Chronique de jurisprudence

Chronique de jurisprudence

RESPONSABILITt C/VILE/ ADMI#lSTRATIVE CHRONIQUEDEJURlSPRUDENCE* RESPONSABILITt CIVILE MEDICALE par Philippe Pierre Maitre de co?zfPrences h la fa...

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RESPONSABILITt C/VILE/ ADMI#lSTRATIVE

CHRONIQUEDEJURlSPRUDENCE* RESPONSABILITt

CIVILE

MEDICALE par Philippe Pierre

Maitre

de co?zfPrences h la facultk

L’obligation d’information encore et toujours !

de Droit et de Science Politique de Rennes

mkdicale...

Ternpete, skisme,coup de tonnerre, raz-de-make... toutes les forces de la nature auront be1et bien ete invoquees pour exprimer l’ampleur du revirement de la Cour de cassationtenant a l’imputarion aux praticiens du risque de la preuve de l’information des patients. I1 incombait pour le moins a la Cour regulatrice d’apaiser ces elements d&hair&, en prkisant la port&e de la rkgle nouvellement poke par son dtsormais celebre arr@tdu 25 fevrier 1997 (M&d & Droit 1997 ; 24 : 6, note G. Memeteau). De fait, la Haute juridiction s’estdepuis employee, par touches successives,Qbrosserle tableau de l’information medicale, sarisque l’oeuvre puisseetre considereeB ce jour comme ache&e (sur la jurisprudence administrative : infra chron M.L. Moquet, Angers).

14, note P. Sargos,Ql’occasion du declenchemenr premature de l’accouchement sur demande de la parturiente). De plus, la Cour de cassationa semble-t-i1 &carte definitivement toute reference B la frequence statistique des risquesen cause,soulignant a deux reprisesque le medecin ne saurait etre dispense de son obligation d’information par le (( seul fait )) de la realisation exceptionnelle de cesrisques(Cass. civ. I, 7 act. 1998, deux arrets : Mtd ~6 Droit 1998 ; 33, 27, breve P.B. ; /CL’ 1998 cd. G, II, 10179, note P. Sargos, respectivement pour la perte d’un ceil et la concrttisation d’un syndrome de la loge, pourtant limit6 dans ce dernier cas B une probabilite de 1 %). Le Haut conseiller Sargos,commentant cesdernieres decisions, admet des reserves.C’est ainsi notamment le cas d’une limitation therapeutique de l’information, du fait des raisonslegitimes et de l’inttret du patient visespar l’article 35 du Code de dtontologie medicale. De la m&me plume, qui fait autorite, coule au demeurant une definition concrete des CCrisques graves )), posescomme ceux (( de nature ri avoir des conskquences mortelles, invalidantes 024 mhne estbkiques graves compte tenu de leur re)ercussions psycbologiques ou sociales )) (Mbd&Droit 1998 ; 33, p rec., p. 15). Des lors, exemple par-

mi plethore, il appartiendra au medecin traitant un grand brtilt de l’informer du risque aujourd’hui i&me de contamination par le VIH a la suite d’une greffe de peau &rang&e, Contenu de f’obligation d’informotion danger inexistant pour la cicatrisation naturelle pourtant altaAinsi, le contenu de l’obligation d’information gagne indubitoire. Sauf a considerer qu’il n’est pas de l’inttret du patient, tablement en nettett. Apres leslegitimes inquittudes suscitees juridiquement relevant comme precedemment souligne, de le par la jurisprudence nouvelle quant B la consecration d’un soumettre a ce dilemme cornelien... Mais a l’inverse, de simdevoir de renseignement exhaustif (cf. par exemple J. Cuigue, ples ecchymoses, brulures superficielles ou ttourdissements (
RESPOIVSABIl /ri CIVILE/ ADMINISTRATIVE selon un faisceau de ptksomptions no& pat les citconstances de l’espltce (Cass. civ. I, 14 ocf. 1997 : JCP 1997, cd. G I, 4068, no 6, obs. G. Viney ; cf. pout illustration : TGI Rennes, 9 mars 1998 : GAMM infos, dtc. 1998, p. 2, relevant Q ptopos d’une extraction dentaite (( I’avis negdt;J‘)Jdu premier ptaticien consult& et le tenvoi vets un autte chitutgien dentiste, cescitconstances petmettant de ptksumet une infotmation sut les I( risyues ghkraux J) de l’intetvention, alots mime que le second homme de l’art admettait (, nepas avoir mis expresskment en garde )J sa patiente du risque d’atteinte i un nerf dentaite). Les prkomptions ne sont somme toute que la ttaduction jutidique du bon senscommun, tout comme l’est la r&et-w poke pat la Cout de cassationdansson premier arr@tdu 7 octobte 1998, le devoit d’alette cessantface au C(refis dupatient d’hre injhmh N. Cettc nouvelle illustration de la ntcessaite coopktation entte le mPdecin et son patient suggkreau demeurant un moyen tetme entte la signature ditecte pat ce detniet d’un &tit tecensant les tisques graves auxquels il s’expose, document si pkdateut de confiance, et le tejet de toute fotmalisation desdangersencourus. De fait, la miseBdisposition d’un document-type variant selon la nature des soins ou des ttaitements effectivement proposesBI’exemple de ceux Clabot&s sous l’impulsion des socittPs savantes (sur la suffisance d’une information CCapproprike )Jbien que n’kant pas ,( tr& dktaillke )J : Cass. civ. I, 3 mars 1998 : Juris-Data no 001097), pouttait &te couplie B un &tit signalant son existence et la facult& de s’y r&f&ret en complement destenseignements d&livt& lots du colloque singuliet. Le patient n’apposerait sasignature que sut ce detnier formulaire, libre choix lui ttant don& - aux tetmes d’un dklai de rPflexion et d’un rappel des conskquences du tefus de plus ample inform& (camp. C. deont. med., art. 36) - d’exploitet ou non lestenseignementscontenus dans le document type dont il admettrait connaitte la r&alit&, le ptaticien testant bien entendu B sa disposition pout tous C-claircissementsutiles. On objecteta qu’il y a lh implication excessive d’un simple profane, au surplus ftagilisk pat son &at. Mais la maitrise pat le patient de son information n’est-elle pas ptkfkrable au basculement sut sesipaules du poids de l’altetnative thktapeutique ? Quoi qu’il en wit, cette solution tespecterait i la fois l’obligation de ptkonstituer la pteuve de la dClivrance matttielle de l’infotmation et celle de la qualit de son contenu, que la jurisprudence semble devoit considktet aujoutd’hui comme tationnellement indivisibles, ainsi que l’atteste le tenvoi gtnttique de la Cout de cassationBune information ,( loyale, Claire et appropri&e )) (Cass.civ. I, 14 Oct. 1997 p&c., sur lequel on peut lire spkc. M. Hatichaux, (( La preuve de l’information midicale )) : RD sanit. sot. 1998 p. 68 relevant les htsitations suscittesde ce point de vue par l’atttt du 25 f&tier 1997). La reprise des tetmes de l’article 35 du Code de dtontologie dkmontte une fois de plus combien la notme disciplinaire, dksormais ditectement invocable devant les jutidictions judiciaites, conttibue B la dtfinition des contours de l’obligation civile. Et l’on ne peut alors que s’intettoget sut la port&e de dispositions tkglementaites encadrant, cette fois explicitement, l’infotmation du patient, Bl’exemple de l’att&k du 12 novembte 1997 qui vise le consentement de la femme enceinte a la 14

