European Polymer Journal, 1968, Vol. 4, pp. 3-12. Pergamon Press. Printedk,xEngland.
ETUDE CINETIQUE DE LA POLYMERISATION ANIONIQUE DU SULFURE DE PROPYLENE DANS LE TETRAHYDROFURANNE--I. P O L Y M E R E S B I F O N C T I O N N E L S D A N S LE CAS D ' U N CONTRE-ION SODIUM A -30 ° J. C. FAVIER, SYLVIE BOILEAU e t P. SIGWALT Laboratoire de Chimie Macromol6culaire de la Facult6 des Sciences de Paris, 1 rue Victor Cousin, Paris V, France
(Recu le 28 ]uillet 1967)
R ~ u m ~ - - L a polymdrisation anionique du sulfure de propyldne, amorcde par le naphtal6ne sodium, en solution dans le t*trahydrofuranne, donne des rnacromol~ules renfermant chaeune deux centres actifs stables. La cin~tique de polym~risation a 6t6 dtudi~e ~ - 3 0 ° en utilisam des "semences" de bas polym~res comme amorceurs. La vitesse de propagation est proportionnelle ~ la concentration en
monom~re et ~t la racine carrde de la concentration en centres actifs lorsque celle-¢i est inf&ieure ~. 10-3 mole/1. La propagation s'effectue essentiellement par l'imerm6diaire des ions libres avec uric constante de propagation dgale ~ 12 l./moletsec, et la constante de propagation stir les paires d'ions est de l'ordre de 10-21./mole/see.
1. I N T R O D U C T I O N LA VOLYS~VdSATIONanionique du sulfure de propyl~ne en absence de donneurs de protons se produit par l'intermddiaire de centres actifs stables, et permet d'obtenir des polym~res vivants dont la masse moldculaire peut ~tre prddite exactement d'apr~s les concentrations en monom~re et en agent d'amorqage. (1) La rdaction d'amor~age a d~j~ dtd dtudide lorsqu'on utilise le naphtal~ne sodium, et donne des polym~res renfermant deux centres actffs thiolate par macromoldcule. (t' 2) II est possible, avec ces polym~res vivants, d'effectuer des dtudes de la nature des centres actifs par des mdthodes cindtiques et conducfimdtriques, ainsi que cela a dtd rdalisd rdcemment par Szwarc et coll. (3) dans le eas du styrol~ne. Ces auteurs ont notamment mis en dvidence une rdactivitd des ions libres beaucoup plus grande que celle des paires d'ions. L'dtude conductimdtrique de polym~res vivants du sulfure de propyl~ne dans le tdtrahydrofuranne, amorcds par le naphtal~ne sodium et le naphtal~ne potassium, a fait robjet d'une de nos prdcddentes publications (g) e t a pennis de ddterminer les constantes de dissociation des centres actifs ~ diff~rentes tempdratures. Dans le prdsent travail, nous avons dtudid la cindtique de polymdrisation du sulfure de propyl~ne darts le tdtrahydrofuranne ~ - 3 0 ° (dans le cas du contre-ion sodium), ce qui a permis de mettre en dvidence le r61e prdponddrant des ions fibres dans le domaine des faibles concentrations en centres actifs. 3
4
J . C . FAVIER, SYLVIE BOILEAU et P. SIGWALT
Cette &ude a d'autre part montr6 l'existence d'une p~riode d'induction dans Ia r6action de polymarisation amorcde par le naphtal~ne sodium, et l'intervention de ph6nom~nes d'association entre les paires d'ions lorsque les concentrations en centres actifs deviennent suffisamment 61ev6es. 2. CONDITIONS EXPERIMENTALES Nous avons utilis6 une m6thode dilatom~:trique comme moyen d'6tude cin6tique. En raison de la tr6s grande sensibilit6 des centres actifs anioniques aux impuretds, nous avons op6r6 dans des appareils enti6rement scell6s sous vide. La purification des diff6rents r6actifs a d6jb. 6t6 d~crite,(1. 