Deux épidémiés estivales à entérovirus en 1983 en Auvergne

Deux épidémiés estivales à entérovirus en 1983 en Auvergne

M~lecine et Maladies Infectieuses -- 1984 -- 14 -- N° 4 -- 145 & 148 Deux 6pid6mies estivales & ent6rovirus en 1983 en Auvergne par P E I G U E - L A...

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M~lecine et Maladies Infectieuses -- 1984 -- 14 -- N° 4 -- 145 & 148

Deux 6pid6mies estivales & ent6rovirus en 1983 en Auvergne par P E I G U E - L A F E U I L L E * * ,

RESUME

H. L A V E R A N * * * ,

A. L A B B E * * * * ,

J. B E Y T O U T * * * * *

et J. S E R R E S * *

Nous avons observd deux dpiddmies simultandes & Echovirus 33 et Coxsackie B 1 •chez les enfants admis & I'h6pital entre juin et octobre 1983. Ces virus retrouvds dans les eaux de station d'dpuration n'avaient pas dtd 'observds les anndes prdcddentes nile semestre prdcddant les dpiddmies de 1983. Nous ddcrivons la symptomatologie accompagnant I'isolement de ces deux virus et insistons sur la recherche d'entdrovirus dans les selles d'admission durant les mois d'dtd, recherche facile et souvent rapidement positive en cas de prdsence d'ent~rovirus. Mots-clefs :

Ent~rovirus - Echovirus 33 - Coxsackie B 1 - Epid~miologie - Eaux us~es.

Les ent6rovirus sont isol~s avec une fr6quence beaucoup plus grande durant les mois d'dtd. Nous avons observ~ en 1983 deux dpid~mies concomitantes & Echovirus type 33 et Coxsackie virus B 1 avec isolement dans les eaux de station d'6puration durant la m~me p~riode.

recherche de virus est faite & titre syst6matique dans t o u t LCR perturb~ (nombre de leucocytes sup~rieur ~ 1 0 / m m 3, majorit~ lymphocytaire) et la demande dans le pr~l~vement de gorge.

M A T E R I E L ET M E T H O D E S

Les selles sont recueillies dans un r6cipient sterile. Une noisette est 6mulsionn~e dans 8 ml de P.B.S. et 1 ml de Fr~on. Apr~s agitation au vortex on centrifuge une heure ~ 7000 tours/minute. Le surnageant (environ 3 ml) est recueilli sur un m~lange d'antibiotiques (p~nicilline, colimycine, streptomycine, kanamycine, amphot~ricine B). Trois tubes de culture sont inocul6s : 1 tube de cellules Papio, 1 tube de cellules MRC 5 et un tube de cellules Hep II. Deux passages aveugles sont r~alis~s les 8~me et 16~me jours. Parall~lement ~ I'inoculation, une r~action immuno-enzymatique & la recherche d'antig~nes de Rotavirus est r~alis~e syst~matiquement (Rotazyme*). L'identification des ent~rovirus est faite, avec lecture de I'effet cytopathog~ne, par les m~thodes classiques de s~roneutralisation ( s ~ r u m Pasteur). L'inoculation est identique pour les autres pr~l~vements.

T r a i t e m e n t des selles

ISOLEMENT DE V I R U S DANS LES SELLES DE M A L A D E S HOSPITALISES

Dans le cadre d'une vaste enquSte 6pid~miologique tous les entrants en p~diatrie (a) ont un pr~l~vement de selles & I'admission avec recherche de virus (4). De plus, en fonction de la pathologie, la * Re£u le 7,3.1984. Acceptation d~finitive le 21.3.1984. ** Service de Bact~riologie Virologie, (Prof. R. Cluzel), Facult(~de M~decine, 28 PI. Henri Dunant - 63001 Clermont-Ferrand Cedex. *** Service d'Hygi~ne Hospitali~re (Prof. D. Beytout), Facult6 de M~lecine, 28 PI. Henri Dunant - 63001 Clermont-Ferrand Cedex. ****Service de P~liatrie (Prof. G. Menut), H6tel Dieu, 63003 Clermont-FerrandCedex. *****ServiCe des Maladies Infectieuses(Prof. M. Rey) H6tel Dieu 63003 Clermont-Ferrand Cedex. (a) Services de Pddiatrie du CHU de Ctermond-Ferrand (Pr0f. Menut, PrOf. RaynaUd). 145