t&alisation des analysesnkessaires au diagnostic ptCnata1: le formulaire type annex& limite en effet le consentement de la signataite B une analyse CCdont hi a &‘expliquP le risque P, ce qui correspond pttcisement B la reconnaissancede la seule dtlivrance de l’infotmation, sansqu’en soit exigie la fotmalisation qualitative. Au surplus, la consultation mkdicale de conseil gtnetique pttalable aux analysesdont le but, dCfini pat l’atticle R. 162- 16-7 du Code de la santC publique pttcitk, vise B CCinformer la patiente sur les risques inhkrents auxprfh?hemerits, sur leurs contraintes

et leurs hentuelles

conskquences

)>,

n’empotte pout le mtdecin consult& que l’obligation de delivtet au ptaticien auteut des ptkkvements une attestation sign&e(( certijiant qu 2 a apportk A la femme enceinte /es informations de$nies ci-dessus X. La valeut probante de la procedure tkglementaite est 1Bencore sujette g caution, faute en l’occuttcnce d’impliquet la patiente dans la reconnaissance de l’infotmation, mkonnaissant ainsi l’intetdiction pout chacun de septkconstituet unilatttalement la pteuve du respectde son ptopte engagement. Ces faiblessesnotmatives impliquent done, a nocte sens,de ne les considktet que comme un seuil minimum d’infotmation, dont le seul respectne gatantira pas une immunitk contentieuse si l’on accepte d’appliquet au diagnostic prenatal les principes du dtoit commun de la tesponsabilitt mkdicale, en contemplation de la gCnttalit& de la formule employee pat la Cout de cassationle 25 f&tier 1997, h destination de CCcelui qui est kgalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulihe d’information )J.La ptatique t&Ple au demeutant que nombte de mkdecins ont d&pass& spontankment ce seuil ttglementaire, pat la signature conttadictoite des documents vi& ou la mise B disposition de documents informatifs. lndemnisation conskutive au dkfaut d’information L’indemnisation conskcutive au dCfaut d’infotmation doit enfin itte envisagPeau tetme de ce tout d’hotizon. Force est alots de constatet que la sollicitation de cette obligation n’est que d’une efficacitt relative. Cettes, l’indemnisation integtale des ptijudices dkcoulant de la ttalisation du risque tu n’est plus d’actualitk auptks desjuridictions judiciaites qui, depuis ptks de dix ans, entttinent la diffkultt d’apprkiet l’attitude qu’autait adopt&e le patient cortectement inform6 en cantonnant la ttpatation i la seule pette de chance pout celui-ci de tefuset l’intervention. Allant au-deli de cette solution mkdiane, la Cow d’appel d’Angers saisiesut tenvoi de cassationconskutif B l’att@t du 25 fPvtiet 1997, n’a pas contest6 le ptincipe de tenvetsement du risque de la pteuve, mais a tefusC d’allouer les moindtes dommages-in&&s au patient atteint d’une perforation du ccilon en soulignant que l’intktesst, ccdont Leptre Ptait mart d’un cancer du &/on et dont toute /‘attitude dkmontre qu 2 souhaitait se dkbarrasser tant de troubles abdominauxpknibles que de craintespour lhenir, n hraitpaspu raisonnablement re&ser cet examen et cette ext+&e JJ (11 Sept. 1998 : M&d & Droit

1998 ; 33 : 27). Semblablement, la Cout de cassation,lots de son deuxitme art& du 7 octobre 1998, a tefust d’indemniset le syndrome de loge dont le risque n’avait pas iti signal6 en relevant ccqu ‘eu Pgard au carache holut;fde Lagonarthrose du genou.. et B I’hchec de tous les traitements, Ibphation htait indispensable et se&e de nature A amehorer son &t&tN.Faute de pouvoir MhEtINE & DROITno 35 - 1999

RESPOUSABIL lri CIVILE/ ADMINISTRAWE s’appuyer sur une quelconque certitude quant h la psychologie des int&essPs - par hypothese inaptes B accepter ou refuser les operations en connaissance de cause - les magistrats Ptablissent ainsi, par presomptions, l’absence de lien causal entre la carence informative et le dommage subi, exclusive de tout droit a reparation. On observera alors qu’a cette presomption de non-causalite devrait repondre en logique une presomption de causalite lorsque l’analyse retrospective des circonstances laisse transparaitre une 1ibertC de choix du patient. Et, paralklisme du raisonnement obligeant au manicheisme, le refus de toute indemnisation devrait alors ceder le pas h l’indemnisation integrale de la victime (sur cette conduction de la presomption de causalite a la reparation de I’entier dommage, cf. spec. l’analyse du Pr. S. Porchy, (( Lien causal, prejudices reparables et non de respect de la volonte du patient )l : D. 1998, chron., p. 379). Tel n’est pas le cas, nous l’avons vu, en droit positif, la reparation integrale n’ecant envisagee en jurisprudence - avec quel luxe de precautions ! - que lorsqu’il peut etre fait &at d’une quasi-certitude sur ce qu’aurait ttP le comportement du patient pleinement inform& (sur I’indemnisation du prkjudice des parents ayant fait connaitre par avance leur intention de ne pas concevoir ou d’avorter en cas d’affection touchant le foetus, V. notre prectdente chronique, M&d & Droit 1997 ; 24 : 19 et M.L. Fortune-Cavalie, ibid, 1998 ; 33 : 17). Compromise par les vicissitudes du lien causal, I’indemnisation pour carence informative supporte enfin une dernikre tpreuve : la sanction de la faute Cthique, comme tout engagement de responsabilite, est de fait inconcevable saris constat d’un prejudice effectif. La Cour de cassation a pu denier la rdalite de ce prejudice au motifque le patient (( ne soufiait en def%itive, du fait du syndrome de Loge,que de troubles sensitif moindres que ceux de’coulant de La non rbalisation de Lbpe’ration chirurgicale... L’absence de prejudice... &ant ainsi CaractPriske )) (7 act. 1998, 2’ espece pk.). Cette (( compensation (( avantagelcout est suffkamment rare en jurisprudence pour mtriter l’attention, et son affirmation - B I’tvidence marquee du sceau de l’iquite - peut se debattre en droit. Sans verser dans un excb de juridisme, on relkvera qu’une telle c( compensation >) vise en realitt deux dettes pesant sur le seul homme de l’art : celle d’execution contractuelle des soins medicaux - tteinte en I’espece par l’obtention de l’amelioration de I’etat du genou opere - et celle de reparation du dommage inherent aux lacunes de I’information, subsistant dans sa plenitude saris que le berkfice procure au patient puisse valoir titre de creance susceptible de lui Are oppose. Qui plus est, la sanction du defaut d’information ne s’ordonne pas uniquement autour de l’indemnisation de la perte de chance d’eviter les sequelles corporelles : le prejudice moral subi par le patient, decouvrant a posteriori l’atteinte port& B son libre choix et B son consentement, peut aussi meriter en soi dtdommagement quel que soit le devenir - heureux ou malheureux - de l’operation (en ce sens, S. Porchy, op. cit., p. 380), une telle autonomie bannissant d&s lors I’idPe mCme de fongibilite entre la reparation de ce chefde prejudice et le gain physique consecutif a I’intervention. Preuve

