Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 258–260
CAS CLINIQUE
Fistule pyéloveineuse révélée par des accidents thromboemboliques après hystérectomie d’hémostase Pyelovenous fistula revealed by repeated thromboembolic events after emergency peripartum hysterectomy C. Sauvanaud a,b, B. Boillot a, F. Sergent b,*,d, J.A. Long a,d, G. Pernod c,d, J.J. Rambeaud a,d a
Service d’urologie, CHU de Grenoble, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, CHU de Grenoble, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France c Service de médecine vasculaire, CHU de Grenoble, CS 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France d Université Joseph-Fourier, BP 53, 38041 Grenoble cedex 09, France b
Reçu le 2 avril 2012 ; accepté le 14 mai 2013 Disponible sur Internet le 3 janvier 2014
Résumé Nous rapportons le cas d’une patiente de 51 ans avec une fistule pyéloveineuse révélée par des accidents thromboemboliques sévères récidivants dans les suites d’une ligature urétérale méconnue pendant une hystérectomie d’hémostase pour hémorragie de la délivrance. Les examens complémentaires mettaient en évidence une obstruction urétérale gauche complète par ligature, une fistule entre le calice supérieur et la veine rénale gauche et une fonction rénale conservée. Une réimplantation urétéro-vésicale gauche a été réalisée avec évolution favorable sur le plan rénal et thromboembolique avec un recul de 12 mois. Les auteurs discutent les circonstances de survenue de ce type de fistule, de son action dans le maintien de la fonctionnalité du rein et de son rôle supposé, en l’absence de connaissances sur le rôle prothrombogène des urines, dans l’état d’hypercoagulabilité. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract We report the case of a 51-year old woman presenting pyelovenous fistula revealed by recurrent and serious thromboembolic events after ureteral ligation during emergency peripartum hysterectomy. Imaging reported a complete left ureteral obstruction, a fistula between the upper calix and the left renal vein and a renal function preserved. Uretero-vesical reimplantation was performed. The patient was well doing after 12 months. The authors wonder if pyelovenous fistula is responsible for prothrombotic state and maintaining renal function. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Complications de l’hystérectomie d’hémostase ; Ligature urétérale iatrogène ; Fistule pyéloveineuse ; Maladie thromboembolique induite Keywords: Emergency peripartum hysterectomy complications; Iatrogenic ureteral ligation; Pyelovenous fistula; Induced thromboembolic disease
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Sergent). 1297-9589/$ see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.09.003
C. Sauvanaud et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 42 (2014) 258–260
1. INTRODUCTION L’existence d’une fistule pyéloveineuse est une situation rarement rencontrée mais déjà observée dans un contexte de traumatisme direct [1] ou d’hyperpression urétérale [2–4]. Nous décrivons ici le cas clinique de Mme B. dont la fistule pyéloveineuse a été révélée par une tomodensitométrie réalisée devant des accidents thromboemboliques extensifs sous anticoagulants. 2. OBSERVATION Nous rapportons le cas d’une patiente de 51 ans qui avait une grossesse gémellaire obtenue par achat de gamètes en Espagne et qui avait accouché par césarienne à 38 semaines d’aménorrhée suivie d’une hystérectomie d’hémostase pour hémorragie de la délivrance. Les suites avaient été marquées par la survenue de complications thromboemboliques sévères récidivantes : embolie pulmonaire bilatérale massive à j12 et récidive thromboembolique sous héparine non fractionnée avec extension sous antivitamines K à 1 mois. La recherche de thrombophilie était négative. L’échographie-doppler mettait en évidence des thrombophlébites proximales bilatérales des
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membres inférieurs, une thrombose de la veine rénale gauche avec extension à la veine cave et une dilatation modérée des cavités gauches. La tomodensitométrie avec injection révélait la présence d’un trajet fistuleux entre le calice supérieur gauche et la veine rénale gauche thrombosée (Fig. 1). Le caractère exceptionnel de l’existence de cette fistule a fait rechercher une obstruction au niveau des voies excrétrices. L’urétéro-pyélographie rétrograde mettait en évidence une obstruction complète du bas uretère gauche au ras de la vessie vraisemblablement en lien avec une ligature de l’uretère lors de la chirurgie d’hystérectomie en extrême urgence. Au vu du bilan morphologique et après réalisation d’une scintigraphie rénale au DMSA ( f onction rénale gauche 46 % de la fonction rénale totale, créatininémie à 80 umol/L) se posait la question de la prise en charge. La mise en place d’une néphrostomie n’a pas été envisagée en raison du risque hémorragique. De même, du fait des thromboses extensives avec impossibilité de pose de filtre cave et de la nécessité d’une anticoagulation à doses curatives, le traitement chirurgical a dû être différé. Finalement, une réimplantation urétéro-vésicale gauche a été réalisée à 4 mois, après accord des médecins vasculaires au vue de la régression des thromboses en échographie-doppler. L’intervention consistant en une spatulation de l’uretère gauche et une anastomose urétéro-vésicale selon la technique de Litch Grégoire a été réalisée sans incident. À noter : l’absence de reflux de sang veineux dans l’uretère. L’évolution a été favorable avec disparition de la fistule pyéloveineuse, un rein gauche de taille normal non dilaté sans retard d’excrétion et une régression totale des thromboses veineuses profondes avec arrêt du traitement anticoagulant avec un recul de 12 mois. 3. DISCUSSION
Fig. 1. TDM au temps tardif : fistule pyéloveineuse avec opacification de la veine rénale au temps tardif.
