EnvironmentalPollution (SeriesA) 23 (1980) 153-162
ETUDE DE LA C O N T A M I N A T I O N EXPERIMENTALE DE LA PHANEROGAME MARINE POSIDONIA OCEANICA (L.) DELILE PAR LES COMPOSES MERCURIQUES: PARTIE 1--MODALITES DE LA C O N T A M I N A T I O N PAR LE CHLORURE MERCURIQUE G. CRISTIANI
Laboratoire de Biologie Marine, Facult~ des Seiences et Techniques de St-J~r~rne, Rue Henri Poincar~-13397 Marseille CEDEX 4, France R. GA$SEND
Laboratoire des Organometalliques, Facultd des Sciences et Techniques de St-JdrSme, Rue Henri Poincar~-13397 Marseille CEDEX 4, France & H . AUGIER
Laboratoire de Biologie Vdgdtale Marine, UER des Sciences de la Mer et de rEnvironnement,
de Marseille-Luminy 13288 CEDEX 2, France
RESUME La culture contr61~e en laboratoire de la phandrogame marine Posidonia oceanica (L.) Delile a permis d'~tudier les modalitds de sa contamination par le chlorure de mercure dans le cas d'une pollution simul~e de type accidentel. Les rhizomes et surtout lesfeuilles ont montr~ un pouvoir trds ~lev~ de concentration du mercure qui s' excerce selon des modalit~s propres ~ chacun de ces organes. II a $t~ ~galement d~montrd que la concentration du mercure dans les posidonies varie en fonction du temps et d~pend de la quantitb de mercure contenue dans le milieu de culture. Un des r~sultats les plus inattendus consiste dans le fait qu'au bout d'un temps variable avec la concentration initiale du mercure dans reau, les posidonies c~dent au milieu de culture une partie du mercure qu' elles y avaient puis~. Enfin, dans les bacs les plus contaminds on observe des ddsordres histologiques et physiologiques caract~ristiques dont l'~tude d~taill~e fera l'objet de d~veloppements ult~rieurs. Le facteur de concentration particulidrement dlevd des feuilles de posidonies pour le mercure fait de ces plantes des relais trds dangereux de contamination mercurielle pour de nombreux organismes marins, notamment pour ceux entrant dans les chafnes trophiques dont elles constituent le point de d~part.
153 Environ. Pollut. Ser. A. 0143-1471/80/0023-0153/$02.25 © Applied Science Publishers Ltd, England, 1980 Printed in Great Britain
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G. CRISTIANI, R. GASSEND, H. AUGIER
ABSTRACT
The controlled laboratory culture of the mar&e phanerogam Posidonia oceanica (L.) Delile permitted the study of mercuric chloride contamination in the case of a simulated accidental pollution. Rhizomes--and especially leaves--showed a very high capacity for mercury concentration which follows different patterns, depending on the organ. Furthermore, it was demonstrated that mercuric concentration in Posidonia changes according to time and depends on the amount of mercury in the culture medium. One of the most unexpected results was that, after a variable time in water with the initial mercury concentration, the Posidonia release into the culture medium part of the mercury they have initially taken up. Moreover, some physiological and histological disorders were recorded in the most polluted aquaria and will be the subject of further detailed study. The very high concentration factor of mercury by leaves of Posidonia makes these plants very dangerous sources of mercuric pollution for numerous marine organisms, especially for those entering the trophic chain as the first-level consumers.
