0043-1354/85 $3.00 + 0.00
Water Res. Vol. 19, No. 10, pp. 1299-1303, 1985 Printed in Great Britain. Ali rights reserved
Copyright © 1985 Pergamon Press Ltd
VARIATION DE LA PLOMBEMIE EN FONCTION DE LA CONTAMINATION PAR LE PLOMB DE L'EAU LIVREE A LA CONSOMMATION VARIATION OF THE BLOOD LEAD LEVEL AS A RESULT OF LEAD CONTAMINATION OF THE SUBJECTS DRINKING WATER X. BONNEFOyl.*, G. HUEL 2 et R. GUÉGUEN 3 IDirection Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales des Vosges, 17-19, rue Antoine Hurault, BP 597, F88021 Epinal Cedex, 2Unité de Recherches Epidémiologiques et Statistiques sur l'Environnement et la Santé, INSERM 16 Avenue Paul-Vaillant Couturier, F94800 Villejuif et JCentre de Médecine Préventive de Nancy-Brabois, F54500 Vandoeuvre-les-Nancy, France
(Reçu janvier 1985) Résumé-L'action conjointe d'une eau agressive et la présence de canalisations en plomb peut provoquer, chez le consommateur d'une telle eau, de graves intoxications. En France, l'incidence des cas d'intoxication saturnine est particulièrement élevée dans le département des Vosges (on y a dénombré 105 cas de saturnisme au cours de 8 mois de l'année 1983). Dans le cadre de l'application en France d'une Directive Européenne concernant la surveillance biologique de la population vis-à-vis du risque saturnin, nous avons tiré au sort 321 individus résidant dans ce département. A l'occasion des prélèvements sanguins, effectués dans le cadre d'un bilan de santé, la plombémie a été mesurée. Le dosage de la concentration en plomb de l'eau au robinet de chacun de ces individus a été réalisé. Les résultats de cette étude montre que 28% des sujets de l'échantillon sont alimentés par des eaux contenant plus de 0,1 mg 1- 1 de plomb (norme française) et 48% par des eaux contenant plus de 0,05 mg 1- 1 (norme européenne). La plombémie moyenne des hommes est plus élevée que celle des femmes (22,9 et 15,0 jlgdl- I respectivement), et, pour chacun des deux sexes, la moyenne des plombémies est largement plus élevée que celle des sujets résidant dans les grandes agglomérations urbaines françaises (15,9 et ll,4 jl g dl- I respectivement chez les hommes et chez les femmes). La plombémie est significativement liée à la teneur en plomb de l'eau livrée à la consommation. Cependant, il est observé que la plombémie reste stable jusqu'en deçà d'un seuil de contamination de l'eau évalué aux environs de 0,02 mg 1- 1• Au delà de ce seuil, il est constaté une élévation rapide de la plombémie en fonction de la contamination de l'eau par le plomb. Abstract-The combination of the chemical aggressivity of water and lead piping, as is weil known, can cause severe cases of lead poisoning in those who consume such water. After a great number of observations and epidemiological studies which have strongly incriminated this metal in a wide range of pathologic conditions, other materials have been gradually substituted for lead; however, the problem remains. In compliance with a European Directive to survey the risk of lead poisoning (Council Directive, 1977), a random sample of 321 residents was selected from the Vosgian Mountains of France. This region is noted for its high incidence of cases of lead poisoning: 150 reported during 8 months in 1983 (Barbier et al., 1983). During the course of a health evaluation, a blood sam pie was taken from each subject for lead analysis. At the same time, a sample of tap-water (after running for 5 s) was taken from each subject home. Both lead analyses (blood and water) were performed by electrothermal atomization-atomic absorption spectrophotometry. Because of the log-normality of the distributions of the blood lead levels and the concentrations of lead in the drinking water, a logarithmic transformation was performed so that the results are expressed as the geometric mean, which for the amount of lead in the drinking water of our sam pie was found to be 0.16 mg 1- 1• Among the subjects of this study, 28% are served by water containing more than 0.1 0 mg 1- 1 of lead (the standard for France) and 48% by water containing more than 0.05 mg 1- 1 (the European and WHO standard). In concurrence with numerous authors, our study indicates that, among our subjects, the blood lead level is much higher in men than in women (geometric means 22.9 and 15.0 jlg dl- I respectively); this difference is highly significant (t -test: P < 0.001). Table 1 summarizes the results, by sex, obtained in this region compared with those from a study (Huel, 1982) concerning an urban French population whose geometric mean blood lead levels were 15.9 jlg dl- I for men and 11.4 jlg dl- I for women. The
*To whom correspondence should be addressed. The work upon which this publication is based was supported in part by funds provided by the "Ministère français de la Santé" (grant 76368k). 1299
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X.
