Fractures et lésions ligamentaires peropératoires au cours des arthroplasties totales de genou : à partir d’une série continue de 1795 PTG postérostabilisées

Fractures et lésions ligamentaires peropératoires au cours des arthroplasties totales de genou : à partir d’une série continue de 1795 PTG postérostabilisées

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2009) 95, 220—226 MÉMOIRE ORIGINAL Fractures et lésions ligamentaires peropératoires au cours de...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2009) 95, 220—226

MÉMOIRE ORIGINAL

Fractures et lésions ligamentaires peropératoires au cours des arthroplasties totales de genou : à partir d’une série continue de 1795 PTG postérostabilisées夽 Intraoperative fractures and ligament tears during total knee arthroplasty. A 1795 posterostabilized TKA continuous series A. Pinaroli a, S.R. Piedade b, E. Servien a, P. Neyret a,∗ a

Département d’orthopédie du genou, centre Livet, centre Albert-Trillat, hôpitaux Lyon-Nord, 8, rue de Margnolles, 69300 Caluire, France b Département d’orthopédie traumatologie, faculté de médecine, université d’État de Campinas, Brésil Acceptation définitive le : 25 novembre 2008

MOTS CLÉS Prothèse totale du genou ; Complication peropératoire ; Fracture périprothétique ; Lésions ligamentaires

Résumé Introduction. — Nous avons, dans une série d’arthroplasties totales du genou postérostabilisées de première intention (PTG à glissement postérostabilisée avec un troisième condyle médian du laboratoire Tornier® ), dénombré toutes les complications mécaniques survenues pendant la réalisation de l’arthroplastie et analysé la cause de leur survenue. Nous avons comparé le résultat fonctionnel des patients ayant eu ces complications à celui de la série totale, ainsi qu’aux données de la littérature. Matériel et méthodes. — Parmi les 1795 PTG posées durant la période d’étude, nous disposons de tous les comptes rendus opératoires. Mille six cent vingt-quatre ont été revues cliniquement et radiologiquement, avec un recul moyen de 36,8 ± 34 mois (2 à 193). Résultats. — À ce dernier recul, le score genou IKS était de 91,2 (19 à 100) et le score fonction de 77,76 (0 à 100). Au dernier recul, 132 patients étaient décédés (sans relation avec la PTG). Soixante-neuf complications mécaniques ont été reconnues au cours de l’intervention (3,8 %) : 40 fractures ou fissures (traits de refend) autour du genou (2,2 %), 28 fragilisations tendineuses

DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2008.04.002. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Neyret). 夽

1877-0517/$ – see front matter © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rcot.2008.11.004

Fractures et lésions ligamentaires peropératoires des arthroplasties totales de genou

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ou ligamentaires (1,6 %). Le risque de fissure tibiale était statistiquement plus important, avec un plateau tibial de petite taille (taille 1) (p = 0,019) ou lorsqu’un relèvement de TTA était pratiqué (p = 0,02). La courbe de survie montre que tous les composants prothétiques étaient encore présents dans 93,3 % des cas à sept ans et demi de recul pour la série des patients avec complication peropératoire, dans 93,8 % des cas pour la série des patients sans complication peropératoire et dans 91,9 % des cas à 16 ans de recul. Discussion. — Cette large série homogène de PTG postérostabilisées de première intention montre un taux de complications peropératoires osseuses ou ligamentaires de 3,8 %. Toutes ces complications devraient pouvoir être prévenues par une technique chirurgicale rigoureuse. L’amélioration du matériel ancillaire, des scies et une bonne connaissance de ces complications par le chirurgien sont primordiales. Type d’étude : rétrospective. Niveau IV. © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Introduction L’arthroplastie totale de genou est désormais une intervention fiable et reproductible, notamment grâce à l’amélioration des matériels ancillaires fournis par les fabricants. L’analyse du succès de cette intervention est très subjective et de nombreux scores permettent de l’évaluer. L’échec d’une arthroplastie totale du genou est toutefois difficile à définir. Le changement d’une pièce ou de tous les composants de la prothèse est bien évidemment un échec chirurgical, dont la cause peut être variée. Deux grands cadres peuvent alors être individualisés : les infections d’une part [1], les échecs mécaniques d’autre part. Dans cette dernière catégorie, la cause de l’échec peut être imputable au chirurgien (mauvais positionnement des implants ou erreur technique pouvant conduire à une instabilité fémorotibiale par exemple [2]), aux implants euxmêmes (usure du polyéthylène [3,4], rupture d’implant, métallose). Mais d’autres complications sont difficilement imputables à une cause particulière : un descellement aseptique peut être dû à un scellement mal effectué (chirurgien), favorisé par la libération de particules PE (implant) ou par une activité importante et un surpoids (patient). Ces échecs peuvent être objectivement évalués par le calcul de la courbe de survie des implants. Des complications survenant pendant l’intervention peuvent aussi modifier les suites postopératoires et grever le pronostic fonctionnel de la prothèse totale du genou (PTG). L’intervention peut ainsi être vécue comme un échec par le patient. Ces complications peropératoires sont dues à la technique chirurgicale et peuvent être multiples : fracture périprothétique peropératoire [5], fragilisation tendineuse ou ligamentaire peropératoire [6—8], complication nerveuse [9—12]. Nous avons donc, dans une série de PTG postérostabilisées de première intention (PTG à glissement postérostabilisée avec un troisième condyle médian du laboratoire Tornier® ), dénombré toutes les fractures et lésions ligamentaires survenues pendant la réalisation de l’arthroplastie et analysé la cause de leur survenue. Nous avons comparé le résultat fonctionnel des patients ayant eu ces complications à celui de la série des patients indemnes de telles complications, ainsi qu’aux données de la littérature.

