Dissections artérielles intra- et extracrâniennes

Dissections artérielles intra- et extracrâniennes

Dissections artérielles intra- et extracrâniennes Christian Lucas Hôpital Roge Salenqro, Un diagnostic à rechercher devant un accident ischémique tra...

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Dissections artérielles intra- et extracrâniennes Christian Lucas Hôpital Roge Salenqro,

Un diagnostic à rechercher devant un accident ischémique transitoire ou constitué du sujet jeune. Les facteurs favorisants, ne sont pas toujours retrouvés (traumatisme cervical.. .).

adventice et une Iimitante élastique interne plus minces, moins de fibres élastiques dans la média que les artères extracrâniennes. La plupart des dissections artérielles cerSites préférentiels des dissections vicales sont sous-adventitielles, et l'hématome de paroi a portion extracrânienne de I'artère carotide interne est localisé à la média ou entre la média et l'adventice. est le plus souvent affectée plus de 2 cm après le L'épaisseur des couches extérieures et le tissu de soutien bulbe carotidien dans son segment pharyngé. Cette préviennent vraisemblablement la rupture vasculaire et localisation diffère des localisations athéroscléreuses qui limitent le risque de saignement. Cependant, une ischésiègent à I'origine de I'artère carotide interne ou dans mie peut survenir à cause de cet hématome de paroi qui le siphon carotidien. Les dissections d'arpeut occlure ou sténoser la tère vertébrale extracrânienne siègent lumière artérielle. La plupart L, portion extraaânienne entre l'origine de l'artère et son entrée de l,adre carotide interne des dissections intracrâdans le canal transversaire (segment V I ) niennes de carotide interne est le plus souvent affectée, ou entre l'émergence de l'artère vertésont sous-intimales, localisées brale à la sortie du rachis cervical et son plus de 2 un après le bulbe, entre la limitante élastique entrée intradurale (segment V3). Ces seg- dans son segment ~ h a ~ g é =interne et la média. Les disments pharyngés de l'artère carotide sections intracrâniennes d'arinterne, et V1 et V3 de I'artère vertébrale sont mobiles, tère vertébrale peuvent être des 2 types et engendrer expliquant ces sites préférentiels de dissections. un plan de clivage de la lumière artérielle jusqu'à I'adventice avec un haut risque de saignement intracrânien. Différences entre dissections intraet extracrâniennes Facteurs de prédisposition

Rappel physiopathologique

L

Elles sont dues aux changements structuraux anatomiques survenant à la base du crâne : les artères intracrâniennes n'ont pas de lirnitante élastique externe. Elles ont un

Dans la plupart des cas, la cause d'une dissection cervicale reste inconnue. Les principaux facteurs de prédisposition identifiés sont toutefois les traumatismes et les

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lésions préexistantes de l'artère. Les traumatismes responsables de dissections peuvent être évidents : accident de la circulation, strangulation, hyperextension cervicale forcée, électrocution, manipulations vertébrales, etc. Parfois, il s'agit cependant de traumatismes indirects banals, discutables ou même méconnus par les patients. Les anomalies préexistantes de I'artère pouvant favoriser une dissection sont rarement connues avant la survenue de celle-ci : elles sont dominées par les dysplasies fibromusculaires o u diverses maladies du tissu élastique. Récemment, notre équipe a montré I'existence d'une dysfonction endothéliale dans les dissections artérielles cervicales spontanées bien à distance de l'épisode aigu, avec absence ou réduction de la vasodilatation physiologique induite par les modifications du flux artériel.

Manifestations cliniques Dissections artérielles carotidiennes extracrâniennes Épidémiologie Les dissections carotidiennes surviennent en général chez des adultes jeunes, d'un âge moyen de 40 ans avec une légère prédominance masculine (3 hommes pour 2 femmes). Le nombre de nouveaux cas par an est de 2,9 pour 100 000 habitants : cela correspond à 2 % de I'ensemble des accidents vasculaires cérébraux et 10,l % de ceux qui surviennent avant 50 ans.

FIGURE : Angiographie

par résonance magnetique avec injection de gadolinium montrant une dissection d'une artère carotide interne avec pseudo-anévrisme.