BoNNEFOY
et al.
difference between the Vosgian and the urban populations, irrespective of sex, is highly significant (P < 0.001). Table 2 shows the significance of the relation between these subjects, high blood lead levels
and the concentration of lead in their drinking water, while Fig. 1 shows that for contamination levels up to 0.02 mg 1- 1 of lead in water, the blood lead level remains relatively stable, while above this apparent "threshold" value, the blood lead level begins to increase finally reaching quite high values in response to high contamination levels, suggesting a direct translation of increases in the water above the 0.02 mg 1- 1 level to increases in the blood. Key words-water lead contamination, blood lead level INTRODUCTION
Du fait de ses propriétés physiques permettant une mise en oeuvre aisée, le plomb fut employé comme matériau de prédilection pour la construction des réseaux de distribution d'eau dès l'époque romaine jusqu'à la seconde guerre mondiale. A la suite des nombreuses observations et études épidémiologiques qui vinrent incriminer ce métal dans la genèse de pathologies extrêmement diverses, d'autres matériaux se sont progressivement substitués au plomb. Cependant, le problème subsiste. L'utilisation de tuyaux à base de chlorure de polyvinyl dur, contenant des sels de plomb comme stabilisant, peut conduire à un effet analogue à celui obtenu par utilisation de canalisations en plomb. Certes, la sensibilisation des autorités compétentes a permis d'infléchir la prévalence des cas d'imprégnation saturnine au sein de la population générale. En réalité, après plusieurs décennies d'efforts, il existe encore certains problèmes ponctuels dus en particulier à la présence de conduit en plomb à l'intérieur de logements de construction ancienne. Certaines eaux dites "agressives" ont la propriété de dissoudre le plomb et, par conséquent, peuvent augmenter dramatiquement les teneurs en plomb des eaux destinées à la consommation (Beattie et al., 1972; De Graeve et al., 1975; Pocock, 1980). Dans la plupart des cas, ces eaux sont caractérisées par un faible pH, de faibles concentrations en bicarbonates, et une minéralisation très faible. L'action conjointe d'une eau agressive et la présence de canalisations en plomb, voire l'utilisation de soudures à base de plomb (Wong et Berrang, 1976), peut entrainer chez les consommateurs d'une telle eau une élévation importante de l'imprégnation en plomb, (Moore et al., 1977, 1979; Thomas et al., 1979) et par là même provoquer de graves intoxications. Les récentes études d'observations, d'origine diverses, témoignent de l'ampleur du problème. En France, la région vosgienne apparaît particulièrement critique puisqu'on y dénombre, pour la période 1979-1983, plus de 200 cas d'hospitalisation connus pour intoxication saturnine (Duc et Abensur, 1982). Cent cinquante cas de saturnisme ont été recensés au cours de 8 mois de l'année 1983 (Barbier et al., 1983). Ce probléme local est d'ailleurs connu depuis fort longtemps (Harmand, 1941). Deux cent cinquante mille personnes, soit 60% de la population, sont potentiellement concernées par ce risque (Duc et Abensur, 1982), du fait de la nature agressive de l'eau et de la présence de canalisations en plomb.
