Caractérisation de la production particulaire par l’oursin Echinometra mathaei sur les récifs Indo-Pacifiques : influence des peuplements coralliens et implications sur la dynamique sédimentaire

Caractérisation de la production particulaire par l’oursin Echinometra mathaei sur les récifs Indo-Pacifiques : influence des peuplements coralliens et implications sur la dynamique sédimentaire

Geobios 37 (2004) 13–22 www.elsevier.com/locate/geobio Caractérisation de la production particulaire par l’oursin Echinometra mathaei sur les récifs ...

482KB Sizes 0 Downloads 27 Views

Geobios 37 (2004) 13–22 www.elsevier.com/locate/geobio

Caractérisation de la production particulaire par l’oursin Echinometra mathaei sur les récifs Indo-Pacifiques : influence des peuplements coralliens et implications sur la dynamique sédimentaire Caracteristics of the particulate production by the sea urchin Echinometra mathaei on Indo-Pacific reefs: influence of coral communities and implications on the sedimentary dynamics Véronique Chazottes a,*, Violaine Chevillotte a, Alexis Dufresne a a

Centre de sédimentologie et paléontologie, UMR 6019, université de Provence, place Victor Hugo, 13331 Marseille cedex 3, France Reçu le 5 juin 2002 ; accepté le 24 janvier 2003

Résumé Le sédiment produit par l’oursin Echinometra mathaei a été étudié sur un récif frangeant de La Réunion (Océan Indien) où les coraux branchus du genre Acropora sont les principaux constructeurs et sur un récif barrière de Moorea (Polynésie Française) où les Porites massifs sont dominants. La composition de ce sédiment a été déterminée au microscope électronique à balayage. La taille et la forme des bioclastes ont été mesurées par analyse d’image. Généralement, les diamètres des particules sont compris entre quelques micromètres et 2 mm, mais la fraction inférieure à 400 µm est largement dominante (plus de 80 % du sédiment total) chez tous les oursins étudiés. Des différences de granulométrie du sédiment produit par les Echinometra ont été mises en relation avec la nature du substrat érodé. Les oursins prélevés à La Réunion sur les Acropora branchus produisent un sédiment généralement plus riche en fractions fines (< 200 µm) alors que les oursins récoltés à Moorea sur les Porites massifs produisent plus de fractions comprises entre 200 et 500 µm. Cette influence du substrat affecte significativement le diamètre moyen des particules qui est de 192,17 µm pour les Acropora et de 244,69 µm pour les Porites. Le fait que le sédiment produit par les Echinometra soit plus fin sur les récifs à Acropora que sur les récifs à Porites massifs se traduit par une plus grande proportion de fractions en suspension vouées à l’exportation. Nous avons estimé que, pour des taux d’érosion et des conditions hydrodynamiques comparables, la production des fractions sableuses par les Echinometra mathaei est plus élevée et la rétention de ce matériel plus efficace sur les récifs à Porites massifs que sur les récifs à Acropora branchus. Cette estimation est en accord avec les proportions de grains en suspension qui avaient été mesurées sur les récifs de Moorea et de La Réunion au cours d’une étude précédente. Cette étude a mis en évidence l’influence des peuplements coralliens sur la production de CaCO3 particulaire liée à la bioérosion et la dynamique sédimentaire. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The characteristics of the sedimentary grains produced by the sea urchin Echinometra mathaei were described from two reef sites: a fringing Acropora-dominated reef at La Reunion island (Indian Ocean) and a barrier Porites-dominated reef at Moorea island (French Polynesia). The composition of the sediment produced by Echinometra was determined from SEM observations. The size and shape of the particles were measured by using image analysis method. The grain diameters range between a few micrometres and 2 mm, with a large predominance (more than 80 %) of particles smaller than 400 µm. The grain size distribution is dependent on the nature of the grazed substratum. Echinometra individuals collected at La Reunion on branching Acropora colonies produce a higher proportion of particles smaller than 200 µm compared to those collected at Moorea on massive Porites colonies. At Moorea, more grains having a diameter comprised between 200 and 500 µm are produced. The microstructure of coral substrata affects the mean particle diameter, which is 192,17 µm for a

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Chazottes). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.geobios.2003.01.008

14

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

Acropora substratum and 244,69 µm for a Porites substratum. Since the sediment derived from Acropora erosion is finer, the proportion of suspended material that is exported from the reef is greater at La Reunion than at Moorea. We estimate that, for similar erosion rates and hydrodynamic conditions, the production of sands by Echinometra mathaei is higher and the retention of this erosional sediment more effective on reefs dominated by massive Porites than on Acropora-dominated reefs. This result is in accordance with the proportions of suspension-moving grains that have been previously measured on Moorea and La Reunion reefs. This study highlighted the effect of coral communities on the production of particles related to the bioerosion and on the sedimentary budget. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Bioerosion ; Production particulaire ; Echinometra mathaei ; Récifs coralliens ; Sédimentation Keywords: Bioerosion; Particle production; Echinometra mathaei; Coral reefs; Sedimentary budget

