CHRONIQUE
DROIT
DE JURISPRUDENCE*
DES PERSONNES
Cecile Bonneman Docteur en droitprivt?, facuh! de droit et de science politique de Rennes
L’information
du patient
Le medecin, (( protecteur nature1 du malade )) comme le qualifiait Rem? Savatier (D. 1948, p. 298), a le devoir d’informer son patient sur les soins ou l’intervention medicale envisagee. Fondements de /‘obligation d’information Lobligation d’information du patient est imposte par l’article 35 du Code de deontologie mtdicale selon lequel le mtdecin doit au malade (( une information Ioyak, Claire et approprike sur son hat, Les investigations et ks soins qu’t’l lui propose. Tout au long de la makzdie, il tient compte de la personnalite’ du patient ahs ses explications et veilk sur kur comp&ension b). Au-deli du devoir d’ordre purement deontologique, l’obligation d’information du patient est de plus en plus frequemment inscrite dans les textes relatifs aux questions de santt publique. La Convention sur les droits de l’homme et la biomtdecine du Conseil de I’Europe, en date du 4 avril 1997, impose d’ailleurs que la personne, sur laquelle (( une intervention dans k ahmaine de la Sante’)) doit Ctre effect&e, receive (( pr6!alublement une information a&quate quant au but et It La nature de htervention ainsi que quunt d ses cons& quences et ses risques )) (art. 5, al. 2) afin qu’elle puisse donner un (( consentement libre et hhirt! )) (art. 5, al. 1). &sentiment du malade aux soins proposes par le medetin ne peut, en effet, avoir de reelle valeur que s’il a CtC don& en pleine connaissance de cause. L’exigence du recueil du consentement (( eclair+ )) se fonde sur le noli me tangere fondamental. Les principes d’inviolabilitt du corps humain et d’inttgritt corporelle (C. civ., art. 16-1, al. 2 et 16-3 al. 1) signifient qu’un individu ne peut &tre contraint de subir une atteinte a son corps. Cependant, I’afXrmation de ces principes n’a pas pour finalite de revendiquer l’illiceite de toutes atteintes. En fait, en vertu de l’article 16-3 du Code civil, l’atteinte a l’indgrite du cops humain est justifiee lorsque deux conditions sont ‘NDLR : Le m-mede recherche juridique de l’Ouest (CRJO) pro&de pour h4Cderine & Droit, sous la direction de madame Lc Mintier, a une Ctude systtmatique de la jurisprudence.
Med 19 Dmit 2001 ; 46 : 17-22 0 2001 Editions scientifiques et m&kales Elsevier SAS. Tous droits r&en&
reunies : la m!cessitf!thhapeutique pour I’indresse et le recueil prealable de son consentement &Z-P. Lobligation d’information du patient est depuis longtemps consacree par la jurisprudence. En effet, en precisant que (( kpraticien n’haitpas tenu de dormer une connaissance par@ite des d&ails de 1’ostPotomie)), les juges du Tribunal civil de Litges le 27 novembre 1889 (D. 1891, 2, p. 281) imposaient deja aux medecins l’obligation de presenter au malade l’intervention envisagee. Depuis lors, cette obligation d’information est rtgulierement rappelee par les tribunaux, comme l’illustre la jurisprudence actuelle. Cependant, la question de l’hzdue de L’information que le mtdecin doit donner a son patient souleve un contentieux en pleine mutation, tout comme le probleme de la preuve ou du manquement a cette obligation d’information. &endue de /‘obligation d’information Distinction entre information SW /‘&at de santk du patient et information SW l’acte medical envisogd Le defaut d’information sur l’ttat de Sante du patient est rarement