EMC-Chirurgie 2 (2005) 709–724
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Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx Surgery of laryngeal benign tumours C. Conessa, S. Hervé, E. Roguet, J. Gauthier, J.-L. Poncet * Service d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, France
MOTS CLÉS Larynx ; Tumeurs bénignes ; Microchirurgie ; Laser ; Chirurgie
KEYWORDS Larynx; Benign tumour; Microsurgery; Laser; Surgery
Résumé La chirurgie des tumeurs bénignes du larynx fait appel à deux types de voies d’abord, la voie endoscopique et la voie cervicale latérale. Par la voie endoscopique, l’exérèse tumorale peut être réalisée en utilisant soit le laser, soit les micro-instruments laryngés. Le choix d’une technique par rapport à l’autre dépend essentiellement de la pratique de l’opérateur mais aussi de la facilité d’exposition de l’endolarynx, ce dernier point étant fondamental pour l’utilisation du laser. La voie endoscopique permet ainsi de traiter la majeure partie des tumeurs bénignes du larynx ; cependant, dans certains cas, elle s’avère insuffisante et l’abord cervical s’impose. L’abord cervical latéral permet d’accéder au larynx en passant à travers la membrane thyrohyoïdienne ou en passant à travers la lame du cartilage thyroïde par thyrotomie. La connaissance de ces techniques d’abord latéral du larynx permet de réaliser le traitement des tumeurs bénignes qui n’ont pu l’être par voie endoscopique. Le chirurgien doit donc bien connaître toutes ces techniques, afin de traiter au mieux ce type de pathologie. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract There are two methods for extracting benign laryngeal tumours: the endoscopic approach, either with microsurgery or with laser, and the external, cervical approach. The choice of one of these two accesses depends essentially on the size of the tumour, and also on the anatomy of the larynx. Indeed, even if endoscopic surgery tends to become the gold standard, it can’t be undergone when good larynx exposure, especially of the anterior commissure, is difficult or impossible to obtain. On the other hand, extended tumours, like great laryngoceles, necessitate external approach, through the thyro-hyoid membrane or through the thyroid cartilage’s wing. Deep knowledge of all these techniques is essential for the surgeon. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-L. Poncet). 1762-570X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcchi.2005.10.004
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Introduction Les tumeurs bénignes du larynx correspondent à des néoformations tumorales représentant un groupe hétérogène de tumeurs que l’on peut scinder en trois sous-groupes d’incidence décroissante : • les tumeurs bénignes des cordes vocales, constituées par les lésions dysfonctionnelles ou exsudatives, les lésions kystiques et les cicatrices des cordes vocales ; • la papillomatose laryngée ; • les autres tumeurs bénignes du larynx, qui restent exceptionnelles. Le premier sous-groupe n’est pas abordé car le traitement est décrit dans un autre article de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale.1 Nous verrons donc le traitement du reste de la pathologie bénigne laryngée qui, bien que peu fréquente, nécessite une prise en charge spécifique. En nous limitant aux tumeurs bénignes, nous excluons toute la pathologie maligne, ainsi que toutes les lésions précancéreuses. Ces tumeurs rares du larynx bénéficient essentiellement d’une chirurgie d’exérèse par microchirurgie endoscopique (laser ou micro-instruments), mais dans certains cas, lors de tumeurs solides ou volumineuses, un abord cervical latéral est plus adapté.
Microchirurgie endoscopique La microchirurgie endoscopique est décrite depuis une trentaine d’années,2 mais elle a connu un réel essor au début des années 1980, grâce à une meilleure compréhension de la mécanique et de la physiopathologie glottique d’une part, et grâce au développement de plusieurs progrès techniques d’autre part. Ces progrès sont : la laryngoscopie directe en suspension, le microscope opératoire binoculaire,3 les micro-instruments dérivés de ceux utilisés en otologie, les progrès de l’anesthésie et l’apparition du laser, notamment le laser CO2. Le choix entre micro-instruments et laser est souvent personnel, suivant les habitudes du chirurgien.
Préparation du patient Comme tout geste chirurgical, la chirurgie endoscopique des tumeurs bénignes du larynx doit être indiquée, et le patient doit être loyalement informé des modalités, des risques et des contraintes du geste pratiqué. Dans tous les cas, un bilan exhaustif, éventuellement par imagerie mais surtout par laryngoscopie directe et indirecte, permet une
C. Conessa et al. évaluation physique et fonctionnelle de la tumeur, ainsi qu’un diagnostic anatomopathologique par le biais de biopsies. Le patient doit également être présenté à un orthophoniste, qui organise la rééducation postchirurgicale. De même, le reflux gastroœsophagien doit être dépisté et traité.