Les défauts de positionnement des implants dans le plan frontal n’ont pas été étudiés dans cette série, de même que la fréquence de survenue d’une encoche fémorale antérieure.

Matériel et méthode Depuis novembre 1987, tous les patients opérés par ou sous la responsabilité de l’un des auteurs (PN), dans notre service hospitalo-universitaire, pour la mise en place d’une PTG, sont suivis cliniquement et radiologiquement. Grâce à un registre mis en place de fac ¸on prospective depuis 1995 et rétrospective pour la période antérieure, ils sont convoqués systématiquement à deux mois, six mois, un an puis tous les deux ans après l’intervention. Les données de l’examen clinique et radiologique préopératoire et, lors du suivi, sont notées dans un cahier, alimentant une base de données. Le compte rendu opératoire y est inséré et la survenue des différentes complications peropératoires y est aussi notée. Les données de l’examen clinique et de l’interrogatoire sont consignées sous la forme d’un questionnaire répondant aux critères du score IKS et permettent son calcul lors de chaque consultation du suivi. Le bilan radiographique comporte des clichés du genou opéré de face et de profil en appui monopodal, ainsi qu’une incidence fémoropatellaire à 45◦ de flexion, lors de chaque consultation de suivi. Une pangonométrie complète le bilan lors des consultations de contrôle à deux mois, un an postopératoire, puis tous les deux ans. Durant la période comprise entre 1987 et février 2007, 1795 PTG de première intention sur 968 genoux droits et 827 genoux gauches ont été implantées. L’âge moyen lors de l’intervention était de 71 ± 8 ans (20 à 95). Le sex-ratio était de 0,38, en faveur des femmes. Les genoux opérés étaient vierges de toute intervention chirurgicale antérieure dans les trois quarts des cas (Tableau 1). L’étiologie principale ayant fait proposer une arthroplastie totale du genou était une arthrose fémorotibiale médiale (Tableau 2). Avant 1996, une voie d’abord médiale était la règle pour l’arthroplastie totale du genou. Après cette date, le choix de la voie d’abord était dicté par la déformation initiale dans le plan frontal : voie médiale dans les cas de genu varum et voie

222 Tableau 1 opérés.

A. Pinaroli et al. Antécédents chirurgicaux sur les genoux

Interventions antérieures

Nombre

%

Aucune Une Plus d’une

1376 311 108

77 17 6

Tableau 2

peropératoire, le score genou IKS était de 91,2 (19 à 100) et le score fonction de 77,7 (0 à 100). Au dernier recul, 132 patients étaient décédés (sans relation avec la PTG). L’étude statistique a été menée en utilisant les tests de Student et Khi2 , à l’aide du logiciel Minitab® Statistical Software Package (Minitab Ltd. State, Brandon Court — Unit E1, State College, Pennsylvania). Une différence de résultats était significative pour une valeur de p < 0,05.