retenu par les juges car, dam ce cas, le praticien dispose dune certaine libertt. En effet, l’alinta 2 de l’article 35 du Code de deontologie mtdicale prevoit que (( akns l’inth& du maLade et pour des raisons k@imes que k praticien appr& tie en conscience, un mahde peut he tenu dans lignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave N. Si le medecin dispose du choix de s’abstenir de r&ler un diagnostic ou pronostic grave lorsque son patient n’est pas en mesure d’affronter la realitt, a contrario le medecin doit done, dam tous les autres cas, informer le patient sur son Ctat de Sante. Ainsi, le medecin ne peut se dispenser d’informer le malade lorsque son silence risque d’avoir des consequences sur sa same (CA Paris, 8 juin 1989 : R.D. san. sot. 1990, p. 49 ; Cass. civ. 1, I6 juill. 1991 : JCP cd. G, 1992, II, 21947), ou lorsque son abstention prive le patient dune possibilitt de choix sur le traitement ou l’intervention (T.G.I. Metz, 22 dtc. 1994, intdit). Dans une decision du 23 mai 2000, la premikre chambre civile de la Cour de cassation (Juris-Data no 002109 ; JCP Cd. G, 2000, II, 10342) vient de rappeler que (( ayant souverainement estimi que li’nt&t du patient jus#ait la limitation de hformation quant au diagnostic (patient souffrant dune psychose maniaco-depressive dont la r&elation precoce aurait pu entrainer le suicide du patient compte tenu de l’alternance des phases mtlancoliques et &excitation maniaque), la tour d’appel a pu &cider que k praticien nhvaitpas commis de faute PP. 17
L’obligation d’information prtalable sur le traitement ou I’acte mtdical envisagd est, quant A elle, d’un autre ordre. En fait, cette information consiste, avant toute intervention, a avertir suffkmment le patient de la nature de l’acte mMical proposC, des risques et avantages qu’il comporte, de ses consequences hentuelles et de toutes circonstances ayant un rble dtterminant dans sa decision.
Dans le m&me ordre d’idr?es, le mtdecin n’Ctait pas tenu d’informer le malade sur les accidents ((pratiquement imp& visibks )) (T. civ. Lyon, 12 janv. 1951 : D. 1951, p. 323 ; Cass. civ. 1, 13 mai 1959 : D. 1959, somm. 107 ; Bull. civ. I, no 240), ou sur les risques Ndent la rkalisation est si improbable qu’ihpeuvent &re wgfigej N (CA Lyon, 17 nov. 1952 : D. 1953, p. 253, note Gervtsie ; T.G.I. Seine 6 f&r. 1962 : D. 1962, somm. p. 62). Au contraire, le mtdecin doit informer son patient des suites et constquences prkvisibles, mkme exceptionnelks, d&o&m de l’intervention mtdicale (Cass. civ. 1, 9 mai 1983 : D. 1984, p. 121, note J. Penneau), ce qui est distinct du risque inhkrent B une intervention. En outre, en mat&e de chirurgie esthktique, l’obligation d’information Ctait plus &endue. En effet, le mCdecin devait informer non seulement des risques (( normaux )) mais aussi des risques (( exceptionneh )) que faisait courir au patient l’intervention proposee (Cass. civ. 1, 17 nov. 1969 : JCP 1970, cd. G, II, 16507, note R. Savatier ; CA Lyon, 8 janv. 1981 : D. 1982, IR p. 274, obs. J. Penneau ; JCP 1981, Cd. G, II, 19699, note F. Chabas ; C.E. 15 mars 1996 : JCP 1996, Cd. G, IV, 1593, obs. M.C. Rouault ; JCP 1996, dd. G, I, 3985, no 23, obs. G. Viney). Les auteurs considtraient que cette obligation renforcee kait justifiCe par le fait que I’intervention n’a pas un but thdrapeutique et n’est pas urgente (Cass. civ.1 14 janv. 1992 : JCP 1992, ed. G, II, IV, no 788 ; Bull. civ. I, no 16).