INTRODUCTION
Les posidonies forment, en M~diterran~e off elles sont end6miques, de vastes prairies sous-marines consid6r6es comme une des principales richesses ~cologiques et 6conomiques du plateau continental. Malheureusement, ce peuplement, qui ne peut prosp~rer que dans des eaux relativement pures, montre une grande fragilit6 aux nuisances littorales. Des investigations ant~rieures ont permis d'6tudier in situ, le comportement de l'herbier de posidonies dans des eaux diversement pollu6es par le mercure (Augier et al., 1977a,b, 1978a,b 1979): En milieu pas ou peu pollu6 ce sont les racines des posidonies qui pr~sentent les taux de mercure les plus ~lev6s, puis les rhizomes et enfin les feuilles. En milieu faiblement fi moyennement pollu6, les rhizomes constituent le plus souvent le principal organe d'accumulation. Enfin, en milieu moyennement/t fortement polluX, le mercure se concentre pr~f~rentiellement dans les feuilles qui pr~sentent alors des concentrations en mercure tr~s importantes. Ces ph6nom~nes sont peut-&re en rapport avec les propri6t~s physiologiques particuli6res fi chaque organe dont les m6canismes d'6changes avec le milieu ext~rieur semblent &re r~gis par la charge mercurielle ambiante. Ils peuvent 6galement &re expliqu6s par le comportement sp~cifique des compos~s mercuriques en met qui ont tendance ~ise s6dimenter rapidement (Arnoux et al., 1974). De ce fait, en milieu peu ~imoyennement pollu~ seuls (ou presque) les s6diments renferment du
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morcure, ce qui se traduit par une concentration mercurielle importante au niveau des organes enfouis dans les srdiments. En milieu moyennement ~ifortement pollur, par contre, l'eau est encore chargre de mercure et ~ son contact les feuilles vont concentrer le polluant ~ fortes doses, rrvrlant ainsi des proprirtrs de captation nettement plus 61evres que celles des organes souterrains. Ces observations qui ont permis de connaitre les modalitrs grnrrales de la contamination mercurielle des posidonies, en milieu naturel, concernent une pollution de type essentiellement chronique s'exerqant dans un milieu d'une grande complexit6 au triple point de vue ~cologique, hydrologique et biochimique. Pour simplifier le problrme et complrter les connaissances acquises nous avons donc mis en oeuvre une exprrimentation basre sur la culture in vitro des posidonies dans des bacs contr616s et contaminrs par un seul compos6 mercurique simulant une pollution de type accidentel.
METHODES
Pr~l~vernent et preparation des ~chantillons Les posidonies ont 6t6 rrcoltres en plongre en scaphandre autonome le 6 drcembre 1978 par 6.5 m de fond dans un herbier dense et prosprre 5. proximit6 de Carry-le-Rouet (Mrditerran~e, France). Les 6chantillons sont prrlevrs entiers et avec grand soins, leur transport s'effectue dans des rrcipients en polyrthylrne remplis d'eau de mer prrlevre sur les lieux de la rrcolte. Au laboratoire, les 6chantillons sont drbarassrs des srdiments qui enrobent les racines et les rhizomes, puis tri~s, mesurrs et d~barassrs des 6piphytes s'il y a lieu; ils sont ensuite stabilisrs, dans des bacs de culture, pendant 48h, avant leur contamination. Modalitbs de culture Les posidonies ont 6t6 cultivres dans des bacs en pyrex contenant 5 litres d'eau de mer (bacs A, C et T1), 50 litres (bacs B e t T2), 12 litres (bac D). Un appareillage thermostat6 a permis de maintenir la temprrature des bacs 5. des valeurs oscillant de 13.5 5. 14°C. L'rclairement des cultures 6tait assur6 par la lumirre du jour indirecte arrivant 5. la surface des bacs avec une intensit6 plus faible qu'en milieu naturel. Ces conditions permettaient de compenser les pertes moins importantes de lumirre dans le milieu de culture des bacs par rapport au milieu marin. L'rclairement le plus favorable avait 6t~ d~termin~ au pr~alable, de faqon empirique, par l'observation des drgagements gazeux maximum de la photosynthrse des feuilles des posidonies. L'oxygrnation des cultures &ait assurre par un bullage important provenant de diffuseurs 5. pression d'air de 1 bar/cm 2 qui contribuaient conjointement au brassage et 5. l'homogrnrisation du milieu. La mise en suspension des particules &ait 6galement assurre rrgulirrement par brassage mrcanique de l'eau 5 fi 6 fois par jour.