1. Introduction La bioérosion est souvent considérée comme étant la source principale de sédiments sur les récifs coralliens, devançant même l’érosion mécanique (Hunter, 1977 ; Stearn et al., 1977 ; Scoffin et al., 1980 ; Hubbard et al., 1990). En effet, en dehors des périodes de tempêtes ou d’événements de très haute énergie (ouragans, cyclones...), la production de sédiments par des processus physiques peut être considérée comme négligeable, au moins en ce qui concerne les fractions sableuses et les boues carbonatées (diamètre des particules < 2 mm). Il n’est pas rare que, sur les récifs coralliens, le taux de bioérosion soit du même ordre de grandeur que le taux de calcification par les coraux (Hein et Risk, 1975 ; Scoffin et al., 1980 ; Bak, 1994 ; Conand et al., 1997). Les oursins (Hunter, 1977 ; Glynn, 1988 ; Bak, 1990, 1994 ; Chazottes et al., 1995 ; Conand et al., 1998), les poissons scaridés (Bruggemann et al., 1994 ; Kiene et Hutchings, 1994 ; Bellwood, 1995, 1996), les mollusques et les éponges (Hein et Risk, 1975 ; MacGeachy et Stearn, 1977 ; Risk et MacGeachy, 1978 ; Acker et Risk, 1985 ; Sammarco et al., 1987 ; Hutchings, 1986 ; Kiene et Hutchings, 1994) sont fréquemment cités comme agents majeurs de destruction des substrats coralliens et importants producteurs de sédiment. Les organismes érodeurs se rangent dans deux catégories : les brouteurs tels que les oursins, les poissons et les gastéropodes abrasent la surface des substrats coralliens pour y chercher leur nourriture et les foreurs (bivalves, éponges, polychètes, siponcles, microperforants...) pénètrent activement les substrats carbonatés pour y créer leur habitat (Hutchings, 1986). Parmi les oursins brouteurs, l’espèce Echinometra mathaei se nourrit exclusivement sur les substrats durs et la totalité du calcaire trouvé dans les contenus digestifs de ces oursins peut être qualifiée de « nouveau sédiment » (Bak, 1990 ; Peyrot-Clausade et al., 1995). Sur un site de La Réunion où les E. mathaei sont particulièrement abondants (74 ind m-2), la production de CaCO3 particulaire par cette espèce a été estimée à 8,318 kg CaCO3 m-2 a-1 (Conand et al., 1998). Si le rôle de la bioérosion dans la production bioclastique sur les récifs actuels est communément admis, la taille ou la

forme des bioclastes produits par les organismes érodeurs n’ont fait l’objet que de rares travaux. Le broutage, en général, se solde par la libération, dans le milieu, de particules sableuses à silteuses, arrachées à la trame récifale (Adjas et al., 1990). Les particules produites par les poissons scaridés ont des diamètres qui varient généralement entre 125 et 500 µm (Scoffin et al., 1980 ; Bellwood, 1996). Le sédiment produit par les oursins Diadema est largement dominé par les particules de diamètres inférieurs à 150 µm (Hunter, 1977 ; Eakin, 1996). Les mollusques perforants produisent un sédiment fin, sableux à vaseux (Hein et Risk, 1975). Les éponges perforantes du genre Cliona perforent les substrats calcaires en enlevant des petits fragments (« chips ») d’environ 50 µm de diamètre (Vacelet, 1984). Le sédiment résultant est un silt (Acker et Risk, 1985). La composition des communautés d’organismes érodeurs va donc déterminer la granulométrie du sédiment produit. La tendance générale dépendra alors de la prédominance d’un agent bioérosif sur les autres constituants de la communauté. Par exemple, Sammarco et al. (1987) suggèrent que, dans des conditions de broutage réduit, la bioérosion, résultant essentiellement de l’activité des microperforants et des macroforeurs, se solde par la production d’un sédiment fin. Dans des conditions de broutage normal à intense, le sédiment produit est constitué en partie de particules fines résultant de l’érosion interne et, en partie, de sédiments plus grossiers libérés par le broutage. La taille des produits de la bioérosion contrôle en grande partie le dépôt de ce matériel ou son exportation hors du récif. Cependant, à l’exception de quelques travaux (Hunter, 1977 ; Bellwood, 1996 ; Eakin, 1996), le devenir de ce sédiment a rarement été discuté dans la littérature. Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à la production bioclastique par l’oursin Echinometra mathaei. L’objectif principal est de mettre en évidence l’influence de la taille de l’oursin et du type de substrat brouté sur la taille des particules produites. Les implications sur la sédimentation récifale sont discutées. 2. Matériel et méthodes Quarante deux spécimens de l’espèce Echinometra mathaei ont été prélevés sur deux sites récifaux (Fig. 1), l’un sur

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

15

a

b

Fig. 1. Localisation des sites de prélèvement des Echinometra mathaei sur les platiers internes du récif barrière de Tiahura (île de Moorea, Polynésie Française) et du récif frangeant de Trou d’Eau (île de La Réunion, Océan Indien). Fig. 1. Location of the sampling sites at Moorea (French Polynesia) and La Reunion (Indian Ocean).

le récif barrière de Tiahura (île de Moorea, Polynésie Française) et l’autre sur le récif frangeant de Trou d’Eau (île de La Réunion, Océan Indien). Ces 2 sites ont été sélectionnés pour notre étude car la structure des populations d’oursins brouteurs et la quantification des taux de bioérosion par les échinides y ont fait l’objet de travaux antérieurs (Conand et al., 1998 ; Bak, 1990 ; Chazottes, 1996 ; Chazottes et al., sous presse). De plus, les deux sites présentent des peuplements coralliens différents : les coraux massifs du genre Porites sont dominants sur le platier de Tiahura, alors que les Acropora branchus sont les principaux constructeurs sur le récif de Trou d’Eau. L’influence de ces deux types de substrats coralliens sur la production de CaCO3 particulaire par les Echinometra pourra ainsi être analysée.

Fig. 2. Particules carbonatées dans les contenus digestifs d’Echinometra mathaei prélevés a sur le platier de Tiahura à Moorea et b sur le platier de Trou d’Eau à La Réunion. Échelle : 500 µm. Fig. 2. Carbonate particles in gut contents of Echinometra mathaei collected a at Tiahura, Moorea island and b at Trou d’Eau, La Reunion island. Scale bar: 500 µm.

Sur chaque site, une vingtaine d’oursins a été prélevée. Le substrat sur lequel a été récolté chaque oursin a été noté. Le genre du corail, mais aussi la nature des éventuels recouvrements épilithes ont été répertoriés. Six catégories de substrat ont ainsi été prises en compte : Porites ou Acropora, respectivement colonisé par des algues calcaires, des gazons algaires ou sans recouvrement notable. Dans ce dernier cas, le substrat corallien sera dit « nu ». Le diamètre maximum du test de chaque oursin a été mesuré au pied à coulisse. Chaque oursin a été disséqué et son contenu digestif a été extrait et traité à l’eau de javel pour en éliminer la matière organique et ne conserver que le carbonate de calcium sous forme particulaire. Ces particules ont ensuite été observées au microscope électronique à balayage (Fig. 2). L’origine des bioclastes a été identifiée afin d’estimer la composition du sédiment produit par chaque

16

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

oursin. La taille et la forme des particules ont été mesurées par analyse d’image (logiciel Optilab). Les paramètres retenus sont : • Le diamètre maximum ou grand axe de la particule : longueur du plus grand segment à l’intérieur de la particule • Petit axe de la particule : longueur du plus grand segment perpendiculaire au diamètre maximum • Facteur d’élongation : rapport entre le diamètre maximum et le petit axe de la particule. Entre 500 et 1000 particules ont été identifiées et mesurées pour chaque oursin.