Qua/it6 et contenu de /‘information prialable L’information p&able sur le traitement ou I’acte mkdical envisagk doit &re g la portte du malade, elle doit Ctre <(simple, intelligible et LoyaleN (Cass. civ. 1, 5 mai 198 1 : Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 352). S’agissant de I’information sur les risques inherents & l’acte mtdical propo&, le contentieux est, depuis quelques an&es, fort abondant et en pleine &olution. A I’origine, le mkdecin devait informer son patient des se& risques (( normakment prhisibks )) (CA Lyon 12 avr. 1956 : R.T.D. civ. 1956, p. 523, obs. Mazeaud ; Gaz. Pal. 1956, 1, p. 380 ; JCP 1956, Cd. G, II, 9420 ; D. 1956, p. 439 ; CA Montpellier, 16 avr. 199 1 : Juris-Data no 000019) et des risques (( s&wx et habitueh P)dtcoulant de l’intervention proposte (CA Lyon, 6 nov. 1961 : D. 1962, somm. p. 55). Les raisons de cette limitation de l’information s’expliquaient, selon la doctrine, par le fait que I’&umCration exhaustive des risques pouvait inquitter le patient et le pousser g refuser I’acte medical. En vertu de cette analyse, les juges devaient done rechercher si le risque non rk& au patient, et qui par hypothkse s’&ait r&&C, pkentait ou non un (( carache exceptionnel )) pouvant exonher k m#decin de sa responsabilite’(Cass. civ. 1, 21 f&r. 1961 : JCP 1961, II, 12129 ; 14 avr. 1961 : Gaz. Pal. 1961, 2, p. 53 ; 23 mai 1973 : JCP 1975, II, 17955, note R. Savatier ; Gaz. Pal. 1973, 2, p. 885, note Doll ; R.T.D. civ. 1974, p. 618, obs. Durry ; 6 mars 1979 : D. 1980, IR p. 170 obs. J. Penneau ; 20 juill. 1987 : D. 1987, somm. p. 419 ; 3 janv. 1991 : Gaz. Pal. 1993, 1, somm. p. 117, obs. F. Chabas ; 4 avr. 1995 : Dr et patrimoine Oct. 1995, p. 97, no 1086, obs. F. Chabas).
C’est en mat&e de chirurgie esthttique que s’amorqa un revirement de jurisprudence. Selon les juges de la premiere chambre civile de la Cour de cassation, dans une dtcision du 17 f&rier 1998, (( lbbligation d’information hit porter non seukment sur ks risques graves de l’intervention, mais aussi sur tous ks inconvhientspouvant en r&her )) (JCP 1998, Cd. G, I, 144, obs. G. Viney ; R.T.D. civ. 1998, p. 281, obs. J. Jourdain). Puis, et en dehors du domaine de la chirurgie esthttique, I’arr& du 27 mai 1998, reprenant la ntcessitk d’une information pr&lable sur les (( risques graves des investigations ou ah soin.spropospS)), laissa pressentir un revirement de jurisprudence (D. 1998, p. 530, note Laroche-Gisserot ; R.T.D. civ. 1999, p. 111, obs. J. Jourdain. V. aussi Cass. civ. 1, 14 Oct. 1997 : JCP 1997, dd. G, II, 22942, rapp. I? Sargos). Celui-ci est intervenu le 7 octobre 1998 et la premitre chambre civile de la Cour de cassation prCcise desormais que chaque (( mt%ecin est tenu de dormer une information (. . .) sur Lesrisques graves affhents aux inveshgations et soins proposh et il n’estpas dispense! de cette obligation par k seul fait que ces risques ne se rPaIisent qu’excptionnelkment )) (Madame C. c/Unique du Part et a. : JCP 1998, td. G, II, 10179, cont. J. Sainte-Rose et note I? Sargos). 11 n’y a done plus de diffkrence entre la chirurgie esthttique et les autres disciplines medicales, ni de distinction g effectuer entre information sur les risques pr&isibles et information sur les risques exceptionnels. La decision de la premiere chambre civile de la Cour de cassation, en date du 15 juillet 1999, co&me le revirement en reprenant intkgralement I’attendu de principe (D. 1999, somm. comm. p. 393, obs. J. Penneau ; Dr. et patri-
Mais l’inttrCt de cette dkision ne se trouve pas dans ce rappel. 11 &side dam un autre attendu qui nous rtvkle un probltme jusque lh rest6 inkdit. 11 s’agit de la di&ile conciliation entre la n&essitC d’une limitation de l’information dans l’int&!t thkrapeutique du patient et la preservation de son int&t patrimonial. En l’espke, le patient reprochait g son mkdecin d’avoir attendu plus de trois ans avant de l’informer du diagnostic de sa maladie le privant ainsi de la possibilite de faire valoir ses droits g une pension d’invaliditd, a un complement de pension de retraite et 4 la prise en charge par des assurances du capital ou d’khkances de p&s. Si les juges se sont bornts a considker que d&s l’apparition de la maladie le pronostic d’invaliditd ne pouvait &tre post, on peut s’attendre g ce que d’autres decisions posent, de nouveau, le probkme de la conciliation entre la limitation thdrapeutique de l’information et la prkservation des droits de nature patrimoniale du malade.