de la faute

technique

Toute proclamation de droits, flit-elle la plus genereuse, risque d’achopper sur la froide technicite de leur etablissement MkDEClNE & DROIT no35- 1999

concret. Mais en l’absence - et dans l’attente ? - d’une consecration legislative de I’alea therapeutique susceptible de dtcoupler l’indemnisation de la demonstration d’une faute, I’effectivite de l’obiigation de moyens ne saurait &tre compromise par trop de sollicitude B I’egard des modes d’etablissement de la faute technique. Tel est en tout cas I’enseignement de l’arret rendu par la Cour de cassation le 27 mai 1998 VUris-Data no 00233 1 ; Mkd & Droit ; 32, breve no l), par Sequel la Haute juridiction censure la Cour d’appel de Rennes qui avait reconnu la responsabilite d’un chirurgien, auteur selon les magistrats rennais d’ CCune faute incluse dks Lors qu ‘il y a eu anormalite’du dommage et qu ‘un acte de soins courana aprovogue’ des troubles d’une gravite’ exceptionnelle )). Le traitement d’un angiome tubereux dans la region frontale par injections de Trombovar avait, en l’espece, conduit a la perte d’un ceil chez le jeune patient, aprits ecoulement dans son orbite d’une partie du produit inject6 Le motif de censure est on ne peut plus explicite, la Cour de cassation y visant (( la notion erronk de <
RESPOllSABlM~~ CIVILE/ ADMllJlSlRA WE afin notamment d’indemniser les victimes d’infections nosocomiales aussi frequentes que delicates a attribuer a un comportement p&is (cf. dernierement pour la presomption de responsabilitt pesant sur une clinique ccLors d’une intervention pratiquke dans une Salledbphation, ri laguelle doit e”tre assimilke une Salle d’dccoucbement, ci moins de prouver L’absence de faute de sa part )) : Cass. civ. I, 16 juin 1998 : Juris-Data n”OO273*). Cependant, la prtsomption simple - quelquefois efficacement combattue - ne dtbouche, en realite, que sur une obligation de moyens renforcte, non susceptible d’tvincer l’appreciation du comportement de l’homme de l’art lorsqu’il allkgue pour sadefensel’absencede faute. En second lieu, la reference B (( L’anormah! (0 Ala ((particu&re gravith Ddu prejudice subi mena$ait de creer une rupture d’egalite entre victimes, et l’on a fort justement demontrt qu’elle compromettait a la fois l’unite du dommage corporel et le principe de sareparation integrale quelle qu’en soit l’ampleur concrete (S. Porchy, note prec., p. 22). On en veut pour preuve a contrario cet autre art& de la m@meCow d’appel de Rennes du 21 janvier 1998 qui, pour un prejudice de moindre importance car n’atteignant pasdefinitivement l’integrite physique du patient (il s’agissaitde souffrances imputees par celui-ci a la pose inappropriee d’un bridge), rejette la faute allegueeau motif (( qu ‘eLLe nepeut sedkduire de Laseuleabsence de r&site de L’actemkdical et de Lkpparition d’un prejudice, Lequelpeut&re en rehion auecL’actemhdicalpratiquksans L2tre avec unefaute )) Quris-Data 11~04 1647). Plut8t que de constater en guise de premissel’anormalite du dommage, lesjuges d’appel auraient pu, a notre sens,justifier sareparation par le caracdre anormal du fait gCn&ateur, exploitant ainsi la souplesseactuelle de la Cour de cassation quant Qla definition de la faute civile : une simple ((mahdresse)A (Cass.civ. I, 30 Sept. 1997 : /CP 1998, cd. G, I, 144, chron. G. Viney, no 21) un I fait anormal imputable au mkdecin J> (Cass.civ. I, 13 mai 1998 :Juris-Data no 002131 : valve trop serreeautour de l’cesophage),voire mCmeI’evocation du sim(Cass. civ. I, ple cc fait 1) d’un chirurgien-dentiste 3 few. 1998 :/Uris-Data no 002423, JCP 1998, cd. G, I, 187, chron. G. Viney, no 33 : fracture du maxillaire lors de l’extraction d’une dent) ont voici peu suffi B convaincre la Cour regulatrice du bien-fondt de la poursuite en responsabilitedes praticiens en cause.Si l’on ne peut s’empecher,dans ce dernier cas,d’estimer a I’instar du Pr. Viney ((plus queprobable que Les jugesont tout simplementdbduit Lafaute de L’anormalite’du visultat )), du moins la refkrence formelle au fait generateur et peut-on l’espererdansle silencede l’arret de la Cour de cassation - Bun examen minimum du comportement du praticien par lesjuges d’appel a et& jug&en’avoir ((pasmis2 Lachargedu praticien une obligation de rksultat )j. Ce bref survol de l’annee Ccouleeprovoque au final un sentiment mitige. Sousla banniere de l’obligation de moyens viennent se ranger desappreciations comportementales hettroclites, sansque les profanes du droit - patients et mtdecins - gagnent a l’opacite croissantede la responsabilite mtdicale. La casuistiqueactuelle interpelle sarisnul doute lesjuridictions

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du fond, de plus en plus souvent tentees par I’exploration de voies nouvelles, quitte a chausserde veritables bottes de sept lieuescomme I’atteste la promotion par le Tribunal de grande instance de Paris d’une obligation de skuritk-r&&at pour l’acte chirurgical necessaireau traitement du patient (( cbaque fois que Ledommagedont Lacausen ;Zpu hre d&erminPeesten relation directe avecLi’nterventionpratiquke etsansrapportktabli avecL’ktatantkrieur de celui-ci ))(sur lesdeux jugements, 5 mai et 20 Oct. 1997 : D. 1998, p. 558, note L. Boy). Rares sont les chroniques qui ne s’achtvent aujourd’hui par un appel a legiferer ; nous ne dtrogerons pasBla rkgle, saris meconnaitre la latitude dont disposela Cour de cassation et dont elk a su userpour la sanction de la faute tthique. L’avenir - qu’il faut souhaiter proche - determinera qui, du preteur ou du legislateur, aura le premier clairement isole l’accident mtdical de l’echec des soins, selon plusieurs suggestionsdoctrinales (cf. not. G. Viney et I’. Jourdain, (( L’indemnisation des accidents medicaux, que peut faire la Cour de cassation? )) : JCP 1997, ed. G, I, 4016 ; J. Penneau, in : L’indemnisation des accidents mhdicaux, sous la direction de G. Viney, LGDJ 1998, p. 31) ou suivant des propositions de loi visant h distinguer les tvtnements accidentels des fautes medicales, pour n’imposer le droit de la responsabilitt qu’aux victimes de comportements fautifs (proposition de loi du 7 janvier 1998, no 616, relative a l’indemnisation desaccidentssanitaires) ou plus encore cantonner la recherche des responsabilitts aux recours d’un fonds de garantie ad hoc contre les praticiens fautifs apresindemnisation despatients (proposition de loi du 6 fevrier 1998, no 671, tendant B crier un fonds d’indemnisation des victimes du risque medical).

