Détermination des efforts articulaires exercés au cours de trois types d'élan en barre fixe

Détermination des efforts articulaires exercés au cours de trois types d'élan en barre fixe

Science & Sports 2002 ; 17 : 26-30  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0765-1597(01)00108-3/FLA Article or...

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Science & Sports 2002 ; 17 : 26-30  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0765-1597(01)00108-3/FLA

Article original

Détermination des efforts articulaires exercés au cours de trois types d’élan en barre fixe P. Holvoet 1,2∗ , P. Lacouture 1 , J. Duboy 1 , A. Junqua 1 , G. Bessonnet 3 1 U.M.R. 6630, Laboratoire de métallurgie physique, faculté des sciences de Poitiers, SP2MI, bd 3, téléport 2, BP 179 86960 Poitiers Futuroscope, France ; 2 laboratoire d’études de la motricité humaine, faculté des sciences du sport de Lille II, 9, rue de l’Université, 59790 Ronchin, France ; 3 U.M.R. 861, laboratoire de mécanique des solides, faculté des sciences de Poitiers, SP2MI, bd 3, téléport 2, BP 179 86960 Poitiers Futuroscope, France

Résumé Objectifs – Déterminer l’évolution des efforts actionneurs articulaires développés au cours d’une série d’élans circulaires réalisés à la barre fixe pour exécuter une figure acrobatique complexe appelée « tkatchev ». Matériels et méthodes – La modélisation considère le corps du gymnaste comme une chaîne cinématique ouverte composée de huit segments rigides articulée à un support déformable représentant la barre fixe. La détermination des forces et des moments articulaires s’appuie sur la mise en œuvre du formalisme de Newton– Euler selon une procédure itérative appliquée du segment distal au segment proximal. Résultats – Les efforts de traction aux articulations du membre supérieur augmentent lors des élans standard et accéléré lorsque le gymnaste évolue de 60◦ à 240◦ et atteignent un maximum de deux fois le poids du corps (BW) à 180◦ . Ces efforts s’intensifient (3 BW) à 160◦ , lors de l’élan préparatoire au « tkatchev ». Au cours de cet élan, l’intensité de la force de réaction de la barre est particulièrement élevée lorsque le gymnaste franchit 60◦ , 160◦ et 250◦ (4,5, 6 et 4 BW). Conclusion – La réussite de cette acrobatie nécessite de produire à la hanche et à l’épaule, des moments importants (de −180 à 300 Nm) pour réaliser les actions de fouettés du corps de 125◦ à 160◦ .  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS barre fixe / dynamique inverse / efforts articulaires / gymnastique

Summary – Joint forces and moments involved in giant swings on the high bar. Aims – Assess the forces and moments of the joints responsible for producing the segmental motions involved in a series of large circling movements culminating in a “tkatchev” release-regrasp skill. Methods – A planar eight-link kinematic chain was considered. The Newton–Euler formalism was used to determine the forces and moments involved in the moving kinematic chain. The dynamic model was formulated using a recursive formulation of joint velocities and accelerations from the distal segment to the proximal one. Results – During the standard and accelerated giant swings, the tensile forces increased as the gymnast turn from 60◦ to 240◦ and reached a maximum of two bodyweight (BW) for the upper limb joints at the lower vertical (180◦ ). This maximal value was 3 BW at 160◦ during the swing in preparation to the “tkatchev”. The magnitude of the components of the bar reaction reached largest values (4.5, 6 and 4 BW) when the gymnast turn at 60◦ , 160◦ and 250◦ during the preparatory swing. Conclusion – Compared to the other ones, this last swing required at the hip and shoulder joints, larger values of moment ranging from −200 to 300 Nm when the body turn from 125◦ to 160◦ .  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS gymnastic / high bar / inverse dynamic / joint forces

∗ Correspondance et tirés à part.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Holvoet).