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MhDECINE & DRDIT no46 - 2001
moine janv. 2000, p. 87, no 2474, obs. F. Chabas. Voir aussi C.A. PAU, 10 f&. 1999, JCP 1999, ed. G, IV 3119). De surcroit, le Conseil d&at dam un a&t du 5 janvier 2000 vient d’effectuer la transposition dam la responsabilite administrative hospitalikre de la decision introduite en droit de la responsabilite civile par la Cour de cassation. En effet, le juge administratif precise que dorenavant (( la se& cirConstanceque ks risques ne se rbalisent qu>xceptionneLkment ne dispense pas ks praticiens de kur obligation d’information )) (J.C.I? 2000, td. G, II, 10271, note J. Moreau). Et cette jurisprudence a Ctt confirmee depuis par son arrCt du 17 mai 2000 (J Uris-Data no 060510 ; JCP 2000, td. G, II, 10462, note E. Savatier Preuve de /‘obligation
d’informotion
Traditionnellement, la jurisprudence avait pose une presomption de consentement du patient lorsque celui-ci s’etait soumis en toute luciditt a une intervention. Marquant ainsi un affaiblissement des garanties donnees a la victime, il lui appartenait done de prouver que le medecin avait manque dune part a son obligation d’information, et d’autre part n’avait pas recueilli son consentement (Cass. civ., 29 mai 1951 : JCP 1951, Cd. G, II, 6421, note Perrot ; D. 1952, p. 53, note R Savatier ; S. 1953, p. 41, note Nerson ; Cass. civ. 1, 4 avr. 1995, Resp. civ. et assur. 1995, comm. 240 ; Dr. et patrimoine Oct. 1995, p. 97, no 1086, obs. F. Chabas). Par un attendu general qui vise tous les professionnels, et pas seulement les professionnels du domaine de la Sante, la premiere chambre civile de la Cour de cassation, dam une decision du 25 fevrier 1997, a renverse la charge de la preuve en prtcisant que (( celui qui est kgakment ou contractuelkment tenu d’une obligation partic&re d’information doit rapporter kzpreuve de I’ext%utionde cette obligation )) (Dr et patrimoine avr. 1997, p. 82, no 1645, obs. F. Chabas ; D. 1997, somm. comm. p. 3 19, obs. J. Penneau ; R.T.D. civ. 1997, p. 494, obs. J. Jourdain ; Cass. civ. 1, 14 Oct. 1997 : Dr. et patrimoine fevr. 1998, p. 71, no 1866, note F. Chabas ; JCP 1997, ed. G, II, 22942, rapp. l? Sargos - Cass. civ. 1,27 mai 1998, precite). En mat&e de charge de la preuve, la jurisprudence des deux Cours supremes se trouve Cgalement en harmonie puisque le Conseil d&at, dans son arr&t du 5 janvier 2000 (precitt), a rendu une decision conforme a celle du juge judiciaire. Desormais, la charge de la preuve n’incombe plus au patient mais appartient aux praticiens hospitaliers. S’agissant dun fait juridique, la preuve du defaut d’information, que devait rapporter le malade, se faisait par tous moyens et notamment par ttmoignages, indices ou presomptions. Depuis le revirement de jurisprudence concernant la charge de la preuve, le mode de preuve n’a pas change. L’arret de la premiere chambre civile de la Cour de cassation du 14 Oct. 1997 precise m&me expressement que, si le devoir d’information ptse sur le medecin, (( kzpreuve de cette information peut he faitepar tous moyens )) (precitt). Manquement t?/‘obligation d’informotion Le prejudice resultant du defaut d’information est specifique et ne peut &tre assimile a I’integralite du dommage subi par le patient du fait du risque qui s’est r&lise. En d’autres terMkDECINE & DROIT no46 - 2DDl