RESPONSABILITE

MEDICALE

A CH6PITAL

Marie-Laure Moquet-Anger Professeurri L’universitkde RennesI

Responsabilitk

pour faute mhdicale

L’abandon de l’exigence de la preuve d’une faute lourde en mat&e medicale s’inscrit dans une evolution jurisprudentielle gtntrale en faveur desvictimes comme en ttmoigne, notamment, l’extension de la solution aux secoursd’urgence. Toutefois, cet allegement de la charge de la preuve au profit de la victime ne doit pasocculter la specificin! de la faute medicale. Comme l’illustre la recente jurisprudence, la c(faute me’dicale de nature 2 engagerLa responsabilithde L’hipital )) demeure particulitre et reste soumisea l’appreciation des juges. et extension de la jurisprudence I$OUX V Dans un arret du 27 juin 1997 (Guyot, Req. no 138008 : R., p. 267 ; D. 1397, no 30, IR p. 182 ; LPA 11 mars 1998, p. 6, note Clement), le Conseil d’Etat annule un arret de Cour administrative d’appel rendu anterieurement a la solution zpoux K (CE, 10 avr. 1992) et qui fondait la responsabilitede l’hopital en matiere medicalesur la preuve d’une f&e lourde. Application

MbECINE &DROIT no35- 1999

RESPOUSAfWri ClVllE/ ADMlNlS~RATlVE Pour annuler le jugement par lequel le tribunal administratif avait retenu la responsabilitt du centre hospitalier B I’igard d‘une patiente B la suite d’une optration, la Cour administrative d’appel de Nancy avait estimPque ((la ma&verse ou /‘inattention imputable au cbirurgien ne saurait he regardbe comme prksentant le caracthe de gravite’ constitutfdilne lourde susceptible d’engager la responsabih’tt! de 1 ‘Ptablissement hospitalier P. Appliquant la jurisprudence Epoux VI, le Con-

faute

seil d’Etat estime qu’en jugeant ainsi qu’une faute avait kt& commise, mais que seuleune faute lourde aurait tti de nature Bengagerla responsabilik du centre hospitalier, la tour a mCconnu lesrPglesqui rkgissenten la mat&e l’engagement de la responsabilitk despersonncs publiques. La f&rule vtsicovaginale dont a souffert l’intkresske a Ptt provoquke par une d& chirure de la paroi vtsicale survenue au tours de l’hystkrectomie pratiqke pour une l&ion interieure btnigne. Ainsi, quel qu’ait ttk l’etat gCntra1de la victime, une telle dkchirure constitue une maladressedansI’exkution d’une intervention couramment pratiquee. En outre, le fait que le chirurgien n’a pas constaG la dkchirure de la paroi vksicale est constitutif d’une faute de sa part. On remarquera qu’en I’absence d’une telle faute, compte tenu de I’ttat g&n&al de la victime que souligne la dtcision et du caractkre courant de l’intervention pratiquke, la victime n’aurait pu btntficier de la jurisprudence relative i la responsabilite sans faute en matikre mkdicale. Le Conseil d&at ayant pris soin dansla decision du 9 avril 1993 (CE Ass. Bianchi, R., p. 27) de limiter le champ d’application du risque mPdica1en fixant notamment pour condition restrictive l’&at initial du patient. L’abandon de la faute lourde est Cgalementapplique A la responsabilitC des services d’aide medicale d’urgence. Conformkment aux conclusions du commissaire du Gouvernement, le Conseil d’Etat a, en rejetant cependant la requCtede la victime, posCle principe selon lequel la responsabilit&d’un h8pital peut ttre engagkepar toute faute commise dans I’organisation ou le fonctionnement du service d’aide mtdicale d’urgence (CE Sect., 20 juin 1997 M. Tbeux : R., p. 253, Concl. M. Stahl ; RFDA 1938, no 1, concl. Stahl, p. 82 ; D. 1997, IR, p. 176). Traditionnellement, l’organisation et I’exCcution dessecoursserattachent g desoptrations de police administrative et done j un rtgime de faute lourde. Bien que I’argument de la diffkultk intrinskque desactivitks de secours (ce qui fonde traditionnellement la faute lourde) a Ctt rappel&, le juge pro&de B une disqualification de la faute. Toutefois, il ne faut pasmanqucr de souligner que si cette decision rkalise un abandon complet de la faute lourde en matitre de responsabilitk medicale hospitalikre, toute erreur n’ktant pas n&essairementconstitutive d’une faute, I’indemnisation desvictimes, bien que facilitie, n’est paspour autant systimatique, comme Ie prowent les conclusions de l’arrit. de /a fame medicale Par un arr& du 18 septembre 1997, la Cour administrative d’appel de Lyon (Mme Bonnelli, Req. no 95 LYOl107) circonscrit la faute mtdicale. Le fait pour un chirurgien de ne pas avoir utilise un microscope opfkatoire pour une intervention dite d’arthrodkse, n’est pasune faute pour deux raisons: d’une part, parce que g l’tpoque de I’opPration, cet instrument n’ktait pas gCnCralisC; d’autre part, parce que son utilisation Appkiation

MiDEClNE &DROIT no35- 1999

n’aurait pas &it& le dommage. D&s lors qu’aucun manquement aux reglesde l’art n’a ttk commis lors de la rkalisation de cette intervention, l’acte chirurgical en causene peut kre consider& comme fautif. L’arrSt est inttressant en ce que sarisle mentionner expressCment,le juge s’en remet au donnCes acquises de la science ou aux ritgles habituelles de l’art, ce qui comprend les pratiques medicales et chirurgicales comme l’utilisation ou non d’un microscope opkratoire, pour apprtcier le comportement fautif ou non du praticien. Les donneesacquisesde la science doivent Ctre entendues comme desdonnPesmedicalesavtrtes donr I’efficacite a subi I’tpreuve du temps. C’est cc qui rksulte d’un arr@t de la Cour administrative d’appel de Paris (26 f&r. 1998, Centre Hospitalier G&&al L&on Binet de Provim cl Consorts Savour& no 96, PA 04239 et no 97 PA 02207) oti le juge, rejetant le caractkre normatif des confkences de consensus,retient ntanmoins que celles-ci sont (( nkessaiyemerit yecognitives de don&es mkdicales a&r&es dont I’eficacitd a subi I2pTeuve du temps 1).Les donnkes mtdicales avPrtes doi-

vent @tredistingukes des simplesdon&es actuelles, en ce que ces dernikres n’ont pas subi l’kpreuve du temps. Ainsi seul le praticien qui aura mkonnu les don&es acquisescommettra une faute de nature g engager la responsabilitk de l’ktablissement. C’est en ce sensque s’appuyant sur deux rapports d’expertise, la Cour administrative d’appel de Nantes a considkk que la mkonnaissancc, au tours d’une seance de dilatation de l’cesophage,desrkgleshabituelles d’emploi dessondesutili&es au tours de telles manceuvresconstitue une faute mtdicale de nature j engager la responsabilitk de l’h6pital (CAA Nantes, Ceztre

