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leur responsabilité lorsque le germe n’est pas identifié, devant des tableaux cliniques insidieux, peu fébriles, avec notion de geste ou d’infection endobuccale. Ces éléments sont donc susceptibles d’orienter vers la responsabilité potentielle d’un germe du groupe HACEK et doivent inciter à optimiser les techniques diagnostiques (systèmes d’hémoculture automatisés à détection continue, ensemencement des liquides articulaires sur flacons d’hémoculture, éventuellement recours à la biologie moléculaire). 4. Conclusion Les infections ostéo-articulaires dues à C. hominis apparaissent très exceptionnelles. L’amélioration des techniques de microbiologie pourraient toutefois permettre d’identifier ce germe plus fréquemment dans le cadre d’infections ostéoarticulaires sans germe retrouvé. Certains éléments sont susceptibles d’orienter le clinicien vers la responsabilité potentielle de ce germe. Déclaration d’intérêts
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E. Houvenagel a,b Groupe hospitalier de l’Institut Catholique Lillois, faculté libre de médecine, 59000 Lille, France b Département de rhumatologie, hôpital Saint-Philibert, 115, rue du Grand-But, 59462 Lomme, France c Département d’imagerie médicale, hôpital Saint-Philibert, 115, rue du Grand-But, 59462 Lomme, France d Département de laboratoire de biologie médicale, hôpital Saint-Philibert, 115, rue du Grand-But, 59462 Lomme, France e Département de médecine polyvalente, hôpital Saint-Philibert, 115, rue du Grand-But, 59462 Lomme, France a
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (V. Ducoulombier)
Rec¸u le 9 octobre 2013 Rec¸u sous la forme révisée le 10 d´ecembre 2013 Accepté le 15 janvier 2014 Disponible sur Internet le 18 f´evrier 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.medmal.2014.01.004
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Participation : V. Ducoulombier : rédaction et soumission du manuscrit. J.F. Budzik : relecture et validation des éléments du manuscrit en rapport avec l’imagerie. E. Dehecq : relecture et validation des éléments du manuscrit en rapport avec la bactériologie. N. Baclet : relecture et validation du manuscrit. E. Houvenagel : relecture et validation du manuscrit. Tous les auteurs ont participé à la prise en charge diagnostique et thérapeutique concernant le cas clinique rapporté.
Diagnostic d’histoplasmose disséminée grâce au frottis sanguin Diagnosing a case of disseminated histoplasmosis with a blood smear
Mots clés : SIDA ; Histoplasmose disséminée ; Histoplasma capsulatum ; Frottis sanguin Keywords: AIDS; Disseminated histoplasmosis; Histoplasma capsulatum; Blood smear
Références [1] Malani AN, Aronoff DM, Bradley SF, Kauffman CA. Cardiobacterium hominis endocarditis: two cases and a review of the literature. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2006;25:587–95. [2] Apisarnthanarak A, Johnson RM, Braverman AC, Dunne WM, Little JR. Cardiobacterium hominis bioprosthetic mitral valve endocarditis presenting as septic arthritis. Diagn Microbiol Infect Dis 2002;42:79–81. [3] Houpikian P, Raoult D. Diagnostic methods. Current best practice guidelines for identification of difficult to culture pathogens in infective endocarditis. Cardiol Clin 2003;21:207–17. [4] Millar B, Moore J, Mallon P, et al. Molecular diagnosis of infective endocarditis–a new Duke’s criterion. Scan J Infect Dis 2001;33: 673–80. [5] Société franc¸aise de microbiologie. Diagnostic des bactériémies et fongémies – Hémocultures. In: Remic; 2010. p. 55–61. [6] Hughes JG, Vetter EA, Parel R, Scheck CD, Harmsen S, Turgeant LT, et al. Culture with BACTEC Peds Plus/F bottle compared with conventional methods for detection of bacteria in synovila fluid. J Clin Microbiol 2001;39:4468–71. [7] Yagupsky P, Press J. Use of the isolator 1.5 microbial tube for culture of synovial fluid from patients with septic arthritic. J Clin Microbiol 1997;35:2410–2.
