Enquête sur l’utilisation des antipsychotiques atypiques au Centre Hospitalier des Pays de Morlaix

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Enquête sur l’utilisation des antipsychotiques atypiques au Centre Hospitalier des Pays de Morlaix Analyse de 104 prescriptions Survey of atypical antipsychotics’ use in Morlaix Medical Center

RENAN Xavier1, BERTHOLOM Carole2, ASSICOT Pascal3, FELDMAN David3, MILOCHEAU Michèle4,

1. Interne en pharmacie (actuellement praticien hospitalier à titre provisoire), 2. Pharmacien assistant, 3. Pharmacien praticien hospitalier, 4. Pharmacien praticien hospitalier chef de service, Centre hospitalier des Pays de Morlaix, Finistère, France. Auteur correspondant : RENAN Xavier, Service Pharmacie, Centre Hospitalier Pasteur, 46 rue du Val de Saire, BP 208 50102 Cherbourg Cedex. [email protected] Article reçu le 12/10/2004 Accepté le 23/11/2005 Pharm Hosp 2006; 41 (164) : 5-12 © Masson, Paris, 2006

Résumé Dans le traitement de la schizophrénie, les antipsychotiques, dits atypiques (APA), possèdent une meilleure tolérance due à une réduction de la survenue de syndromes extrapyramidaux. Notre enquête a eu pour objectif d’analyser au sein de l’établissement l’utilisation de quatre antipsychotiques atypiques : olanzapine, rispéridone, amisulpride et clozapine. Nous avons étudié des paramètres démographiques, cliniques et pharmacologiques (la posologie, les stratégies thérapeutiques et la présence de médicaments correcteurs des effets indésirables des antipsychotiques). Nous avons analysé 104 ordonnances. La monothérapie représente 30 % des stratégies thérapeutiques. La présence des correcteurs du syndrome extrapyramidal est multipliée par 2 entre une stratégie monothérapeutique et une stratégie plurithérapeutique. La présence de médicaments correcteurs des effets indésirables des antipsychotiques augmente lorsqu’un APA est utilisé à posologie maximale ou en association avec des antipsychotiques classiques. Cette relation est appuyée par des études pharmacologiques. Les APA représentent une avancée thérapeutique mais le bénéfice apporté en matière de tolérance s’amoindrit dans le cadre de leur utilisation en pratique clinique courante. Mots-clés : Schizophrénie, Antipsychotique atypique, Monothérapie, Syndrome extrapyramidal

Summary In the treatment of schizophrenia, the atypical antipsychotics (AAP), have a better tolerance in reduction of extra-pyramidal syndrome. The objective of our investigation was to analyse the use of four atypical antipsychotics : olanzapine, risperidone, amisulpride and clozapine. We studied the demographic, clinical and pharmacological parameters (the dosages, the therapeutic strategies and the prescription of corrective drugs on the adverse effects of antipsychotics). We analysed 104 prescriptions. The mono-

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therapy accounts for 30 % of the therapeutic strategies. The presence of the correctives of the extra-pyramidal syndrome is twice in pluri-therapeutic strategy than in mono-therapeutic strategy. The presence of corrective drugs on the adverse effects of anti-psychotics increase when the AAP are used with maximal dosage or in association with traditional antipsychotics. This correlation is supported by pharmacological studies. The AAP represent an therapeutic improvement but the benefit brought as regards tolerance reduced within the framework of their real use. Key-words: Schizophrenia, Atypical antipsychotics, Mono-therapy, Extra-pyramidal syndrome

(anti-parkinsoniens, laxatifs, sialagogues, correcteurs de l’hypotension orthostatique).