Détermination des efforts articulaires exercés au cours de trois types d’élan en barre fixe

Dans le domaine de l’analyse des gestes humains, de nombreux secteurs de recherches et en particulier celui de l’entraînement sportif, ont besoin de la connaissance de l’activité musculo-articulaire globale, responsable de la production des quantités de mouvements et des variations angulaires des segments. Dans la mesure où les efforts actionneurs correspondent aux forces de liaison intersegmentaire et aux moments articulaires nécessaires à la mise en mouvement des segments corporels [1], leur estimation est essentielle pour étudier l’optimisation du mouvement qu’ils génèrent. Lors de la réalisation de tâches sportives complexes, l’impossibilité d’instrumenter in vivo l’athlète pour mesurer directement ces efforts, conduit à utiliser une démarche de dynamique inverse. Celle-ci nécessite d’adopter un modèle approprié du corps humain et d’obtenir des données cinématiques et dynamiques suffisantes à la mise en œuvre de la procédure de calcul des forces et des moments articulaires. Cette étude aborde le problème de l’optimisation du mouvement de prise d’élan circulaire à la barre fixe. La performance gymnique de haut niveau exige à cet agrès la réalisation d’éléments volants. Ce sont des figures acrobatiques composées d’un lâcher des prises manuelles puis d’une phase de vol au-dessus de la barre suivie de son rattraper. La réussite de ces gestes complexes et dangereux exige une adaptation du mouvement de prise d’élan aux contraintes cinématiques particulières imposées par le type de figure acrobatique effectuée en phase aérienne. L’objectif est de déterminer l’évolution des efforts articulaires développés au cours de la réalisation de différentes prises d’élan d’élan aboutissants à l’exécution d’un élément volant fondamental appelé « tkatchev » et fréquemment réalisé dans les compétitions internationales. SYNTHÈSE L’expérimentation s’est déroulée au Pôle « Espoirs » de Gymnastique de La Madeleine qui est une structure officielle ayant pour objectif de préparer les meilleurs gymnastes des Flandres aux sélections en équipes de France juniors et seniors. Le sujet retenu est un gymnaste senior de niveau national (25 ans, 1,65 m, 58 Kg) pratiquant 25 à 30 heures d’entraînement hebdomadaire. Les mouvements de prise d’élan étudiés sont composés d’un premier grand tour arrière standard réalisé à vitesse spontanée puis d’un second tour accéléré et d’un troisième tour préparatoire à la réalisation de la figure acrobatique (figure 1). Ces trois types d’élan sont filmés par un dispositif cinématographique opérant à une fréquence d’acquisition de 50 Hz et numérisés par un système d’analyse d’images en 2D. Des méthodes appropriées de filtrage et de lissage sont utilisées pour traiter les données cinématiques.

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Le gymnaste est considéré comme un système polyarticulé composé de huit segments rigides dont les caractéristiques inertielles sont personnalisées en référence aux tables anthropométriques de Dempster et Gaughran [3]. Ce système est relié à un support élastique de coefficient de raideur connu, représentant la barre. La démarche classique de dynamique inverse est appliquée en développant les équations fondamentales de la dynamique selon la méthode de Newton–Euler. Le calcul des forces et des moments articulaires est réalisé par une procédure itérative initialisée à partir du segment distal du corps correspondant au pied. Les résultats mettent en évidence que l’évolution et l’intensité des forces et des moments articulaires se modifient fortement lors de la réalisation du tour préparatoire à l’exécution de la figure acrobatique comparativement à celle des élans standard et accéléré (figure 2). L’action en compression exercée au poignet avec une intensité légèrement inférieure au poids corporel (570 N) lors de la réalisation des élans standard et accéléré, disparaît lors de l’élan préparatoire. En revanche, l’effort en traction s’accentue fortement aux articulations du membre supérieur au cours de cet élan particulier : des valeurs maximales de l’ordre de trois fois le poids corporel, sont relevées lorsque le gymnaste évolue peu avant la verticale en dessous de la barre (160◦). Deux autres phases de cet élan apparaissent traumatisantes pour ces articulations qui sont encore soumises à des intensités de l’ordre de deux fois le poids de corps lorsque le gymnaste s’approche de l’horizontale arrière (60◦ ) et avant de la barre (250◦). Ces efforts articulaires en traction permettent de générer une force de réaction de la barre très intense (4,5, 6 et 4 fois le poids corporel) dans ces trois secteurs angulaires. En outre, l’évolution du moment articulaire exercé aux articulations de l’épaule et de la hanche lors de l’élan préparatoire se caractérise par quatre phases distinctes. Une phase durant laquelle les moments sont fléchisseurs à la hanche et extenseurs à l’épaule apparaît lorsque le corps évolue entre 65◦ et 125◦ : la valeur maximale exercée à la hanche et à l’épaule est respectivement de l’ordre de 60 et 95 Nm quand le corps franchit 90◦ . Puis deux phases durant lesquelles les moments atteignent des intensités maximales importantes de l’ordre de 200 à 300 Nm se produisent ; ils sont alors extenseurs à la hanche et fléchisseurs à l’épaule au moment où le corps évolue entre 125◦ et 160◦ alors qu’ils génèrent des actions antagonistes de 160◦ à 210◦ . Les valeurs maximales atteintes quand le corps franchit 150 et 170◦ sont plus intenses à l’épaule qu’à la hanche (−200 et 300 Nm contre −110 et 180 Nm). Les moments responsables des actions d’extension de la hanche et de flexion de l’épaule qui précède l’instant de lâcher s’exercent quand que le corps évolue entre 210◦ et 290◦ et présentent des valeurs maximales plus faibles de l’ordre de 85 et 165 Nm.

