urinaire [6]. Trois patients avaient des localisations extrapulmonaires dtkouvertes ;i l’autopsie mais un seul presentait une atteinte cerebrale. Les signescliniques de I’API, decrits par Denning [3]. sont illustres par notre serieavec, danspratiquement tous les cas, une alteration de l’etat general et un syndrome febrile (1 38,5 “C), souvent accompagnesd’une dyspnee et d’une toux. La douleur thoracique et l’hemoptysie, bien que classiquement d&rites, sont plus rarement retrouvees. Sur le plan radiologique, il existe des lesions multifocales et bilaterales [7]. Les formes diffuses sont peri-hilaires avec des infiltrats alveolaires plus ou moins excaves correspondant a des infarcissements pulmonaires. En cas d’evolution defavorable. la dissemination se fait de proche en proche par voie aerienne mais aussi par voie hematogeneavec apparition de nouvelles lesions pulmonaireset d’atteintes pleuralesou mediastinales.La radiographie pulmonaire doit etre completee par un examen tomodensitometrique.Actuellement, il est preconid de realiser des coupes tous les 10 mm sur toute la hauteur du thorax et des coupes millimetriques en haute resolution au niveau des lesions 171. En cas d’AP1, le scannerest rarement normal. 11existe un signe Cvocateur lorsque les lesions sont recentes, le signe du halo : il correspond a un halo d’hyperdensite attenuee entourant la lesion ; sa densiteest moins importante que celle du centre de la lesion mais plus impor tame que celle du parenchyme pulmonaire et correspond au lisere hemorragique entourant I’infarctus pulmonaire (figure 1). L’evolution sefait vers l’excavation de la zone
et infection
par le VIH
405
infarcie qui se traduit par l’apparition d’un croissant gazeux [8]. Ce signe du halo, malheureusement inconstant, n’est retrouve dans notre s&e qu’a quatre reprises Une excavation est retrouvee darts trois cas. La confirmation diagnostique est apportte par la mise en evidence, sur des prelevements de biopsies transbronchiques ou chirurgicales, de lesions histopathologiques typiques de I’API correspondant a l’enchev&rement de filaments my&liens cloisonnes positifs au Gomori Grocott se divisant a angle aigu et envahissant les vaisseaux. 11existe de plus une n&rose [9]. Toutefois, de tels examens n’etant pas toujours de realisation facile, la recherche d’Asprrgil1u.s sp. en culture peut &tre effectuee a partir de crachats, de prtlbvements realis& par aspiration tracheale, maispreferentiellement a partir du liquide de LBA. La presenced’hyphes aspergillairesa l’examen direct permet d’emblee de suspecterle diagnostic. Dans le cas oti une aspergillose est suspectee,et lorsque les premiers prelevements realids restent negatifs, il parait important de renouveler ces investigations ; en effet. dans notre serie, les resultats du premier LBA de deux patients Ctaient negatifs alors qu’ils sont appatuspositifs lorsque cet examen a CtCreitere. Jusqu’a present, la recherche d’une antigenernie aspergillaire par le test Pastorex@,de bonne specificite (95 % environ) mais de sensibilite faible (inferieure a 40 %) ne permettait que de faGon inconstante et tardive par rapport au debut de l’evolution de la pathologie de confirmer le diagnostic d’aspergillose [12]. Dans notre strie, sa positivation ne fut qu’annonciatrice d’un decks imminent. Plus recemment, un test immunoenzymatique (Platelia@ Aspergillus, Sanofi Pasteur Diagnostics) a CtC developpe pour la detection du galactomannane (antigene specifique des especes aspergillaires). En comparaison avec le test Pastorex@, sa specificite est legitrement diminuee mais sa meilleure sensibilite (92,3 %) per-metun diagnostic plus precoce, notamment chez le greffe de moelle [ 131.L’interet diagnostique de cette nouvelle technique devra &tre evalue chez les patients infect& par le VIH. Lorsqu’un prelevement microbiologique permet l’identification d’Aspergillus sp., trois hypothesespeuvent &tre envisagees: il peut s’agir d’une authentique aspergillose, d‘une simple colonisation du patient ou encore d’une contamination du prelevement par ce champignon ubiquilaire. Plaident en faveur de ces deux derniereshypotheses ne justifiant pas a priori de l’instauration d’un traitement mtdicamenteux, l’absence de symptomatologie clinique Cvocatrice ou l’absencede filaments myctliens a l’examen direct. La realisation d’un second prelevement apparait alors utile car le diagnostic d’aspergillose sera d’autant plus fortement 6cartC que la m&meespeceaspergillaire n’est pasa nouveau identifiee. Notre serie montre toutefois que l’identification successive de plusieurs especesn’est pas incompatible in fine avec le diagnostic d’aspergillose (patient 2). Ce patient
406
E. Fleck