La plombémie a été largement utilisée dans le passé pour évaluer l'impact de la contamination en plomb de l'eau livrée à la consommation dans la charge corporelle de l'individu. Différentes études épidémiologiques, réalisées là où le problème hydrique est préoccupant, ont mis en évidence une relation entre la plombémie et la teneur en plomb de l'eau mesurée au robinet du consommateur (Beattie et al., 1972; Addis et Moore, 1974; Elwood et al., 1976; Pocock et al., 1983). On a tout lieu de penser que le plomb, comme la plupart des nuisances de l'environnement, n'exerce pas de désordres biologiques en deçà d'une limite d'exposition qu'il conviendrait de ne pas dépasser (Waldron, 1974). Devant l'impossibilité de parvenir à l'élimination totale du plomb dans l'eau, il est raisonnable de penser que l'établissement et le respect des normes dè qualité sont à même d'infléchir la prévalence des cas de saturnisme d'origine hydrique. Les directives émanant des instances sanitaires nationales et internationales sont de nature à résoudre ce problème. Parfois, certaines circonstances et contraintes locales rendent difficile le strict respect de ces directives qui prennent alors valeur de recommandations. L'objectif de la présente étude épidémiologique est double: (1) apprécier l'importance de l'imprégnation saturnine au sein de la population comparativement aux résultats d'une étude antérieure concernant les populations des huit plus importantes agglomérations urbaines françaises (Awad et al., 1981); (2) évaluer la part de responsabilité du plomb contenu dans l'eau livrée au robinet dans la charge corporelle du consommateur. MATERIEL ET METHODES
Population
Dans le cadre des convocations systématiques pratiquées par le Centre de Médecine Préventive de Nancy-Vandoeuvre, afin de pratiquer un bilan de santé, nous avons tiré au sort un échantillon de 321 sujets parmi les individus affiliés au régime général de la Sécurité Sociale; en sont exclus les agriculteurs, les forestiers, les mineurs ainsi que toutes les personnes relevant d'un régime particulier de couverture sociale. Les individus exposés professionnellement au plomb ou susceptibles de l'être furent exclus de l'étude. L'échantillon ainsi constitué est composé de 155
1301
Contamination de l'eau par le plomb et plombémie individus de sexe masculin (âge moyen: 44,4 ans) et 166 de sexe féminin (âge moyen: 43,1 ans). Collecte des données et analyse chimique
A l'occasion du prélèvement de l'échantillon sanguin destiné aux examens de routine du centre, 5 ml supplémentaires, destinés à l'analyse de plombémie, ont été recueillis dans un tube en polystyrène contenant un anticoagulant, puis entreposés à +4°C. Différents paramètres individuels furent enregistrés: sexe, âge, habitudes tabagiques, consommation d'alcool, activité professionnelle, ancienneté du logement. A la suite d'un essai préalable d'intervalidation effectué sous le contrôle de la Commission des Communautés Européennes, les échantillons de sang ont été répartis au hasard entre trois laboratoires sélectionnés (Awad et al., 1981). L'analyse du taux de plombémie a été effectuée par spectrophotométrie d'absorption atomique en four de graphite. Un enquêteur s'est ensuite rendu au domicile des sujets constituant l'échantillon de la population et a procédé au prélèvement de 250 cm3 d'eau recueilli au premier jet. Le prélèvement du "premier jet" consiste à recueillir l'échantillon après cinq secondes d'écoulement d'eau au robinet. En effet, la mesure au "premier jet" fournit, de notre point de vue, le meilleur indicateur du risque encouru par le consommateur (Moore, 1977), compte-tenu de la durée moyenne de stagnation de l'eau dans les conduites individuelles. Les prélèvements d'eau furent égaIement analysés