mes, ce prejudice ne peut rep&enter qu’une fraction du dommage total qui sera reparee par la notion de la perte d’une chance. En vertu de cette theorie, les juges determinent done le montant du prejudice en fonction de la perte dune chance d’echapper au risque en refusant I’intervention (Civ.1, 7 few. 1990 : Bull. civ. I, no 39 ; 8 juill. 1997, deux arks : JCP 1997, td. G, II, 22921, rapp. Sargos ; Cass. sot., 17 dec. 1998 : Bull. civ. 1998, V, no 577). Cependant, la Cour de cassation a precise que lorsque le risque dune operation s’est r&list, mais que le benefice de l’operation est, pour la Sante du patient, superieur a l’inconvenient resultant du risque, le patient ne peut, faute de prtjudice, demander reparation au medecin qui ne lui avait pas signale ce risque (Cass. civ. 1,7 Oct. 1998 R. c/M. et a. : JCP 1998, Cd. G. II, 10179, cont. J. Sainte-Rose et note l? Sargos) . Dam un arr& recent de la premiere chambre civile de la Cour de cassation en date du 29 juin 1999 les juges, en rejetant le recours de la CPAM sur l’indemnisation allouee a ce titre en estimant que le prejudice consecutif a un defaut &information ne pouvait Ctre que moral, ont rappel6 que la tour d’Appe1 (CA Versailles, 19 dtc. 1996) avait justement (( d&i& que M. H. hait responsabk, en raison de lhbsence d’information sur k risque dhfection nosocomiale, de kzperte de chance subie par M. M. )). En outre, la Cour de cassation a ajoutt que dans le cas oh la faute du mtdecin a fait perdre au patient la chance d’tchapper a une atteinte a son integritt physique, (( k dommage qui en rhdte pour hi estfonction de la gravitb de son hat rpel et de toutes les consPquences en &coulant ; sa rhparation ne se Limite pas au prhjudice moral, mais correspond h une fraction cks d@rents chefj de prLjudice qu’il a subis D (CPAM de la Seine-Saint-Denis cl H. et a. : JCP 1999, Cd. G, II, 10138, rapp. l? Sargos). Depuis 199 1, les juridictions administratives admettent une reparation partielle du prejudice par la notion de perte de chance (CCA Nancy 9 juill. 199 1 Madame Devresse : Rec. C.E. Tables, p. 1185). Le Conseil d&at dam son a&t du 5 janvier 2000 (precitt) vient, en outre, d’indiquer la methode h suivre pour calculer le prejudice. Pour les juges en effet, puisque I’intervention a ete effect&e conformement aux regles de l’art, la victime ne sera indemnisee que dune fraction de l’ensemble des prejudices subis, fraction fixee a 20 % (( compte tenu du rapprochement entre, d’une part, ks risques inh!rents h l’intervention et, d’autre part, ks rhques d’bt!morragie ct+brak qui haient encourus en cas de renoncement h ce traitement )j. En d’autres termes, il convient tout d’abord devaluer le montant total du dommage subi, puis de fixer le montant total de l’indemnid due au patient a une fraction de ce dommage, determine en fonction de la probabilite que le patient aurait eue de refuser l’intervention s’il avait Ctt inform6 du risque. Or, selon certains auteurs, (( il y a Iri une utilisation erronh de la thborie de la perte d’une chance [parce que] ks chances sont un Pkment objectzfhanger a la volont&libre de la victime )) (F. Chabas (( LObligation medicale d’information en danger )) : JCP 2000, cd. G, I, 212). 19
DROIT
DES INCAPACITkS
Karine Lefeuvre-Darnajou Doctorante, Ater
Lemouland, Rdp. civ. Dalloz, v” Mariage, no 218 ; sur le domaine et la portCe de l’article 501 : cf. Bauer et Fossier, Les tutefhs, 3’ td., ESF, 1999, p. 317). Quoi qu’il en soit, la validitC du consentement du malade mental suppose qu’il soit recueilli lors d’un inter&e de luciditk au moment de l’audition par le conseil, comme lors de la dkbration du mariagem