Techniques d’anesthésie Techniques de ventilation La jet-ventilation est une alternative séduisante à l’intubation orotrachéale, notamment lorsque l’intervention est brève.4 Cette technique consiste en l’introduction d’un cathéter protégé dans les voies aériennes supérieures et relié à un système de ventilation à haute fréquence. Une valve tronçonne un flux gazeux à haute fréquence (de 50 à 600 C/ min), haute pression (de 2 à 5 bars) et petits volumes (de 50 à 200 ml). Le respirateur contrôle et règle la pression trachéale et le rapport inspiration/expiration. Il ralentit voire arrête automatiquement la ventilation en cas d’élévation de la pression trachéale (obstruction des voies aériennes supérieures). Cette technique garantit l’oxygénation, permet d’alterner ventilation et apnée si le geste chirurgical le nécessite, libère le champ opératoire, mais elle ne protège pas contre l’inhalation. Seuls les respirateurs mesurant la pression téléexpiratoire sont autorisés. Le mélange gazeux inspiré est classiquement composé d’air et d’oxygène dans un rapport deux tiers-un tiers. La jetventilation par voie intercrico-thyroïdienne est celle la plus fréquemment utilisée. Ses avantages sont nombreux : indépendance ventilation/ acte chirurgical ; gestion facilitée de l’intubation difficile ; mise en place aisée du cathéter ; création d’une pression positive résiduelle expiratoire optimisant l’oxygénation. Le maximum d’efficacité est obtenu lorsque le larynx est exposé, car cela ouvre la glotte. Cependant, des risques existent : pneumothorax, traumatisme trachéal et surtout emphysème cervical par fausse-route cervicale du cathéter. Ceci peut s’avérer dramatique chez un patient déjà difficile à intuber. Les contre-indications de la jet-ventilation sont l’infection cervicale, les troubles de l’hémostase et les extensions sousglottiques des carcinomes. La jet-ventilation transglottique est une alternative préférée par certaines équipes. Chirurgie aux micro-instruments Tout type d’anesthésie générale en ventilation contrôlée peut être choisi. Néanmoins, quelques impératifs doivent être respectés : • la suspension laryngée est réflexogène ; une analgésie profonde est donc indispensable ;
Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx • une bonne exposition laryngée peut nécessiter une curarisation ; • l’intubation trachéale doit être réalisée avec une sonde de petit calibre, de manière à laisser au chirurgien le champ opératoire le plus large possible. Chirurgie au laser Il s’agit obligatoirement d’une anesthésie générale intraveineuse, dont sont impérativement exclus et ce, quel que soit le mode ventilatoire choisi, une concentration partielle d’oxygène inspiré (FiO2) supérieure à 30 % (en raison des risques de combustion), le protoxyde d’azote (entretien de la combustion) et les anesthésiques halogénés (création de métabolites toxiques). Il est également impératif de protéger la sonde d’intubation ou le cathéter de jet-ventilation contre le rayon laser, qui risque de l’échauffer, à l’aide d’une feuille d’aluminium ou de cuivre entourant la sonde et de cotonoïdes humides placés en sous-glotte. Il est par ailleurs recommandé de gonfler le ballonnet de la sonde d’intubation à l’aide de sérum physiologique.5 La chirurgie des tumeurs laryngées en ventilation spontanée sans intubation trachéale n’est pas répandue. Elle peut se discuter pour les lésions commissurales postérieures. Elle dégage totalement le champ opératoire et elle limite considérablement le risque de brûlure des voies aériennes (par manque de combustible), mais elle s’adresse aux patients en bon état général, aux poumons sains et impose une grande expérience de ce type d’anesthésie.6 Dans tous les cas, la période postopératoire est dominée par le risque d’apparition de complications ventilatoires. Il s’agit le plus souvent d’une dyspnée haute, qui peut survenir pour deux raisons essentielles : l’obstruction par une tumeur non réséquée en totalité et l’œdème laryngé consécutif au geste chirurgical. Ces complications doivent être systématiquement prévenues par la désobstruction des voies aériennes en fin d’intervention, l’emploi exclusif de cotonoïdes avec fil de rappel, la corticothérapie générale et par aérosols, l’oxygénothérapie normobare, la position demi-assise et la surveillance durant 2 heures au moins en salle de réveil.
711 dre les plis vocaux. Le laryngoscope, choisi le plus large possible, est introduit en prenant garde à ne pas léser les dents de l’arcade supérieure, qui sont de toute façon protégées par un protège-dents. L’exposition laryngée doit être parfaite, notamment en ce qui concerne la commissure antérieure ; aussi ne faut-il pas hésiter à passer du temps à bien mettre en place le laryngoscope et à demander une curarisation du patient au médecin anesthésiste. Le laryngoscope est ensuite fixé à un bras élévateur, que l’on place sur une tablette préthoracique ou sur le thorax du patient. La bonne exposition de la commissure antérieure peut nécessiter la mise en place d’un ruban adhésif appuyant sur les reliefs laryngés et fixé à la table opératoire. Dans le cas particulier de la chirurgie au laser, le visage du patient doit être protégé par des linges humides fixés au laryngoscope (Fig. 1). Tout le visage, notamment les yeux et les lèvres, doit être complètement recouvert. De même, le thorax est recouvert par un champ. Enfin, tout le personnel présent dans la salle opératoire doit porter des lunettes de protection spéciales, la porte de la salle doit être fermée et un écriteau doit prévenir les personnels à l’extérieur de la salle de l’emploi du laser. Le microscope opératoire, porteur d’une focale de 350 ou 400 mm, surmonté de la lentille du laser
Installation du patient Quelle que soit la technique choisie (microinstruments ou laser), la position opératoire du patient est toujours la même : décubitus dorsal, flexion cervicale et hyperextension de la tête par rapport au cou. Cette position permet en effet de bien dégager la commissure antérieure et de déten-
Figure 1 Protection du visage du patient à l’aide de linges humides, dans le cadre de la chirurgie laryngée au laser CO2.
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Figure 2 Installation type pour microchirurgie laryngée au laser CO2 par voie endoscopique.
et de son micromanipulateur, est alors mis en place devant l’extrémité distale du laryngoscope (Fig. 2). Les instruments de phonochirurgie sont bien connus.1 On n’oubliera pas les cotonnettes avec fils de rappel, que l’on humidifie pour protéger la sous-glotte, en cas d’emploi du laser, ni une pince de coagulation bipolaire adaptée au larynx, pour faire face à une éventuelle hémorragie.