Étiologies des arthroplasties totales du genou.

Arthrose Fémorotibiale médial Fémorotibiale latéral Fémoropatellaire Globale Rhumatisme inflammatoire Nécrose condyle fémoral Causes raresa

Résultats

Nombre

%

1219 256 61 25 128 61 45

68 14,3 3,4 1,4 7,1 3,4 2,4

Soixante-neuf fractures et lésions ligamentaires ont été reconnues au cours de l’intervention (3,8 %) : 40 fractures ou fissures (traits de refend) autour du genou (2,2 %), 28 fragilisations tendineuses ou ligamentaires (1,6 %).

Fractures ou fissures Fig. 1.

a

Chondrocalcinose articulaire, nécrose du plateau tibial, maladie de Paget, maladie de Klippel-Trenaunay, séquelles d’arthrite infectieuse, reprise de prothèse totale du genou, tumeur osseuse.

latérale dans les cas de genu valgum (Tableau 3). Lorsqu’un relèvement de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) était nécessaire, la technique de fixation habituellement utilisée dans le service était une synthèse par deux vis bicorticales de diamètre 4,5 mm. Depuis 1987, les prothèses posées dans notre service proviennent du même fabricant (Tornier® , Saint-Ismier, France). Le dessin prothétique de cette PTG tricompratimentale postérostabilisée a toujours comporté un troisième condyle médian. Les patella ont été resurfacées dans la presque totalité des cas (huit patella non resurfacées = 0,4 %). Les implants étaient scellés dans tous les cas, sauf 127 implants fémoraux sans ciment revêtus d’hydroxyapatite (7 %), le temps d’une étude prospective qui sera prochainement rapportée. Parmi les 1795 PTG posées durant la période d’étude, nous disposons de tous les comptes rendus opératoires. Mille six cent vingt-quatre PTG ont été revues cliniquement et radiologiquement, avec un recul moyen de 36,8 ± 34 mois (2 à 193). À ce dernier recul, pour la série globale, le score genou IKS était de 91,2 (19 à 100) et le score fonction de 77,8 (0 à 100). Pour la série des patients indemnes de complication

Tableau 3 Voies d’abord utilisées pour l’arthroplastie totale du genou. Voie d’abord Médiale Sans relèvement TTA Avec relèvement TTA Latérale Sans relèvement TTA Avec relèvement TTA

Nombre

%

1488 19

83 1

170 118

9 7

Fissures tibiales (n = 27) Les traits de refend du plateau tibial (27 cas) sont survenus lors de la préparation de la quille tibiale ou lors de l’impaction du plateau tibial. Elles ont été traitées par la mise en place d’une quille tibiale longue et d’une synthèse a minima par cerclage métallique en huit appuyé sur deux vis de diamètre 4,5 mm placées de part et d’autre de la quille (Fig. 2). La stabilité du montage et le scellement des pièces autorisaient un appui immédiat. Un relèvement de la TTA avait été réalisé dans 137 cas de la série globale, 11 traits de refend du plateau tibial et une fracture complexe du tibia sont survenus (8,9 %). Le risque de fissure tibiale était statistiquement plus important lorsqu’un relèvement de TTA avait été pratiqué (p = 0,02). Lorsqu’un plateau tibial de taille 1 était mis en place, il existait un risque plus important de fissure tibiale (p = 0,019). Le score IKS genou au dernier recul était de 88,2 (43 à 100) et le score fonction de 72,8 (0 à 100). Il n’existait pas de différence statistiquement significative par rapport à la série sans complication (p = NS). Deux complications postopératoires sont survenues dans le suivi, nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale, sans rapport avec le trait de refend tibial : une fracture de TTA survenue trois mois après l’arthroplastie (voie latérale avec relèvement de la TTA) a nécessité une nouvelle ostéosynthèse et une instabilité fémorotibiale équilibrée a nécessité un changement d’insert polyéthylène 23 mois après l’arthroplastie. Fracture plurifragmentaire tibiale (n = 1) Une seule fracture épiphysométaphysodiaphysaire tibiale s’est produite, lors de la mise en hyperflexion du genou pour la préparation tibiale, après un relèvement de TTA. Cette fracture a été traitée par la mise en place d’une quille tibiale longue, associée à une ostéosynthèse par plaque. Plusieurs réinterventions ont été nécessaires pour ce patient dans les suites : cure de pseudarthrose et autogreffe osseuse