3. Traitement des données L’effet du substrat sur le diamètre (segment maximum) et le facteur d’élongation des particules produites par les Echinometra a été testé par une série d’analyses de la variance (Anova) à deux facteurs fixes croisés. Les deux facteurs sont : le genre du corail (Porites ou Acropora) et la nature du recouvrement épilithe (algues calcaires encroûtantes, gazons algaires ou sans recouvrement). L’effet de la taille de l’oursin sur ces variables a été testé par une Anova à un facteur fixe. Quand les variations étaient significatives (p ≤ 0,05), le test à posteriori de Student-Newman-Keuls (SNK) a été utilisé afin de préciser les moyennes qui étaient significativement différentes des autres (niveau de signification : 0,05). Au préalable, l’homogénéité des variances de chaque population a été testée. La normalité des populations, qui est considérée comme la deuxième condition d’emploi, n’est pas toujours remplie. Toutefois, l’Anova modèle fixe est peu sensible à la non-normalité des populations (Dagnélie, 1975). L’effet sur le niveau de signification est minime : un risque réel de première espèce de 4 à 7 % remplace alors le risque théorique de 5 % (Dagnélie, 1975 : p. 124). L’influence du substrat brouté sur la composition et la granulométrie du sédiment produit par les Echinometra a été étudiée par des tests du Khi-carré (Dagnélie, 1975 : pp. 81–86). L’effet de la taille de l’oursin sur la granulométrie du sédiment a également été étudié par un test du Khi-carré, appliqué respectivement aux données de Moorea et de la Réunion. L’intérêt de ce test est qu’il permet de comparer des distributions de fréquences relatives (pourcentages dans les différentes classes granulométriques) et non des valeurs moyennes calculées sur ces distributions, ce qui est le cas dans l’Anova. Lorsque l’hypothèse d’indépendance est rejetée (v2 observé ≥ v21-a, avec a = 0,05), les contributions des cellules à posteriori sont calculées. L’analyse de ces contributions permet de détecter les fréquences observées qui sont significativement différentes des fréquences attendues sous l’hypothèse d’indépendance des deux variables qualitatives. Le niveau de signification de la différence entre fréquence observée et fréquence théorique est obtenu par comparaison avec une distribution normale standardisée.

Fig. 3. Composition de la fraction particulaire dans les contenus digestifs des Echinometra suivant le type de substrat érodé. (n) = nombre d’individus dans chaque catégorie de substrat. L’écart-type est donné par les barres d’erreur. Fig. 3. Composition of the sediment produced by Echinometra for different types of substrate eroded. (n) number of individuals per category of substratum. Error bars are +1 standard deviation.

Le logiciel SuperANOVA 1.11 a été utilisé pour les analyses de la variance et StatView 5 pour les tests du Khi-carré et les tests d’homogénéité des variances. 4. Résultats 4.1. Composition du sédiment produit par les Echinometra Le sédiment produit par les Echinometra mathaei est très largement dominé par les débris de coraux et d’algues calcaires, les autres constituants (débris de mollusques, de foraminifères, spicules d’éponges...) étant faiblement représentés. En moyenne, ce sédiment est constitué à 60,29 % de débris de coraux et à 35,56 % de débris d’algues calcaires. Toutefois, des différences de composition (Fig. 3 et Tableau 1) apparaissent en relation avec la nature du substrat érodé (v2 = 56,301, ddl = 10, p <0,0001). Les Echinometra récoltés sur des Porites nus produisent le sédiment le plus riche en débris de coraux (78,68 % en moyenne) au détriment des algues calcaires (17,82 %). Ces dernières sont en revanche plus abondantes dans les contenus digestifs des oursins récoltés sur des coraux recouverts d’algues corallinacées encroûtantes (44,52 % à Moorea et 54,08 % à la Réunion). Une proportion notable (9,44 % en moyenne) de lithoclastes a été trouvée dans les contenus digestifs des oursins qui avaient été récoltés à La Réunion, sur des Acropora recouverts de gazons algaires. Ces lithoclastes, issus de l’érosion des bassins versants sont transportés, par les rivières, sur le récif frangeant où ils sont piégés par les feutrages algaires (observation in situ). Ils peuvent ensuite être ingérés accidentellement par les oursins. 4.2. Granulométrie du sédiment produit par les Echinometra Généralement, les diamètres des particules produites par les Echinometra mathaei sont compris entre quelques micro-

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

17

Tableau 1 Composition du sédiment produit par les Echinometra mathaei pour les différents types de substrats érodés. L’indépendance entre les deux variables a été étudiée par un test du Khi-carré. La contribution à posteriori des cellules est donnée entre parenthèses : (+) = fréquence observée supérieure à la fréquence attendue, (-) = fréquence observée inférieure à la fréquence attendue, (ns) = différence non significative. Le nombre de symboles indique le niveau de signification de cette différence : (+) ou (-) : p<0,05 ; (++) ou (--) : p<0,01 ; (+++) ou (---) : p<0,001. Composition of the sediment produced by Echinometra individuals for different types of substrate eroded. The independence between both variables was studied using a Chi-2 test. The a posteriori contributions are given for each cell of the table: (+) = the observed frequency is higher than the theoretical one, (-) = the observed frequency is lower than the theoretical one, (ns) = no significant difference. The number of symbols indicates the significance level of the difference: (+) or (-): p<0.05; (++) or (--): p<0.,01; (+++) or (---): p<0.001. Substrat érodé