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Les bacs de culture 6taient recouverts d'une plaque en pyrex permettant d'6viter r6vaporation massive de l'eau des cultures. La salinit6 a n6anmoins 6t6 surveill6e pendant toute la dur6e de rexp6rience et 6ventuellement ramen6e/t sa valeur initiale par apport d'une quantit6 d'eau distiU6e appropri6e. L'eau de mer utilis6e provenait du lieu m6me de r6colte des posidonies; pendant toute la dur6e de rexp6rience, elle n'a pas 6t6 renouvel6e de faqon fi r6aliser le bilan exact de la r6partition du chlorure introduit dans les bacs. L'examen du comportement des t6moins montre que les posidonies ne semblent pas souffrir de ce confinement susceptible de conduire fi r6puisement progressif des substances nutritives absorbables par l'appareil racinaire. I1 est en effet possible que les posidonies ont simplement puis6 dans leurs rhizomes les r6serves nutritives n6cessaires fi leur bonne vitalit6. Sous cet angle, la posidonie constitue donc un sujet d'exp6rience particuli6rement favorable. Contamination des posidonies Les posidonies ont 6t6 contamin6es par le chlorure mercurique puriss de Merk (HgCI2). Ce d6riv6 du mercure a 6t6 choisi en raison de sa solubilit6 satisfaisante dans reau de mer et de sa volatilit6 nulle dans les conditions thermiques exp6rimentales utilis6s (Linke & Seidell, 1966) et 6galement ~ cause de sa toxicit6 sur le thalle des algues et de la facilit6 qu'il montre pour s'y concentrer s61ectivement (Boney, 1971; Fujita & Hashizume, 1975). I1 pr6sente 6galement l'avantage de rentrer dans le cort6ge des d6riv6s mercuriques rejet6s par l'industrie dans les milieux naturels. Les concentrations dans les bacs 6taient comprises entre 0.05 et 1 mg/litre; ces valeurs ont 6t6 choisies en tenant compte des travaux relatifs au dosage du mercure total dans reau de mer pr61ev6e au voisinage des rejets industriels c6tiers. Dosage du mercure Le dosage du mercure dans l'eau et dans les 6chantillons lyophilis6s de posidonies est r6alis6, apr6s min6ralisation, par spectrom6trie d'absorption atomique sans flamme scion la m6thode de pr6conis6e par Thibaud (1975). La limite de d6tection par cette technique est de l'ordre de 0.02/~g/litre- 1 de mercure et, sur le plan de la reproductibilit6 des r6sultats, le co6fficient de variation est compris entre 2 et 10 ~o suivant les teneurs en mercure des 6chantillons.
RESULTATS ET DISCUSSION
L'examen des r6sultats obtenus (Fig. 1) montre que, dans tousles bacs de culture, la concentration en mercure des rhizomes et des feuilles de posidonie est toujours largement sup6rieure ~ celle de reau de mer qui les baigne, ce qui confirme les r6sultats obtenus in situ, que ce soit en milieu poilu6 (Augier et al., 1977b, 1978a,b, 1979) ou en milieu exempt de pollution (Augier et al., 1977a).
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Fig. 1. Variations des teneurs en H g de I'cau de mer, des feuilles et des rhizomes de Posidonia oceanica clans les diff6rents bacs de culture contamin6s par HgCl 2 (Bac A (a), bac C (c), bac D (d)).