Aucun tableau de myalgie ~pid~mique n'a ~t~ observ~ mais un cas nous semble int6ressant :

ISOLEMENT DE V I R U S DANS LES EAUX USEES

On utilise la m~thode par adsorption-~lution sur poudre de verre grace ~ I'appareil de Schwartzbrod (6). Vingt-huit 6chantillons d'eaux us~es ont ~t~ analys~s entre le 5 juillet et le 25 octobre 1983. Ceux-ci proviennent des stations d'6puration de Clermont-Ferrand (Puy de D6me) et d'Aurillac (Cantal) (2).

M;.. Ester, 30 mois, est admise en chirurgie infantile pour douleurs abdominales aigugs faisant suspecter une urgence chirurgicale. Hormis une rhinite et une angine, I'examen est normal. En trois jours, le virus Coxsackie B 1 est obtenu en culture dans les selles d'admission, tandis que tout est rentr~ dans I'ordre sans traitement.

L'isolement est tent~ ~ partir d'un aliquot de I'~luat ensemenc~ sur un tube de cellules r~nales de singe Papio en premiere explantation, un tube de fibroblastes humains (lign~e MRC 5) et un tube de cellules en lign~e continue & raison d'un inoculum de 0,5 ml par tube, repr6sentant 1/15 & 1/25 de I'~luat total.

ECHOVIRUS 33 La recherche de virus a montr6 la presence d'Echo 33 chez 20 malades dont 16 enfants et 4 adultes entre le 6 juillet et le 11 octobre 1983. C'est la m~me tranche d'~ge qui est concern6e entre 12 et 36 mois (68 % des cas).

RESULTATS

Les motifsid'admission sont les suivants : Enfants : 5 diarrh6es aigu~s f~briles, 4 convulsions hyperthermiques, 2 m~ningites lymphocytaires, 1 fi~vre isol~e ~ I'h6pital et 1 pneumonie f~brile. Adultes : 1 diarrh~e aigu6 f6brile et 3 m~ningites lymphocytaires. Divers : 1 coqueluche typique, 1 varicelle typique et 1 BCGite.

ISOLEMENT DE V I R U S DANS LES SELLES DE M A L A D E S HOSPITALISES

COXSACKIE B 1 La recherche de virus a ~t~ positive pour le Coxsackie B 1 chez 22 enfants hospitalis~s durant la p~riode du 22 juin au 11 octobre 1983. De plus, parmi ces 22 enfants, 3 d'entre eux pr~sentaient aussi le Coxsackie B 1 dans leur LCR, 1 d'entre eux dans la gorge. La tranche d'~ge la plus concern~e se situe entre 12 et 36 mois (plus de 50 % desenfants) avec des extremes ~ 1 mois et 6 ans.

La fi~vre est un sympt6me constant. Cette fi~vre pent entra~ner des convulsions sans anomalies bact~riologiques du LCR, ce ~ quoi il est Iogique de s'attendre, 6tant donn6 la tranche d'~ge concern6e, Dans une observation d'un gar?onnet de 3 mois, le bilan biologique a montr~ I'existence d'une neutrop6nie importante sans autres alterations des fonctions h~matopo'i~tiques, pour laquelle, bien avant r~ception du r6sultat de virologie, une origine infectieuse ~tait fortement suspect~e.

Les motifs d'admission sont les suivants : 6 m6ningites lymphocytaires. 4 diarrh~es aigu#s dont 1 avec ~ruption ; 3 convulsions hyperthermiques avec PL normale ; 3 fi~vres ~ruptives isol~es ; 2 infections O R L isol~es ; 1 douleur abdominale aigu~ avec rhinopharyngite , et 1 intoxication au whitespirit avec fi~vre en cours d'hospitalisation (presence de Coxsackie au moment de la fi~vre). Divers : 1 h~patite A (IgM anti HA positif en ELISA) et 1 m~ningite ourlienne (presence de virus ourlien dans la gorge).