Hospitalies

RPgionaL

et Universitaire

de Rouen,

30 act. 1997, no 94 NT 00534). Dans la m&me affaire, la tour juge en outre, en s’appuyant sur les rapports d’experdse, que la mauvaise coordination entre les servicesde l’h6pital a entrain6 un retard dans le diagnostic et le traitement de la complication, constitutif d’une faute dans I’organisation du service B I’origine des sequellesdont souffre I’int&ess&. Ce faisant, la tour distingue bien la faute mtdicale like BI’activitC des mtdecins (mtconnaissance des rkgles de I’art) de la faute de service constituee par une mauvaise coordination des services. La mauvaise coordination entrainant un retard de diagnostic est une faute dans l’organisation du service. En revanche, le retard dans la dkision medicale de transfkrer un nouveau-n; vers un service spfkialisk en matikre nkonatale, constitue une faute mkdicale de nature i engagerla responsabilitt du centre hospitalier (CAA Names, 7 mars 1997, Pastor, Req. no 93NTO1144 : J&s-Data no 048209) (pour une absencede retard ou de carence mtdicale voir CAA Nancy, 4 mars 1937, Debruyne, no 39NC01192 : lurk-Data no 040870). Est constitutive d’une faute medicale, le fait pour desmCdecins d’avoir poursuivi un examen coronarographique alors que la premikre exploration avait mis en Cvidence l’existence de l&ions menaqantesgraveset d&lenchC des douleurs thoraciques intenses et que le centre hospitalier nc disposait pas d’un service de chirurgie cardiaque. Les mtdecins auraient dti cessertoute exploration et donner au patient tous les soins nkcessairesnotamment une intervention chirurgicale dans un service qualifiC de chirurgie cardiaque que le centre hospitalier 17

RESPOMSAMlTii C/VILE/ADMINISTRATIVE ne possedait pas (CA4 Bord eaux, Centre Hospitalier 1998, no 36 BX 02436).

et on peut douter d’une confirmation totale par la haute juridiction administrative. Ainsi, dans une affaire voisine mais non identique, la Cow administrative d’appel de Nancy a Responsabilitk lihe k I’obligation d’information et jug& que l’absenced’information medicale du patient n’est pas de consentement constitutive d’une faute dPslors que l’operation chirurgicale litigieuse Ctait inevitable (CAA Nancy, Centre Hospitalier Par l’arret de section du 14 f&tier 1997 (CHR de Nice clL$oux dIArras, 29 janv. 1998, no 94 NC01404). Autrement dit d&s QzLnrez: R. p. 44, concl. Precresse), largement comment6 lors que le patient, dbment inform&, se serait trouvt dans (AJDA 1997, p. 430, c-hran. D. Chauvaux et T.X. Girardot, l’obligation de consentir Bl’acte, compte tenu de la gravitt de RFDA 1997, no 2, p. 382, note B. Mathieu ; RDSS 1998 no son &at, le defaut d’information n’a pas de consequencessur 1, p. 94, note F. Mall01 ; Mid & Droit 1997 ; 26 : 15, Carol les suites de l’intervention. Jonas, c(L’enfant prejudice )) ; M&d & D&t 1998 ;33 : 17, Dans l’hypothese qui semble itre retenue par le Tribunal Marie-Laure Fortune-Cavalie), le Conseil d’Etat avait reconadministratif de Versailles, ou l’intervention etait la seuleennu les consequencesdommageablespour les parents d’une visageable, le patient bien inform&, aurait-il pu, compte tenu insuffisante information sur lesrisquesd’erreur danslesresulde la gravite de son etat de sank, se soustraire B une telle tats d’une amniocentese, constitutive d’une fame de nature a intervention, et dans ce cas a-t-i] perdu une chance de s’y engager la responsabilite de l’hopital. Si la port&e principale soustraire en n’etant pasinform& de tous lesrisquesencourus ? de l’arret est d’ecarter la reconnaissancedu prejudice subi par I1 semble que cette question n’ait pas Pte abordee puisque le l’enfant du seul fait d’etre nt, on mesureaujourd’hui l’interet tribunal administratif tient pour Ctablile lien de causaliteentre de la decision quant a l’obligation d’information Bla lumit-rc le defaut d’information et les divers prejudices dont souffre le desdecisionsjudiciaires (cf. supra, chron. de jurispr. civile de requerant. Autrement dit, en l’absence de faute despraticiens M. Pierre) et administratives recentes (J. Guigue, C. Esper, dans l‘intervention chirurgicale, les prejudices subispar le paccLe juge judiciaire et le juge udministratifse prononcent sur tient doivent-ils etre consider& comme inherents Bl’intervenl’information medicale du malade )) : Gaz Pal 1937, 2, tion (auquel cas il conviendrait davantage de se situer sur le doctr. p. 1348). 0 n retiendra de cette affaire quc le contenu terrain de la responsabilite sans faute) ou bien sont-ils la conde l’obligation d’information consistait pour les medecins a sequence d’un defaut d’information qui, s’il n’ttait pas reproche prevenir le patient d’une marge d’erreur dans les resultats. 11 appartenait par ailleurs a la victime d’apportcr la preuve de la au medecin, efit lesmemesconsequencesqu’une information. Au fond, 1e prejudtce subi par la victime consiste plus en une faute en mat&e d’information. Sur cesdeux points - contenu de l’obligation et charge de la preuve -, la jurisprudence ad- meconnaissancede son droit Bl’information et in fine de son droit au consentement (au demeurant prejudice moral grave ministrative vient tres nettcment d’evoluer. On retiendra, enfin, que le defaut d’information ne constitue pasune faute dont il conviendrait de fixer l’evaluation) qu’en divers prejumedicale, ce qui conduit a s’interroger sur le fondement de dices materiel et esthttique qui seseraient produits m&me si le patient avait ekeinform&. A la lumiere de l’arret de la Cour l’obligation d’information B l’hbpital. d’appel d’Angers du 11 septembre 1998 (statuant comme Le contenu de /‘obligation d’information tour de renvoi aprts l’arret de la Cour de cassation du 25 Jusqu’a present, la juridiction administrative tcartait le moyen fevrier 1997, Hedreul : Le Concours mkdical, 3 Oct. 1998, tire du defaut d’information du patient dans lescassuivants : p. 2250, note N. Gombault ; D. 1999, p. 46, note M. Penneau), lorsque les risquesque comporte l’operation sont imprevisis’appuyant sur la notion de perte de chances, on peut sedebles ou ne se produisent qu’exceptionnellement (hormis en mander si le patient bien inform& aurait pu refuser de donner chirurgie esthetique. CE 15 mars 1996, Durand, nos obs. dans son consentement Bl’acte qui, rappelons-le, ttait la seulevoie I . cette revue1997 ; 24 : 24), lorsque l’operation etait urgente, d e guertson. Le jugement du tribunal administratif, bien que lorsque l’acte medical etait le seul possible (sur l’ensemble de favorable a la victime, n’est pas exempt de critiques : plunk cette jurisprudence, cf. note J. Kurlic sous T.A. Versailles, que d’evaluer le prejudice reel qui a consist6 en un defaut 26 juin 1997, M. Mohamed Lahiaoui c/ CHGde Loryjumeau : d’information et de consentement, le juge a prefere s’en tenir LPA 23 f&r. 1998, no 23, p. 12). Si l’exception tenant Bl’ura une evaluation, somme toute classiqueet moins delicate, de gence de l’operation n’est pas aujourd’hui remise en cause, prejudices pour l’essentiel patrimoniaux. Cette solution deil en va differemment desdeux autres hypotheses. vrait demeurer isolee compte tenu de la position tres Claire En premier lieu, le Tribunal administratif de Versailles a retenue par le juge administratif dans une affaire differente. jug& dansle jugement p&cite que, alors meme que l’intervenDans un arret du 9 juin 1998, la Cour administrative d’appel tion itait la seule voie possible (pour obtenir une flexion du de Paris (pk., M.G. no 95PA03660 : Dr. adm. nov. 1998, genou en l’espece), les praticiens du centre hospitalier ont p. 27, note C. Esper ; Gaz Pal 23-24 Oct. 1998, p, 67, note meconnu leurs obligations et commis une faute de nature B F.J. Pansier ; Gestions hospital&es nov. 1998, p. 747, note engager la responsabilitt de cet etablissement en s’abstenant K. Genet) retient que le prejudice subi par la victime en raison d’informer la victime de tous les risques inhkrents a ce type du defaut d’information a consist6 en la perte d’une chance d’intervention, nonobstant la gravite et la complexite de l’etat de sesoustraire au risque qui s’estfinalement realise,perte de du patient. Par consequent, Lefait gue Ike mkdical est le seul chance qui se distingue des prejudices physiques et destroupossible rze peut soustraire le midecin h lbbligation d’informables dans les conditions d’existence par ailleurs subis. Cette tion. Une telle solution appelle toutefois quelques reserves; solution qui applique la notion civiliste de perte de chances, elle n’est pas pour le moment confirmee par le Conseil d’Etat plus adapt&ea la meconnaissance de l’obligation d’information. de La Ro-