Coraux (%) 78,68 (+++) 70,55 (ns) 54,18 (ns) 64,65 (ns) 48,34 (-) 45,34 (---)

Porites nu Porites + gazons Porites + algues calcaires Acropora nu Acropora + gazons Acropora + algues calcaires

Algues Calcaires (%) 17,82 (---) 25,14 (--) 44,52 (+) 31,07 (ns) 40,76 (ns) 54,08 (+++)

mètres et 2 mm. La fraction inférieure à 400 µm est toutefois largement dominante (plus de 80 % du sédiment total) chez tous les oursins étudiés (Fig. 2). L’influence du substrat sur le diamètre moyen des particules a été testée par une Anova à deux facteurs (Tableau 2). Le genre du corail a un effet significatif (p = 0,0357). Le test SNK a montré que les particules provenant de l’érosion des Acropora branchus ont des diamètres généralement inférieurs (192,17 µm) à celles produites à partir des Porites massifs (244,69 µm). Les recouvrements épilithes présents à la surface des substrats n’ont pas d’effet significatif sur le diamètre des particules (p = 0,4974). L’influence du substrat sur la granulométrie du sédiment produit par les Echinometra est confirmée par le test du Khi-carré (v2 = 500,375, ddl = 25, p <0,0001). Un déficit en particules fines, de diamètres inférieurs à 200 µm, et une abondance des fractions comprises entre 200 et 500 µm caractérisent les contenus digestifs des oursins récoltés sur les Porites (Fig. 4 et Tableau 3), sans influence notable du recouvrement épilithe. Les oursins prélevés sur les Acropora

Autres (%) 3,5 (ns) 4,31 (ns) 1,3 (-) 4,28 (ns) 10,9 (+++) 0,58 (-)

branchus produisent un sédiment généralement plus riche en fractions fines (< 200 µm), le sédiment le plus fin étant produit lorsque les Acropora sont colonisés par des gazons algaires. Le facteur d’élongation des particules (Tableau 2) varie suivant le corail érodé (p = 0,0001) mais n’est pas affecté par les recouvrements épilithes (p = 0,5991). Le test SNK montre que les particules produites par le broutage des Acropora sont significativement plus allongées (facteur d’élongation moyen = 2,39) que celles issues de l’érosion des Porites (facteur d’élongation = 2,12). La taille de l’oursin n’a pas d’effet significatif sur le facteur d’élongation moyen (p = 0,1951 à Moorea et p = 0,1620 à la Réunion) ni sur le diamètre moyen des particules (p = 0,5914 à Moorea et p = 0,3582 à la Réunion). En revanche, si la comparaison porte sur les proportions dans les différentes classes granulométriques, l’effet de la taille de l’oursin apparaît nettement à Moorea (v2 = 35,018, ddl = 8, p <0,0001). La contribution de la fraction la plus fine (< 100 µm) dans les contenus digestifs augmente avec la

Tableau 2 Analyses de la variance à deux facteurs fixes croisés montrant l’influence du substrat (corail, recouvrement épilithe) sur le diamètre et l’élongation des particules sédimentaires produites par les Echinometra mathaei. Two-way nested ANOVAs (fixed model) showing the effect of the eroded substrates (coral genus and epilithic cover) on the diameter and elongation of the particles produced by Echinometra. Diamètre particule Corail Recouvrement Corail x recouvrement résidu Facteur d’élongation Corail Recouvrement Corail x recouvrement résidu

ddl 1 2 2 27

SCE 17750,027 5202,876 11475,368 97989,721

CM 17750,027 2601,438 5737,684 3629,249

F 4,891 0,717 1,581

p 0,0357 0,4974 0,2242

1 2 2 27

0,608 0,027 0,041 0,700

0,608 0,014 0,020 0,026

23,453 0,522 0,785

0,0001 0,5991 0,4662

18

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

récoltés à la Réunion avaient tous un diamètre supérieur à 2 cm. On retrouve toutefois la tendance observée à Moorea, avec une contribution de la fraction inférieure à 100 µm plus importante dans les contenus digestifs des individus de grande taille (≥ 3 cm), la fraction comprise entre 200 et 300 µm étant, en revanche, plus abondante chez les individus de plus petite taille (Tableau 5).

5. Discussion

Fig. 4. Granulométrie du sédiment produit par les Echinometra mathaei suivant le type de substrat érodé. Plus de 4000 particules ont été mesurées dans chaque catégorie de substrat. Fig. 4. Grain size distribution of the sediment produced by Echinometra mathaei for different types of substrates eroded. More than 4000 particles were measured in each category of substratum.

taille de l’oursin (Tableau 4), alors que la tendance inverse est observée pour la fraction la plus grossière (≥ 400 µm). Curieusement, les individus de grande taille (≥ 3 cm) produisent un sédiment plus fin que ceux de plus petite taille. L’effet de la taille de l’oursin sur la granulométrie du sédiment est moins marqué à la Réunion (v2 = 9,257, ddl = 4, p = 0,0550), peut-être parce que seulement deux catégories de taille d’oursin sont prises en compte. En effet, les Echinometra

La large prédominance, dans les contenus digestifs des Echinometra, des débris de coraux et d’algues calcaires qui proviennent de l’érosion de la trame bioconstruite du récif confirme le fait que ces oursins s’alimentent essentiellement sur les substrats durs et non sur le sédiment récifal (Bak, 1990 ; Peyrot-Clausade et al., 1995). Ceci est également confirmé par la rareté des autres constituants (mollusques, foraminifères, crustacés, échinodermes, spicules d’éponges et d’alcyonaires...) dans les contenus digestifs alors que leur contribution globale dans les dépôts sédimentaires atteint 20 à 30 % sur les sites de prélèvements à La Réunion et 15 à 48 % à Moorea (données non publiées). Un enrichissement significatif en débris d’algues calcaires a été trouvé dans les contenus digestifs des oursins prélevés dans des zones où le recouvrement par les corallines encroûtantes est important. La composition du sédiment produit par les Echinometra reflète donc la composition des substrats récifaux. Toutefois, cette relation peut être perturbée par la présence de gazons algaires qui piègent des particules sédimentaires d’origines variées. Les oursins qui s’alimentent sur ce type de substrat ingèrent alors une partie de ce sédiment. Ceci explique qu’une proportion non négligeable de lithoclastes ait été trouvée dans les contenus digestifs de certains Echinometra récoltés à La Réunion. Toutefois, ce phénomène ne remet pas en cause le fait que ces oursins s’alimentent exclusivement sur les substrats durs. D’autres oursins sont, en revanche, connus pour s’alimenter en partie sur les accumulations sédimentaires. On trouve