Fractures et lésions ligamentaires peropératoires des arthroplasties totales de genou

Figure 1

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Répartition de la localisation des fractures et fissures peropératoires.

associée à une nouvelle ostéosynthèse par plaque à vis verrouillées dans la plaque, infection dans les suites nécessitant l’ablation de la prothèse, puis réimplantation par une prothèse postérostabilisée avec quille tibiale longue et enduite d’hydroxyapatite (sur mesure). Un résultat satisfaisant n’est pas encore acquis au recul de six mois après la dernière intervention. Fissures fémorales (n = 10) Les traits de refend de l’extrémité distale du fémur (n = 9) sont survenus lors de l’impaction de l’implant fémoral. Ils étaient tous minimes (sans déplacement conséquent) et n’avaient pas imposé de moyen d’ostéosynthèse ni la mise en place de quilles fémorales. Dans ces cas, l’appui a simplement été retardé d’un à deux mois et la flexion du genou limitée à 95◦ durant cette période.

Une perforation de la corticale antérieure fémorale a été observée lors de la cathétérisation du fût à la tarière de diamètre 10 mm. Cette effraction corticale antérieure était limitée et suffisamment à distance du genou pour qu’aucune précaution particulière ne soit nécessaire. Le score IKS genou au dernier recul était de 89,1 (60 à 100) et le score fonction de 75,6 (40 à 100). Il n’existait pas de différence statistiquement significative par rapport à la série sans complication (p = NS). Fractures de la TTA (n = 2) Elles ont eu lieu lors de son vissage après relèvement. Une nouvelle synthèse a alors été effectuée avec un vissage renforcé par des fils métalliques. Les suites n’ont pas été modifiées par rapport à un relèvement de TTA classique (appui complet autorisé sous couvert d’une attelle en extension amovible pendant 45 jours et flexion limitée à 95◦ durant cette période). Il n’y a pas eu de complication postopératoire dans les suites.

Fragilisations tendineuses et ligamentaires Section du tendon poplité (n = 11) Le tendon du poplité a été sectionné 11 fois par la scie oscillante lors des coupes fémorales postérieures (Fig. 3). Il existait dans ces cas, en fin d’intervention, une laxité en varus flexion rotation interne modérée qui était acceptée. Aucune précaution particulière n’a été prise dans les suites de l’intervention. Seule une vérification de l’absence de décoaptation sur les clichés radiographiques de face en appui monopodal aidé (mais permettant l’équilibre) avait été effectuée dans les suites postopératoires immédiates. Au dernier recul, le score IKS genou était de 93,67 (90 à 100) et le score fonction de 80 (70 à 100). Il n’existait pas de différence statistiquement significative par rapport à la série sans complication (p = NS). Aucune complication n’a été observée au dernier recul.

Figure 2 Synthèse de la fissure tibiale par deux vis et un fil métallique en huit.

Fragilisation du ligament collatéral médial (n = 10) Le ligament collatéral médial a été fragilisé (aucune section complète) par la scie oscillante neuf fois lors de la coupe

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A. Pinaroli et al. Aucune précaution particulière n’a été nécessaire dans les suites et aucune complication n’est survenue durant le suivi.

Courbe de survie des implants La courbe de survie de la série de patients avec complication peropératoire montre que tous les composants prothétiques sont encore présents dans 93,3 % des cas à sept ans et demi (Fig. 4a). Pour la série des patients sans complication peropératoire, tous les composants prothétiques sont encore présents dans 93,8 % des cas à sept ans et demi, et dans 91,9 % à 16 ans (Fig. 4b).