Consentement au mariage et dClibCration du conseil de famille A dkfaut du consentement de ses p&e et mere, le mariage d’un majeur en tutelle requiert celui du conseil de famille (( spkialement convoqutpour en d&bt!rer )) (C. civ., art. 506). La rdunion de cet organe colkgial dans les rtgimes de tutelle compltte, comme dans ceux de tutelle allCgCe (administration &ale sous contrble judiciaire et g&ance de tutelle) oh il n’est pas institut de plein droit, temoigne de l’importance et du caracttre symbolique reconnu au mariage, (( la plus ancienne coutume de lhmanitk )) (Carbonnier). Si le texte susvist se contente de subordonner la delibtration du conseil & l’audition pr&lable des futurs conjoints sans autre prtkision, il est raisonnablement impensable qu’une dtcision, si eminemment personnelle, puisse &re prise sans le recueil du consentement des principaux in&es&. C’est ainsi qu’est g bon droit rCformCe la dUibCration d’un conseil de famille autorisant le mar&e d’un majeur muet atteint d’une maladie incurable et dans l’impossibilitt de manifester sa volontt, dont le consentement n’a pu ktre de ce fait accueilli. En effet, selon la Cour de cassation, (( si Lemariage d’un majeur en tutelle n’estpermis quhec Leconsentement du conseilde famille ou ah deuxparents, il nkessiteprkalublement, le consentement du majeur )) (Cass. civ. lhre, 24 mars 1998 : Bull. civ. I, no 124 ; D. 1999, p. 19, note Lemourand ; DefrCnois 1998. 1398, obs. Massip ; R.T.D. civ. 1998, 658, obs. Hauser). En l’esptce, la recevabilitt du recours introduit par le juge des tutelles ttait fondCe non seulement sur l’omission d’une formalit substantielle (l’audition), t( mais surtout sur le fait qu’aucun PlPmentnepermettait depenser que le majeur [. . .] audit ou audit eu kz volontt! de contracter )). En faisant du consentement du majeur protCgC un pr& alable rkessaire B l’autorisation a son mariage, qu’elle tmane du conseil de famille ou de ses deux parents, la Cour de cassation reaffkme implicitement l’existence d’une (( capacitk naturelle )) de l’incapable majeur, invoqute de faGon de plus en plus rkurrente (cf. J.M. Plazy, Lapersonne de /‘incapable [thtse], Bordeaux, 1998 ; F. B&ailloleGonthier, La capacite’ nature& [these], Bordeaux, 1998 ; cf. rkemment J. Hauser, (( La notion d’incapacitk )) : Les Petites Afkhes, no 164, p. 3 et sur le mariage de l’incapable en g&&al, B. Feuillet-Le Mintier, Le lien conjugal du malade mental [these], Rennes, 1988). Ndanmoins, cette capacitt! naturelle, qui permet de faire du consentement du majeur une condition ntcessaire B son mariage, n’en fait pas une condition suffkante. Elle y trouve ses limites, h moins, comme le prkonisent certains auteurs, que le juge n’autorise le majeur g se marier sans autorisation sur le fondement de l’article 501 du Code civil (not. Massip, La rkforme du droit des incapabhs majews, 2’ Cd. no 18 1 et 190, Hauser et 20
Action en nullit
et preuve du trouble mental
L’article 489 du Code civil subordonne la nullitt des actes juridiques g la preuve de l’existence d’un trouble mental t( au moment )) oh ils ont et6 accomplis. La jurisprudence, qui requiert la ddmonstration de la ddfaillance psychique au c(momentprkcis J) de l’acte (Cass. sot. 8 juill. 1980 : Bull. civ. V, no 6 18 ; Cass. civ. lkrc, 2 dCc. 1992 : Bull. civ. I, no 299), semble exigeante B l’@ard de ce (( rdgime de trouble mental prouvd )). C’est sans compter le (( rdgime de trouble mental pr&umt )) qu’elle a crCC depuis longtemps B partir de l’article 901 du Code civil, afin de favoriser l’aboutissement des actions en nullitC introduites sur ce fondement. Une prtsomption d’insanitd d’esprit est ainsi admise ; elle repose sur la double preuve que le trouble existait (( li la fois ddns la pt?io& immkdiatement ant&ewe et a&s la pkriode immkdiatement posthkure It Ike Iitigieux 8 (Cass. civ. lere, 20 act 1954, D. 1955, p. 66 ; 11 juin 1980 : Bull. civ. I, no 184 ; C.A. Paris, 10 janv. 1969 : D. 1969, p.331). Cette pr& somption simple (Cass. civ. lkre, 4 f& 1941 : D.A. 194 1. 113) ne tombe que devant la preuve d’un inter&e de lucidid& Cette jurisprudence se rapproche des conditions plus souples de l’article 503 du Code civil qui fonde la prksomption sur l’existence et la notori& du trouble mental (( ?I l’& poque de l’acte )) (sur cette question, cf. Simon, (( La nullitt! des actesjuridiquespour trouble mental )) : R.T.D. civ. 1974. 