Annales de dermatologie et de vénéréologie (2012) 139, 77—78
DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE
Effet secondaire de l’hypodermoclyse : une présentation clinique inhabituelle Adverse effect of hypodermoclysis: An unusual clinical presentation J. Lemeray a, N. Kluger a, C. Girard a,∗,b,c a
Département de dermatologie, hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France b Université Montpellier-I, 34290 Montpellier, France c Inserm U1058, 34394 Montpellier, France evrier 2011 ; accepté le 24 juin 2011 Rec ¸u le 23 f´ Disponible sur Internet le 17 août 2011
Observation
Commentaires
Une femme de 90 ans, aux antécédents cardiovasculaires sévères, était hospitalisée pour la prise en charge d’une pemphigoïde bulleuse. En raison de la résistance à la corticothérapie locale puissante bien conduite (propionate de clobétasol crème à 0,005 % ; 40 g/j), un traitement par prednisolone à la posologie de 30 mg/j, soit 0,5 mg/kg par jour était commencé. L’état de déshydratation de la patiente nécessitait, par ailleurs, une réhydratation par perfusion sous-cutanée de 2,5 L de sérum glucosé à 5 % additionné de 2 g de chlorure de sodium, administré en trois heures. Deux heures après le début de la perfusion, un œdème abdominal sous-cutané étendu, blanc et indolore apparaissait, en coulée bien délimitée, semblant suivre le trajet déclive du soluté (Fig. 1). Cet œdème était régressif spontanément et sans séquelle en moins de 48 heures, malgré la poursuite de la réhydratation sous-cutanée. Aucune autre complication n’était notée.
La déshydratation est fréquente et grave en gériatrie. L’hypodermoclyse correspond à l’administration de solutés par voie sous-cutanée. C’est une technique alternative très intéressante à la voie intraveineuse souvent difficile à mettre en œuvre chez les patients âgés et qui n’est pas dénuée de risques locaux et généraux (thrombose veineuse, septicémie, embolie gazeuse, hypervolémie [1]). De plus, l’hypodermoclyse engendre moins d’agitation chez les patients ayant des troubles cognitifs [2]. En dehors de la déshydratation modérée, qui est l’indication de choix, l’hypodermoclyse peut également être d’une grande utilité pour limiter une malnutrition protéino-énergétique ou pour l’administration de certaines thérapeutiques [3]. Les risques de l’hypodermoclyse sont minimes dès lors que la technique est correctement utilisée et que ses indications sont respectées [4]. Les accidents à type de collapsus cardiovasculaires décrits dans les années 1950 étaient liés à l’administration de gros volumes de solutés hypertoniques sans électrolytes [5], les modifications hydroélectrolytiques sont moins fréquentes qu’en cas de perfusion intraveineuse. Quelques complications, essentiellement locales, sont cependant signalées dans la littérature. Des cas de nécrose cutanée liée à l’injection de potassium et d’épinéphrine ont été rapportés ; le risque d’infection au site d’injection est minime
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Girard).
0151-9638/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2011.06.001
78
J. Lemeray et al. gnant du fait de son aspect clinique particulier, étendu, en coulée déclive. L’œdème sous-cutané reste, néanmoins, une complication de l’hypodermoclyse bénigne, spontanément résolutive sans séquelle qui ne doit pas faire réfuter cette technique de réhydratation particulièrement simple et confortable chez le sujet âgé.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références Figure 1. Œdème sous-cutané abdominal, en coulée, suivant le trajet déclive du soluté de réhydratation sous-cutanée.
lorsque les règles d’asepsie sont respectées et que l’aiguille est changée quotidiennement. La douleur au site d’injection est rare et liée à une mauvaise insertion de l’aiguille qui atteint le muscle sous-jacent ou à un débit de perfusion trop rapide [6] ; le risque de ponction vasculaire est minime, limité à celui de la saphène interne. L’œdème est un effet secondaire en revanche souvent observé, sa prévalence est évaluée entre 2 et 8 % selon les auteurs [6,7]. Cet œdème peut être localisé au niveau des régions génitales chez l’homme comme chez la femme, il est bénin et disparaît spontanément à l’arrêt de l’hypodermoclyse. L’œdème peut également apparaître au niveau du site de perfusion en rapport avec une insertion très superficielle de l’aiguille et un débit de perfusion rapide. Notre patiente a développé un œdème local sous-cutané ayant dérouté le personnel soi-
[1] Slesak G, Schnurle JW, Kinzel E, Jakob J. Comparison of subcutaneous and intravenous rehydration in geriatric patients: a randomized trial. J Am Geriatr Soc 2003;51:155—60. [2] O’Keeffe ST, Lavan JN. Subcutaneous fluids in elderly hospital patients with cognitive impairment. Gerontology 1996;42: 36—9. [3] Maddocks I. Subcutaneous administration of fluid and drugs in palliative care. Aust J Hosp Pharm 1992;22:181—4. [4] Lipschitz S, Campbell AJ, Roberts MS, Wanwimolruk S, McQueen EG, Firth LA. Subcutaneous fluid administration in elderly subjects: validation of an under-used technique. J Am Geriatr Soc 1991;39:6—9. [5] Butler JJ. Peripheral vascular collapse after the subcutaneous use of a hypertonic non-electrolyte solution. N Engl J Med 1953;249:988—9. [6] Lamandé M, Dardaine V, Ripault H, Chavanne D, Constans T. Utilisation de l’hypodermoclyse en gériatrie : étude prospective sur six mois. Annee Gerontol 2004;18:121—30. [7] Schen RJ, Singer-Edelstein M. Hypodermoclysis. JAMA 1983;250:1694—5.