ISOLEMENT DE V I R U S DANS LES EAUX USEES

Entre le 15 juin et le 25 octobre 1983, 25 des 28 ~chantillons se sont r~v~16s positifs. Les r~sultats sont les suivants : -- Echovirus type 33 : 12 ~chantillons positifs - Coxsackie B 1 : 10 ~) ~ - Echovirus type 6 : 2 )) )) - Adenovirus : 1 ~) ~) La r#partition dans le temps est uniforme.

Nous regrettons de n'avoir de s~rum chez aucun de ces malades. Ceci s'explique - les virologistes sont habitues ~ ce ph~nom~ne - par 1'6volution courte et rapidement favorable du tableau clinique; ces malades, des enfants pour la plupart, sortent gu~ris en 4 & 5 jours de I'hOpital et ne se pr~sentent pas & la consultation 15 jours apr~s pour !e pr~l~vement du deuxi~me s6rum.

La fr~quence d'isolement est toujours la plus importante entre juin et octobre. Nous v~rifions ce fait tousles ans, en particulier depuis 1980 o~J nous 146

les recherchons de fa(;on r~guli~re dans les stations d'~puration et dans les selles des malades.hospitalis~s. Ces deux ~pid~mies concomitantes & Coxsackie B 1 et Echovirus 33 sont cependant beaucoup plus importantes, peut-~tre en liaison avec les conditions climatiques exceptionnelles cette annie (canicule).

interpr~tables & cet ~ge, et la r~action de s~roneutralisation, outre son coot, est quelque peu laborieuse pour un enfant gu~ri en trois jours et sorti de I'h6pital. Nous sommes conscients de cette insuffisance. N~anmoins, I'isolement du virus peut expliquer & lui seul le tableau clinique dans la majorit6 des cas, et 1'6tude s~miologique fine des observations cliniques refl~te bien la.physiopathoIogie des infections ~ ent~rovirus : multiplication dans I'oropharynx, passage dans le tube digestif, vir~mie et tropisme ~lectifs pour les tissus ectodermiques et neurodermiques.

N o u s constatons au cours du temps une ~volution dans les diff~rents s~rotypes isol~s dans les eaux d'~puration et les selles : - en 1980 predominance des Echovirus type 30 et des Coxsackies B 4 et A 9 ; - en 1981 Echovirus type 12 et Coxsackie B 5 ; - en 1982 Coxsackie B 4 ; - en 1983 Coxsackie B 1, Echovirus 33.

Les deux manifestations les plus fr6quentes sont la diarrh6e f6brile et la m~ningite lymphocytaire. Une infection ORL banale inaugure quasiment toujours le tableau clinique, ce qui est un argument de plus ~ I'~tiologie le plus souvent virale des infections O R L entre 12 et 36 mois, et une ~ruption apparait souvent, de fagon brutale Iors de la d~croissance thermique, ce qui a souvent fait porter le diagnostic d'exanth~me subit. En fair coexistent chez tousces malades infection ORL, fi~vre, troubles digestifs et c~phal~es. Cependant pour des raisons inconnues, peut-~tre de (( susceptibilit~ individuelle )) ou de (( terrain )), un des signes va dominer le tableau clinique et les preoccupations du p~diatre.

Nous n'avons isol~ aucun Echovirus 33, aucun Coxsackie B 1 de janvier ~ juin. L'apparition des virus dans les eaux et I'~pid~mie & ces deux virus ont eu un d~but brutal. DISCUSSION

Le caract~re estivo-automnal des ~pid~mies ent~rovirus est bien connu. Nos r~sultats sont tout fait en accord avec ceux d'autres auteurs (1, 5). V A L E U R P R E D I C T I V E DE L'ISOLEMENT DES V I R U S DES STATIONS D'EPURATION

Les m~ningites ~ ent~rovirus ~ caract~re estival sont bien connues et d~crites par plusieurs auteurs (1, 5, 7). II s'agissait surtout d'ent~rovirus type 30. Les auteurs insistent sur la n~cessit~ de I'isolement du virus dans le LCR, ce qui a ~t~ le cas pour 3 m~ningites & Coxsakies B 1 dans notre s~rie d'observations. L'activit~ de la lacticod6shydrog6nase est cependant ~tudi~e dans tous les cas de m~ningite pr~sum6e virale et a toujours apport~ un argument de plus & I'~tiologie virale (3).