Techniques opératoires Chirurgie aux micro-instruments La chirurgie d’exérèse des tumeurs bénignes du larynx doit être la moins délabrante possible, cherchant à préserver le maximum de muqueuse, ainsi que le ligament vocal et les cartilages. La tumeur est saisie de façon fine, à l’aide d’une micropince en cœur de taille adaptée, et attirée sur la ligne médiane. La section muqueuse s’effectue ensuite aux microciseaux au ras de l’implantation de la tumeur, sur la muqueuse saine. Il faut essayer de ne pas entamer les cartilages, ni le ligament vocal.1 L’hémostase de la tranche de section peut être réalisée par application d’un cotonnoïde imbibé de sérum adrénaliné ou par électrocoagulation bipolaire. La pièce opératoire est toujours orientée et adressée au laboratoire d’anatomopathologie, afin de s’assurer de sa bénignité. Chirurgie au laser Le laser CO2 étant le plus utilisé en laryngologie, nous n’exposerons que les modalités d’emploi de ce dernier. Les propriétés physiques du laser ont déjà
C. Conessa et al. été décrites dans de nombreux ouvrages médicaux1,7,8 et nous ne les reprendrons pas en détail. Retenons que les effets du laser sont thermiques, correspondant à la transformation de l’énergie laser en chaleur à l’intérieur même des tissus. Or, aux environs de 70 °C, les protéines sont coagulées. Cet effet peut être bénéfique si l’on cherche à coaguler de petits vaisseaux (jusqu’à 0,5 mm de diamètre environ), mais il peut aussi être néfaste en modifiant les caractéristiques vibratoires de la muqueuse et en induisant une cicatrice rigide. Aux environs de 100 °C, les cellules explosent du fait de la vaporisation de l’eau intra- et péricellulaire. Cet effet peut donner un effet de coupe si le faisceau est suffisamment fin. Or, les lasers actuels offrent des dimensions de spot de 300 lm. Au point d’impact du laser, les cellules explosent donc, ce qui crée un cratère de destruction. La dimension de ce cratère dépend des caractéristiques physiques du laser utilisé (puissance, temps d’émission, taille du faisceau). Autour de ce cratère, on peut trouver une étroite bande de tissu nécrosé, carbonisé, et dont l’épaisseur ne dépend pas de la puissance utilisée mais du type de laser, c’est-à-dire du type d’interaction avec la matière. Avec le laser CO2, cette bande a une épaisseur de 50 lm environ. Autour de cette zone s’étend une zone plus ou moins large dans laquelle les protéines sont simplement coagulées. La largeur de cette bande dépend moins de la puissance choisie que du temps d’émission. Plus ce dernier est long, plus cet effet est marqué. C’est pour cette raison qu’il est préférable d’utiliser le mode pulsé, qui permet de délivrer l’énergie choisie pendant des temps extrêmement courts. L’effet de section est alors privilégié par rapport à l’effet de coagulation et ce, même à des puissances de 10 W. Ainsi, la largeur de la bande d’effet thermique ou de coagulation diminue considérablement, notamment en profondeur, ce qui préserve la lamina propria. Le faisceau du laser CO2 étant dans l’infrarouge (longueur d’onde 10 600 nm), il est invisible. Il faut donc le coupler à un laser visible de faible puissance (hélium-néon rouge), afin de pouvoir le diriger vers la cible. La convergence de ces deux faisceaux est importante à vérifier avant chaque intervention, car elle conditionne la précision du geste opératoire. Par ailleurs, le faisceau laser étant absorbé par le verre, il ne peut pas être véhiculé par des fibres optiques. Pour la chirurgie laryngée, il doit donc être utilisé à l’aide d’un microscope opératoire. Ainsi, les deux faisceaux sont dirigés jusqu’à la cible grâce à un jeu de miroirs semi-transparents et à un micromanipulateur. Le faisceau laser est focalisé à la même distance que la binoculaire opératoire, générale-
Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx ment à 40 cm, ce qui permet de bien voir les lésions à traiter et de faire un point d’impact très précis. Les accidents et les incidents du laser CO2 en oto-rhino-laryngologie ont été parfaitement décrits par Romanet et Morizot dans le rapport de la SFORL en 1983.8 L’égarement du rayon est dû à la réflexion du faisceau laser sur une surface réfléchissante. Il peut alors atteindre le personnel présent dans la salle opératoire ou l’axe aérien du patient à un endroit non désiré. Il peut alors s’ensuivre des brûlures cutanées, labiales ou oculaires, mais aussi un pneumomédiastin, un pneumothorax, un emphysème cervical, voire une hémorragie par atteinte du ligament thyrotrachéal. Ceci est évité en respectant les règles de précaution déjà décrites dans l’installation du patient. Un autre danger réside dans une trop grande puissance délivrée, ce qui entraîne une vaporisation et une zone de coagulation excessives, surtout en profondeur, et risque donc de provoquer une synéchie entre muqueuse du bord libre et ligament vocal, ou encore une zone de rigidité muqueuse trop importante. Le moyen de prévention le plus efficace consiste à utiliser les puissances les plus faibles possibles et selon un mode pulsé. Un autre moyen consiste à bien étirer la lésion à extraire vers la ligne médiane de manière à bien sectionner en superficie. Cependant, le risque de lésion sousglottique par traversée du faisceau est plus grand et impose une protection de cette région à l’aide de cotonnoïdes humides. Enfin, les inflammations sont dues à l’inflammation de la sonde d’intubation ou à l’utilisation d’un gaz explosif. Il peut s’ensuivre des perforations et des brûlures graves de la trachée et du larynx, ainsi que des contusions pulmonaires.9 La prévention de cet accident dramatique passe par la protection de la sonde d’intubation à l’aide d’aluminium et de compresses humides, par le remplissage à l’eau du ballonnet de la sonde d’intubation et par l’utilisation d’une FiO2 de 40 % au maximum.10 En cas d’administration d’oxygène pur, celui-ci ne doit pas être administré avant un laps de temps d’une dizaine de secondes après la fin du tir laser.
Indications Le laser tend à supplanter la chirurgie aux microinstruments dans la prise en charge chirurgicale des tumeurs du larynx, notamment bénignes. Cependant, Benninger,11 dans une étude randomisée prospective sur une série de 37 patients porteurs de polypes, de nodules et de kystes mucoïdes des plis vocaux, n’a montré aucune différence significative en termes de cicatrisation et de résultats fonctionnels entre la microdissection et la chirurgie au
713 laser. Le choix entre ces deux techniques dépend donc des habitudes et du matériel dont chacun dispose.
Traitement postopératoire Le traitement postopératoire est débuté immédiatement après l’intervention. Il comprend : • une antibiothérapie par voie générale à large spectre (type amoxicilline/acide clavulanique), lorsque la résection a été large ou lorsque l’on a traité une mucocèle ; • une corticothérapie générale en cure courte (méthylprednisolone : 1 mg/kg/24 heures durant quelques jours) ; • une corticothérapie locale en aérosol ou en pulvérisations laryngées (Bécotide Spray®) durant une semaine ; • un repos vocal d’une semaine, en recommandant de ne pas chuchoter, car la voix chuchotée nécessite une voix laryngée pour être audible ; • une rééducation orthophonique ensuite, jusqu’à récupération d’une voix de bonne qualité. Point fort La chirurgie endoscopique peut être réalisée soit aux micro-instruments soit au laser, essentiellement CO2. Le choix entre ces deux techniques repose essentiellement sur la pratique de l’opérateur. Par cette voie endoscopique, il est possible de traiter la majeure partie des tumeurs bénignes du larynx.