a vtcu 20 mois apres qu’une premiere identification d’Aspergillus sp. ait Cti: realisee dans un LBA et sans qu’aucun traitement specifique n’ait CtC instaure. Ce patient. ayant presente des pneumopathiesbacteriennes a repetition, semblait en fait colonise au long tours et l’aggravation progressive de son immunodepressiona finalement permis au champignon d’exprimer son pouvoir pathogene,entrainant le decks du patient. Dans tous les cas, l’efficacid des traitements dont nous disposonsaujourd’hui pour traiter l’aspergilloseinvasive despatients sideensreste tres decevante [3, 5, 111. L’amphotericine B est classiquementconsidereecomme le traitement de reference de l’aspergillose pulmonaire. Les associationsde l’amphotericine B a la flucytocine ou a la rifampicine ont Cteutilides sarisque les resultats n’apparaissent meilleurs [ 141. Le developpement des nouvelles formes galeniques de l’amphotericine B sous forme de preparations liposomales (Abelcet@, Ambisome@)n’a pas demontre d’efficacite superieurea l’amphotericine B seule, ces formes liposomales cotiteuses restant a &server a des situations particulitres (insuffisance r&ale essentiellement) [ 141. L’utilisation de l’itraconazole a des posologies ne devant pas &tre inferieures a 400 mg/j a Ctt preconisee, mais dans notre serie, les resultats restent la encore decevants. De nouvelles formes galeniquesde I’itraconazole (forme intraveineuse) et de nouvelles molecules (Voriconazole@. SCH 56592) paraissenttres active dans le traitement de I’API, mais leur utilisation chez le patient sideen n’a pas encore ete Pvaluee 1161. En conclusion, notre serie retrospective a permis d’illustrer la sCvCritCdesaspergillosespulmonairesinvasives chez les patients sideensavant que ne soient disponibles les tritherapies antiretrovirales. Face a cette pathologie. le clinicien restait relativement demuni en termesd’outils diagnostiqueset de possibilitestherapeutiques et de nombreusespistes restaient a explorer, Actuellement, cette pathologie sembleavoir pratiquement disparu grace a I’efftcience des nouveaux traitements antiretroviraux disponibleset nous n’avons diagnostique aucun nouveau cas d’AP1 depuis 1996.
et al
REFERENCES I Jaffe
2 3 4 5
6
7 8
9 IO II
12 13
14
15
16
HW, Selik RM. Acquired immune deficiency syndrome: is a disseminated aspergillosis’predictive of underlying~ceilular immune dehciencv? J Infect Dis 1984 ; 149 : 829. Denning bW. Aspergillose invasive au tours du sida. Revue generale. J Mycol Med I992 ; 2 : 35-4 I. Denning DW, Follansbee SE, Scolaro M, Norris S, Edelstein H. Stevens D. Pulmonarv asoereillosis in the acquired immunodeticiency syndrome. N Engl J Med 1991 ; 324 : 654-62. Minamoto GY. Barlam TF. Vander Els NJ. Invasive asnergillosis in patients with AIDS. Clin Infect Dis 1992 ; 14 : 66-74: Pursell KJ, Telzak EE, Armstrong D. Aspergillus species colonization and invasive disease in patients with AIDS. Chn Infect Dir 1992 ; 14 : 141-8. Lortholary 0, Guillevin L, DuPont B. Les manifestations extrapulmonaires de l’aspergillose invasive. Ann M&d Interne I995 : 146 : 96-101. Germaud P. Buhe T, De Lajartre AY. Le poumon aspergillaire : aspects radiologiques. Ann MCd Interne 199.5 ; 146 : 91-S. Caillot D, Durand C, Casasnovas 0, et al. Aspergillose pulmonaire invasive des patients neutropcniques. Analyse d’une serie de 36 cas : apport du scanner thoracique et de I’itraconazole. Ann MCd Interne 1995 ; 146 : 84-90. Morino. Aspergillus et aspergilloses : biologie. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris). Maladies infectieuses, 8-600-AIO. 1994. DuPont B. Methodes diagnostiques de l’arpergillose invasive. Ann MCd Interne 1995 ; I46 : 102-S. Lortholary 0, Meyohas MC, DuPont B. Cadranel J, et al. Invasive aspergillosis in patients with acquired immunodeficiency syndrome: report of 33 cases. Am J Med 1993 ; 95 : 177.87. Andriole VT. Infections with Aspcugih species. Clin Infect Dis 1993 ; I? : S481-6. Sulahian A, Tabouret M, Ribaud P, et al. Comparison of an enzyme immunoassay and latex agglutination test for detection of galactomannan in the diagnosis of invasive aapergilloais. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1996 ; IS : 139.45. Monnier JF. Elbattah A, Thebault N, Hansel S. Etude bibliographique comparative de l’amphotericine B conventionnelle par voie intraveineuse versus une forme liposomale. Le pharmacien hospitalier 1995 ; 30 : 7-15. Denninp DW. Lee JY, Hostetler JS. et al. NIAID mvcoses studv group multicenter trial of oral itraconazole therapy ‘for invasive aspergillosis. Am J Med 1994 : 97 : 135-44. Denn~ng DW, Del Favero A, Gluckman E, et al. UK-109496. a novel wride-spectrum triazole derivative for the treatement of fungal infections: clinical efficacy in acute invasive aspergilIosis. 35th Interscience conference of antimicrobial agents chemotherapy, San Francisco, 17-20 September 1995 ; abstract F 80.