INTRODUCTION La schizophrénie est une maladie chronique et invalidante qui débute généralement chez l’adolescent ou l’adulte jeune et dont la prévalence sur la durée de vie est d’environ 1 % [1]. Elle se définit par des symptômes caractéristiques (idées délirantes, hallucinations, discours désorganisés, comportement grossièrement désorganisé ou catatonique, symptômes négatifs), un dysfonctionnement social et par la présence de signes permanents pendant au moins six mois dont au moins un mois de symptômes caractéristiques. La pathogénie de la schizophrénie repose sur une activité excessive de la dopamine dans diverses régions du cerveau et le traitement par les antipsychotiques classiques a pour objectif de bloquer l’action de la dopamine [2]. Cette théorie est appelée « hypothèse dopaminergique ». Aujourd’hui, il est établi que cette théorie n’est plus aussi simple. Plusieurs neurotransmetteurs semblent jouer un rôle dans la schizophrénie notamment la sérotonine, mais aussi l’histamine, le glutamate, l’acide gammaamino-butyrique, la noradrénaline et l’acétylcholine. Parmi ces substances, c’est la sérotonine qui a suscité le plus d’intérêt. Depuis 1990 sont apparus les nouveaux antipsychotiques atypiques (APA) parmi lesquels : la clozapine, la rispéridone, l’olanzapine et l’amisulpride. Les trois premiers de cette liste se caractérisent par une affinité pour les récepteurs sérotoninergiques 5HT2 supérieure à celle de récepteurs dopaminergiques D2, ce qui leur confère en théorie et, d’après les essais cliniques réalisés en monothérapie, une plus grande efficacité sur les symptômes négatifs de la schizophrénie ainsi qu’une meilleure tolérance due à une réduction de la survenue des syndromes extrapyramidaux [3]. L’objectif de cette enquête est d’analyser au sein du Centre Hospitalier des Pays de Morlaix, les modalités de prescription et d’utilisation des APA en terme de posologie et d’association : autres psychotropes (antipsychotiques, antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques), correcteurs des effets indésirables liés aux antipsychotiques

MATÉRIEL ET MÉTHODE L’enquête a été effectuée dans l’ensemble des services destinés aux adultes du centre spécialisé. La population ciblée est représentée par les patients dont le traitement comportait au moins un APA : l’amisulpride, la rispéridone, la clozapine, l’olanzapine. Nous avons élaboré une fiche de recueil des données soumise aux psychiatres de l’établissement pour validation. L’enquête a été réalisée pendant une semaine, par les pharmaciens en collaboration avec les psychiatres et un représentant du personnel infirmier, en se basant sur l’ordonnance nominative des malades. La saisie et l’analyse des données de l’enquête sont réalisées à partir de la création d’une base de données sous MS. Access® V-97. Les paramètres étudiés sont décrits dans le tableau I. Nous étudierons particulièrement les relations existant entre la présence des médicaments utilisés comme correcteurs d’effets indésirables et la posologie de l’APA ou le nombre d’antipsychotiques prescrits. Nous avons considéré comme antipsychotiques antiproductifs (action antihallucinatoire et antidélirante) : l’halopéridol, la fluphénazine, la pipothiazine, le flupentixol, le zuclopenthixol, comme antipsychotiques sédatifs (action sédative ou anxiolytique recherchée) : la lévomépromazine, la cyamépromazine, la thioridazine, la propériciazine, le tiapride, comme antipsychotiques antidéficitaires (action sur l’apragmatisme, l’indifférence, l’inertie émotionnelle) : le sulpiride à faible dose, la carpipramine. Les médicaments considérés comme correcteurs des effets indésirables sont les suivants : correcteurs du syndrome extrapyramidal (EP) : la trihéxyphénidyle, la tropatépine, le bipéridène, comme correcteurs de l’hypotension orthostatique : la midodrine, l’heptaminol, l’association cafédrine + théoadrénaline,

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l’étiléphrine, comme correcteur de la sécheresse buccale : l’anétholtrithione, et comme correcteurs de la constipation : tous les médicaments laxatifs.

indications sont classées selon le DSM IV et sont mentionnées dans le tableau IV.

Paramètres pharmacologiques RÉSULTATS

Répartitions et posologies des antipsychotiques atypiques

Paramètres démographiques

Les figures 1, 2, 3 et 4 montrent la répartition par patients des posologies de chaque neuroleptique atypique.

Nous avons analysé 104 ordonnances, sur une période de 5 jours. Les tableaux II et III indiquent la répartition des différents critères pris en compte en fonction de l’antipsychotique prescrit.

Stratégies thérapeutiques Les différentes stratégies thérapeutiques d’utilisation des APA sont représentées dans la figure 5 et dans la figure 6. Les antipsychotiques rencontrés lors des associations thérapeutiques sont classés et répartis dans la figure 7.