Abord cervical de la paroi latérale du larynx Rappel anatomique12,13 L’exérèse d’une tumeur bénigne du larynx par voie cervicale nécessite l’exposition et l’ouverture du larynx. Nous nous limitons dans ce rappel à décrire l’anatomie telle qu’on la rencontre lors de l’abord de la face latérale du larynx. Nous trouvons ainsi de dehors en dedans : la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et le platysma, puis deux plans musculoaponévrotiques formés des muscles soushyoïdiens enveloppés par les feuillets de la lame moyenne du fascia cervical. Sternohyoïdien et omohyoïdien forment le plan superficiel, le plan profond comprenant thyrohyoïdien en haut et sternothyroïdien en bas. En arrière de la ligne oblique du cartilage thyroïde et sur la face postérolatérale du cricoïde se
714 trouvent les insertions des faisceaux du muscle constricteur inférieur du pharynx. C’est en dedans de ces différents plans que se situe la face latérale du larynx, dont la description retrouve de haut en bas : la membrane thyrohyoïdienne, le cartilage thyroïde, la membrane cricothyroïdienne et le cartilage cricoïde. L’abord chirurgical de la région présente comme principal rapport dangereux le passage de la branche interne du nerf laryngé supérieur et du pédicule vasculaire homonyme. Le nerf laryngé supérieur, né du ganglion inférieur du nerf vague, passe tout d’abord en dedans des vaisseaux carotidiens avant de pénétrer dans la région, et de se diviser en arrière et en dessous du tubercule de la corne supérieure de l’os hyoïde. Il donne alors une branche inférieure qui descend le long et en avant du bord supérieur du constricteur inférieur et innerve le muscle cricothyroïdien, et une branche supérieure dont dépend la sensibilité de l’étage sus-glottique du larynx, ce qui fait toute son importance et la nécessité de le préserver dans cette chirurgie. Son trajet au sein de l’espace thyrohyoïdien et surtout la localisation précise de sa pénétration sont très différemment décrits selon les auteurs. Lors de son trajet, il décrit une courbe à concavité supérieure, parallèle à la corne supérieure de l’os hyoïde et pénètre, avec les vaisseaux laryngés supérieurs, dans le larynx à travers la membrane thyrohyoïdienne. L’orifice de pénétration se situe verticalement à la jonction tiers moyen/tiers inférieur et horizontalement en regard du bord postéro-interne du muscle thyrohyoïdien. L’artère laryngée supérieure naît précocement de l’artère thyroïdienne supérieure. Elle entre dans la région thyrohyoïdienne en regard de l’extrémité supérieure de la corne supérieure du cartilage thyroïde et, après un trajet sensiblement horizontal, pénètre dans le foramen thyrohyoïdien, toujours en dessous de la branche interne du nerf laryngé supérieur.
Techniques opératoires Le larynx peut s’aborder par voie antérieure ou par voie latérale. Les interventions proposées vont de l’intervention la plus simple, qui consiste en l’ouverture de la membrane thyrohyoïdienne, à la laryngectomie totale, en passant par toutes les chirurgies partielles laryngées réalisées dans la pathologie maligne et qui sont parfois indiquées devant des tumeurs bénignes récidivantes ou volumineuses. Notre but n’est pas de décrire toutes ces interventions dont la plupart sont déjà parfaitement exposées dans le traitement des tumeurs
C. Conessa et al. malignes du larynx. Nous nous limiterons donc à la description des voies d’abord latérales du larynx qui permettent de réaliser l’exérèse de la plupart des tumeurs bénignes développées dans l’espace paraglottique. Deux techniques chirurgicales vont être décrites, l’abord latéral du larynx par la membrane thyrohyoïdienne et par thyrotomie. Anesthésie Elle est générale avec intubation orotrachéale si cela est possible. Sinon, une trachéotomie première est effectuée sous anesthésie locale. Cette trachéotomie est réalisée devant des difficultés d’intubation, en particulier devant des tumeurs volumineuses et solides, ou lorsque la résection tumorale risque d’entraîner une détresse respiratoire postopératoire par œdème ou hémorragie. Position opératoire Le patient est placé en décubitus dorsal, la tête légèrement en hyperextension et tournée du côté opposé à la lésion. L’opérateur se place du côté de la lésion et l’aide en face. Avant de commencer l’intervention, une désinfection cutanée est réalisée et quatre champs opératoires sont positionnés afin de laisser visible la région antérolatérale du cou. Interventions d’abord latéral du larynx Par la membrane thyrohyoïdienne (Fig. 3) L’intervention comporte quatre temps opératoires. Incision. Le tracé de l’incision est préalablement dessiné sur la peau au crayon dermographique. L’incision est effectuée de préférence dans un pli naturel du cou, légèrement arciforme allant du bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien jusqu’à la ligne médiane en avant qu’elle dépasse légèrement. L’incision est située en regard de la moitié supérieure de la lame thyroïdienne. L’incision concerne la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, le muscle platysma homolatéral, jusqu’aux aponévroses des muscles sternohyoïdien et omohyoïdien. La dissection est ensuite menée au-dessus du plan de ces muscles, permettant d’exposer la région thyrohyoïdienne. Exposition de la région opératoire. Les tissus conjonctifs et graisseux situés en avant de la veine jugulaire interne sont libérés, puis le muscle sterno-cléido-mastoïdien est récliné en dehors, ainsi que de l’axe jugulocarotidien. Ce geste permet de dégager la paroi pharyngolaryngée latérale. Le tronc thyro-linguo-facial et le pédicule thyroïdien supérieur sont repérés, puis en profondeur le nerf laryngé supérieur.
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Figure 3 Abord latéral du larynx par la membrane thyrohyoïdienne. A. Exposition de la région thyrohyoïdienne. B. Section des muscles sous-hyoïdiens et visualisation de la membrane thyrohyoïdienne. C. Ouverture de la membrane thyrohyoïdienne. 1. Branche interne du nerf laryngé supérieur ; 2. branche externe du nerf laryngé supérieur ; 3. pédicule artériel laryngé supérieur ; 4. artère thyroïdienne supérieure ; 5. carotide externe ; 6. jugulaire interne ; 7. veine thyroïdienne supérieure ; 8. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 9. carotide primitive ; 10. muscle constricteur inférieur du pharynx ; 11. muscle sternohyoïdien ; 12. muscle sternothyroïdien ; 13. muscle omohyoïdien ; 14. muscle thyrohyoïdien ; 15. lame thyroïdienne ; 16. membrane thyrohyoïdienne ; 17. os hyoïde ; 18. corne supérieure du cartilage thyroïde ; 19. plastysma ; 20. espace thyrohyoïdien recouvert de lame du fascia cervical.