par spectrophotométrie d'absorption atomique en four de graphite par un seul laboratoire, différent de ceux effectuant les analyses de plombémie. Analyse statistique En raison de la log-normalité des distributions des valeurs de plombémie et des concentrations de plomb dans l'eau, nous avons effectué dans la suite de l'étude une transformation logarithmique de ces deux variables. Les résultats seront donc exprimés en valeur géométrique. Dans un premier temps, nous avons comparé la situation de la région vosgienne avec celle de l'ensemble des huit plus importantes agglomérations urbaines françaises. La légitimité de cette comparaison résulte du fait que la présente étude est en tous points semblable à celle d'Awad et al. (1981) puisqu'elles reposent toutes deux sur la même méthodologie (même type d'échantillonnage, même questionnaire, mêmes laboratoires d'analyse de la plombémie). Notons, cependant, que les résultats rapportés dans l'étude d'Awad et al. concernaient un échantillonnage de 1877 individus, correspondant à une première campagne d'application en France d'une Directive Européenne concernant la surveillance des populations vis-à-vis du risque saturnin, campagne réalisée en 1979. En 1982, une seconde campagne a
été effectuée. Les résultats exposés au Tableau 1 concernent l'ensemble de ces deux campagnes, soit 5186 échantillons. Il a été ensuite procédé à l'examen de la liaison entre le taux de plomb dans l'eau et la plombémie des consommateurs constituant notre échantillon. RESULTATS
En raison des précautions prises dans la standardisation des méthodes de dosage de la plombémie, il ne subsiste, dans cette étude qu'une légère variation inter-laboratoire. On observe une moyenne géométrique de 21,4 J.lg dl- 1 (sgm = 1,0) pour le laboratoire l, 19,7 J.lg dl- 1 (sgm = 0,9) pour le laboratoire 2 et 22,3 J.lg dl- 1 (sgm = 1,1) pour le laboratoire 3. Il n'existe pas de différences significatives entre ces moyennes et les variances. Comme cela est mis en évidence par de nombreux auteurs, notre étude (Tableau 1) montre que la plombémie est en moyenne nettement plus élevée chez les hommes que chez les femmes (moy.géom. = 22,9 et 15,0 J.lg dl- 1 respectivement). Cette différence est largement significative (l-test: P < 0,001). En raison de l'importance de cette différence, nous avons étudié, dans la suite du travail, séparément la plombémie moyenne des hommes et des femmes. Comparaison des plombémies des individus d'origine urbaine et de celles de l'échantillon vosgien
L'étude comparative des plombémies de chacune des populations atteste de l'ampleur de l'imprégnation saturnine au sein de la population vosgienne. Il convient de noter qu'en raison de la circulation automobile et de l'émission de plomb des échappements, les plombémies moyennes des individus résidant dans les grandes agglomérations urbaines sont relativement élevées par rapport à d'autres populations moins exposées, rurales par exemple. Dès lors, on conçoit la relativité des comparaisons effectuées ici. Le Tableau 1 résume les résultats par sexe et suivant l'origine de la population. L'ensemble des valeurs moyennes ou de dispersion e3t nettement plus élevé chez les sujets d'origine vosgienne, aussi bien chez les hommes que chez les Tableau 1. Plombémies moyennes (pg dl-'), par sexe, des échantillons des populations vosgienne et urbaine Table 1. Blood lead levels, by sex, of vosgian and urban subjects Population Vosgienne urbaine
Sexet M
F
Moyennes géométriques Sème percentile 95éme percentile Effectif (n)
44,0 (155)
15,9 7,3 31,0 (2382)
Moyennes géométriques Sème percentile 95ème percentile Effectif (n)
15,0'" 6,0 41,6 (166)
Il,4 5,0 23,4 (2804)
22,9'"
Il,4
••• P < 0,001 (t-test). tSexe: M-masculin (men); F-féminin (women).
1302
X.