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Figure 1. Kinogrammes et trajectoires du centre de gravité du corps pour les 3 types d’élan et l’élément volant en « tkatchev » (1 image/4).

DISCUSSION En déterminant les profils des efforts articulaires, cette étude complète celles menées par Gervais et Tally [4] et par Brüggemann et al. [2] qui ont principalement décrit les paramètres cinématiques. Les résultats mettent en évidence l’importance des contraintes mécaniques articulaires engendrées par l’optimisation de l’élan circulaire préparatoire à la réalisation de la figure acrobatique en « tkatchev ». Les intensités maximales de l’action en traction supportées par les articulations du membre supérieur et celles du moment articulaire de l’épaule précisent le caractère traumatisant et dangereux de l’élan préparatoire durant lequel un risque de rupture élevé de la liaison gymnaste-barre est mis en évidence lorsque celui-ci évolue dans les secteurs angulaires correspondant à 60, 160 et 250◦ . La production de tels efforts articulaires s’explique par les contraintes cinématiques imposées par la réalisation de la figure acrobatique en « tkatchev ». L’exécution de ce mouvement aérien pose au gymnaste le problème de l’obtention d’une vitesse d’éjection suffisante et d’une

position de lâcher adéquate pour se propulser vers l’arrière, franchir et rattraper la barre tout en changeant le sens de rotation de son corps. La succession et l’intensité des efforts actionneurs déployés par le gymnaste au cours de l’élan préparatoire, permettent alors d’obtenir lors de la phase descendante une augmentation de la vitesse linéaire du corps garantissant au moment du lâcher, des valeurs d’éjection suffisamment élevées malgré l’effet freinateur de la force de pesanteur. Ensuite, les accélérations segmentaires produites par ces efforts actionneurs provoquent aussi une déformation et une réaction de la barre dues à ses caractéristiques élastiques dont les effets sur le réglage des paramètres cinématiques de lâcher doivent être considérés à travers la possibilité d’exploiter le processus de restitution de l’énergie potentielle élastique de la barre [2]. L’intérêt de cette étude se situe à la fois sur le plan d’une meilleure compréhension de l’influence des variables dynamiques sur la réalisation d’une tâche acrobatique complexe et sur celui de la prévention de traumatisme musculaire dû souvent à une préparation physique

Détermination des efforts articulaires exercés au cours de trois types d’élan en barre fixe

Figure 2. Évolution des forces de traction-compression segmentaire et des moments articulaires à la hanche et à l’épaule. A : élan standard ; B : élan accéléré ; C : élan préparatoire.

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inadéquate, par méconnaissance des charges mécaniques provoquées par la répétition des séances d’entraînement.

2 Brüggemann GP, Cheetham PJ, Alp Y, Arampatzis D. Approach to a biomechanical profile of dismounts and release-regrasp skills of the high bar. Journal of Applied Biomechanics 1994 ; 10 : 291-312.

RÉFÉRENCES

3 Dempster WT, Gaughran GRL. Properties of body segments based on size and weight. American Journal of Anatomy 1967 ; 120 : 33-54.

1 Allard P, Blanchi JP, Gautier G, Aissaoui R. Technique de lissage et de filtrage de données biomécaniques. Science et Sports 1990 ; 5 : 27-38.

4 Gervais P, Tally F. The beat swing and mechanical descriptors of three horizontal bar release-regrasp skills. Journal of Applied Biomechanics 1993 ; 9 : 66-83.