Pour obtenir une meilleure exposition de cette région, les muscles sternohyoïdien, omohyoïdien et thyrohyoïdien peuvent être sectionnés sous le bord inférieur de l’os hyoïde et réclinés vers le bas. Toute la partie antérieure et latérale de la membrane thyrohyoïdienne est ainsi exposée. La branche interne du nerf laryngé supérieur doit être bien visualisée pour ne pas la léser.
La membrane thyrohyoïdienne est ouverte en regard de la tumeur si celle-ci fait bomber la membrane, sinon on réalise une incision horizontale au bord supérieur du cartilage thyroïde. Exérèse tumorale. Un écarteur est placé à la partie supérieure de l’incision de la membrane et un autre à la partie inférieure, permettant de soulever l’os hyoïde et d’abaisser la lame thyroï-
716 dienne. On ouvre ainsi largement l’espace paraglottique, rendant l’exérèse de la tumeur plus aisée. La dissection se poursuit ensuite le long de la face médiale du cartilage thyroïde et médialement dans l’espace paraglottique. Il s’agit d’une dissection prudente pour ne pas ouvrir la muqueuse laryngée. Devant un kyste, on réalise sa ponction une fois les deux tiers du kyste libérés afin de le décomprimer et de permettre une dissection plus aisée de son tiers médial. Par cette technique, on évite l’ouverture de la muqueuse laryngée.14 Cette partie médiale est sectionnée après ligature ou coagulation à la pince bipolaire. Dans le cas d’une laryngocèle, la décompression n’est pas nécessaire et la dissection est poursuivie jusqu’au collet qui est sectionné après ligature. Dans le cas d’une tumeur solide, la traction de la tumeur en dehors permet de la cliver complètement de l’espace paraglottique. Fermeture. La membrane thyrohyoïdienne est fermée, puis les muscles sont suturés pour reconstituer le plan musculaire sous-hyoïdien. Les plans superficiels sont fermés sur drainage aspiratif. L’intervention se termine par une endoscopie laryngée si le patient n’a pas été trachéotomisé. Cette endoscopie permet de vérifier l’état de la filière laryngée et l’absence d’hématome de l’espace paraglottique ou d’œdème laryngé trop important nécessitant une trachéotomie de sécurité avant extubation. Par thyrotomie (Fig. 4) Nous prenons comme type de description la technique le plus souvent rapportée.13,15-17 Cette intervention permet un abord plus large de la région latérale du larynx par rapport à l’intervention précédente et nécessite systématiquement une trachéotomie première sous anesthésie locale.
C. Conessa et al. L’incision est identique à celle de l’intervention précédente et nous décrivons donc cette intervention à partir de l’abord de la région opératoire. Exposition de la région opératoire. Les muscles sous-hyoïdiens sont sectionnés et des fils peuvent être placés sur les tranches de section pour faciliter leur écartement et leur suture en fin d’intervention. Le périchondre de la moitié supérieure de l’aile thyroïdienne est exposé de façon prudente pour ne pas le léser. Une incision est ensuite réalisée le long du bord antérieur du cartilage thyroïde qui se continue par une incision menée le long du bord supérieur de la lame thyroïdienne jusqu’à la base de la corne supérieure du cartilage thyroïde. Le périchondre externe est ensuite ruginé en bas et en arrière jusqu’à la ligne oblique de l’aile thyroïdienne. Le décollement du périchondre interne de la lame thyroïdienne est ensuite effectué avec un décolleur. La lame thyroïdienne étant exposée, elle peut être réséquée soit par fragments à l’aide d’une pince à l’emporte-pièce, soit en bloc après section horizontale de la lame à l’aide d’une scie oscillante adaptée au larynx. L’exérèse du cartilage étant réalisée, une voussure produite par la tumeur est souvent visible à ce stade de l’intervention. Exérèse tumorale. Incision horizontale du périchondre interne permettant d’exposer la partie latérale de la tumeur, puis dissection et exérèse de la tumeur selon les principes décrits précédemment. La cavité constituée par l’ablation de la tumeur est minutieusement inspectée pour faire l’hémostase de tout saignement et repérer une éventuelle brèche de la muqueuse laryngée qui est suturée avec du fil résorbable décimale 3. Fermeture. Les différents plans sont suturés : périchondre interne puis externe ; muscles soushyoïdiens. La peau est fermée sur drainage aspiratif pour éviter un hématome ou un emphysème souscutané.
Variantes D’autres techniques de thyrotomie ont été décrites et nous avons rapporté les plus fréquentes sur la Figure 5.18-21
Suites opératoires
Figure 4 Abord latéral du larynx. Thyrotomie latérale avec résection de la partie supérieure de l’aile thyroïdienne.
Le suites opératoires sont habituellement simples. Le drain aspiratif est enlevé au premier ou au deuxième jour postopératoire. L’orifice de trachéotomie peut être fermé au troisième ou quatrième jour postopératoire. Le traitement postopératoire est débuté immédiatement après l’intervention. Il comprend, lorsque la muqueuse laryngée a été ouverte :
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Figure 5 Variantes des thyrotomies. A. Selon Lewis, section verticale de la lame thyroïdienne. B. Selon Thome, résection d’un triangle cartilagineux à sommet inférieur. C. Selon Malis, réalisation d’un volet cartilagineux à charnière inférieure. D. Selon Netterville, réalisation d’un volet à charnière supérieure.
• une antibiothérapie par voie générale à large spectre (type amoxicilline/acide clavulanique) ; • une corticothérapie générale en cure courte (méthylprednisolone : 1 mg/kg/24 heures durant quelques jours).
Point fort L’abord latéral du larynx peut se pratiquer en passant par la membrane thyrohyoïdienne ou par thyrotomie latérale. Ces deux voies d’abord sont peu utilisées dans le cadre de la chirurgie des tumeurs bénignes, mais elles deviennent nécessaires devant des tumeurs vasculaires, volumineuses, solides, et lorsqu’une exposition correcte endolaryngée ne peut être obtenue.