cbelle, 22 juin

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MhECINE &DROIT no35- 1999

ne demande plus qu’a etre confirmte par le Conseil d’Ijtat, ce qui mettrait un terme a la jurisprudence impressionniste de ces derniers mois. En second lieu, on peut observer que dans la m&me affaire, le Tribunal administratif de Versailles a etendu I’obligation d’information a tous les risquesinherents au type d’intervention, ce qui suppose rant les risques habituels que graves et mCmeexceptionnels ou dont la realisation esrexcrptionnelle. Cette extension au risque exceptionnel ressort tres nettement de l’arret de la Cour administrative d’appel de Paris du 9 juin 1998 p&it&, selon lequel tous lesrisquesgraves, meme rxceptionnels, doivent etrc signal& au patient. Toutefois, la solution de la tour, a la difference du jugement du tribunal administratif, seborne aux risquesgraveset mtme exceptionnels, mais n’ttend pas l‘obligation a tous les risques. On constate que, sur ce point, lesjurisprudences administrative et judiciaire serejoignent en supprimant la distinction entre les risquesexceptionnels et les risquesgraves ou normalement prtvisibles. Ainsi, la Cour de cassation, aprts avoir admis que l’information doit porter non seulement sur Ies risquesgravesdes soins ou investigations proposespar le praticien et sur ceux demandes par le patient lui-mCme (Cass.civ. I, 27 mai 1998, no 939 I’), a decide quelquesmois plus tard (Cass. civ. I, 7 Oct. 1998, arret no 1567 et arret no 1568 ; L’entreprise medicale, 2 nov. 1998, p. 2, note P. Sargos)que le fait qu’un risque ne se realisequ‘exceptionnellement n’est pasde nature, a lui seul, a justifier une absence d’information.

Regional doit &re regard&ecomme la causedirecte desprejudices de M. et Mme Quarez, sansla qualifier expressement. Utilisant une formule differente en la forme, mais non au fond, l’arret de la Cour d’appel de Paris du 9 juin 1998, precite, consider-equ’en omettant l’information, lespraticiens de l’hopital ont meconnu leurs obligations et, par suite, commis une faute de nature B engager la responsabilitt de I’ttablissement. On en dtduit que, bien que commise par les medecins, la faute n’est pasde nature medicaleet que bien qu’elle engage la responsabilite de l’etablissement, elle ne s’identifie pas davantage a la faute commise dans l’organisation ou le fonctionnement du service. Cette faute particuliere traduit la volontt du juge administratif de distinguer ce qui se rattache materiellement Bl’exercice de la medecine de ce qui serattache nux droits despatients. Dans le premier cas,le juge administratif maintient la sptcificitt de la faute medicale et la reserve a une appreciation du respectdesreglesde I’art et desdonnees acquisesde la science (cf. supra) ; sous reserve de ces conditions, il preserve ainsi la liberte therapeutique du medecin dans I’exercice de son art (des lors que les reglesde I’art et les don&es acquisesde la science ont PtP respecttes). Dans le second cas, il faut y voir la reconnaissancedesobligations du medecin (praticien et agent public) B l’egard du patient hospitalise dont lesdroits n’appellent pasd’interprttations scientifiques, mais dcs analysesjuridiquement objectives. Le contrat medical n’etant pasapplicable a l’hopital (hormis lesilots de medecine lib&ale) l’obligation d’information repose soit sur le Code de deontologie mtdicale (art. 35), soit sur la charte du patient hospitalise (annextie a la circulaire du 6 mai 1995 et reprise par l’ordonnance relative a la reforme de l’hospitalisation publique et privee du 24 avril 1996). Si le Conseil d’Etat devait confirmer l’arret de la Cour administrative d’appel de Paris, l’occasion pourrait lui etre donnee de preciser le fondement de cette obligation a I’hopital. En s’appuyant sur les dispositions du code, il rejoindrait ainsi la Cour de cassation qui, depuis 1997, a admis que le non-respect du code peut etre invoqut par une partie dansle cadre d’une procedure civile (Cass.civ. I, 18 mars 1997 :/CP 1997, td. G, II, 4068, note G. Viney) et s’est recemment fond&e sur celui-ci pour determiner le domaine de I’information (Cass.civ. I (2 arrets), 7 Oct. 1998, p&c.). Ajoutons enfin que la charte du patient hospitalise. &ant applicable dans tous les etablissementsde Sante, elle pourrait subsidiairement fonder la meme obligation, ce qui consacrerait dtfinitivement lesdroits despatients.