BONNEFOY
Tableau 2. Variation de la plombémie (pg dl-I) en fonction de la contamination de l'eau Table 2. Variation of the blood lead (pg dl-I) level as a result of water lead contamination Classe de contamination de l'eau (mgl-Il
Sexe masculin
0-0,002 0,003--0,006 0,007-0,018 0,019-0,049 0,050-0,135 0,136-0,367 0,368+
Sexe féminin
(n)
(n)
20,6 (29) 21,6 (30) 21,6 (23) 21,9 (39) 24,6(21) 35,6(8) 41,3 (5)
Il,6 (28) 13,1 (35) 12,1 (19) 14,9 (46) 20,6 (20) 28,4 (12) 33,9 (5)
,= +0,30
,= +0,47
P <0,001
P <0,001
,-Coefficient de corrélation de Spearman.
femmes (moy-géom. = 22,9 et 15,0 Jlg d1- 1 respectivement) comparativement aux individus d'origine urbaine (15,9 et 11,4 Jlg d1- 1). Ces différences sont largement significatives quel que soit le sexe (t-test: P < 0,001). Si l'on se réfère aux valeurs des 95 ème percentiles, la plombémie excède 44 Jlg dl- I chez 5% de la population masculine et 41,6 Jl g dl- 1 chez 5% de la population féminine.
Contamination hydrique et variation de la plombémie La moyenne géométrique des taux de plomb de l'eau d'alimentation des sujets de notre échantillon est de 0,16mgl- l . On constate que 27,9% des échantillons d'eau dépassent au premier jet 0,10 mg de plomb par litre (réglementation française: arrêté du 10 août 1961) et 48,2% la valeur de 0,05 mg 1- 1 (directive du conseil de la CEE, 1980, et recommandation de l'OMS). La plombémie varie significativement avec la contamination en plomb de l'eau mesurée au robinet du consommateur aussi bien chez les hommes (coefficient de corrélation r = +0,30; P < 0,001) que chez les femmes (r = +0,47; P < 0,001) montrant une tendance générale à la croissance (Tableau 2). IJ'g/dl)
1
HOMMES
-' 40 w
"tI'"
> w
-' 35
MEN FEMMES
Q
«
;",'
~30
WOMEN
8 25 ~ 20
Cependant, la Fig. 1 montre que pour de faibles!! valeurs de contamination, la plombémie reste stable jusqu'à une teneur en plomb d'environ 0,02 mg 1- 1 d'eau chez les femmes et légèrement plus élevée chez les hommes. A partir de ce "seuil", la plombémie moyenne amorce une légère augmentation pour aboutir à des valeurs extrêmement fortes au fur et à mesure que la contamination de l'eau en plomb s'élève. Si l'on adopte la valeur de 0,02 mg 1- 1 comme frontière entre les deux tendances décrites précédemment, ce qui correspond d'ailleurs à un découpage d'effectif à peu près égal de part et d'autre de cette valeur, on constate l'absence de toute liaison significative en-deçà de cette valeur et des coefficients de corrélation élevés au-delà de celle-ci (r = +0,46; P < 0,001 et r = +0,62; P < 0,001 respectivement chez les hommes et les femmes). Ces deux tendances (stabilité et croissance) laissent à penser qu'il existe bien un seuil au-delà duquel toute augmentation de la contamination de l'eau se traduit par un accroissement conjoint de la plombémie. Réciproquement, il existe un seuil en-deçà duquel la contamination de l'eau n'entraîne pas de variation conjointe de la plombémie. Ce seuil se situerait, d'après l'observation de la Fig. l, aux alentours de 0,02 mg 1- 1•
Analyse multifactorielle Nous avons étudié dans quelle mesure la contamination de l'eau et les quatre facteurs ayant une liaison apparente directe avec la plombémie mis en évidence par Awad et al. (âge, tabac, consommation de vin, ancienneté du logement) apportent séparément une information propre quant au taux de plombémie. Comme il est habituel, la variable qualitative à deux classes (buveur de vin) a été, pour cette analyse, traitée comme une variable quantitative prenant les valeurs 0 ou 1. En'ce"qui concerne le tabac, on a constitué une variable en quatre classes: non fumeurs, moins de 10 cigarettes par jour, de 10-20 cigarettes par jour, plus de 20 cigarettes par jour, Les anciens fumeurs étant assimilés aux petits fumeurs de cigarettes. L'analyse a été effectuée par sexe. Le Tableau 3 résume les résultats. Seul le facteur "eau" conserve une relation propre avec la plombémie à la fois pour les deux sexes, relation dont les coefficients de régression fixent l'intensité. Parmi les autres facteurs Tableau 3. Analyse multifactorielle de la plombémie (coefficient de régression)
1
w
:il
l:j 15
...~
et al.