Discussion L’incidence des complications peropératoires est rarement étudiée dans la littérature. Figure 3

Section peropératoire du tendon du muscle poplité.

tibiale et a nécessité des renforts par fil résorbable dans seulement cinq cas. Une avulsion basse (incomplète) lors de la luxation du tibia en avant a nécessité une réinsertion osseuse par des ancres. En fin d’intervention, il n’existait pas de laxité médiale anormale lors de la mise en valgus (test réalisé avec prudence). Par précaution, tous ces patients ont été immobilisés dans une attelle en extension pour la marche pendant deux mois postopératoires avec flexion limitée à 95◦ . Au dernier recul, aucun des patients ne présentait une instabilité fémorotibiale invalidante, il n’existait pas non plus de bâillement médial sur les clichés radiographiques du genou en appui monopodal. Au dernier recul, le score IKS genou était de 91,8 (81 à 100) et le score fonction de 87,8 (65 à 100). Il n’existait pas de différence statistiquement significative par rapport à la série sans complication (p = NS). Fragilisation du tendon patellaire (n = 6) Le tendon patellaire a été fragilisé six fois par la scie oscillante lors de la coupe tibiale (aucune section complète), nécessitant quelques points de rapprochement des fibres tendineuses coupées. Dans les suites postopératoires, la flexion a simplement été limitée à 95◦ durant 45 jours. Au dernier recul, il n’existait pas de déficit du système extenseur chez ces patients. Le score IKS genou était de 90,5 (70 à 100) et le score fonction de 78,4 (40 à 100). Aucune complication n’est survenue dans les suites. Fragilisation du tendon quadricipital (n = 1) Une seule fragilisation du tendon quadricipital a été causée par la lame de bistouri lors d’une arthrotomie parapatellaire médiale, l’incision du tendon quadricipital s’étendant vers sa portion latérale, pas assez verticale, et nécessitant un simple affrontement par des points en X lors de la fermeture.

Fissures et fractures autour du genou Les facteurs de risque ont été bien étudiés [5]. Les fractures des condyles fémoraux peuvent survenir lors de l’impaction de l’implant fémoral, surtout avec une importante cage de postérostabilisation. Il existe seulement dix cas dans notre série, probablement grâce à une cage de postérostabilisation peu volumineuse due au troisième condyle médian. Par ailleurs, il se produit surtout des fissures et sur un seul condyle fémoral. Pour nous, il est donc aussi préférable de forer le point d’entrée du tunnel fémoral à l’aide d’une tarière plutôt que d’utiliser un ciseau gouge sur un os cassant. Les fractures de diaphyse fémorale lors de la cathétérisation du fût par le guide centromédullaire sont une complication classique. Heureusement, dans notre série, nous n’avons observé qu’une simple fragilisation corticale antérieure fémorale à distance du genou, qui n’a pas nécessité de précaution particulière dans les suites et n’a pas grevé le pronostic fonctionnel de la PTG. Néanmoins, ce type de complication peropératoire pourrait être prévenu par l’utilisation de guides centromédullaires fémoraux de différents diamètres et/ou longueurs, chez des patients de petit gabarit, surtout s’il existe une ostéoporose importante. Les fractures du plateau tibial sont rarement déplacées et se résument le plus souvent à un trait de refend. Elles surviennent lors de l’impaction des pièces d’essai. Dans notre série, ce type de complication est favorisé par un relèvement de TTA (27 cas sur 1795, soit 1,5 %, 12 cas sur 137 relèvements de TTA, soit 8,7 %, p < 0,05). Par ailleurs, il semble que le risque de trait de refend tibial soit plus important pour certaines tailles de plateaux tibiaux avec la PTG que nous utilisons. En effet, parmi les six tailles dont nous disposons, la quille tibiale a les mêmes dimensions pour les plateaux de taille 1 et 2. Pour les tailles suivantes, cette quille est plus volumineuse, mais de dimensions constantes pour les plateaux de taille 3, 4, 5 et 6. Ainsi, il semblerait que, proportionnellement, la quille tibiale des plateaux de taille 1 soit trop volumineuse par rapport au tibia des patients de petit gabarit.

Fractures et lésions ligamentaires peropératoires des arthroplasties totales de genou

225

Figure 4 a : courbe de survie (Kaplan Meier), série des complications peropératoires. Échec : remplacement d’un ou plusieurs éléments de l’implant (quel qu’il soit) ; b : courbe de survie (Kaplan Meier), série sans complication peropératoire. Échec : remplacement d’un ou plusieurs éléments de l’implant (quel qu’il soit).