Le renversement de Ia charge de la preuve La Cour administrative d’appel a, dansle meme art&, pro&de au renversement de la charge de la preuve rejoignant le juge judiciaire (Cass. civ. I, 25 f&r. 1997, Hbdreul cl Cousin et autres prec.). Le juge administratif decide que la charge de la preuve incombe dksormais ZI l’hapital. I1 s’agit la d’un deuxieme progres en faveur desvictimes qui poseneanmoins les memesdifficult& que devant les juridictions judiciaires, a savoir lesmoyens dc la preuve. Sur cette question la tour reste muette considerant que l’etablissement n’apporte pas la preuvc qui lui incombe que le patient a bien ete inform6 du risque. Le juge administratif retiendra-t-i1 tous moyens de preuve comme l’a admis le juge judiciaire, y compris des presomptions ? (cf. supra chron. I’. Pierre). La nature desrelations medecins-patientsBl’hbpital public ainsi que l’organisation des consultations et des soins, differentes de cellesde la medecine lib&ale, posent quelques diffiLimites tj /‘obligation de consentement cult&. Le patient peut etre vu en consultation successivement Par deux arrets du 9 juin 1998 (Dame Senanayake, par des praticiens differents et chaque mtdecin peut avoir sa no 95PAO3653 et Dame Donyoh, no 95PA03104), la Cour propre appreciation des risques vis-a-vis du patient. C’est la administrative d’appel de Paris s’est expressementappuyee que I’obligation d’informer de tous les risquess’avererautile, sur les dispositions du Code de deontoiogie medicale de mCmeque la transcription desinformations dam le dossier (art. 7 ancien ; art. 36 nouveau) pour rappeler les limites de medical du patient. l’obligation de consentement. Les deux reqdrantes, adeptes Nature de la fade relative 21/‘information destemoins de JChovah, reprochaient a l’hbpital de leur avoir Le dPfaut ou l’insuff%ance de I’information du patient, pour administrt: des transfusions sanguinescontre leur grC et conautant qu’il engageaujourd’hui tres largement la responsabi- testaient l’urgence de tels soins. Rappelant lesdispositions du lite de l’hbpital, n’est pas consid& comme une faute midicode, la tour considere quc I’obligation de consentement se caIe a proprement parler. L’arret CHR de Nice cl l$ou.x trouve limitee par I’obligation qu’a tgalement le medecin, QuaI-ez, p&cite, retient que la faute commise par le service de conformement Bla finalite m@mede son activite, de prottger pathologie cellulaire et de genetique du Centre Hospitalier la Sante, c’est-h-dire en dernier ressort, la vie &e-m&me de MhlECINE& DROITno 35 1999

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RESPOMSABILIT~C/VILE/ ADMIhllSTRATlVE I’individu. En consequence, afin de concilier le respect de ces deux exigences contradictoires, la cow pose le principe, dans les deux especes, qu’en cas d’urgence de I’intervention, d’absenced’autre therapeutique possible,lorsque la vie du patient est en danger et lesactes indispensablesa la survie et proportionnes a son &tat de santt, les medecins ne commettent aucune faute en meconnaissantla volonte du maladc. ResponsabilitC Obligation

pour faute non-mkdicale

d’accueillir les personnes dont /‘&at d’urgence Se fondant sur le principe d’tgalitt d’accesdu service public hospitalier (transposea l’epoque desfaits dans le d&ret du I4 janvier I974), la Cour administrative d’appel de Paris a condamn@I’AssistancePublique desHopitaux de Paris pour avoir ajourne, jusqu’a production d’une attestation de prise en charge, l’admission d’unc &rang&e dont l’etat reclamait des soins d’urgence (9 juin 1998, B. no 95PAO3525 : Dr. adm. nov. 1998, p. 28, note C. Esper ; Rev Hasp de France sept.act. 1998, p. 630). L’hopital parisien avait differ& l’admission de la patiente au motif qu’elle ne justifiait pasd’une prise en charge de frais mkdicaux et d’hospitalisation. L’interesseedGt retourner dans son pays d’origine, I’Algerie, pour obtenir les documents necessaires.Hospitalisee aprts son retour en France, elle fut operte deux mois apt-esla premiere consultation medicale. Cet art-et illustre la diffculte de plus en plus frequente a laquelle se trouvent confront& lesetablissements publics de sank : la prise en charge de personnesnon-couvertes par un regime de protection sociale. L’augmentation de la precarite et du nombre desdemunis conduit parfois lesh&pitaux i financer eux-memes ces depensesirrecouvrables. La tentation peut etre grande d’admettre lespersonnesdont l’etat de santt requiert dessoinsqu’aprts s’etreassured’une prise en charge (sur cesdiffcultes, cf. G. Pichon-Naude, (cLe gestionnaire hospitalier face a la question de l’accueil desplus demunis et des creancesirrecouvrables )), memoire ENSP, l‘?IB). De nombreusessolutions localesont cependant et& developpeespour Pviter la situation rapportee par l’arret, en attendant la couverture medicale universelle. requiert

des soins

rappel4 la Cour administrative d’appel de Nancy (Dame Andrd 4 mars 1997, no 94NC00096), un praticien exerqant en secteur d’activite libtrale, n’engage cependant pas sa responsabilitepour un casd’infection nosocomiale contractee par le patient deslors que l’infection estimputable au dysfonctionnement du service (CAA Paris, M. de Cambronne, 21 Oct. 1997, Req. no 95PAO3986). En jugeant qu’en l’absencede toute faute du medecin, seull’hopital etait responsable de l’infection nosocomiale survenue au patient en secteur prive lors de la posed’une prothese de la hanche, la tour a fait application des regles dtsormais classiquesen la mat&e en presumant la faute dans l’organisation et le fonctionnement du service public hospitalier. C’est d’ailleurs, la mCme prtsomption de responsabilitt qui p&sedesormaissur lescliniques privees en cas d’infection nosocomiale (Cass. civ. I, 21 mai 1996 : cette revue 1997 ; 22 : 6-8, comm. H. Groutel ; NDLR : sur cette jurisprudence, cf. l’article de M. Sargos dans ce numero). La responsabilitk

saris faute

Depuis les arks Gomez et Biancbi, les victimes sont tentees d’entrainer les juridictions administratives sur le terrain de l’alea therapeutique ou du risque medical quand la preuve d’une faute est impossible. Si les conditions definies par ces jurisprudences ont eu pour effet de limiter l’application de l’alta thtrapeutique, on s’achemine vers une extension de la notion de risque medical. Enftn, dans le domaine tres special de la transfusion sanguine, on constate egalement la volontt des juges du fond d’etendre le benefice de la responsabilite saris faute B la contamination par le virus de l’hepatite C.