Paramètres cliniques 90 % des ordonnances correspondent à des pathologies aiguës et 10 % à des pathologies chroniques. Les

Paramètres démographiques Sexe Âge Type d’hospitalisation Paramètres cliniques Type de pathologie (aiguë ou chronique) Indication Paramètres pharmacologiques – Antipsychotiques atypiques • Répartition • Posologie quotidienne – Stratégie thérapeutique • Association éventuelle avec d’autres antipsychotiques • Type de neuroleptique associé – Médicaments utilisés comme correcteurs des effets indésirables des antipsychotiques • Correcteurs du syndrome extrapyramidal : nature et posologie • Correcteurs de la sécheresse buccale : nature et posologie • Correcteurs de l’hypotension orthostatique : nature et posologie • Correcteurs de la constipation : nature et posologie – Psychotropes associés • Antidépresseurs : nature et posologie • Anxiolytiques : nature et posologie • Hypnotiques : nature et posologie

Figure 1. Posologie de la clozapine (nombre de patients = 7). Figure 1. Dosage of clozapine (7 patients).

Figure 2. Posologie de l’olanzapine (nombre de patients = 38). Figure 2. Dosage of olanzapine (38 patients).

Tableau I. Critères étudiés. Table I. Collected data. Olanzapine

Rispéridone

Amisulpride

Clozapine

38

32

27

7

104

44,6 ans (20-80 ans)

49,8 ans (19-80 ans)

52,2 ans (18-87 ans)

41,3 ans (21-53 ans)

48 ans Y53 ans = 41 ans

Y

58 %

25 %

41 %

71 %

44 %

=

42 %

75 %

59 %

29 %

56 %

Nombre de patients Âge (extrêmes)

Sexe

Tableau II. Caractéristiques des patients. Table II. Demographic characteristics of patients.

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TOTAL

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Olanzapine

Rispéridone

Amisulpride

Clozapine

MOYENNE TOTALE

Congé d’essai*

2,6 %

6,2 %

0 %

0 %

2,8 %

Court séjour

81,5 %

46,9 %

44,4 %

100 %

62,5 %

Hôpital de jour

5,3 %

28,1 %

14,8 %

0 %

14,4 %

Long séjour

0 %

9,3 %

11,1 %

0 %

5,7 %

10,5 %

9,3 %

29,6 %

0 %

14,4 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Long séjour gériatrique

* Service destiné à des patients libres de leurs mouvements dans et en dehors de l’hôpital mais devant revenir quotidiennement dans ce service pour prendre leur traitement. Il s’agit donc d’un service de transition avant la fin d’une hospitalisation.

Tableau III. Type de service psychiatrique. Table III. Type of psychiatry departments.

Figure 3. Posologie de l’amisulpride (nombre de patients = 27). Figure 3. Dosage of amisulpride (27 patients).

Figure 5. Répartition des stratégies thérapeutiques. Figure 5. Therapeutic strategies.

Autres classes de psychotropes associés aux antipsychotiques atypiques La présence des autres classes de psychotropes au sein des prescriptions est présentée dans son ensemble dans la figure 12 puis séparée pour chacun des APA étudiés dans la figure 13.

Figure 4. Posologie de la rispéridone (nombre de patients = 32). Figure 4. Dosage of risperidone (32 patients).

DISCUSSION Médicaments utilisés pour corriger les effets indésirables des antipsychotiques

Chacun des trois paramètres démographiques, cliniques et pharmacologiques sera abordé au cours de cette discussion.

La présence dans les prescriptions de médicaments correcteurs des effets indésirables des antipsychotiques est présentée dans son ensemble (figure 8) puis répartie en fonction des stratégies thérapeutiques (figure 9) et enfin détaillée par APA (figure 10). La figure 11 compare la prescription de correcteur du syndrome EP en fonction de la stratégie thérapeutique pour trois antipsychotiques atypiques (la rispéridone, l’olanzapine et l’amisulpride).