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G. CRISTIANI, R. GASSEND, H. AUGIER
La concentration du mercure dans les posidonies d6pend de la concentration dans les bacs de culture et de la dur6e de l'exp6rience (Fig. 1); elle peut 6tre tr6s 61ev6e comme par exemple dans les feuilles des posidonies du bac D (Fig. l(d)) 06 elle pr6sente la valeur maximale de 150 ppm au bout de 20 jours. A titre indicatif, cette concentration en mercure est trois fois plus 61ev6e que la valeur maximale trouv6e jusqu'ici dans les 6ehantillons de posidonies r6colt6s au voisinage des secteurs les plus pollu6s du littoral m6diterran6en franqais (Augier et al., 1979). Lefacteur de concentration (Tableau 1) est variable avec la quantit6 de mercure introduit/t l'origine dans les bacs: il passe ainsi d'un maximum de 137-7 dans le bac A TABLEAU 1 VALEURS DU FACTEUR DE CONCENTRATION MAXIMUM DES ]~CHANTILLONS PI~LEV]~S DANS LES BACS DE CULTURE CONTAMIN]~ PAR LE HgCl 2
Concentrations (en ppm) Eau Feuilles Rhizomes Bac Bac Bac Bac
A B C D
0.05 0-2 0.5 1
5.8 18.2 112 142.6
2 4 6.5 4.3
Facteur de concentration maximum (Hg) Feuilles (Hg) Rhizomes (Hg) Feuilles (Hg) Eau (Hg) Eau (Hg) Rhizomes 137.7 955 9982.6 759-7
187-5 -414.6 291.9
0-73 0-89 4-77 1-83
/t un maximum absolu de 9982.6 dans le bac C. Le facteur de concentration maximum atteint dans les bacs augmente avec la concentration du mercure de 0.05 ~i 0.5 ppm; mais il diminue ensuite pour une concentration de 1 ppm. I1 apparait donc que la captation du mercure par les feuilles de posidonies augmente avec la concentration de HgC12 dans le milieu jusqu'fi un seuil qui se situe entre 0.5 et 1 ppm. Dans tousles cas, le facteur de concentration 61ev6des posidonies confirme le danger que pourrait repr6senter l'exploitation de ces v6g6taux ~ proximit6 des zones de rejets d'eaux us6es charg6es en compos6s mercuriques. Les posidonies contamin6es constituent 6galement, dans ce cas, un r6el danger de contamination et d'aggravation de rintoxication pour les organismes dont elles constituent la base de la chaine alimentaire, les compos6s mercuriques ayant tendance ~ 6tre concentr~s fi chaque changement de maillon trophique. Dans t o u s l e s cas, la concentration en mercure dans les feuilles croit jusqu'~ atteindre un maximum et d6croit ensuite (Fig. 1). Ce maximum est atteint avec d'autant plus de rapidit6 que la concentration initiale de l'eau en HgCI 2 est importante: pour une concentration initiale de 0.05 ppm dans l'eau, le maximum est attein au bout de 20 jours (Fig. l(a)); il est atteint au bout de 5jours dans les bacs Bet C (Fig. 1(b) et (c)) et au bout de 3jours dans le bac D (Fig. 1(d)). Dans le cas du bac D, un deuxi6me pic est obtenu au bout de 20 jours, sans raison apparente. I1 est important de souligner que les feuilles de posidonies, mises en pr6sence d'une eau anormalement charg6e en mercure, concentrent ce polluant jusqu'/t un seuii critique fi partir duquel le ph6nom6ne s'inverse: le taux de mercure diminue
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progressivement dans les feuilles et augmente 16g6rement dans l'eau des bacs. L'arr6t de l'exp6rience au bout de 35 jours ne permet pas de conna]tre le moment off cet 6change entre la plante et le milieu s'arr6te, ni la valeur de la concentration au moment de ce nouvel 6quilibre. Dans le cas des posidonies du bac A (Fig. l(a)), il semble que la concentration darts les feuilles tend fi retourner fi sa valeur initiale de contamination (2 ppm au d6part et 2-5 ppm au bout de 35 jours). Si le comportement des posidonies in situ est semblable ~i celui qu'elles ont en culture, il est possible de supposer que lors d'une pollution accidentelle, les herbiers de posidonies vont concentrer le mercure pendant quelquesjours avant d'en relacher une partie dans le milieu marin, faisant ainsi un peu roffice d'une 6ponge que ron exprime en partie apr6s un temps plus ou moins long de stockage. Ce ph6nom6ne peut-&re fi l'origine d'une aggravation de la contamination de l'eau lots d'une deuxi6me pollution accidentelle si celle-ci se produit au moment ot~ les posidonies c6dent une pattie de mercure concentr6. Le ph~nom6ne de 'relargage' (encore appell6 'r6sorbtion' ou 'd6sorbtion') du mercure a d'ailleurs d6j~i ~t6 signalb chez d'autres organismes, notamment chez les algues (Glooschenko, 1969; Burkett, 1975) et les mollusques (Hannerz, 1968; Unlii et al., 1972). De nouvelles expbriences devront 6tre mises en oeuvre si ron veut expliquer ce ph6nom6ne d'inversion des 6changes entre