2) Cette ~:tude a 6t6 effectu6e avec des polym6res poss6dant deux extr6mit6s thiolate, l'agent d'amor~age /'tant soit le naphtal~me sodium, soit des "semences" bifonctionnelles (polym~re de faible masse mol6culaire). Ces semences ont 6t6 pr~par6es par polym6risation b. la temp6rature ordinaire d'une petite quantit6 de monom~re apr~s amor~;age ~. - 7 0 ° par une solution de naphtalene sodium dans le t6trahydrofuranne. La concentration en centres actifs est bas6e sur un dosage du naphtal6ne sodium par spectrophotom6trie. L'appareil de remplissage des dilatom6tres est repr6sent6 sur la Fig. 1. Le dilatom/:tre D, muni d'un agitateur magn6tique A enrob6 de verre est tout d'abord dans une position invers6e. I1 peut 6tre s6par6 du reste de l'appareil par une soupape magn6t ique 5.joint rod6 B. En effet, il n'est pas possible dans
N
M
~"C-
A
B
Fro. 1. Appareil de remplissage des dilatom~tres. notre cas de sceller le dilatom~tre ~. - 30 ° par exemple, car le sulfure de propyl6ne se d~composerait au cours du scellement. Des essais ont montr6 que cette soupape est suffisamment ~tanche pour qu'il n'y ait pas de distillation des r6actifs entre le capillaire et le tube " t r o p plein" P, tous deux maintenus ~. la m~me temp6rature. Le m61ange des r~actifs est r~alis~ sous vide dans le r~cipient R. sur lequel sont soud~s les tubes contenant le monom~re M, la semence S, l'agent de terminaison de chaines T et une solution de naphta16ne sodium N destin~e ~. rincer les parois de l'appareil. Celui-ci est reli~ ~ une pompe ~. diffusion par l'interm6diaire d'un rodage sph~rique V. Apr~s un d~gazage des parois durant plusieurs heures, avec chauffage ~. la flamme, l'appareil est scell6 en = sous un vide de 10-s m m de mercure. Le joint fragile n e s t alors cass6 et la solution de naphtalene sodium de rinqage N s'~coule dans le r~cipient R. La solution est introduite dans le tube C apr6s rinqage. Ce tube est 61imin6 par scellement en ~ apr~s refroidissement dans l'azote liquide.
La Polymdrisation Anionique du Sulfure de Propyl6ne darts le Tetrahydrofuranne--I
5
La solution de polym~re '" vivant" S est introduite en brisant le joint fragile a. Les patois de l'appareil sont alors soigneusement rinc~es par distillation de t6trahydrofuranne. En fin de rinc,age, la solution de pr6polym6re est refroidie pendant douze heures ~ - 7 8 °. Le monom~re M est introduit ensuite par distillation, tout en agitant 6nergiquement la solution grace au barreau aimant~ At, enrob6 de verre. Au bout d'une heure, le m61ange r6actionnel est congel6 dans l'azote liquide et nous scellons en y. Le r6servoir est de nouveau plong~ darts un bain ~ - 78 ° pendant une heure, avec agitation des r~actifs. L'appareil est ensuite retourn6, et la solution dont le volume est l~g~rement sup~rieur ~t celui du dilatom6tres'~couleenA. Nosmesures dilatom6triques~tant effectu~esa- 30°,nousdevonsr6chauffer rapidement la solution. Pour atteindre cette temperature, le dilatom~tre est plong6 pendant cinq minutes d a m un bain ~ - 20 °. Le niveau darts D est ajust6 grace au tube " t r o p plein" P e t le dilatom6tre et le tube P sont plong~s dans une enceinte thermor~gul6e ~t - 3 0 ° + 0,05 °. La soupape ~tjoint rods est abaiss6e, ce qui a pour effet d'isoler le dilatom6tre. La descente du m6nisque dans le capillaire est suivie h l'aide d'un cath~tom~tre au 1/20 de m m et l'on note l'abaissement du niveau en fonction du temps. En fin d'&ude, le dilatom~tre est plong6 darts un bain ~t - 7 8 °, et la soupape est soulev6e. Le joint fragile c est cass6, ce qui permet l'entr6e des vapeurs de bromure d'6thyle qui stoppent la polym~risation. L'appareil est retourn6 pour r6cup~rer la solution de polym~re en R. I1 est possible de cette mani6re de v6rifier le rendement, ainsi que la masse mol6culaire du polym6re.
