Revue frangaise des laboratoires
DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE D'UNE INFECTION HERPI=TIQUE
L. MONFORT J.-C. NICOLAS *
II existe deux types de virus herpes simplex (HSV) : HSVl et HSV2. HSVl est responsable le plus souvent d'infections de la sph6re buccale et parfois d'infections g6nitales, tandis qu'HSV2 provoque, dans la grande majorit6 des cas, des infections g6nitales et plus rarement des infections au niveau buccal. La primo-infection de la sphere buccale est asymptomatique dans 95 % des cas. Dans 5 % des cas, elle se traduit par une pharyngite ou une gingivostomatite benigne avec ou sans vesicules. La primoinfection genitale est asymptomatique dans 70 % des cas et se traduit sinon par des vesicules ou des ulcerations g~nitales. Les virus herpes simplex restent ensuite latents dans I'organisme au niveau des ganglions r6gionaux. Sous I'influence de certains facteurs (rayons UV, infections bacteriennes, cycle hormonal, stress .... ), ils seront r6actives et donneront des infections r6currentes soit asymptomatiques, soit sous forme de bouquets de vesicules puis d'ulc6rations au site de la primo-infection. Ces virus sont parfois responsables d'infections graves : enc6phalites, k~ratoconjonctivites, herpes n6onatal, ecz6ma herp6tis6, herpes de I'immunodeprim6 (sida, transplantes). II sera alors primordial et urgent de faire le diagnostic virologique d'une telle infection afin d'adopter rapidement I'attitude th6rapeutique la plus adapt6e.
DIAGNOSTIC AU LABORATOIRE DE VIROLOGIE 1. LES PRI~LEVEMENTS
1,1. LC:SIONSVC:SICULEUSESOU ULCi~RI~ES (PEAU, CEIL, BOUCHE, GORGE, ORGANES GI2NITAUX) Elles seront soigneusement ecouvillonnees afin de pr61ever le maximum de cellules au niveau du plancher des 16sions. On utilisera de pref6rence deux ecouvillons : l'un sera decharge sur une lame pour un diagnostic direct rapide, I'autre dans un milieu de transport virologique (milieu de culture + antibiotiques + s6rum de veau foetal). Ce dernier permettra la conservation du pr61~vement avant son arriv6e au laboratoire en vue d'une mise en culture. 1.2. LIQUIDE CFtPHALORACHIDIEN (LCR), LIQUIDE DE LAVAGE BRONCHOALV¢:OLAIRE (LBA) Le recueil se fera dans un tube st6rile qui sera apporte dans les plus brefs d61ais au laboratoire. 1.3. BIOPSIES Elles devront 6tre achemin6es rapidement au laboratoire, dans du milieu de transport.
2. DIAGNOSTIC DIRECT RAPIDE Le cytodiagnostic qui consiste & observer des anomalies de taille et/ou de forme des cellules sur lame apr~s coloration de May-GrQnwald-Giemsa est peu sensible et peu specifique. L'arriv~e des anticorps monoclonaux a permis d'obtenir une technique plus sensible et beaucoup plus sp~cifique : la lame sur laquelle a 6t~ d~charg6 1'6couvillon est recouverte d'une solution d'anticorps monoclonal sp6cifique anti-HSVl ou anti-HSV2 conjugu6 & un fluorochrome qui permet de visualiser la pr6sence du virus au microscope & fluorescence.
* Laboratoire de microbiologie H6pital Rothschild 33, b d de Picpus - 75571 PARIS CEDEX 12
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Les m~mes anticorps peuvent 6tre utilises dans une technique immunoenzymatique pour la detection-d'antigenes solubilises avec lecture spectrophotometrique. Ces techniques permettent de donner un resultat en quelques heures mais elles restent peu sensibles et n'auront donc de valeur qu'en cas de positivit& C'est pour cela qu'une recherche du virus par culture sur cellules devra 6tre mise en route en parallele, chaque fois que cela est possible.