Indications Papillomatose laryngée La papillomatose laryngée est à la fois une affection rare et la plus fréquente des tumeurs bénignes du larynx chez l’enfant. Il s’agit d’une pathologie à prédominance masculine, dont les deux tiers des cas se voient chez l’enfant, réalisant la papillomatose laryngée juvénile, principalement avant l’âge de 10 ans, parfois avant 5 ans. Les lésions disparaissent classiquement à la puberté. Il existe une participation virale (human papilloma virus 6 ou 11) à sa pathogénie. Il s’agit d’une prolifération tumorale malpighienne bénigne de type papillaire. La localisation de la papillomatose est laryngée dans 90 % des cas ; elle peut être
718 isolée ou associée à d’autres localisations trachéobronchiques, pulmonaires ou rhino-pharyngoœsophagiennes. Au larynx, l’étage glottique est constamment atteint, avec une extension plus souvent sous-glottique que sus-glottique. Il existe un type localisé à évolution lente et un type diffus à évolution rapide.22 L’évolution est imprévisible : formes bénignes aux récidives espacées et guérison après quelques séances d’exérèse ; formes persistantes ; formes agressives entraînant des troubles respiratoires nécessitant parfois une trachéotomie responsable à son tour de prolifération papillomateuse23 imposant des actes thérapeutiques multiples, des cicatrices et synéchies. Il existe des formes révélées par une dyspnée laryngée aiguë.24 Les complications sont : l’asphyxie avec décès parfois ; les complications infectieuses pulmonaires et à distance ; les complications iatrogènes, principalement synéchies commissurales antérieures du larynx ; les sténoses trachéales après trachéotomie prolongée, sources de dysphonie définitive et de dyspnée.25 La transformation cancéreuse est possible chez l’adulte, mais est très rare.26,27 La contamination du personnel de bloc opératoire a été décrite : ceci impose une protection du personnel par des masques adaptés à l’usage du laser, dotés de pores extrêmement petits.28 Traitement Le but du traitement est double : désobstruction laryngée et éradication du papillome. Les moyens thérapeutiques sont chirurgicaux (instrumentaux) et médicaux. Traitements médicaux Ils sont de réalisation difficile : interféron ; immunothérapie par autovaccin préparé à partir d’un extrait protéique obtenu à partir de fragments de papillomes prélevés sous laryngoscopie directe. Traitement chirurgical Il repose sur l’exérèse des lésions par voie endoscopique. L’anesthésie générale est parfois délicate en cas d’obstruction des voies aériennes chez l’enfant. La jet-ventilation tend à remplacer l’intubation endotrachéale car elle permet une bonne visibilité du champ opératoire, mais elle n’est pas dénuée de risques, en particulier de barotraumatisme.29 Certains réalisent le geste en ventilation spontanée ou lors d’apnées.29 L’épluchage (exérèse à la pince) des lésions laryngées est la méthode la plus simple. Elle permet le diagnostic histologique mais elle n’est pas la plus efficace pour éviter la récidive. La
C. Conessa et al. technique est hémorragique, gênant l’appréciation des limites exactes des lésions. L’exérèse doit concerner le tissu tumoral friable sans léser les tissus normaux avoisinants. Le ligament vocal est menacé et il existe un risque de constitution de cicatrices fibreuses : synéchies cordales antérieure ou postérieure ; sténose laryngée. Le traitement au laser CO2 est intéressant car moins hémorragique que l’exérèse à la pince et moins pourvoyeur d’œdème.30 Le laser réalise une destruction sur place des tissus, évitant leur dissémination vers l’arbre respiratoire. Il est conseillé d’utiliser un système d’aspiration des fumées et des produits de destruction dus au laser, afin de conserver un champ de vision exempt de fumées et de prévenir l’infection par les particules virales du personnel présent au bloc opératoire, aussi bien que des tissus sains avoisinants. Le laser CO2 est utilisé à la puissance de 10 à 15 W en tir continu ou de 50 à 80 W en impulsions de 8 à 10 secondes.31 L’utilisation de microspots et d’énergies inférieures à 5 W, de modes de tir fractionnés, permettrait de diminuer les séquelles et d’obtenir de meilleurs résultats. La cicatrisation serait moins fibreuse, moins pourvoyeuse de synéchies ou de sténoses. Certains utilisent le laser véhiculé par une fibre orientable (lasers Nd-YAG ou KTP, ou lasers à diode).32 Certaines équipes ont remplacé l’usage du laser par l’usage du microdébrideur pour l’ablation des lésions papillomateuses chez l’enfant.29,33 L’emploi de substances antimitotiques, soit en badigeonnage local, soit plutôt en injection sur le site d’exérèse après exérèse laser ou exérèse instrumentale, peut être intéressant pour les papillomatoses très récidivantes.34-36 Les injections intracordales de cidofovir augmenteraient le taux de réponse complète ou l’intervalle entre les interventions chirurgicales (dans 61 % de ces cas pour Schraff et al.29 et 76,9 % des cas pour Lee et Rosen37). La trachéotomie peut être évoquée en cas de dyspnée : elle doit être évitée à tout prix. Elle comporte un risque de diffusion de la papillomatose à l’arbre respiratoire, au trajet de la trachéotomie et à la peau, et un risque de sténose laryngée ou trachéale. Il est préférable de réaliser une intubation et une désobstruction, sachant que l’intubation peut également favoriser une migration tumorale à l’arbre respiratoire. Indications Papillomatose bénigne L’exérèse au laser CO2 est la meilleure méthode.
Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx Papillomatose extensive ou récidivante Un traitement médical adjuvant est nécessaire à l’exérèse endoscopique. L’exérèse endoscopique est réalisée à la pince pour le prélèvement des formations papillomateuses bourgeonnantes, et au laser pour la base d’implantation des papillomes, en évitant une exérèse trop large pour éviter les séquelles cicatricielles. La mitomycine C pourrait diminuer la fréquence des synéchies antérieures.38 Il convient d’éviter la multiplication des exérèses au larynx, quitte à supporter une dysphonie parfois importante.39 Le laser est un instrument précis, mais n’est pas curatif. On évite la trachéotomie en réalisant des désobstructions laser à la demande en fonction des récidives. Résultats Ils sont très variables : guérison totale dans 43 % des cas ; amélioration significative dans 40 % des cas ; échecs dans 17 % des cas, mais avec une disparition des lésions à l’âge de la puberté pour un très grand nombre de ces échecs, et en particulier sevrage de la trachéotomie chez 80 % des enfants trachéotomisés.