Les données bibliographiques traitant de fistules pyéloveineuses sont pauvres. Il est possible que certaines fistules pyéloveineuses soient asymptomatiques et passent inaperçues. Elles sont parfois responsables d’une hématurie macroscopique [1,2,5–7]. Les cas décrits les plus typiques et les plus fréquents sont d’origine traumatique [1]. Elles peuvent aussi être iatrogènes et sans conséquences, par injection de produit de contraste à haute pression dans les cavités rénales, situations auxquelles l’endo-urologiste est régulièrement confronté [3]. L’hyperpression induite par une obstruction urétérale peut également en être la cause. Dans la littérature, 2 cas cliniques en font état : Chan et al. [4] ont rapporté en 2007 le cas d’un patient avec striction urétérale de greffon par les tissus cicatriciels, tandis que Nemeth et Patel [2] mentionnaient une compression urétérale extrinsèque par un abcès pelvien. Pour ces derniers, comme dans le cas de notre patiente, il s’agissait initialement d’un contexte obstétrical [2]. En effet, on sait que l’hystérectomie pour hémorragie de la délivrance est une chirurgie à risque urétéral majeur du fait de la modification des rapports anatomiques et du contexte de l’urgence vitale [8,9]. Comme pour Chan et al. [4], la fistule pyéloveineuse apparaît néphroprotectrice avec une conservation de la fonction rénale à l’examen scintigraphique.
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Concernant l’intrication de la fistule pyéloveineuse avec les accidents thromboemboliques, on peut émettre l’hypothèse que l’évacuation d’urine dans le système veineux rénal induit un état d’hypercoagulabilité réversible après traitement de cette fistule. Néanmoins, il n’existe aucune documentation affirmant la relation de cause à effet, le contexte de postpartum a fortiori chez une femme « âgée » pouvant suffire à lui seul à expliquer les manifestations thromboemboliques [2]. En cas de cause urétérale, le traitement efficace repose sur la réimplantation urétéro-vésicale [4]. Aucun auteur ne décrit ni n’envisage la ligature chirurgicale de la fistule pyéloveineuse au niveau rénal. En effet, à l’instar de l’évolution des traumatismes graves du rein, le régime des pressions abdominales et dans les cavités urinaires va réorienter les urines dans le sens physiologique alors que la fistule pyéloveineuse va se fermer spontanément [10]. 4. CONCLUSION L’existence d’une fistule pyéloveineuse est une situation rare, le plus souvent d’origine traumatique directe mais parfois indirecte par hyperpression urétérale lui conférant un rôle néphroprotecteur. Le rôle prothrombogène des urines est très probable mais reste à établir précisément. Lorsqu’une obstruction urétérale en est la cause, le traitement repose sur la réimplantation urétéro-vésicale.
DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES [1] Tencer T, Ross L. Traumatic veno-caliceal fistula in a solitary kidney. J Urol 1975;113(6):856–9. [2] Nemeth AJ, Patel SK. Pyelovenous backflow seen on CT urography. AJR Am J Roentgenol 2004;182(2):532–3. [3] Geara A, Kamal L, El-Imad B, El-Sayegh S. Visualization of the renal vein during pyelography after nephrostomy: a case report. Med Case Reports 2010;4:93. [4] Chan YH, Wong KM, Kwok PC, Liu AY, Choi KS, Chau KF, et al. A venocaliceal fistula related to ureteric stricture in a kidney allograft masquerading as renal failure. Am J Kidney Dis 2007;49(4):547–51. [5] Demir O, Ozdemir I, Bozkurt O, Seçil M, Esen A. Pyelovenous fistula: a rare cause of hematuria. Clin Nephrol 2008;70(3):259–60. [6] Tezval H, Matuschek I, Jonas U. Pyelovenous backflow or veno-caliceal valve fistula? Scand J Urol Nephrol 2007;41(4):346–8. [7] Defidio L, De Dominicis M, Patel A. Cause of upper urinary-tract essential hematuria: veno-caliceal fistula or contralateral coexistent upper-tract transitional-cell carcinoma? Case report. J Endourol 2006;20(11):913–5. [8] LauWC, FungHY, Rogers MS. Ten years experience of caesarean and postpartum hysterectomy in a teaching hospital in Hong Kong. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1997;74:1. [9] Bouya PA, Odzébé AW, Otiobanda FG, Itoua C, Mahoungou-Guimbi K, Banga MR, et al. Urologics complications of gynecologic surgery. Prog Urol 2011;21(12):875–8. [10] Long JA, Fiard G, Descotes JL, Arnoux V, Arvin-Berod A, Terrier N, et al. High-grade renal injury: non-operative management of urinary extravasation and prediction of long-term outcomes. BJU Int 2013;111:E249–55.