le milieu de culture et les posidonies qui pourrait r6sulter de rintoxication progressive de ces derni6res par le HgC12. Dans ce cas, le rejet du mercure dans l'eau traduirait une profonde perturbation des m6canismes physiologiques de la plante, annonciatrice de l'arr6t des principaux m&abolismes avant la mort de la posidonie. Cette hypoth6se est renforc6e par le fait que le rejet du mercure par les feuilles est d'autant plus rapide que la concentration du mercure dans les bacs est ~lev~e et ~galement par raspect n~cros6 des tissus foliaires apr6s 20 jours d'exp6rience dans les bacs les plus contamin6s. Elle est 6galement corrobor6e par le fait que, malgr6 qu'une activit6 photosynth&ique subsiste, la croissance des feuilles s'arr6te d6s la 126me heure apr+s la contamination dans le bac D contenant 1 ppm de HgC12, elle s'arr&e apr6s 60 h dans le bac C pollu6 0-5 ppm de HgC12, tandis qu'elle se poursuit dans les 2 bacs t6moins (T 1 et T2) (Fig. 2). Les modalit6s de contamination des rhizomes par le chlorure mercurique apparaissent plus complexes que celles des feuilles (Fig. 1). I1 convient de noter, en premier lieu, que la concentration en mercure des rhizomes est toujours largement inf6rieure fi celles des feuilles (Tableau 1), ce qui n'est pas toujours le cas en milieu naturel (Augier et al., 1977b, 1978a). Par ailleurs, les rhizomes r6agissent de faqon diff6rente selon la concentration initiale en mercure du milieu de culture. (1) Dans le bac B (0.2 ppm de HgCI2) la concentration en mercure dans les rhizomes augmente jusqu'au treizi6me jour et diminue ensuite assez brutalement jusqu'au vingti6me jour et plus faiblement ensuite (Fig. l(b)). (2) Dans le bac C (0.5 ppm), les rhizomes pr6sentent quatre phases diff6rentes: deux phases de concentration du mercure,
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Fig. 2. Allongement des feuilles de Posidonia oceanica darts les cultures pollu6es par HgCI 2 (les valeurs port6es sur le graphique repr6sentent les moyennes de l'allongement des feuilles &ablies fi partir de 165 mesures).
l'une du premier au troisi6me jour, l'autre du treizi6me au vingti6me jour et deux phases de d6concentration l'une de troisi6me au treizi6me jour et l'autre du vingti6me au trente cinqui6me jour (Fig. l(c)). (3) Enfin dans le bac D (1 ppm) les rhizomes concentrent jusqu'~i 5 ppm de HgCl 2 entre le premier et le deuxi6me jour, puis le taux passe progressivement fi 2.25 ppm le treizi6me jour pour ensuite ne pas cesser de croitre et atteindre 20-8 ppm le trente cinqui6me jour (Fig. l(d)). A partir de ces r6sultats, est-il possible de savoir si les feuilles et les rhizomes de posidonies fonctionnent ind6pendamment run de l'autre au cours des 6changes de HgC12 avec le milieu de culture ou si, au contraire, des 6changes s'op6rent entre les deux organes. La comparaison des courbes de concentration des feuilles et des rhizomes sugg6re, en premi6re approximation, que s'ils existent, ces 6changes ne doivent pas 6tre tellement importants (Fig. 1). Souvent, en effet, les concentrations ou les d6concentrations du mercure dans l'un ou l'autre organe sont concomitantes,
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et, quand elles ne le sont pas, la quantit6 de mercure qui quitte les feuilles ne se retrouve pas en totalit6 dans les rhizomes. Par ailleurs, quand la concentration en. mercure dans les feuilles baisse, la concentration dans l'eau augmente le plus souvent. N6anmoins, ces constatations ne permettent pas d'affirmer qu'il n'existe aucun 6change de mercure entre les feuilles et les rhizomes. En effet, dans le bac C, on note un enrichissement des rhizomes en mercure entre le tr6izi6me et le vingti6me jour au moment o~ la perte en mercure des feuilles est maximale et l'enrichissement de l'eau minimale (Fig. l(c)). On voit tr6s nettement ensuite la concentration de l'eau augmenter plus intensement entre le vingti6me et le trente cinqui6me jour parall61ement 5. une perte de mercure par les rhizomes et une perte plus faible pour les feuilles. I1 est donc possible qu'une certaine quantit6 de mercure soit pass6e des feuilles dans les rhizomes entre le tr6izi6me et le vingti6me jour. Le ph6nom6ne est encore plus net dans le cas des posidonies du bac D (Fig. 1(d)) ot~ la concentration du mercure dans les rhizomes atteint la valeur maximale de 20.8 ppm le trente cinqui6me jour. I1 n'en demeure pas moins que seule l'utilisation des compos6s mercuriques marqu6s radioactivement permettra de r6pondre plus clairement 5. cette question.