3. RESULTATS E X P E R I M E N T A U X Nous avons effectu6 nos mesures ~t - 30 °, car nous trouvons alors dans une zone de temp6rature convenable. En effet, la vitesse de polym6risation est nulle ~t - 7 0 °, tr~s faible ~t - 5 0 °, et trop rapide h 0 ° pour des mesures dilatom6triques, ainsi que nous l'ont montr6 des exp6riences annexes. Le facteur de contraction a 6t6 d6termin6 ~t partir d'une polym6risation suivie par dilatom6trie ~ - 30 ° jusqu'~ conversion totale. 3.1. Pgriode d'induction Les premieres exp6dences ont 6t6 r6alis6es en effectuant l'amor~age ~ - 7 0 ° dans le r6servoir R attenant au dilatom6tre, et par introduction de la totalit6 du monom~re dans la solution de naphtal~ne sodium. En op6rant dans ces conditions, nous avons constat6 l'existence d'une p6riode d'induction durant plusieurs heures, pendant laquelle la vitesse de polym~risation croit jusqu'it une valeur constante. Ce ph~nom~ne est visible sur les courbes D2 et D3 de la Fig. 2 donnant l'avaneement de la polym6risation en fonction du temps. Par contre, lorsque l'amor~age est effeetu6 it partir d'une semence, l'avancement de la r6action est une fonction lin6aire du temps (voir les courbes D7 et D8 de la m~me figure), tout au moins au d6but de l'exp6rience. Cela aussi bien pour une semence pr6par6e h l'avance, que pour un pr6polym~re pr6par6 darts l'appareil. La p6riode d'induction est done due h u n retard dans la r6action d'amorqageJ 2) Les centres actifs thiolate ne sont pas form6s imm6diatement apr~s la d6coloration du naphtal~ne sodium et ceci est confirm6 par l'accroissement lent de la conductivit6 apr~s cette d6coloration. I1 faut done envisager la formation d'esp~ces interm6diaires, soit tr6s peu r6actives, soit tr~s peu solubles, qui amorcent lentement la polym6risation. On peut supposer l'existence de r6actions du type suivant: [Naph] -'Na + q- C H 3 - - C H - - C H 2 --~ Naph q- CH3---CH~----CHz-F. SNa [Naph] '-Na + + .SNa ~ Naph + NaSSNa
Le disulfure de sodium NaSSNa pourrait 6galement se former par dim6risation du compos6. SNa.
6
J.C.
F A V I E R , S Y L V I E B O I L E A U et P. S I G W A L T
°/
(¢
//
0,3
0,2
_
/-/"
*/.'/"/
0,1
/o
o/e/
// /.:~
o/
e/
°/t
2
./
t,o
.t" 0
e.o o.
3
o~.o "~'
4
Temps, hr
FIG. 2. Avancement de la polym~risation du sulfure de propyl~ne en fonction du temps (Temp6rature: - 3 0 °, solvant: tetrahydrofurarme). Pour I)7 et Ds des "semences" de polym~re vivant ont ~t6 pr6par6es pr6alablement.
Ces sulfures de sodium amorceraient lentement la polym&isation du sulfure de propyl6ne en donnant des macromol6cules bifonctionnelles. Un m6canisme de ce type est corrobor6 par la formation de quantit6s appr6ciables de propane, qui a pu 6tre identifi6 par chromatographie en phase gazeuse. Notre 6tude cin6tique a donc ~t6 faite h partir de semences pr6par6es soit "in situ", soit dans un appareil annexe. La reproductibilit6 des mesures est bonne pour des exp6riences identiques effectu6es avec de faibles concentrations en centres actifs, mais nous avons observ6 des valeurs des vitesses anormalement basses pour des fortes concentrations en naphtal~ne sodium. C'6tait en particulier le cas lorsque nous avons utilis6 des semences pr6par6es" in situ", dont la polym6risation 6tait amorc6e/t - 20°C ou - 10°C. I1 est possible qu'aux fortes concentrations, seule une petite quantit6 des compos6s interm6diaires se formant lots de l'amor~age soit soluble et amorce la polym6risation. Nous avons d'ailleurs observ6 l'apparition d'un faible pr6cipit6 qui ne se dissout pas. De ce fait, nous obtenons des vitesses plus faibles que pr~vues. Par contre, les experiences r6alis~es ~ partir de semences obtenues par dilution ou par concentration d'une m~me solution de pr~polym6re de concentration 6gale i . 10-3 mole/1. (1~Iu th. = 2.800) donnent un ensemble de r6sultats coMrents (v. Fig. 3). Nous avons d6termin6 les ordres cin6tiques h partir des r6sultats de ces derni~res exp6riences. 3.2. DEtermination de l"ordre par rapport d la concentration en centres actifs et en monom~re
La comparaison de deux s~ries d'exp~riences effectu~es l'une /t concentration en monom6re [M] constante, l'autre ~t concentration en centres actifs [C] constante, nous
La Polymerisation A n i o n i q u e du Sulfure de Propyl~ne darts le T e t r a h y d r o f u r a n n e - - I
7
3 L
g
% x
2
,/
/
/ 0 •
0
o o
J
I
O
I
T
2.