707). L’apprkiation souveraine des juges du fond (Cass. civ. 2, 23 Oct. 1985 : Bull. civ. II, no 158) s’exerce largement en la mat&e, comme en temoigne une s&ie d’arkts. Ainsi, la Cour d’appel de Bordeaux (1” ch., 9 f&r. 1999 : Juris-Data no 042208), dans la lignee de l’assouplissement des conditions probatoires, fonde la pr&omption de trouble mental au moment de la signature d’un testament sur un examen ulttrieur (plus de 13 mois aprlls la rddaction de l’acte) de l’Ctat de Sante du testataire. 11atteste de l’existence d’ccune ma& adie holutive permettant d’ktablir lhflaiblissement de sesfonctions intellechrelles, de son sens critique et de ses capacitei cognitives )), le diagnostic &ant, il est vrai, corroborC par un neuropsychiatre qui suivait le majeur avant la passation de l’acte. La Cour d’appel d’Orkans (1” ch., 19 avr. 1999 : JurisData no 041095) semble adopter une position encore plus souple, en prbumant l’akation des facultts mentales d’un donateur au moment de trois donations, a partir de la seule et unique preuve de l’existence anttrieure de l’alttration des facultCs mentales. En effet, l’kablissement mtdical de l’exisfence d’une (( maladie progressive, durable et ikluctable )), pklable aux donations, a une force probatoire suflkante selon les juges. La pr&omption simple ne tombe pas en l’espkce, faute pour le donataire d’avoir dCmontr4 l’existence d’un intervalle lucide au moment de l’acte. M$EClNE & DRDIT no46 - 2001
Dam ces deux affaires, l’attestation mtdicale d’une ah?ration progressive des fact&s mentales de la personne, qu’elle soit etablie avant ou apres l’acte litigieux, se substitue a la double preuve de l’existence anttrieure et posterieure du trouble. 11 n’en est pas toujours ainsi, puisque la Cour d’appel de Bordeaux, dam une afl%re precedente (1” ch., 29 jam. 1998 : Juris-Data no 040928), avait estime qu’(( aucwze conclusion certaine SW I’Ptatde sant&du rhzhcteur (dun testament) nepeut he tirt!e de /‘expertise mt!dicak &a&e quelques mois aprhs la &hction des actes, dans la mesure oic la &@ad&on physique et mentak dime personne aussi &gPepeut &ye trh rapide )). Les juges ne s’en remettent done pas toujours uniquement aux certificats des mtdecins auxquels ils sont ttroitement lies depuis la loi du 3 janvier 1968 ; en cas de doute, ils recourent volontiers a la technique du t( faisceau de presomptions )), nourries notamment par les ttmoignages des proches, ou comme dans les deux premieres affaires, par le placement ulterieur sous tutelle. Deux remarques s’imposent a ce sujet : dune part, alors que ces decisions sont fondees sur l’article 901 du Code civil, elles auraient pu l’Ctre sur l’article 503 du mCme code qui permet l’annulation des actes juridiques anttrieurs a l’ouverture dune tutelle en prouvant simplement I’existence et la notorittt du trouble mental a l’epoque de I’acte. Or, si la preuve de la notoriete avait ete rapportee, celle de l’existence du trouble mental au moment de l’acte aurait ttt inutile (Cass. civ. l”, 25 few. 1986 : Gaz. Pal. 1986. 2. 771, note Massip), et reciproquement (Cass. civ. lere, 10 juin 198 1 : Bull. civ. I, no 202 ; Bauer et Fossier, op. cit., p. 3 16). 