CONCLUSION
Les r6sultats obtenus dans cette &ude sont encore trop fragmentaires pour pouvoir en tirer des conclusions g6n6rales. Nous avons, en effet, op6r6 dans un milieu de culture n~cessairement confin6, dans des conditions 6cologiques stables et avec un seul compos6 mercurique. Les exp6riences ont n6amoins permis de connaitre, dans le d6tail, les modalit6s de la contamination des posidonies par le chlorure de mercure dans le cas d'une pollution mercurielle de type accidentel. I1 a 6t6 clairement mis en 6vidence que les rhizomes et surtout les feuilles de posidonies ont le pouvoir de concentrer le mercure dans des proportions parfois consid6rables mais selon des modalit6s propres 5. chacun de ces organes. I1 a 6t6 d6montr6 6galement que le facteur de concentration des posidonies varie en fonction de la quantit6 de mercure contenue dans le milieu et 6galement en fonction du temps et de l'organe consid6r6 (feuilles ou rhizomes). Le facteur de concentration particuli6rement 61ev6 qui caract6rise les feuilles de posidonies contamin6es en laboratoire ou en milieu naturel par des rejets mercuriels importants en fait des relais tr~s dangereux de contamination pour l'ensemble des organismes dont elles constituent le point de d6part des chaines alimentaires, les compos6s mercuriques ayant tendance 5. se concentrer 5. chaque changement de maillon trophique. Un des r6sultats les plus inattendus que nous avons obtenu, c'est d'avoir d6montr6 qu'au bout d'un temps variable avec la concentration initiale du mercure dans reau, les posidonies c&laient au milieu de culture une partie du mercure qu'elles y avaient puis6.
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G. CRISTIANI, R. GASSEND, H. AUGIER
I1 est 6 v i d e m m e n t difficile d e t r a n s p o s e r ces r6sultats en m i l i e u n a t u r e l o/l u n e m u l t i t u d e d e f a c t e u r s p h y s i q u e s , c h i m i q u e s et b i o l o g i q u e s , a g i s s a n t en c o n c u r r e n c e o u en s y n e r g i e , r e n t r e n t en j e u et p e u v e n t m o d i f i e r le c o m p o r t e m e n t des p o s i d o n i e s . Seule u n e s i m u l a t i o n en g r a n d e u r n a t u r e l l e p e r m e t t r a d e c o m p l 6 t e r d a n s ce sens les r6sultats acquis. Il c o n v i e n t d e s o u l i g n e r ~ g a l e m e n t q u e les r6sultats o b t e n u s c o n c e r n e n t u n i q u e m e n t u n e p o l l u t i o n d e t y p e a c c i d e n t e l , a v e c u n seul rejet; il reste d o n t 5. 6tudier le c o m p o r t e m e n t des p o s i d o n i e s d a n s le cas d ' u n e p o l l u t i o n c h r o n i q u e c o m m e c'est s o u v e n t le c a s en m i l i e u n a t u r e l . L ' o r i e n t a t i o n a c t u e l l e d e n o s r e c h e r c h e s vise 6 g a l e m e n t 5. tester d ' a u t r e s c o m p o s 6 s m e r c u r i q u e s et 5, 6 t u d i e r en d6tail les p e r t u r b a t i o n s c y t o l o g i q u e s , h i s t o l o g i q u e s et b i o c h i m i q u e s p r o v o q u 6 e s p a r ces diff6rents t y p e s d e p o l l u t i o n m e r c u r i e l l e .
BIBLIOGRAPHIE
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