Les virus que ce soit les Coxsackies B 1 ou les Echovirus 33, ont ~t~ isol~s ~ partir du 15 juin 1983 jusqu'au 25 octobre environ dans les eaux Us~es. Chez les malades hospitalis~s, le premier cas d'isolement de Coxsackie B 1 a eu lieu le 22 juin et le 4 juillet pour les Echovirus 33. II y a donc entre une et trois semaines de d~calage entre I'isolement des eaux et des selles de malades. II nous semble tout & fait int~ressant et justifi~ de continuer la surveillance virologique des eaux us~es qui peut avoir une certaine valeur predictive de la pathologie p~diatrique (2).

INTERET DE L ' E X A M E N V I R O L O G I Q U E SYSTEMATIQUE DES SELLES D ' E N F A N T S

L'~tude virologique des selles d'enfants hospitalis~s nous int~resse & titre syst6matique depuis plusieurs ann~es, dans le cadre d'une part des virus responsables de gastroent6rites et d'autre part de I'~tude 6pid6miologique des gastroent6rites ~ rotavirus. Cette ~tude -- outre son r61e 6pid~miologique - a eu ici le m~rite d'apporter dans la plupart des eas un ~l~ment pr6cieux p o u r le diagnostic de la maladie et de changer I'orientation th6rapeutique - argument suppl~mentaire pour arr~ter une antibioth~rapie mise parfois ~ (( contre c0eur )) de-

Ces deux virus ont dO avoir une tr~s large diffusion dans la population g~n~rale. ISOLEMENT DE V I R U S ET PATHOLOGIE

Dans I'ensemble de nos observations, la dur~e d'hospitalisation est courte, en moyenne de 4 jours environ. Nous n'avons pas faitd'~tude s~rologique, d'autant que la recherche des anticorps par fixation du compl~ment donne des r~sultats difficilement 147

v a n t u n t a b l e a u de m d n i n g i t e & f o r m u l e panach~e mais o~J I ' d t a t g~n~ral e s t e x c e l l e n t , et o ~ le b i l a n b a c t ~ r i o l o g i q u e n d g a t i f et b i o c h i m i q u e ( a c t i v i t ~ L. D . H . ) f o n t p e n c h e r vers u n e virose - . Ceci est ~ f o r t i o r i j u s t i f i d dans le cadre d ' u n e p a t h o l o g i e estivale~ CONCLUSION

D e u x dpid~mies ~ E c h o 3 3 et C o x s a c k i e B 1 o n t dt~ observ~es e n t r e j u i n et o c t o b r e 1 9 8 3 . Les v i r u s

SUMMARY

o n t ~t~ m a s s i v e m e n t t r o u v 6 s dans les e a u x d ' 6 p u r a t i o n et chez les rnalades hospitalis~s e s s e n t i e l l e m e n t en p ~ d i a t r i e .

N o u s insistons sur I ' i n t ~ r ~ t de la s u r v e i l l a n c e v i r o l o g i q u e des s t a t i o n s d ' ~ p u r a t i o n q u i refl~te la p a t h o l o g i e h u m a i n e et p e u t m~me a v o i r une v a l e u r p r e d i c t i v e et sur I ' i n t ~ r ~ t p o u r I ' e n f a n t h o s p i t a l i s 6 de la recherche de v i r u s dans la p r e m i e r e selle d'admission.

Two simultaneous epidemics o f Echovirus type 33 and Coxsackie B 1 occured between june and october 1983 in children admitted for hospitalization. These viruses, also isolated from sewage had never been found there during the six months before. We describe the clinical feature accompagnying virus isolations and insist on enterovirus screening o f the feces o f patients during summer months, which is easy to perform and often positive in case suspected enterovirus infection. K e y words :

Enterovirus - Echovirus 33 - Coxsackie B 1 - Epidemiology sewage.

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