Kystes du larynx40 Ils se répartissent en deux groupes. Kystes de type canalaire ou rétentionnel Ils peuvent se situer à tous les étages du larynx et proviennent de l’obstruction des canaux des glandes muqueuses. Ils sont généralement de petite taille et superficiels. Leur traitement se fait essentiellement par voie endoscopique. L’intervention consiste à pratiquer une incision avec aspiration du contenu, une marsupialisation ou une exérèse du kyste en totalité. Kystes sacculaires Ils se développent à partir du saccule laryngé, et peuvent être congénitaux ou acquis. Ces kystes sont divisés en deux groupes selon la classification de Desanto et al.,41 les kystes antérieurs et les kystes latéraux. Cependant, cette classification ne sépare pas les kystes congénitaux des autres. Forte et al.42 proposent donc une nouvelle classification pour les kystes congénitaux qui repose sur leur étude histologique, embryologique et leur localisation. Cette classification divise ces kystes en deux groupes, les kystes de type I (limités au larynx) et les kystes de type II (étendus hors du larynx). Cette pathologie se rencontre aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Historiquement, Holinger et al.43 en 1978 proposaient chez l’enfant l’as-
719 piration à l’aiguille du liquide contenu dans le kyste comme traitement initial. Cependant, la récidive était extrêmement fréquente, car l’oblitération complète du kyste était rarement obtenue, d’où l’idée de l’ouvrir largement. Le laser était utilisé en complément de la marsupialisation. Ce traitement nécessitait souvent plusieurs procédures avec la réalisation d’une trachéotomie dans le même temps. En 1992, Civantos et Holinger44 notaient que, sur neuf patients dont le diagnostic de kyste latéral du larynx avait été posé, une moyenne de six traitements par voie endoscopique avait été nécessaire. Devant ces récidives fréquentes après traitement endoscopique, Ward et al.14 proposèrent de réaliser, après un ou deux échecs par voie endoscopique, un abord par voie cervicale afin d’assurer la résection complète du kyste. Enfin, Forte et al.42 proposent, dans le cas de kystes congénitaux, une voie endoscopique pour les types I et une voie externe pour les types II. Chez l’adulte, les différents auteurs restent favorables à un traitement par voie endoscopique de ces kystes. De Santo et al.41 ne rapportent qu’un seul cas de récidive, après traitement de 29 kystes antérieurs chez l’adulte. De même, Holinger et al.,43 sur 22 patients, n’ont pas eu de récidive dans le traitement des kystes antérieurs par voie endoscopique, pour les patients présentant des kystes latéraux ; ils préconisent néanmoins une voie d’abord externe comme Thabet et Kotob45 et Malis et Seid.20 En revanche, Hogikyan et Bastian46 ont traité sept volumineux kystes latéraux par voie endoscopique et n’ont eu aucune récidive. En fait, il n’y pas de véritable consensus dans la littérature et il semble qu’on puisse utiliser soit la voie endoscopique, soit la voie cervicale, pour traiter ce type de lésion.
Laryngocèles La classification retenue pour les laryngocèles est celle de Holinger et al.43 Les laryngocèles sont classées en internes, externes (exceptionnelles) et mixtes, avec une composante interne et externe. Le traitement de ces lésions est chirurgical. Pour la plupart des auteurs,18,41,43,47 la voie externe semble préférable à la voie endoscopique pour l’exérèse définitive, en particulier chez l’adulte. La laryngocèle est disséquée au plus près de son collet, puis sectionnée après ligature du collet. Un bilan endoscopique laryngé complet, en particulier du ventricule avec biopsies, s’impose systématiquement avant de réaliser l’exérèse chirurgicale de la laryngocèle, afin d’éliminer un cancer responsable de la laryngocèle par blocage de l’ostium. La voie cervicale semble être la voie d’abord du trai-
720 tement des laryngocèles, mais certains auteurs utilisent la voie endoscopique.48-51 À signaler les laryngocèles postchirurgie partielle laryngée supracricoïdienne, dont le traitement repose sur la marsupialisation par voie endoscopique.
Tumeurs vasculaires Granulomes52,53 Les granulomes sont les tumeurs vasculaires les plus communes du larynx (Fig. 6). Ils sont secondaires à des facteurs d’irritation chronique de la muqueuse, ou à des traumatismes laryngés après intubation ou après traumatisme. Le traitement consiste à éliminer les facteurs irritants, en particulier le reflux gastro-œsophagien.54 Ces granulomes n’étant pas obstructifs, il n’y a pas de traitement endoscopique. Cependant, une exérèse laser peut être effectuée afin de réaliser une examen anatomopathologique devant un aspect suspect du granulome. Angiomes ou hémangiomes55-57 Angiome immature du nourrisson Son traitement est symptomatique, car ces angiomes involuent de façon spontanée. Une corticothérapie est prescrite lors des poussées évolutives. Lors de détresse respiratoire, une intubation est réalisée le temps de la crise. Le traitement par voie endoscopique ou chirurgical (intervention d’élargissement du larynx, trachéolaryngofissure d’Evans) est à discuter lorsqu’une extubation n’est pas possible et si l’angiome persiste au-delà de 18 à 24 mois.
C. Conessa et al. pour les petits angiomes, la chirurgie partielle laryngée après embolisation sélective s’il existe un pédicule artériel nourricier principal. Lymphangiomes Le lymphangiome isolé du larynx est rare. Il s’agit le plus souvent d’un lymphangiome diffus cervical qui s’étend au larynx. Le traitement chirurgical est très difficile, car la récidive est quasi systématique en cas de résection limitée. Les résections totales sont difficilement réalisables, en particulier chez l’enfant, car elles sont trop délabrantes.
Tumeurs musculaires58,59 Rhabdomyomes Pour ce type de tumeur, le traitement consiste en une exérèse complète, tout en étant le plus conservateur possible. La voie cervicale est la voie la plus adaptée. Léiomyomes et léiomyoblastomes (Fig. 7) Ce sont des tumeurs exceptionnelles. Leur traitement repose sur une exérèse complète par voie endoscopique ou externe.