de I’aka thkapeutique Dans l’affaire Bonnelli (CAA Lyon, 18 Sept. 1997, Req. no 95LYO11107 prec.), la victime qui, suite B un accident de voiture, ressentaitdesdouleurs cervicales et dorsales,avec cPphakes, vertiges et accouphenes, avait subi une intervention chirurgicale dite d’arthrodtse. Malgrt: une seconde intervention, elle demeurait atteinte d’une paralysie du bras droit. A l’appui de sa demande de reparation, la victime soutenait Dbfaot de surveillance et dkfaut d’organisation plusieurs moyens. Apres avoir &carte ceux tires d’une faute du service medicale, d’un defaut d’information et d’un fonctionnement Dans un arret du 29 janvier 1998 (Centre de soinset d’bygihe defectueux du service, la tour etait conduite Bexaminer celui mentale UlysseTrebat, Req. no 95NC00177), la Cour admifond& sur 1’alCa thkrapeutique. Par une exacte application du nistrative d’appel de Nancy a juge qu’un etablissement principe et des conditions d&finis par l’arret Gomez de 1990, specialist dans l’accueil des malades mentaux avait commis la tour rejeta le moyen en considerant que (
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Rejet

MiDEClNE &DROIT no35- I999

RESPOWABILI~~CIVILE/ ADMlNIsTRATIVE Application

du risque

medical

Pour qu’en I’absence de fame, la responsabilite de l’hbpital soit engageesur le terrain du risque medical, I’arr& Bianchi avait post quatre conditions : un acte medical ntcessaire au diagnostic ou au traitement du malade, presentant un risque dont l’existence est connue mais dont la rtalisation est exceptionnelle, que le patient n’y soit pas particulierement expose et que I’extcution de cet acte soit directement a l’origine de dommages d’une extreme gravitt et sans rapport avec l’etat initial du patient ou son evolution previsible. Ainsi postes ces conditions cumulatives devaient @tre d’application aussirestrictives que cellesfixees pour l’alea therapeutique. Toutefois, par un arrtt trb comment&, le Conseil d’hat fit une application souple de la jurisprudence Bianrhi en l’etendant h une anesthesieg&n&ale pratiquee lors d’une intervention dtpourvue de fin therapeutique (3 nov. 1997, H& pitalJoseph ImbertdlArles: R, p. 412 ; Gaz Pal 1998-1, p. I, note J. Bonneau ; Dr. adm. jam. 1998, no 32, note C. Esper ; JCP 1998, Pd. G, II, 10016, note J. Moreau ; Gaz Pal 8-10 mars 1998, p. 31, note C. Hermmon ; D. 1998, p. 146, note Chrestia ; RDP 1998, p. 891, note J.M. Auby ; RDSS 1998, p. 519, note C. Clement ; D. 1999, no 6, somm. p. 45, I’. Bon et D. de Bechillon ; AJDA 1997, p. 959, chron. T. X. Girardot et F. Raynaud ; RFDA 1998, no 1, p. 30, Concl. V. Pecresse; LPA 9 janv. 1998, p. 16, note P.A. Lecocq ; LPA 28 janv. 1998, p. 20, note S. Alloiteau ; Revjur Ouest 1998/2, p. 163, A. de Lajartre). Cet art& fait droit a la demande d’indemnites d’une mere i la suite du decksde son fils causepar une anesthesiegPnCraleprPalableh une circoncision pour motif rituel. Le Conseil d’Etat &end le risque comme fondement de la responsabilitea l’hbpital public de deux manitres ; d’une part en l’ttendant au benefice de tout patient et non plus seulement d’un malade ; d’autre part en appliquant le regime de la responsabilite sansfaute alors m@meque l’acte medical a l’origine du decksavait et& pratique lors d’une intervention depourvue de fin therapeutique. Comme le souligne I’ensemble de la doctrine, cette nouvelle application de la responsabilitt sansfaute a I’hbpital devrait connaitre un be1essoreu &gardaux risquesgravesinduits par l’anesthesieg&kale. Parmi lesapplications de la decision du 3 novembre 1397, nous retiendrons un art& de la Cow administrative d’appel de Nancy (M. Kaluszka, 29 janv. 1998, no 93NCOO 137) qui, reprenant mot pour mot

le considerant de principe, indemnise les ayants droit d’une femme d&d&e B la suite d’une ctsarienne pratiqute sous anesthesieg&&ale.

Responsabilith sanguine

sons faute

en matihe

de transfusion

Dam plusieurs affaires concernant la contamination par le VIH (TA Paris, 22 Oct. 1997, Consorts Chantre : Juris-Data no 650449.- M. et Mme Panier : Juris-Data no 650450 ; le QuotidienJuridique 1997, no 93, p. 5, note G. Pelissier.-CE, 30 juill. 1997, Consorts Beaumer, Req. no 160773), la juridiction administrative rappelle que la responsabilitede l’hopital ou celle du centre de transfusion sanguine (lorsqu’il a une personnalite juridique distincte de celle de l’hopital) est engagee, en l’absencede toute faute, pour la mauvaise qualitt des produits. Par ailleurs, un art& de la Cour administrative d’appel de Paris (12 f&r. 1998, Consorts Peltier : AJDA 1998, p. 285 et p. 234, note M. H.) confirme la transmissibilite aux heritiers du droit B reparation des prejudices personnelssubis par la victime de son vivant alors mCme que celle-ci n’avait pasintroduit d’action Bcette fin et l’evaluation Bdeux millions de francs des (( pr+dices de toute nature )) subis par une personne contaminee h l’occasion d’une transfusion sanguine, independamment de l’esptrance de vie de la victime ou de son &at de Santelors de la contamination. On observera enfin que plusieurs arrets vienncnt de transposer B la contamination par le virus de l’hepatite C, la solution admisepar le Conseil d&at Bpropos de la contamination par le virus du sida (CE Ass., 26 mai 1995, Consorts N’Guyen, M. Jouan et Consorts Pauan : R. p. 221). Ainsi, les hbpitaux sont responsables des consequences dommageables de la mauvaise qualite des produits sanguins fournis, non sur le fondement desprincipes qui gouvernent la responsabilitk des hopitaux en tant que dispensateursd’actesmedicaux, maissur la basede regles propres a leur activite de gestionnaire d’un centre de transfusion sanguine et meme en l’absence de faute, doivent &parer les consequences dommageables de la contamination par le virus de l’hepatite C des lors que le lien de causalite avec la transfusion est ttabli (CAA Lyon, 2 Oct. 1997, Centre hospitalierJoseph Imbert dxrles c/Mme Carlotti : LPA 8 mai 1998, p. 9 note J.A. Bas.- CAA Paris, 21 Oct. 1797, Mme X cl AP-HP no 95PA03994 et no 96PA 00057). Mots clCs : responsabilite civile (obligation d’information : contenu, objet et modes de preuves, indemnisation en cas de non-respect) / responsabilite civile (preuve de la faute technique - faute in&se) I responsabilite hospitaliere (faute medicale) I responsabilite hospitaliire (obligation d’information : contenu, charge, nature de la faute, limites) I responsabilite hospitaliere (faute non-medicale) I obligation d’information (jurisprudence civile et administrative) I responsabilite administrative (sans faute) I transfusion sanguine (responsabilite saris faute)

A lit-edansle prochain numkro : le comment&e de l’arrkk du I5 janvicr I999 de la Cour d’appelde Parisconfirmant le iugement

du TGI de Parisen date du 20 actobre 1997mettant ;1fa charged’un chirurgien une obtigation de &cwrit&%sulrat.

MiDEClNE &OROtT no35- 1999

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