Tableau 3 Influence du substrat sur la granulométrie du sédiment produit par les Echinometra mathaei. Les classes granulométriques définies à partir du diamètre maximum des particules sont exprimées en micromètres. La contribution à posteriori des cellules est donnée entre parenthèses (voir légende du Tableau 1). Grain size distribution of the sediment produced by Echinometra mathaei for different types of substrate eroded. The size classes defined from the maximum diameter of the particles are expressed in micrometres. The a posteriori contributions are given for each cell of the table (symbols as in Table 1). substrat Acropore + algues calcaires Acropore + Gazons Acropore nu Porites + algues calcaires Porites +gazons Porites nu

< 100 18,74% (ns) 30,15% (+++) 19,67% (ns) 5,26% (---) 7,01% (---) 10,84% (---)

[100,200[ 38,26% (ns) 50,04% (+++) 39,33% (ns) 27,19% (--) 29,89% (---) 27,59% (---)

[200,300[ 23,48% (ns) 13,65% (---) 22,59% (ns) 42,11% (+++) 35,79% (+++) 31,03% (++)

[300,400[ 8,31% (ns) 3,93% (---) 8,37% (ns) 16,67% (++) 15,87% (+++) 18,23% (+++)

[400,500[ 4,22% (ns) 1,31% (---) 5,30% (ns) 7,02% (ns) 6,64% (++) 8,37% (++)

≥500 6,99% (+++) 0,92% (---) 4,74% (ns) 1,75% (ns) 4,80% (ns) 3,94% (ns)

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

19

Tableau 4 Influence de la taille de l’oursin sur la granulométrie du sédiment produit sur le récif barrière de Tiahura (île de Moorea). Les classes granulométriques sont exprimées en micromètres. La contribution à posteriori des cellules est donnée entre parenthèses (voir légende du Tableau 1). Influence of urchin size on the grain size distribution of the sediment produced on the Tiahura barrier reef (Moorea island). The size classes are expressed in micrometres. The a posteriori contributions are given for each cell of the Table (symbols as in Table 1). Taille oursin [1-2 cm[ [2-3 cm[ ≥ 3 cm

< 100 5,19% (---) 12,50% (++) 18,18% (+++)

[100,200[ 27,07% (-) 31,82% (ns) 39,39% (ns)

[200,300[ 37,76% (+) 31,25% (ns) 25,76% (ns)

[300,400[ 16,85% (ns) 16,48% (ns) 13,64% (ns)

≥400 13,13% (++) 7,95% (ns) 3,03% (-)

Tableau 5 Influence de la taille de l’oursin sur la granulométrie du sédiment produit sur le récif frangeant de Trou d’Eau (île de La Réunion). Les classes granulométriques sont exprimées en micromètres. La contribution à posteriori des cellules est donnée entre parenthèses (voir légende du Tableau 1). Influence of urchin size on the grain size distribution of the sediment produced on the Trou d’Eau fringing reef (Reunion island). The size classes are expressed in micrometres. The a posteriori contributions are given for each cell of the Table (symbols as in Table 1). Taille oursin [2-3 cm[ ≥ 3 cm

< 100 22,36% (-) 26,37% (+)

[100,200[ 44,59% (ns) 43,48% (ns)

des proportions importantes de sédiment remanié dans les contenus digestifs des Diadema savignyi (en moyenne 33 % du calcaire total), des D. antillarum (43 %) et des Echinothrix diadema (48 %), (Scoffin et al., 1980 ; Bak, 1990 ; Peyrot-Clausade et al., 1995). Les Diadema et les Echinothrix, qui peuvent atteindre de grandes tailles à l’âge adulte (7 à 10 cm de diamètre suivant l’espèce), érodent plus de matériel que les Echinometra, de tailles plus réduites (souvent inférieures à 5 cm). En revanche, si l’on ne considère que les individus de diamètres inférieurs à 4 cm, les Echinometra mathaei sont les producteurs de CaCO3 particulaire les plus actifs (Bak, 1994). A la Réunion, on considère que les E. mathaei sont responsables de la majeure partie du broutage. Leur production en CaCO3 particulaire a été estimée à 2,829 kg CaCO3 m-2 a-1 sur le platier interne de Trou d’Eau, où cette espèce atteint une densité de 18,6 individus m-2, et à 8,318 kg CaCO3 m-2 a-1 sur le platier externe où la densité est de 74 individus m-2 (Conand et al., 1998). Sur le platier du récif barrière de Tiahura, les Echinometra sont moins abondants (3-4 individus m-2) que sur les platiers réunionnais. Avec un taux de seulement 0,4 kg CaCO3 m-2 a-1, ils ne représenteraient que 8 % de la bioérosion par les échinides, dominée essentiellement par Diadema savignyi et Echinothrix diadema (Bak, 1990 ; Conand et al., 1998). Cette étude a montré que les Echinometra mathaei produisent un sédiment silteux à sableux, la fraction la mieux représentée étant celle des sables fins (diamètre compris entre 125 et 250 µm). Il existe peu de données sur la taille du sédiment produit par les échinides. Les rares travaux sur ce sujet concernent les oursins Diadema. Hunter (1977) a montré que la fraction inférieure à 125 µm représente entre 50 et 80 % du sédiment produit par les D. antillarum. Le reste (20-50 %) du sédiment produit correspond à des sables fins à

[200,300[ 20,25% (+) 16,96% (-)

[300,400[ 5,98% (ns) 6,59% (ns)