10
Pb-eau (mg/II
Pb-water
i
1
i
i
r
i
i"
0.003
0.007
0.019
0.050
0.136
0.368
>0.368
Fig. 1. Variation de la plombémie en fonction de la contamination par le plomb de l'eau livrée à la consommation (moyenne géométrique et intervalles de confiance à 0,95). Fig. 1. Variation of the blood lead level as a result of lead contamination of the subjects drinking water (geometric mean and 0.95 confidence limits).
Table 3. Multifactorial regression analysis of blood lead level Sexe Age (année) Teneur en plomb de l'eau. Tabac Vin
""P < 0,01.
" •• p < 0,001. NS = non significatif.
Masculin
Féminin
NS 9,97""
10,60""
NS NS
NS NS
0,22"""
Contamination de l'eau par le plomb et plombémie introduits dans l'analyse, l'âge chez les femmes conserve une relation significative. L'absence de signification statistique des autres coefficients de régression est vraisemblablement attribuable à un manque de puissance du test plutôt qu'à une contradiction entre ces résultats et ceux mis en évidence par Awad et al. qui portaient sur un échantillon de sujets plus important. Cette étude montre que la contribution de l'eau est déterminante quant à l'explication du taux de plombémie a l'intérieur de la population étudiée.
CONCLUSIONS
Comme on a pu le constater, il subsiste en France au moins une région où se pose le problème d'une imprégnation saturnine d'origine hydrique. Il est vraisemblable que cette situation n'est pas unique. Certes, on conçoit les difficultés que peut susciter une action de prévention et d'information tant sur le plan technique que psycho-social. Cependant, puisqu'a priori, le problème provient essentiellement de la dissolution du plomb des canalisations intérieures des logements, une solution d'urgence consisterait à informer les populations concernées de l'intérêt qu'il y aurait à laisser couler l'eau plusieurs minutes avant de l'utiliser à des fins alimentaires. A plus long terme, et puisque le problème résulte de l'action conjointe d'une eau agressive et de la présence de canalisations en plomb, une solution consisterait, bien évidemment, à éliminer l'une ou l'autre de ces deux causes. L'élimination progressive des conduites intérieures en plomb va de soi mais cette action sera longue et coûteuse. La solution alternative réside dans la neutralisation et dans certains cas, dans la reminéralisation de l'eau livrée à la consommation humaine (Bonnefoy et al., 1984). Comme cela a été mis en évidence par différents auteurs, cette étude montre l'existence d'une relation entre la teneur en plomb de l'eau mesurée au robinet du consommateur et de la plombémie de ce dernier. Du fait du fort contraste de contamination de l'eau à l'intérieur de cette région, il a pu être mis en évidence, de façon assez nette, un seuil se situant aux alentours de 0,02 mg 1- 1 de plomb dans l'eau en-deçà duquel la variation de la contamination hydrique par le plomb n'entraîne pas de variation conjointe de la plombémie. Ce fait est en contradiction avec diffèrentes études montrant une relation quasi linéaire entre la contamination de l'eau et la plombémie du consommateur, même pour des concentrations en plomb inférieure à 0,02 mg 1- 1 (Pocock et al., 1983).
BmLIOGRAPHIE
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