Paramètres démographiques Répartition des antipsychotiques atypiques selon l’âge et le sexe Dans cette étude, l’olanzapine et la clozapine sont majoritairement utilisées chez la femme et la rispéridone et

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Figure 6. Répartitions des stratégies thérapeutiques par APA. Figure 6. Therapeutic strategies for each AAP.

Figure 10. Répartition des types de correcteurs utilisés par APA. Figure 10. Corrective drugs for each AAP.

Figure 7. Type d’antipsychotiques associés. Figure 7. Combination with antipsychotics.

Figure 11. Pourcentage de correcteurs du syndrome EP en fonction de la stratégie thérapeutique. Figure 11. Corrective drugs for extrapyramidal syndrome.

l’amisulpride chez l’homme. Il n’y a pas d’étude recensée pour recommander l’utilisation de ces médicaments selon le sexe. Cependant, l’olanzapine pourrait être moins utilisée chez la femme en raison d’effets indésirables gênants tels que la prise de poids, plus marquée que pour la rispéridone [5, 6]. De même, l’amisulpride est une benzamide substituée. Ces antipsychotiques sont connus pour déclencher des troubles endocriniens type aménorrhée, gynécomastie et prise de poids (fréquente et importante) qui peuvent s’avérer particulièrement difficiles à vivre chez une femme jeune.

Figure 8. Correcteurs prescrits au sein des 104 ordonnances. Figure 8. Corrective drugs (in 104 prescriptions).

Paramètres cliniques Les indications recommandées par l’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) sont respectées par les prescripteurs de l’établissement. Il existe quelques indications hors A.M.M. : état limite, troubles de la personnalité, névrose, arriération mentale… Celles-ci se retrouvent dans l’étude de B. Hamel et al. [4] et témoignent d’une pratique, certes modérée, mais relativement courante en psychiatrie française. Les 23 indications non renseignées

Figure 9. Répartitions des correcteurs en fonction des stratégies thérapeutiques. Figure 9. Corrective drugs for each therapeutic strategy.

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Schizophrénie

59 Schizophrénie type indifférencié

38

Schizophrénie type paranoïde

10

Psychose délirante chronique

7

Psychose de la petite enfance

2

Schizophrénie dysthymique

2

Bouffée délirante aiguë Structure psychotique Démence

Figure 12. Psychotropes associés aux APA. Figure 12. Combinations with psychotropic drugs.

6 5 3 Démence sénile

2

Démence alcooloépileptique

1

État limite

3

Maladie maniaco-dépressive Arriération mentale

3 1

Névrose

1

Indication non connue

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Tableau IV. Indications classées selon le DSM IV. Table IV. DSM IV related indications.

Figure 13. Psychotropes associés répartis par spécialités. Figure 13. Combinations with psychotropic drugs for each AAP.

puissent induire des syndromes EP s’ils sont utilisés à des posologies provoquant un taux d’occupation des récepteurs dopaminergiques D2 supérieur à 80 %, et donc aux doses maximales recommandées (respectivement 16 et 20 mg), à la différence de la clozapine dont la dose maximale est de 900 mg/jour. Comme dans l’étude de Simpson sur les syndromes EP des patients traités par la rispéridone [7], il existe dans notre enquête, une augmentation significative de la prescription des correcteurs du syndrome EP parallèlement à l’accroissement des posologies d’amisulpride et de rispéridone : en dessous de 8 mg de rispéridone et de 800 mg d’amisulpride, la prescription de correcteurs du syndrome EP est respectivement de 43 % et 39 %, au-delà de ces doses, elle passe à 89 % et 100 % (a contrario, elle diminue de 59 à 38 % à partir de 15 mg d’olanzapine). Il semblerait d’une part, d’après une analyse des essais cliniques réalisée par S. Kasper [11], que les doses optimales de rispéridone et d’olanzapine soient respectivement inférieures ou égales à 6 et 15 mg (75 % d’occupation des récepteurs D2). D’autre part, cette analyse suggère aussi que des doses supérieures à 15 mg/jour d’olanzapine améliorent la réponse thérapeutique.

concernent les patients des longs séjours pour lesquels nous n’avons pas rencontré le psychiatre personnel du patient afin d’obtenir l’indication précise.