≥400 6,82% (ns) 6,60% (ns)

grossiers, le diamètre modal s’établissant entre 180 et 250 µm. Des résultats similaires ont été observés pour les D. mexicanum : la fraction inférieure à 150 µm représente 70 à 77 % du CaCO3 produit par ces oursins (Eakin, 1996). Cette fraction représente en moyenne seulement 47,44 % du sédiment produit par les Echinometra à la Réunion et 23,55 % à Moorea. Il semble donc que ces oursins de petite taille produisent un sédiment plus grossier que les Diadema qui sont, avec les Echinothrix, les plus gros oursins brouteurs. Cette étude a confirmé cette tendance au sein même de l’espèce Echinometra mathaei : les petits individus produisent un sédiment plus grossier que les individus de grande taille. Les connaissances sont encore trop fragmentaires pour savoir si cette tendance peut être généralisée et pour en trouver la cause. Cette étude a montré l’influence du substrat sur la taille du sédiment produit par les E. mathaei. Ce sédiment est significativement plus fin lorsqu’il résulte de l’érosion des Acropora branchus, comme à La Réunion, que lorsque le broutage opère sur des Porites massifs, comme à Moorea. Cette tendance est vraisemblablement liée à une colonisation par les micro-organismes endolithes et une porosité naturelle généralement plus fortes chez les Acropora que chez les Porites massifs (Risk et al., 1995 ; Lough et Barnes, 1997 ; Bucher et al., 1998 ; Zubia et Peyrot-Clausade, 2001). Il est logique de penser que la désintégration d’un substrat corallien par les organismes brouteurs est d’autant plus fine que ce substrat est plus poreux. Le sédiment le plus fin résulte de l’érosion des Acropora qui sont colonisés par des gazons algaires. Eakin (1996) a également observé que les Diadema mexicanum produisent un sédiment significativement plus fin lorsqu’ils broutent des Pocillopora recouverts par des gazons. En revanche, nous n’avons pas observé cette tendance avec les coraux du genre

20

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

Porites. En effet, la présence des gazons algaires n’a aucun effet sur la granulométrie du sédiment produit par les Echinometra à Moorea. A l’heure actuelle, nous ne pouvons pas expliquer la tendance observée à La Réunion. Une partie du CaCO3 particulaire produit par les brouteurs s’accumule sur le récif, l’autre partie est transportée par les courants et finalement exportée du récif. Le transport ou le dépôt de ce matériel dépend en grande partie de la taille des particules produites (Eakin, 1996). D’après Bellwood (1996), un courant même modéré, de l’ordre de 10 cm s-1, serait suffisant pour exporter les fractions fines (diamètre < 63 µm) du récif. Le fait que la granulométrie du sédiment produit par les Echinometra varie suivant le type de corail brouté a des répercussions importantes sur la sédimentation. Dans un modèle visant à expliquer la rétention du sédiment sur le récif de Uva (Pacifique est), Eakin (1996) a suggéré que la totalité de la fraction supérieure à 150 µm produite par les Diadema était conservée dans les dépôts sédimentaires. En revanche, 77 % de la fraction inférieure à 150 µm seraient perdus. Ainsi, plus de la moitié (53-60 %) du CaCO3 particulaire produit par ces oursins serait exportée du récif de Uva. Le modèle proposé par Eakin était basé sur des comparaisons de granulométrie entre le sédiment produit par les Diadema et le sédiment récifal. Il prenait en compte l’effet de l’hydrodynamisme local sur le transport des particules sédimentaires produites sur le récif de Uva. Que deviendrait le modèle proposé par Eakin (1996) si le récif de Uva était constitué exclusivement par des Acropora ou par des Porites et si les Diadema étaient remplacés par des Echinometra? A partir des résultats obtenus dans le cadre de cette étude, nous pouvons faire une simulation pour ces deux situations. Si l’on considère, comme Eakin, que 77 % de la fraction inférieure à 150 µm produite par les Echinometra sont exportés du récif, la perte globale de CaCO3 particulaire produit par ces oursins se chiffrerait à 36,53 % sur le récif à Acropora, le reste se déposant sur le récif sous forme de sables fins à grossiers (52,56 % en moyenne) et de fractions fines (10,91 %). Sur le récif à Porites, 18,13 % du sédiment produit par les Echinometra seraient exportés, le reste (76,45 % de sables fins à grossiers et 5,42 % de fines) contribuant à la sédimentation in situ. Ces simulations montrent que, pour des taux d’érosion et des conditions d’énergie hydraulique comparables, la proportion de matériel susceptible de sédimenter in situ sera plus importante sur le récif à Porites massifs que sur le récif à Acropora. Les récifs réunionnais sont directement concernés par les résultats obtenus dans le cadre de cette étude puisque les Acropora en sont les principaux constructeurs et les Echinometra mathaei y sont responsables de la majeure partie du broutage (Chazottes, 1996 ; Conand et al., 1998). Sur le platier de Tiahura, la communauté des organismes brouteurs est plus diversifiée qu’à La Réunion. Les Diadema savignyi et les Echinothrix diadema y sont les principaux érodeurs, devant les Echinometra mathaei et les poissons scaridés (Bak, 1990). La production de CaCO3 particulaire par les oursins et les poissons scaridés a été estimée sur ce site (Bak,