3. ISOLEMENT DU VIRUS EN CULTURE C'est la technique de reference qui presente cependant I'inconvenient d'avoir un delai de reponse plus long que les techniques de diagnostic direct. Pour la mise en culture, le virus dolt rester infectieux. Pour cela, il est imp~ratif que les prelevements parviennent au laboratoire rapidement pour une inoculation dans les meilleures conditions (milieu de transport virologique sauf les liquides biologiques (LCR, LBA .... ), et si possible dans la glace). Si I'inoculation est differee, le pr~levement sera congele & -80 °C. Les cellules habituellement inoculees pour la recherche du virus herpetique sont les fibroblastes embryonnaires humains ou les cellules VERO (lignee continue de cellules de rein de singe). La presence du virus se manifeste en 24 heures & quelques jours (selon la richesse du prelevement en virus) par un effet cytopathique (ECP) caracteristique : les cellules deviennent refringeantes, se ballonisent et s'agglutinent en donnant un aspect typique en "grappe de raisin" se detachant progressivement du support (figure 1). L'ECP dolt toujours 6tre confirme par une identification et un typage du virus & I'aide d'anticorps monoclonaux anti-HSVl et anti-HSV2 (figure 2).
FIGURE 1 Effet cytopathique d'HSV1 sur cellules VERO
FIGURE 2 Typage d'un virus HSV1 par immunofluorescence directe apres culture sur cellules VERO
4. AMPLIFICATION GI~NIQUE PAR PCR ("polymerase chain reaction") C'est une technique applicable & tout prelevement dont les indications doivent ~tre limitees. Par sa rapidite, sa sensibilit~ et sa specificite, c'est la technique de choix & mettre en oeuvre sur un liquide c~phalorachidien en cas de suspicion d'encephalite herpetique. Le couple d'amorces est choisi dans une region sp~cifique du genome des herpes simplex virus mais commune aux deux types de virus, et I'amplification peut 6tre suivie d'une hybridation ADN/ADN & I'aide d'une sonde specifique. Pour differencier HSVl et HSV2, on peut avoir recours & des enzymes de restriction qui, apres I'amplification, coupent I'ADN amplifi6 en plusieurs fragments dont le nombre et la Iongueur sont specifiques du type (figure 3).
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FIGURE 3 Apr~s ~lectrophor~se en gel d'agarose, les produits de PCR sont caract~ris~s par leur profil de restriction : le produit d'arnplification d'HSV1 de 518 paires de bases n'est pas dig~r6 par I'enzyme BamHI mais poss6de un site de coupure Srnal g6n6rant deux fragments de 476 et 42 paires de bases (le fragment de 42 paires de bases n'est pas visible sur ce gel), alors que le produit d'arnplification d'HSV2, de rn~me taille que celui d'HSV1, n'est pas dig~r6 par I'enzyrne Srnal et poss~de un site de coupure BarnHI g6nerant deux fragments de 293 et 225 paires de bases.
HSV1
HSV1 HSV1 + + Sma I BamHI
HSV2 HSV2 + + HSV2 Sma ! BamHI
Marqueur de P.M.
1500
600 500 400
518 476 293 225
300 200 100
5. D I A G N O S T I C
INDIRECT
: LA S£::ROLOGIE
Elle consiste & rechercher e t a ~ventuellement titrer les immunoglobulines s6riques sp6cifiques IgG et IgM anti-HSV. Les techniques utilisees sont immunoenzymatiques (ELISA) ou d'immunofluorescence indirecte. Aucun test serologique actuellement commercialis~ ne permet de differencier HSV1 et HSV2 (r6actions croisees). Pour cela, il faut faire appel & des techniques utilis~es en recherche : dosage immunoenzymatique avec prot6ines recombinantes sp6cifiques de type, western-blot HSV1 et HSV2. L'int~r6t de la serologie herp6tique est limite aux enqu6tes epid6miologiques, a la d6termination du statut immunologique d'un patient, au diagnostic de primo-infection herpetique par s6roconversion (rare), au diagnostic d'enc~phalite herp6tique par titrage comparatif des anticorps anti-HSV pr6sents dans le LCR et dans le s~rum du patient. Le dosage des IgM est & interpreter avec prudence car, outre ta primo-infection, elles peuvent 6tre d6tect6es en cas de reactivation, en dehors de toute manifestation clinique. D'autre part, I'apparition des IgM est trop tardive chez le nouveau-ne pour presenter un int6r6t dans le diagnostic d'herp6s neonatal.
REFeLRENCE ROZENBERG F., LEBON P. - Amplification and characterization of Herpesvirus DNA in cerebrespinal fluid from patients with acute encephalitis. J. Clin. MicrobioL, 1991, 11 : 2412-2417.
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