Lipomes
Angiome mature Il s’agit d’un angiome non involutif qui reste rare au larynx. On préconise l’abstention thérapeutique
Ils se développent essentiellement sur l’épilarynx et l’épiglotte pour les tumeurs à développement extrinsèque, plus préférentiellement dans les bandes ventriculaires pour les tumeurs à développement intrinsèque. Le traitement chirurgical se fait soit par voie cervicale, soit par voie endoscopique par résection au laser CO2,60 le but étant d’enlever la totalité du lipome afin d’éviter la récidive.
Figure 6 Vue endoscopique d’un granulome situé à la partie postérieure de la corde vocale droite.
Figure 7 Vue endoscopique d’une tumeur musculaire : léiomyome implanté sur l’épilarynx latéral droit.
Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx
Tumeurs glandulaires61,62 Adénome pléomorphe Seulement une trentaine de cas ont été décrits dans la littérature. Ces tumeurs sont développées à partir des glandes salivaires accessoires présentes dans le larynx. Le problème de ce type de tumeur est représenté par le risque de récidive lors de l’ouverture de la capsule et la transformation maligne sur le long terme. Il faut réaliser une chirurgie large par voie externe, impliquant de pratiquer des interventions type laryngectomie partielle. Oncocytome Du fait de l’absence de malignité et de son aspect kystique, le traitement consiste en une simple exérèse, soit par voie endoscopique, soit par voie cervicale.
Tumeurs nerveuses16,63-68 Schwannome solitaire Estimé à 1,5 % des tumeurs bénignes, son traitement est chirurgical par résection sous-muqueuse et extracapsulaire. La clef du succès thérapeutique repose sur la résection complète de la tumeur tout en préservant les fonctions du larynx. C’est l’abord cervical qui s’impose. Celui-ci est fonction du siège tumoral : thyrotomie latérale ou pharyngotomie latérale si la tumeur est étendue au récessus piriforme. La voie endoscopique est réservée aux petites tumeurs. Neurofibrome Encore plus rare (0,5 %), à la différence du schwannome solitaire il survient dans le cadre d’une neurofibromatose de type I. Il s’agit d’une tumeur non encapsulée pouvant adhérer aux muscles, avec risque de récidive. Dans 10 % des cas, une transformation maligne en neurosarcome est observée. Une chirurgie laryngée partielle s’impose et le type d’intervention dépend de la localisation tumorale dans le larynx.
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Paragangliomes69,70 Ce sont des tumeurs neuroendocriniennes bénignes du système parasympathique dérivant de la crête neurale. Le traitement chirurgical de ces tumeurs par voie cervicale s’impose, car c’est la seule voie qui permette l’exérèse complète et le contrôle du saignement par ligature première de l’artère laryngée supérieure. La résection par voie endoscopique ne permet pas un contrôle du saignement et la récidive est fréquente.
Tumeurs cartilagineuses71-74 Le siège habituel de ces tumeurs (200 cas décrits dans la littérature) se situe dans 70 % des cas sur le chaton cricoïdien (Fig. 8), dans 20 % à l’épiglotte et le reste sur l’aryténoïde. Le traitement est chirurgical par excision complète du chondrome. L’abord classique est représenté par un abord antérieur avec ouverture de l’arc antérieur du cricoïde et des premiers anneaux trachéaux (Fig. 9). Après incision de la muqueuse en regard du chondrome, celui-ci est enlevé par énucléation associée à un curetage jusqu’en zone saine en conservant le périchondre et l’armature du cricoïde. Un calibrage endolaryngé est nécessaire pour appliquer la muqueuse et le périchondre afin d’éviter une sténose. Si une résection du cricoïde est nécessaire, celle-ci ne doit pas dépasser la moitié de l’anneau cricoïdien. Au-delà, une laryngectomie totale est la seule solution thérapeutique envisageable. L’exérèse par voie endoscopique est possible pour les petits chondromes limités.
Tumeurs à cellules granuleuses d’Abrikossoff L’atteinte laryngée correspond à 0,4 % des tumeurs bénignes du larynx. Ce sont des tumeurs d’origine schwannienne dont l’aspect macroscopique est celui d’une masse polypoïde, sessile, molle, à muqueuse normale. Le traitement repose sur l’exérèse locale, par voie endoscopique ou par voie cervicale selon la localisation et la taille de la tumeur. Le taux de récidive locale est de 2 à 8 % et impose une exérèse la plus complète possible.
Figure 8 Chondrome du cricoïde, coupe scanographique axiale du larynx passant par la tumeur.
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C. Conessa et al.
Références 1.
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Figure 9 Chondrome du cricoïde : abord par voie antérieure ; ouverture verticale médiane du cartilage thyroïde, du cricoïde et des premiers anneaux trachéaux.
6.
7.
Dépôts amyloïdes52 Ce sont des dépôts de protéines fibrillaires qui se localisent préférentiellement à l’étage supraglottique du larynx. Le traitement consiste à enlever la totalité de la lésion tout en préservant les fonctions laryngées. L’exérèse se réalise par voie endoscopique ou cervicale, mais les récurrences sont fréquentes, nécessitant de multiples interventions.
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Conclusion
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Le traitement des tumeurs bénignes du larynx repose essentiellement sur les techniques de chirurgie endoscopique en utilisant soit le laser, soit les micro-instruments. Ces techniques d’exérèse par les voies naturelles permettent de traiter les lésions les plus fréquemment rencontrées dans la pathologie bénigne du larynx. Celles-ci sont représentées par la papillomatose, les kystes et les laryngocèles. Les autres tumeurs, qui restent rares75 et qui sont rapportées pratiquement au cas par cas dans la littérature, bénéficient aussi des possibilités thérapeutiques offertes par la voie endoscopique. Cependant, devant une tumeur volumineuse et solide, vasculaire ou adhérente aux plans profonds avec risque important de récidive, la voie d’abord cervicale avec ouverture du larynx par voie latérale est nécessaire. Enfin, exceptionnellement, il faut réaliser des techniques de chirurgie partielle laryngée, rejoignant ainsi la chirurgie des tumeurs malignes du larynx.76
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