1990) mais la proportion susceptible de sédimenter in situ et celle qui est exportée demeurent inconnues. Malheureusement, le modèle proposé par Eakin (1996) ne peut pas être transposé sur les récifs de Moorea et de La Réunion car les conditions hydrodynamiques y sont encore mal connues. Les directions des courants sont bien définies (Fig. 1) mais leurs vitesses n’ont jamais été mesurées sur les platiers. Au cours d’une étude précédente (Peyrot-Clausade et al., 1999), des pièges à particules avaient été installés sur les mêmes sites à La Réunion et à Moorea. Certains de ces pièges avaient été posés sur le substrat récifal afin de récolter les particules sédimentaires au moment de leur dépôt. Les autres pièges avaient été installés juste sous la limite des basses mers afin de récolter les fractions en suspension, transportées par les courants depuis les platiers vers les zones d’arrière-récif. Nous rapportons ici seulement les résultats relatifs aux pièges supérieurs et obtenus en période de mer calme (Peyrot-Clausade et al., 1999). Les quantités de CaCO3 particulaire récoltées sur le récif de La Réunion étaient de 6,0 ± 1,1 kg CaCO3 m-2 a-1 sur le platier interne et de 11,3 ± 2,0 kg m-2 a-1 sur le platier externe. A Moorea, elles étaient de 1,4 ± 0,4 kg m-2 a-1 sur le platier interne et de 2,2 ± 1,0 kg m-2 a-1 sur le platier externe. Ces résultats avaient montré que, pour un biotope donné, les quantités de sédiment en suspension étaient 4 à 5 fois plus élévées à La Réunion qu’à Moorea alors que les taux de bioérosion totale étaient du même ordre de grandeur sur les deux récifs (Peyrot-Clausade et Chazottes, 2000). Les pièges à particules avaient été installés sur les deux récifs en période de mer calme et les courants sur les platiers étaient alors faibles. L’énergie hydraulique ne permettait donc pas d’expliquer les différences de quantités de sédiment piégé sur les deux récifs. En revanche, la taille des particules recueillies dans les pièges était différente : le diamètre moyen était de 183 µm à Moorea et de 133 µm à La Réunion et le diamètre maximum était de 316 µm à Moorea et de 259 µm à La Réunion (données non publiées). La confrontation de ces résultats avec ceux obtenus dans le cadre de notre étude tend à prouver que le sédiment produit par la bioérosion est plus fin à La Réunion qu’à Moorea, ce qui se traduit par une quantité de sédiments en suspension plus grande sur les récifs réunionnais. La caractérisation (composition, taille, forme) des produits de la bioérosion permet de mieux comprendre le comportement de ce matériel mais aussi d’estimer sa contribution dans les sédiments récifaux. A partir des données de la littérature sur la taille et la forme des particules produites par divers groupes de bioérodeurs et par comparaison avec les caractéristiques du sédiment récifal, la contribution des produits de la bioérosion dans les sédiments du récif barrière de Tiahura a été estimée à 12 % sur le platier externe, 32 % sur le platier interne et à 55 % dans la zone d’arrière-récif (PeyrotClausade et Chazottes, 2000). Un transport sélectif des produits de la bioérosion a ainsi été mis en évidence depuis leur zone de production (platiers) vers les zones les plus internes du récif où l’hydrodynamisme plus modéré favorise leur dépôt.

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

La composition des communautés d’organismes érodeurs détermine la granulométrie du sédiment produit sur un récif donné (Sammarco et al., 1987). Nous avons également montré l’influence du substrat sur la composition et la taille de ce sédiment. Or la composition des communautés benthiques et les agents de la bioérosion varient d’un site récifal à l’autre. La multiplication de telles études visant à caractériser les sédiments produits par différents bioérodeurs à partir de substrats variés devrait permettre de mieux comprendre la dynamique sédimentaire sur les récifs actuels. Les implications sur le fossile sont également importantes. Les coraux sont devenus des constructeurs de récifs à partir du Norien (Perry et Bertling, 2000). La communauté des bioérodeurs était alors dominée par les éponges, les mollusques, les polychètes et les microperforants (Vogel, 1993 ; Perry et Bertling, 2000). Les oursins brouteurs sont apparus au Trias mais ils ne sont devenus d’importants érodeurs qu’à partir du Jurassique (Palmer, 1982 ; Vogel, 1993 ; Wood, 1995). Les poissons scaridés sont apparus plus tardivement, au Miocène (Vogel, 1993 ; Wood, 1995). Ces changements dans la composition de la communauté des bioérodeurs ont vraisemblablement eu des répercussions sur la sédimentation. Le type d’approche que nous avons présenté dans cet article ouvre des perspectives intéressantes pour l’étude des récifs fossiles, notamment en fournissant des éléments de réflexion en ce qui concerne l’impact de la bioérosion sur la dynamique sédimentaire.

Remerciements Le travail présenté dans cet article a été financé en partie par un PNRCO (Programme National Récifs Coralliens). Nous remercions les deux rapporteurs, R. Wood et B. Pittet, pour leurs remarques et critiques constructives, qui ont largement contribué à l’amélioration de cet article.

Références Acker, K.L., Risk, M.J., 1985. Substrate destruction and sediment production by the boring sponge Cliona caribbaea on Grand Cayman Island. Journal of Sedimentary Petrology 55, 705–711. Adjas, A., Masse, J.-P., Montaggioni, L.F., 1990. Fine-grained carbonates in nearly closed reef environments: Mataiva and Takapoto atolls, Central Pacific Ocean. Sedimentary Geology 67, 115–132. Bak, R.P.M., 1990. Patterns of echinoid bioerosion in two Pacific coral reef lagoons. Marine Ecology Progress Series 66, 267–272. Bak, R.P.M., 1994. Sea urchin bioerosion on coral reefs: place in the carbonate budget and relevant variables. Coral Reefs 13, 99–103. Bellwood, D.R., 1995. A direct estimate of bioerosion by two parrotfish species Chlorurus gibbus and Chlorurus sordidus on the Great Barrier Reef, Australia. Marine Biology 121, 419–429. Bellwood, D.R., 1996. Production and reworking of sediment by parrotfishes (family Scaridae) on the Great Barrier Reef, Australia. Marine Biology 125, 795–800. Bruggemann, J.H., van Oppen, M.J.H., Breeman, A.M., 1994. Foraging by the stoplight parrotfish Sparisoma viride. I. Food selection in different, socially determined habitats. Marine Ecology Progress Series 106, 41–55.