I
I
I
3
[
4
:
I
,,
5
C x l O z', m o l e / k
FIG. 3. Evolution de la vitesse de polym6risation en fonction de la concentration en centres actifs. • Amorqage par une m~mesemenceinitiale, o Amorqage r6ahs6 "in sltu", dormant des vitesses anormalement basses. a permis de penser que la vitesse de polym&isation Vp 6tait proportionnelle ~t [M] et ~t [C] 1/2. Nous avons v6rifi6 ensuite que les ordres cin6tiques 6taient bien 1 et 1 2. Si la loi cin6tique est bien de la forme Vp=K [M] [C] I/2, it doit exister des relations lindaires d'une part entre Vp/[M] et [C] 112 et d'autre part entre Vp/[C]li2 et [M]. Les Figs. 4 et 5 montrent que pour C < 10-3 mole/l, nous avons effectivement ce type de relation entre les trois variables. Pour des concentrations en centres actifs sup&ieures ~t 10-3 mole/1, la vitesse de polym6risation ne suit plus cette loi. Nous verrons plus loin (paragraphe 4) que cet 6cart s'explique par des ph6nomanes d'association.
4. DISCUSSION ET CONCLUSION La vitesse de polym&isation est proportionnelle & la concentration en monom~re, mais son ~volution en fonction de la concentration en centres actifs est extr~mement complexe, ainsi que nous le voyons sur la Fig. 3. La vitesse croit rapidement en fonction de [C] pour les concentrations inf&ieures & 10.3 mole/1, puis tend vers une valeur asymptotique. La vitesse de polym~risation est proportionnelle &la racine carrie de la concentration en centres actifs pour les concentrations en groupements thiolate inf~rieures ~t 10.3 mole/L, ce qui indique, dans cette r~gion, l'intervention d'un ~quilibre de dissociation donnant naissance aux centres actifs. Appelons kv la constante de vitesse apparente d~finie par kp = Vp/[M] [C] et supposons que la propagation de la polym&isation S' effectue aussi bien sur les paires d'ions que sur les ions libres. Soient ksNa et ks- leurs constantes de vitesse de propagation respectives et x la fraction de polym~re vivant dissoci& Nous pouvons ~crire: kp=(l-x)k'sNa+x
ks-
8
J . C . FAVIER, SYLVIE BOILEAU et P. SIGWALT
,/ / "7
o u)
/ t
I
2
3
T
=
4
[c] "z x =o z
FKa. 4. Influence de la concentration en centres actifs sur la vitesse de polym6risation.
/ q,o
/
-a)
~o w
)¢ A
t.)
>~
0
I
0,5
l I
L
FM]" (mole / L )
Flo. 5. Influence de la concentration en monom6re sur la vitess¢ de polym~risation.
La Polym~risation Anionique du Sulfure de Propyl~ne darts le Tetrahydrofuranne--I
9
D'apr~s l'6mde conducfim6trique effectu6e par Boileau, (4) nous pouvons n6gliger x devant I. Nous avons alors la relation indiqu6e pr~c~demment par Szwarc et coll. dans le cas du styrol~ne :(3)
kp k'sN + .KD 1/2 KD ~tant la constante de dissociation de la paire d'ions. La valeur de cette constante est ~gale ~ 5,1.10 .9 ~ - 3 0 °. Ainsi, la variation de kp en fonction de [C]-I! a doit ~tre lin~aire, l'ordonn~e ~ l'origine dormant la valeur de ksN~. La Fig. 6 donne la repr~sen-
I00
_°
_a
C) i
50
x
I
0
I
I
I
I
[
50
I
T
I
I
l
I
w
-
I00
C-=Iz ( klz2. m o i e-lt2 )
FIG. 6. D~termination d~s v a l e t s de.scoostaa~t~ de vit~sse de propagation sur [¢s ions fibres et sur l~s pab'~s d'ions.