Paramètres pharmacologiques Posologie des antipsychotiques atypiques Les posologies sont en majorité (97 %) conformes aux recommandations de l’AMM, particulièrement pour la clozapine, mais les doses maximales recommandées sont souvent utilisées pour l’olanzapine et l’amisulpride (figures 2 et 3) et dépassées pour la rispéridone dans 3 % des cas (figure 4). Les syndromes extrapyramidaux (EP) apparaissent à partir de 70 à 80 % d’occupation des récepteurs dopaminergiques D2 [9] et seulement 5 mg d’halopéridol induisent une occupation de 80 à 100 % [10]. L’olanzapine, la clozapine et la rispéridone ont, pour toutes les doses, un taux d’occupation des récepteurs sérotoninergiques 5HT2 supérieur à celui des récepteurs dopaminergiques D2 [89]. Cependant le taux d’occupation des récepteurs dopaminergiques D2 croît avec l’augmentation des doses. Ainsi, pour des doses de 12 mg de rispéridone, 20 mg d’olanzapine et 900 mg de clozapine, le taux d’occupation est respectivement de 89 %, 89 % et 68 % [8-9]. Ces résultats expliqueraient que l’olanzapine et la rispéridone

Stratégies thérapeutiques Dans seulement 32 % des cas, les traitements d’entretien, toutes indications confondues, sont en monothérapie. Ce

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chiffre est comparable aux résultats de trois autres enquêtes françaises [4, 12, 13] qui montraient que la monothérapie était pratiquée dans des proportions toujours inférieures à 50 % (respectivement 29 à 44 %, 43,5 %, 23 %). Dans notre étude, la plurithérapie est répandue et varie selon le neuroleptique atypique. L’olanzapine est utilisé en mono, bi ou trithérapie dans des proportions équivalentes (autour de 30 %) et est le seul des antipsychotiques atypiques étudiés retrouvé dans une quadrithérapie. La rispéridone et l’amisulpride s’associent majoritairement à un seul neuroleptique (65 % et 56 %). Seule la clozapine est utilisée plus souvent en monothérapie mais ses résultats sont à relativiser compte tenu du nombre de patients (n = 7). Les antipsychotiques associés augmentant significativement le taux d’occupation des récepteurs dopaminergiques D2, le risque d’apparition d’un syndrome EP s’en trouve augmenté. La majorité des antipsychotiques associés sont surtout des antipsychotiques antiproductifs (46 % des cas d’associations) et des antipsychotiques sédatifs (78 % des cas d’associations). Ces dernières données montrent que les prescriptions d’APA en pratique courante de prescription sont différentes des recommandations officielles et des situations rencontrées lors des essais cliniques. En effet, ces médicaments n’ont été étudiés qu’en monothérapie et les références médicales opposables de novembre 1998 [14] déconseillent, pour le traitement d’entretien, l’association de plusieurs antipsychotiques à visée antihallucinatoire et antidélirante ; « quand plusieurs antipsychotiques sont utilisés, le second devrait être arrêté s’il n’y a aucune amélioration ». En outre, dans la prise en charge de l’anxiété et de l’agitation, il est conseillé par les experts internationaux [15-17] d’associer une benzodiazépine plutôt qu’un autre neuroleptique sédatif. Ceci est d’autant plus vrai que l’association de cyamémazine ou de lévomépromazine avec l’amisulpride peut provoquer des troubles du rythme cardiaque par allongement de l’espace QT (interaction déconseillée dans les Recommandations Caractéristiques de ce Produit [18]). Quelles peuvent être les explications de la persistance de ces associations ? Un premier élément de réponse serait les appréhensions, certainement justifiées, du médecin, de la famille ou du service d’hospitalisation, de faire face à une crise aiguë, une rechute ou à un retour à l’état psychotique du patient par diminution de la puissance de son traitement. Un second serait une fréquence insuffisante de la réévaluation clinique et thérapeutique d’un patient équilibré par une multithérapie. Des essais thérapeutiques pragmatiques de phases IV seraient utiles pour évaluer ces associations en terme de bénéfices/risques pour les patients schizophrènes.