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Formes cliniques Devant une ischémie cérébrale Une dissection carotidienne doit être recherchée par principe devant un accident ischémique transitoire ou constitué d u sujet jeune, car elle représente la première cause identifiée d'ischémie cérébrale avant 45 ans dans les pays occidentaux. L'ischémie cérébrale a pour particularité de s'accompagner de douleurs dans 75 % des cas ;ces douleurs peuvent précéder d'un mois l'accident vasculaire. Elles sont généralement ipsilatérales à la dissection, vives et localisées soit en regard de l'axe carotidien soit au niveau de la tempe. Parfois, elles revêtent un aspect de crises migraineuses rapprochées. L'association à u n syndrome de Claude Bernard Horner ipsilatéral est évocatrice d'une dissection.

Dissections artcirielles intra- et extracrânienne

Autres circonstances En revanche, les difficultés de prise en charge peuvent survenir quand la dissection est révélée par un syndrome de Claude Bernard-Horner isolé, douloureux ou non, ou une paralysie de nerfs crâniens isolée, sans ischémie cérébrale. Les nerfs crâniens les plus fréquemment concernés sont les XIIe, XIe, Xe et 1%. Dans la plupart des cas, leur atteinte régresse en 2 à 4 mois, mais certaines sont définitives. Une autre présentation particulière de dissection de la carotide interne est l'acouphène pulsatile. Enfin, il faut garder à l'esprit que certaines dissections de la carotide interne sont totalement silencieuses et découvertes fortuitement lors du bilan fait pour une dissection d'un autre axe artériel. Cela suggère que certaines dissections d'évolution bénigne puissent rester asymptomatiques ou se limiter à quelques douleurs cervicales dont la bénignité et la banalité n'incitent pas toujours les patients à en parler à leur médecin.

qui a tous les caractères d'une hémorragie par rupture anévrismale, soit par un accident ischémique vertébrobasilaire particulièrement sévère lorsque la dissection s'étend au tronc basilaire. Une céphalée occipitale ou diffuse, ou une douleur de nuque accompagnent ou précèdent très souvent, généralement de quelques jours, I'accident ischémique cérébral. Les dissections limitées au tronc basilaire sont marquées le plus souvent par un accident ischémique brutal du tronc cérébral, accompagné ou précédé de peu par une céphalée, associé d'emblée ou très rapidement à un coma d'évolution le plus souvent mortelle. Plus rarement, le tableau est celui d'une hémorragie méningée.

Dissections de l'artère carotide intracrânienne

Diagnostic positif

Elles sont responsables d'accidents ischémiques massifs, conséquence le plus souvent d'un infarctus de la totalité du territoire carotidien ou sylvien. Cet accident gravissime est quasi constamment accompagné ou immédiatement précédé d'une céphalée frontale homolatérale. A titre exceptionnel, la dissection se manifeste par une hémorragie méningée qui a tous les caractères d'une hémorragie par rupture anévrismale.

Dissections de I'artère vertébrale extracrânienne Le tableau clinique le plus typique et le plus fréquent comporte des céphalées occipitales etlou des cervicalgies, uniou bilatérales, précédant, généralement de quelques minutes à quelques jours, l'installation des signes ischémiques dans le territoire vertébro-basilaire. II s'agit plus souvent d'un infarctus (en particulier d'un syndrome de Wallenberg plus ou moins pur) que d'accidents ischémiquestransitoires isolés. Chez la plupart des patients, les symptômes ischémiquesprogressent ou fluctuent sur une période de quelques heures à quelques jours.

Dissections de l'artère vertébrale (AV) intracrânienne et du tronc basilaire Les dissections de I'AV intracrânienne ont une présentation polymorphe mais souvent grave. Elles se traduisent soit par une hémorragie méningée, volontiers récidivante,

Dissections multiples Alors même que les signes ischémiques sont habituellement unilatéraux, la dissection peut intéresser plusieurs artères à la fois.