tation graphique de la fonction. Remarquons que la droite obtenue, dans ce domaine de concentration, passe au voisinage de l'origine, ce qui est en faveur d'un simple processus de dissociation dormant les ions S- actifs selon l'fiquation: ~ ~ ~SNa ~
KD
" ~~~S-+Na +
I1 semble que la propagation s'effectue essentiellement sur les ions libres car la constante de vitesse de propagation ksNa est tr~s petite devant ks-. Nous ne pouvons cependant pas affirmer que les paires d'ions ne participent pas ~ la rdaction de propagation h cause
10
J.C. FAVIER, SYLVIE BOILEAU et P. S1GWALT
de l'impr6cision de la m6thode de d~termination de ksNa (la valeur de l'ordonn6e rorigine est tr~s petite). Afin de prouver l'hypoth~se d'un 6quflibre entre paires d'ions et ions libres, des mesures cin6tiques en pr6sence de t6traph6nylborate de sodium ont 6t6 effectu6es.(5~ L'addition d'ions sodium dans le m61ange r6actionnel entraine un abaissement consid6rable de la vitesse de polym6risation. Ceci est en faveur d'un m6canisme de polym6risation se produisant essentiellement sur les ions libres. La pente de la droite kp=f([C] -1/2) permet de donner une valeur de la constante de vitesse de propagation sur les ions libres; celle-ci est de l'ordre de 12 + 2 litres/mole/ seconde. La r~activit6 des paires d'ions serait environ 1300 fois plus faible (7 + 3.10 -3 l./mole/sec) mais l'6valuation de ksNa d'apr~s la Fig. 6 est tr~s approximative. Toutefois, nous constatons une bonne concordance entre la valeur extrapol6e et la valeur trouv6e lors des exp6dences effectu6es en pr6sence de t6traph6nylborate de sodium. (s) Aux concentrations sup6rieures ~t 10-3 mole/l., la vitesse ne suit plus la loi d6finie aux faibles concentrations. Szwarc et co//. (3) ont r6cemment interpr6t6 par l'existence d'associations intramol6culaires certaines anomalies de comportement du polystyryl cesium bifonctionnel, compar6 au polym~re monofonctionnel: conductivit6s plus 61ev6es, vitesses plus faibles. Mais une telle hypoth~se ne peut rendre compte des r6sultats obtenus ici dans le cas du polysulfure de propyl~ne (bifonctionnel avec contre-ion sodium). D'une part, elle n'explique pas la non lin6arit6 de la loi de conductivit6 [log A = f ( l o g C)] aux concentrations plus 61ev6es. D'autre part, nous n'avons pas observ6 de diff6rence significative avec les r6sultats cin6tiques et conductim6triques obtenus dans le cas d'un polym~re monofonctionnel. (5) Pour expliquer nos r6sultats, il faut faire intervenir des associations intermol6culaires entre les paires d'ions et les ions libres, selon des 6quilibres du type: K3 (SzNa)-+Na
+ .
K2 " (SNa)2
nI
.
KD " 2 SNa
II
" 2 S-+2
Na +
I
SNa repr~sente un centre actif thiolate sous forme de paire d'ions, (SNa)2 une association de deux paires d'ions, et (S2Na)- l'association d'une paire d'ions avec un ion libre S-. L'existence d'associations entre les mol~cules de polym6res vivants a pu ~tre d~cel6e par des mesures viscosim6triques, qui montrent que la viscosit6 d6croit consid6rablement apr~s traitement par le bromure d'&hyle, qui r6agit avec les extr6mit6s thiolate. Une mesure du temps d'~coulement dans un viscosim&re sous vide, d'une solution de polym~re (C=3,3.10 -3 mole/l, Mn= 50.000) avant et apr6s destruction des centres actifs, montre que des associations intermol6culaires peuvent exister aux fortes concentrations. En effet, le temps d'6coulement de la solution de polym~re vivant 6tait 4.300 secondes, et tombait ~ 1.500 secondes apr~s terminaison des chaines. Aux faibles concentrations en groupes thiolate, les mesures viscosim6triques sur les polym6res vivants ont montr6 que les associations intermol6culaires sont n6gligeables. (5) On peut admettre que les ~quilibres II et III interviennent tr6s peu, et l'on peut rendre compte des lois cin6tiques et conductim&riques par la seule intervention de l'6quilibre I. Aux plus fortes concentrations en groupes thiolate, les mesures viscosim6triques montrent l'intervention de ph~nom6nes d'association, et l'on observe un accroissement plus rapide de la conductivit6: les 6quilibres II et III interviennent, avec formation d'ions multiples. D'apr~s l'6quilibre IIl, on peut 6crire:
La Polym&isation Aniottique du Sulfure de Propyl~ne dans le Tetrahydrofuranne--I
[(SzNa)-] [Na +1 = [(SNa)z] x3
I1
(1)
On observe un accroissement plus rapide de la conductivit6, alors que la vitesse augmente peu: ceci montre que la proportion relative des ions libres S- a fortement diminu~, On a toujours: [(SzNa)-] + [S-] = [Na +] mais aux fortes concentrations, on peut &rire: [(S2Na)-] ~- [Na +1
D'apr& l'6quilibre III: [(SNa) z] - = [(S2Na)-] [Na +] = [(SzNa)-] z X3
"
(2)
D'apr~s l'6quilibre II:
[(SNah] =
[SNa]-'
Kz
En portant dans (2): [SNa] 2 [SNa] = K1/2 K31/2 [(S2Na)-] 2 = _ _ /
[S-] =
KDK,.::'-K3::'-
On tend vers cette valeur lorsque la concentration en groupes thiolate est suffisamment 61ev6e. Si la propagation se fait essentiellement par l'interm6diaire des ions libres, comme c'est le cas ici, la vitesse tendra vers une valeur pseudo asymptotique, lorsque la concentration en groupes thiolate crolt. Nous voyons que ces hypotheses permettent de rendre compte qualitativement des ph6nom~nes observ6s. Cependant, un tel raisonnement n'a fair intervenir que les associations intermol~culaires, alors que l'existence de celles-ci implique naturellement celle d'associations intramol&ulaires, dont il n'est pas possible de d&erminer la proportion relative. Entin, les associations intermol&ulaires peuvent faire intervenir plus de deux macromol6cules lorsque celles-ci renferment deux fonctions thiolate, et ceci dans une proportion inconnue. Une r6solution semi-quantitative du probl6me n&essite la connaissance du taux d'association, et c'est pour cette raison que nous avons entrepris une &ude utilisant des polym~res monofonctionnels(5> pour lesquels on peut envisager une mesure des taux d'association. BIBLIOGRAPHIE (1) S. Boileau, G. Champetier et P. Sigwalt, Makromolek. Chem. 69, 180 (1963). (2) S. Boileau, G. Champetier et P. Sigwalt, Symposium International de Prague (1965), Preprint No. 379; J. Polym. Sci. Sous presse. (3) D. N. Bhattacharyya, C. L. Lee, J. Smid et M. Szwarc, J. Phys. Chem. 69, 612 (1965). (4) S. Boileau et P. Sigwalt, Europ. Polym. J. 3, 57 (1967). (5) P. Guerin, S. Boileau et P. Sigwalt, A paraitre.
12
J . C . FAVIER, SYLVIE BOILEAU et P. SIGWALT
Abstract--The anionic polymerization of propylene sulphide, initiated with sodium naphthalene in tetrahydrofuran solution, gives living polymers containing two stable active centres. Polymerization kinetics have been studied at - 3 0 °, using '*seeds" of low molecular weights polymers as initiators. The rate of propagation is proportional to monomer concentration and to the square root of the active centres concentration, when that is below 10-3 mole per litre. The propagation proceeds essentially through free ions with a propagation constant of 12 1./mole/sec. The propagation constant on the ion pairs is about 10-: 1.;'mole/sec.
Sommario--La polimerizzazione anionica del solfuro di propilene, iniziata con naftalene sodico in soluzione di tetraidrofurano, db. polimeri viventi con due centri attivi stabili. Sono state studiate le cinetiche di polimerizzazione a - 3 0 °, usando come iniziatori " g e r m i " a basso peso molecolare. La velocitb, di propagazione 6 proporzionale alia concentrazione di monomero e alla radice quadrata della concentrazione di centri attivi, quando questa 6 inferiore a 10-3 moli per litro. La propagazione procede quasi esclusivamente con ioni liberi con una costante di propagazione di 12 l./mole/sec. La costante di propagazione per gli ioni accoppiati 6 di circa 10-2 l./mole/sec. Zusammenfassung--Die anionische Polymerisation von Propylensulfid mit Natriumnaphthalin gel6st in Tetrahydrofuran als Initiator fi.ihrt zu lebenden Polymeren, die zwei stabile aktive Zentren enthalten. Die Kinetik der Polymerisation wurde bei - 3 0 ° untersucht, wobei " K e i m e " von niedermolekularen Polymeren als Initiatoren verwendet wurden. Die Wachstumsgeschwindigkeit ist proportional der Monomerkonzentration und der Quadratwurzel der Konzentration an aktiven Zentren, wenn diese unter 10-3 Mol pro Liter liegt. Das Kettenwachstum erfolgt haups/ichlich fiber freielonenmiteiner Wachstumskonstantevon 121./Mol/sec. Die Wachstumskonstante f'tirIonenpaare betr/igt etwa 10-2 l./Mol/sec.