V. Ducoulombier a,b,∗ J.-F. Budzik a,c E. Dehecq a,d N. Baclet a,e
L’histoplasmose est une mycose due à Histoplasma capsulatum. La variété H. capsulatum var. capsulatum a été décrite essentiellement sur le continent américain mais également en Afrique, en Asie et en Océanie [1]. Chez les sujets immunocompétents, l’infection aiguë est souvent asymptomatique ou peut entraîner une atteinte pulmonaire de sévérité variable, alors que chez les sujets immunodéprimés (transplantés d’organe, corticothérapie, hémopathie maligne lymphoïde, infection par le VIH), l’histoplasmose peut être disséminée et mettre en jeu le pronostic vital. Le traitement doit alors être instauré sans tarder, mais les symptômes sont peu spécifiques et les diagnostics différentiels nombreux : tuberculose, leishmaniose viscérale mais aussi hémopathie. Le diagnostic est habituellement posé par l’examen direct ou la culture de prélèvements pathologiques : biopsies, ponction de moelle osseuse, LCR, hémocultures mais exceptionnellement à partir du frottis sanguin [2,3]. Nous rapportons le cas d’un patient se présentant aux urgences avec un tableau sévère, pour qui le diagnostic d’histoplasmose disséminée a pu être posé dès l’admission par l’examen attentif du frottis sanguin lors d’une numération de la formule sanguine.
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1. Cas clinique Un homme de 27 ans, d’origine guyanaise sans antécédents connus, est amené aux urgences pour malaise sur son lieu de travail : il a été retrouvé apathique, sans réaction. L’interrogatoire retrouvait une altération de l’état général avec perte de 25 kg depuis plusieurs semaines, et une notion d’accident de voiture deux semaines auparavant. Il présentait une anorexie totale, et une confusion avec des hallucinations visuelles et auditives. Cliniquement, le patient était initialement apyrétique puis une fièvre à 40 ◦ C est rapidement apparue. Le bilan biologique montrait une pancytopénie (leucocytes à 2,51 × 109 /L sans neutropénie, lymphocytes à 0,14 × 109 /L, hémoglobine à 9,4 g/dL, plaquettes à 42 × 109 /L), une créatinine à 101 mol/l, une cytolyse à 3 N avec des triglycérides à 2,78 mmol/l et une ferritine à 146 295 ng/ml, évoquant un syndrome d’activation macrophagique. Les sérologies VHB et VHC étaient négatives, alors qu’une séropositivité pour le VIH était découverte avec un taux de lymphocytes T CD4+ égal à 3/l (2 %) et une charge virale à 1 600 000 copies/mL. Le scanner cérébral était normal. La ponction lombaire montrait 1 globule blanc/mL de LCR, une hyperprotéinorachie à 0,64 g/l, une glycorachie normale à 2,9 mmol/L pour une glycémie à 5,1 mmol/L et une culture négative. Un myélogramme a été tenté mais l’aspiration fut un échec. L’examen attentif du frottis sanguin à j1, montrait la présence de très rares levures intraleucocytaires, ovalaires ou rondes, de 3 à 4 m de diamètre, limitées par une pseudo-capsule caractéristique d’H. capsulatum var. capsulatum. Le diagnostic d’histoplasmose disséminée était donc posé rapidement, et fut confirmé par la positivité de l’antigénémie galactomannane aspergillaire sur deux prélèvements sanguins consécutifs et la pousse à j10 de colonies d’H. capsulatum sur milieu de Sabouraud ensemencées à partir de la couche leucocytaire du sang. Le séquenc¸age réalisé par le centre national de référence sur les colonies confirmait cette identification. Devant ces éléments, le diagnostic de SIDA avec histoplasmose disséminée compliquée d’un syndrome d’activation macrophagique a été posé très précocement permettant de débuter dès j1 un traitement par Ambisome 3 mg/kg/j. Le patient s’est amélioré très rapidement sur le plan clinique, avec disparition de la confusion à j2 de traitement et de la fièvre à j5 avec reprise de l’appétit. L’ambisome a été poursuivi pendant 3 semaines. Un relais par itraconazole (200 mg × 3/jour pendant 3 jours puis 200 mg × 2/jour) par voie orale a ensuite été entrepris, avec vérification des dosages plasmatiques, suivi de la mise en route d’un traitement antirétroviral à distance (M1) pour éviter le syndrome de reconstitution immunitaire. À un an d’évolution, le patient est asymptomatique avec une prise de poids de 20 kg. Il est toujours sous itraconazole en prophylaxie secondaire car les CD4 sont à 85/mm3 , avec une charge virale imparfaitement contrôlée en raison de problèmes d’observance.