Méthodes non invasives Ultrasonographie Les explorations ultrasonographiquesdoivent comprendre une échographie cervicale, un échodoppler couleur et un doppler transcrânien. Cette technique est relativement sensible pour dépister les dissections cervicales. En échographie, les 3 données principales sont un décollement intimal, une double lumière et parfois un thrombus sans athérome en regard. L'hématome de paroi apparaît hypoéchogène. D'une f a ~ o ngénérale, une occlusion de I'artère carotide interne, située à plus de 2 cm de son origine en l'absence d'athérome, doit faire évoquer une dissection. Imagerie par résonance magnétique (IRM) L'IRM en coupes axiales cervicales peut visualiser I'hématome de paroi et définir les relations de la paroi artérielle élargie avec les structures avoisinantes. L'IRM typique est celle d'un rétrécissement excentré hypo-intense, vide de signal, représentant la lumière, entouré par un croissant semi-lunaire hyperintense correspondant à I'hématome de paroi. Angiographie par résonance magnétique (ARM) L'ARM avec injection de gadolinium est un outil trèsfiable pour les dissections extracrâniennes. Elle peut être mise AMC pratique

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en défaut dans certaines dissections vertébrales. La combinaison ARM et ultrasons est en revanche utile quand les résultats de ces 2 examens sont concordants ; dans ce cas, il est très souvent possible de se passer d'une artériographie pour le suivi évolutif et pour le diagnostic. L'ARM ne permet cependant pas en général le diagnostic d'une dysplasie fibromusculaire sous-jacente.

raisonnable dans les cas vus précocement, en revanche, elle n'est plus justifiée quand le patient est vu à distance de l'épisode aigu, en raison du faible risque de récidive. Certaines ischémies cérébrales sont d'origine hémodynamique : c'est pour cette raison que le décubitus strict peut être recommandé en phase aiguë pendant les 5 ou 6 premiers jours.

Méthodes invasives

Une fois passée la phase aiguë

Angioscanner hélicoïdal Cette technique est considérée comme modérément invasive, car elle nécessite une injection intraveineusede produit de contraste. Elle permet de suivre aisément I'involution éventuelle d'un pseudo-anévrisme carotidien et de suivre l'évolution d'une recanalisationartérielle. Cette technique a cependant été supplantée par I'ARM.

Le faible risque de récidive ne justifie pas le maintien des anticoagulants plus de 3 mois. Au-delà de cette période, il paraît raisonnable de maintenir un traitement antiplaquettaire uniquement en cas de dysplasie artérielle associée ou d'un pseudo-anévrisme résiduel.

Artériographie Dans la très grande majorité des cas, le diagnostic est fait par l'association de 2 méthodes non invasives. Sa pratique systématique n'est plus justifiée.

Traitement En phase aiguë

L'héparine est recommandéeen phase aiguë, car le risque essentiel pour le patient est la formation d'un thrombus en regard de la dissection avec une embolie en aval. Cette prescription repose sur le fait que la plupart des ischémies cérébrales sur dissection sont d'origine embolique. En revanche, cette attitude empirique ne repose pas sur un essai thérapeutique et, en raison du faible risque de récidive et du faible nombre de dissections (environ 9 000 cas par an dans les 15 pays de la communauté européenne), il n'y aura sans doute jamais d'essai thérapeutique validant cette attitude. Si cette attitude est

Évolution d'une dissection cervicale Le pronostic dépend principalement de la sévérité initiale de l'infarctus cérébral et de son risque de récidive. Les études de suivi ont montré que le risque de récidive ischémique est faible. Les rares récidives se rencontrent surtout chez les patients ayant une maladie du tissu élastique préexistant. Certains patients gardent des séquelles douloureuses évocatrices de migraines de novo, plus rarement de carotidodynies ou de cervicalgies postérieures.

Pour en savoir plus

Leys O, MoulinT. Stojkovic T, Begey S. Chavot D for the donald investigators.Follow-up of patients with history of cervical-artery dissection. Cerebrovasc Dis. 1995;5:43-9. Touzé E. Gauvrit JY. Histoire naturelle des dissections des artères cervicales. J Neuroradio1.2002;29:251-6. Guillon B. Biousse V, Tzourio C Bousser MG. Dissections des artères cervicales : données récites, hypothèses physiopathologiques. Rev Med Interne.1999;20:412-20. Lucas C, Deklunder G, Lecroart JL, e t al. Leys. Evidence of endothelial dysfunction in patients with spontaneous cervical artery dissection.A casecontrol study. Cerebrovasc Dis.2004; 17: 170-4.

+ En pratique : An ticoa 14

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niquement à la phase initiale (3 mois).