21

Bucher, D.J., Harriott, V.J., Roberts, L.G., 1998. Skeletal micro-density, porosity and bulk density of acroporid corals. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 228, 117–136. Chazottes, V., 1996. Étude expérimentale de la bioérosion et de la sédimentogénèse en milieu récifal : effets de l’eutrophisation (île de la Réunion, Océan Indien). Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, Paris 323, 787–794. Chazottes, V., Le Campion-Alsumard, T., Peyrot-Clausade, M., 1995. Bioerosion rates on coral reefs: interactions between macroborers, microborers and grazers (Moorea, French Polynesia). Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 113, 189–198. Chazottes, V., Le Campion-Alsumard, T., Peyrot-Clausade, M., Cuet, P., 2003. The effects of eutrophication-related alterations to coral reef communities on agents and rates of bioerosion (Reunion Island, Indian Ocean). Coral Reefs (sous presse). Conand, C., Chabanet, P., Cuet, P., Letourneur, Y., 1997. The carbonate budget of a fringing reef in La Reunion Island (Indian Ocean): sea urchin and fish bioerosion and net calcification. Proceedings 8th International Coral Reef Symposium 1, 953–958. Conand, C., Heeb, M., Peyrot-Clausade, M., Fontaine, M.F., 1998. Bioerosion by the sea urchin Echinometra on La Reunion reefs (Indian Ocean) and comparison with Tiahura reefs (French Polynesia). In: Mooi, R., Telford, M. (Eds.), Echinoderms: San Francisco. Proceedings of the 9th International Echinoderm Conference, pp. 609–615. Dagnélie, P., 1975. Théories et méthodes statistiques. Applications agronomiques. Volume II : Les méthodes de l’inférence statistique. 2e édition. Les presses agronomiques de Gembloux, Belgique. Eakin, C.M., 1996. Where have all the carbonates gone? A model comparison of calcium carbonate budgets before and after the 1982-1983 El Niño at Uva island in the eastern Pacific. Coral Reefs 15, 109–119. Glynn, P.W., 1988. El Niño warming, coral mortality and reef framework destruction by echinoid bioerosion in the eastern Pacific. Galaxea 7, 129–160. Hein, F.J., Risk, M.J., 1975. Bioerosion of coral heads: inner patch reefs, Florida Reef Tract. Bulletin of Marine Science 25, 133–138. Hubbard, D.K., Miller, A.I., Scaturo, D., 1990. Production and cycling of calcium carbonate in a shelf-edge reef system (ST. Croix, U. S. Virgin Islands): Applications to the nature of reef systems in the fossil record. Journal of Sedimentary Petrology 60, 335–360. Hunter, I.G., 1977. Sediment production by Diadema antillarum on a Barbados fringing reef. Proceedings Third International Coral Reef Symposium 2, 105–109. Hutchings, P.A., 1986. Biological destruction of coral reefs. A review. Coral Reefs 4, 239–252. Kiene, W.E., Hutchings, P.A., 1994. Bioerosion experiments at Lizard Island, Great Barrier Reef. Coral Reefs 13, 91–98. Lough, J.M., Barnes, D.J., 1997. Several centuries of variation in skeletal extension, density and calcification in massive Porites colonies from the Great Barrier Reef: A proxy for seawater temperature and a background of variability against which to identify unnatural change. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 211, 29–67. MacGeachy, J.K., Stearn, C.W., 1977. Factors controlling sponge boring in Barbados reef corals. In: Taylor, D.L. (Ed.), Proceedings third International Coral Reef Symposium, pp. 477–483. Palmer, T., 1982. Cambrian to Cretaceous changes in hardground communities. Lethaia 15, 309–323. Perry, C.T., Bertling, M., 2000. Spatial and temporal patterns of macroboring within Mesozoic and Cenozoic coral reef systems. In: salaco, E., Skelton, P.W., Palmer, T.J. (Eds.), Carbonate platform systems: components and interactions. Geological Society, London, pp. 33–50 Special Publications. Peyrot-Clausade, M., Chazottes, V., 2000. La bioérosion récifale et son rôle dans la sédimentogénèse : Moorea (Polynésie française) et Trou d’Eau (île de La Réunion). Océanis 26, 275–309. Peyrot-Clausade, M., Chazottes, V., Pari, N., 1999. Bioerosion in the carbonate budget of two Indo-Pacific reefs: La Réunion (Indian Ocean) and Moorea (Pacific Ocean). Bulletin of the Geological Society of Denmark 45, 151–155.

22

V. Chazottes et al. / Geobios 37 (2004) 13–22

Peyrot-Clausade, M., Le Campion-Alsumard, T., Harmelin-Vivien, M., Romano, J.C., Chazottes, V., Pari, N., Le Campion, J., 1995. La bioérosion dans le cycle des carbonates : essais de quantification des processus en Polynésie Française. Bulletin de la Société Géologique de France 166, 85–94. Risk, M.J., MacGeachy, J.K., 1978. Aspects of erosion of modern Caribbean reefs. Revista de Biología Tropical 26, 85–105. Risk, M.J., Sammarco, P.W., Edinger, E.N., 1995. Bioerosion in Acropora across the continental shelf of the Great Barrier Reef. Coral Reefs 14, 79–86. Sammarco, P.W., Risk, M.J., Rose, C., 1987. Effects of grazing and damselfish territoriality on internal bioerosion of dead corals: indirect effects. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 112, 185–199.

Scoffin, T.P., Stearn, C.W., Boucher, D., Frydl, P., Hawkins, C.M., Hunter, I.G., MacGeachy, J.K., 1980. Erosion, sediments and internal structure, in: Calcium carbonate budget of a fringing reef on the west coast of Barbados. Part II. Bulletin of Marine Science 30, 475–508. Stearn, C.W., Scoffin, T.P., Martindale, W., 1977. Calcium carbonate budget of a fringing reef on the west coast of Barbados: Part 1. Zonation and productivity. Bulletin of Marine Science 27, 479–510. Vacelet, J., 1984. Les éponges dans les récifs actuels et fossiles. Oceanis 10, 99–110. Vogel, K., 1993. Bioeroders in fossil reefs. Facies 28, 109–114. Wood, R., 1995. The changing biology of reef-building. Palaios 10, 517– 529. Zubia, M., Peyrot-Clausade, M., 2001. Internal bioerosion of Acropora formosa in Réunion (Indian Ocean): microborer and macroborer activities. Oceanologica Acta 24, 251–262.