11 faut remarquer que la nullite du testament aurait encore pu $tre prononde en vertu de l’article 504 du Code civil, sous reserve de dtmontrer la disparition, depuis l’ouverture de la tutelle, de (( la cause qui avait dhermint k testateur 2 disposer )). D’autre part, le placement dun majeur sous sauvegarde de justice (C.A. Bordeaux, 29 janv. 1998, op. cit.) ou sous curatelle (C.A. Pau, 1” ch., 18 f&w. 1999 : Juris-Data no 044733, a propos de l’inapplication de l’article 503 a la curatelle) posttrieur a la passation dun acte, (( nepermetpas deprpjuger )) de l’existence du trouble mental au moment de l’acte. Tout juste s’agit-il dune presomption, de moindre valeur que celle concedee par I’article 503 du Code civil, pour les actes r&list% avant l’ouverture dune tutelle. Enfin, les magistrats font parfois preuve dune grande vigilance a l’tgard dune invocation, selon eux abusive, des regles de l’article 489 du Code civil, ce qui les conduit a surveiller ttroitement le respect de ses conditions d’application. Ainsi, la Cour d’appel d’Agen (1” ch., 3 juin 1999 : JurisData no 0438869) a refuse de considerer que le fait qu’une tpouse, soignee pour une depression nerveuse anterieurement a la signature dun protocole d’accord dans le cadre de son divorce, et qui a fait une tentative de suicide quatre mois apres sa rtgularisation, constitue la preuve de l’insanitt d’esprit au moment de l’acte. En depit de la fragilitt psychologique manifeste de cette personne, les presomptions sont estimees trop faibles par les juges. Des lors, ils vtrifient si l’acte ne Porte pas en lui-m&me la preuve du trouble mental, ce qui n’etait pas le cas en l’espkce. MkDECINE & DROIT no 46 - 2001
Compktence du juge et sortie d’un malade hospitalis sans son consentement Depuis la loi (( securite et liberte )) du 2 fkier 1981 (L. no 81-82, Gaz. Pal. 1981. 1.) Bull. leg. p. 95), la competence pour ordonner la sortie immediate des personnes dont I’& tat de Sante ne justice pas l’internement a c&e transferee du Tribunal de grande instance a son president. Or, si ce magistrat est habilite en vertu de l’article L. 351 du Code de la Sante publique a intervenir pour mettre fin a une hospitalisation intervenue sans consentement et sans justification medicale, la Cour d’appel de Nancy (1” ch., 13 Oct. 1998 : Juris-Data no 045637) precise qu’il est <
trouble mentaux B : R.D.S.S. no 4, Oct./d&. 1991, p. 557, no 8). Par ailleurs, dans l’hypothese ou le placement de la jeune autiste aurait ete abusif, et nonobstant le rejet de la requete parentale, le president se serait t&s vraisemblablement saisi do&e pour ordonner la sortie immediate, comme I’article L. 351 al. 3 du Code de la same publique lui en octroie le pouvoir (( h tout moment )). La repartition des compttences, telle qu’elle rCsulte des textes du Code de la sand publique peut surprendre, la decision de sortie dun m&me individu hospitalise d’offrce relevant de deux pouvoirs distincts, selon qu’il s’agit dune sortie immediate ou dune sortie dite (( d’essai )b,certes temporaire, mais tout de m&me effective. Settle la mission symbolique de gardien des libertes individuelles octroyee au juge judiciaire justifie sa competence en ma&e de cessation des mesures d’internement abusif (X. Vandendriessche, (( Le : derniers droit des hospitalisations psycbiatriques dheloppements )) : R.D.S.S. no 1, janv./mars 1992, p. l), bien que la fmation des modahtts d’hospitalisation ne soit pas toujours elle-m&me, en realitt, a I’abri de telles pratiques. Sortie immediate d’un malade hospitalis sans son consentement et execution de la dicision Selon l’article L. 351 du Code de la santt publique, une requete peut &tre dtposee aux fins de faire cesser une hospitalisation sans consentement et injustifiee devant le president du tribunal de grande instance qui, (
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Parquets et de l’Instruction, (( Malades mentaux et majeurs protkgh B, 1994, p. 14), autorisant ainsi la sortie du malade W-IS attendre l’expiration du d&i de recours. En faveur de l’execution provisoire, il est possible d’arguer, comme le souligne M. Louvel (
information (devoir) I incapacit6 I majeurs prot&gcS (consentement au mariage) I hospitalisation sans consentement (sortie du malade) I tutelle
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