étant peu spécifiques, plusieurs diagnostics pouvaient être évoqués dans ce contexte. Le diagnostic rapide d’histoplasmose disséminée a permis une prise en charge optimale du patient. Or l’histoplasmose disséminée à H. capsulatum var. capsulatum chez les patients VIH est de mauvais pronostic. Elle peut se révéler des années après la primoinfection et être révélatrice du SIDA. Dans les 30 jours suivant le début du traitement antifongique, le taux de mortalité rapporté est de 28,1 % et le retard au diagnostic aggrave le pronostic du patient [4]. En Guyane, l’histoplasmose disséminée est la première cause de décès des sujets infectés par le VIH [5]. Un diagnostic rapide de l’histoplasmose repose sur la réalisation d’un examen direct sur des biopsies mais cette technique présente une faible sensibilité [6]. La recherche d’histoplasmes sur les frottis sanguins n’est habituellement pas réalisée étant donné la très faible sensibilité de ce test [9] et l’on fait appel à des techniques de diagnostic bien plus lourdes à mettre en place. H. capsulatum var. capsulatum est un germe de classe 3 (les risques de contamination de laboratoire sont non négligeables), nécessitant des structures adaptées (Laboratoire L3). La culture est inconstante, lente et l’ensemencement d’un volume important de produit pathologique doit être le plus précoce possible sur un milieu de Sabouraud qu’il faut garder au minimum 1 mois à 25–30 ◦ C, en atmosphère humide. Devant l’absence de technique rapide, sensible et spécifique, la recherche de l’antigène aspergillaire présente un intérêt et permet d’orienter le diagnostic chez les patients VIH [7]. Concernant les autres méthodes de diagnostic de l’histoplasmose, une sérologie est disponible avec une sensibilité proche de 80 %, mais elle apparaît moins performante en cas d’immunodépression et notamment pour le diagnostic de l’histoplasmose disséminée du sujet séropositif pour le VIH, avec une positivité dans seulement 50 à 70 % des cas. Il existe également des tests de détection dans le sang et les urines de l’antigène circulant d’H. capsulatum mais qui ne sont disponibles qu’aux États-Unis. Quant à la PCR, il n’existe pas de kit commercialisé. Les techniques de diagnostic disponibles sont donc limitées, lourdes à mettre en place et nécessitent un certain délai dans le rendu des résultats, d’où l’importance de réaliser un frottis sanguin dès j1. 3. Conclusion L’originalité de ce cas clinique repose sur le fait que le diagnostic d’histoplasmose disséminée a été posé très rapidement grâce à une technique facile à mettre en œuvre mais habituellement peu utilisée : l’analyse du frottis sanguin. Ainsi, chez les patients VIH revenant de zone d’endémie, l’examen du frottis sanguin, examen de routine peu coûteux, facile et rapide, en dépit d’une faible sensibilité, semble avoir un réel intérêt pour la mise en place rapide du traitement approprié.
2. Discussion
Déclaration d’intérêts
Nous décrivons ici le cas d’un patient avec un pronostic vital engagé. Les symptômes cliniques et le bilan biologique
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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E. Collin ∗,1 Laboratoire de biologie médicale, centre hospitalier Robert Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois, France
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M.-A. Bouldouyre 2 Service de médecine interne et maladies infectieuses, centre hospitalier Robert Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois, France L. Maisonneuve 3 T.-N.-H. Porcheret 4 A. Delaval 5 Laboratoire de biologie médicale, centre hospitalier Robert Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Collin) 1 E. Collin a participé au diagnostic et écrit le cas clinique. 2 M.A. Bouldouyre a participé à l’écriture du cas notamment sur le plan clinique et l’a relu. 3 L. Maisonneuve a participé au diagnostic et a validé scientifiquement le diagnostic et l’article. 4 T.N.H. Porcheret a participé au diagnostic et a validé scientifiquement le diagnostic et l’article. 5 A. Delaval a posé le diagnostic et relu le cas clinique.
Rec¸u le 30 juillet 2013 Rec¸u sous la forme révisée le 14 janvier 2014 Accepté le 3 f´evrier 2014 Disponible sur Internet le 12 mars 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.medmal.2014.02.002