Médicaments utilisés pour corriger les effets indésirables des antipsychotiques Le taux de 71 % d’association de correcteurs du syndrome EP à la clozapine est à observer avec prudence compte tenu du faible nombre de patients (n = 7). Un correcteur d’effets indésirables des antipsychotiques est prescrit dans plus de deux tiers des cas (70 %). Plus de la moitié d’entre eux (56 %) traitent les syndromes EP. Ces résultats sont à rapprocher de ceux d’une enquête de 1998 concernant les antipsychotiques typiques et atypiques menée dans un Centre Hospitalier français [13]. En effet, sur 428 ordonnances analysées, 74,5 % comportent au moins un correcteur dont 64,3 % sont des correcteurs des syndromes EP. La présence des correcteurs des syndromes EP est significativement plus faible dans notre enquête mais elle reste très importante au regard des bénéfices espérés par les APA. Dans le cadre d’une plurithérapie, l’utilisation de correcteurs des syndromes EP double par rapport à une monothérapie (32 % versus 64 %). Ainsi, ces deux faits renforcent l’hypothèse pharmacologique de saturation des récepteurs dopaminergiques D2 en cas d’association d’antipsychotiques et montrent les limites, en matière de tolérance, des APA lorsqu’ils sont utilisés en association.

Autres psychotropes associés aux antipsychotiques atypiques Les antidépresseurs sont largement co-prescrits (57 %) avec les antipsychotiques. La conférence de consensus de janvier 1994 sur la stratégie thérapeutique à long terme dans les psychoses schizophréniques [14] signale que dans les manifestations aiguës, leur association pourrait être un facteur d’aggravation de la symptomatologie. Néanmoins, cette association demeure intéressante dans la dépression post-psychotique. Les anxiolytiques (principalement les benzodiazépines) sont également largement associés (58 %). Sans être systématique, l’association de benzodiazépines contribue à améliorer la symptomatologie des psychoses schizophréniques en agissant sur l’anxiété, l’irritabilité, les troubles de l’attention, la passivité et parfois même sur les effets indésirables des antipsychotiques tels que l’akathisie et les syndromes EP. Les benzodiazépines sont également utiles lors des décompensations aiguës par leur effet sur l’anxiété et l’agitation [14]. Les hypnotiques sont associés dans 60 % des prescriptions. Ils sont représentés principalement par le zolpidem et le zopiclone (respectivement Stilnox® et Imovane®) mais l’association acéprométhazine + méprobamate (Mépronizine®) et surtout l’alimémazine (Théralène®) sont également très utilisés, notamment dans les insomnies rebelles. L’acéprométhazine et l’alimémazine sont des phénothiazines sédatives appartenant à la famille des

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Enquête sur l’utilisation des antipsychotiques atypiques au Centre Hospitalier des Pays de Morlaix

D’après cette enquête, il semble que la pratique réelle ait pour effet de diminuer et quelquefois d’annuler l’amélioration de la tolérance, attendue par l’utilisation des APA. Ces résultats ont été présentés par les pharmaciens à l’ensemble des psychiatres de l’établissements. Il serait maintenant intéressant de refaire cette enquête aujourd’hui afin de vérifier si les modes de prescription ont évolué en intégrant notamment le nouvel APA disponible (aripiprazole) qui a été également étudié en monothérapie [21-23]. En présentant ce type d’enquête aux prescripteurs, le pharmacien favorise le bon usage des APA en encourageant la monothérapie lorsqu’elle est possible, et en préconisant le choix d’une dose permettant de conserver les bénéfices escomptés.

antipsychotiques. Elles peuvent contribuer à augmenter la survenue d’effets indésirables tels que les syndromes EP et les effets anticholinergiques.

CONCLUSION Malgré certains inconvénients (augmentation du poids, intolérance au glucose [20]), l’apparition des APA est une avancée dans le domaine de la psychiatrie au niveau de la tolérance des traitements. Cependant, cette enquête révèle une pratique différente des recommandations officielles et de l’utilisation dans le cadre des essais thérapeutiques. En effet, il est fréquent de rencontrer des associations de deux ou trois antipsychotiques au long cours alors que les recommandations ne préconisent pas l’association de deux antipsychotiques, (sauf si leur prescription est argumentée et périodiquement réévaluée) et que les essais thérapeutiques étudient la tolérance des médicaments au cours d’une monothérapie.

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