Cela pourrait être prévenu par une modification des dimensions de la quille des implants. De plus, la mise en place d’un davier dents de lion pourrait limiter les risques de refend tibial, en particulier lors de la luxation du tibia en avant ou lors de l’impaction de l’embase tibiale, chez un patient de petite taille pour lequel un relèvement de la TTA est nécessaire. Les fractures comminutives sont exceptionnelles (un cas dans notre série), leur traitement est difficile et peut conduire à de nombreuses réinterventions exposant au risque d’infection. La prévention des fractures et fissures peropératoires peut donc être améliorée par le dessin des pièces prothétiques (cage de postérostabilisation et quille tibiale les moins volumineuses possibles), mais aussi par les précautions à utiliser lors de la préparation tibiale quand un relèvement de TTA s’impose.

Fragilisations tendineuses et ligamentaires Gandhi et al. [6] rapportent trois cas d’avulsion du tendon patellaire sur 45 PTG (6,7 %), toujours sur genoux raides, à cause de la difficulté d’exposition chirurgicale [7,8]. Cette complication peut être prévenue par la mise en place d’un petit clou au pôle supéro-médial de la TTA, au point d’insertion des fibres les plus médiale du tendon, avant de luxer la rotule [13], sinon, un relèvement de la TTA peut s’imposer. Dans notre série, seuls six cas de fragilisations sans section complète sont notés. Ces fragilisations ont eu lieu lors de la coupe du plateau tibial à la scie oscillante. Elles n’ont pas abouti à une rupture du système extenseur dans les suites, en prenant garde de limiter la flexion en postopératoire. D’ailleurs, Barrack et al. [14], sur 14 cas d’une série de ruptures secondaires du système extenseur, n’observent aucune fragilisation au cours de l’intervention. Nous rapportons dix cas de fragilisations du ligament collatéral médial, sections incomplètes à chaque fois, survenues lors de la section du plateau tibial, et une fois lors de la luxation antérieure du tibia (avulsion basse du ligament). La mise en place d’une attelle à la marche pendant deux mois postopératoires ainsi qu’une limitation de la flexion à 90◦ durant cette période permet d’éviter une instabilité fémorotibiale dans les suites.

De même, la fragilisation du tendon du poplité lors de coupes fémorales postérieures ne semble pas avoir de conséquences dans les suites. Mais, il est difficile d’évaluer l’instabilité fémorotibiale (laxité en varus flexion et rotation interne provoqué par une insuffisance du tendon poplité) en flexion à l’examen clinique ou radiographique. Par ailleurs, ce qui est vrai pour un genou normal, à savoir l’instabilité due à la section du tendon poplité, n’est peut-être pas aussi compromettant sur un genou prothésé. Ces complications ne sont pas rapportées dans la littérature. L’incidence de telles complications peropératoires et leur analyse permet néanmoins d’envisager leur prévention : porter une attention particulière aux avulsions tendineuses lors de la luxation antérieure du tibia, protection de ces structures avec des écarteurs contrecoudés lors la coupe tibiale, utilisation des scies oscillantes moins agressives (non seulement par leur tranchant mais aussi par leur débattement latéral) par exemple. En dernier lieu, il faut insister sur le fait que toutes les complications peropératoires peuvent être évitées avec l’expérience chirurgicale et la bonne connaissance du matériel ancillaire de la PTG. Dans notre série, dans un service universitaire, nombre d’interventions sont effectuées par des opérateurs en formation sous la supervision de chirurgiens seniors. Ainsi, des petites erreurs techniques peuvent aboutir à des complications sévères. Par exemple, dans le cas de la fracture épiphysométaphysodiaphysaire de tibia, l’erreur technique initiale ayant conditionné la complication est certainement une ostéotomie de la TTA trop étendue vers le bas ayant amorcé une fente diaphysaire.

Courbe de survie des implants La courbe de survie de la série de patients avec complication peropératoire montre que tous les composants prothétiques sont encore présents dans 93,3 % des cas à sept ans et demi. Pour la série des patients sans complication peropératoire, cette courbe de survie montre que tous les composants prothétiques sont encore présents dans 93,8 % des cas à sept ans et demi, et dans 91,9 % à 16 ans. Ainsi, dans cette série, la survenue d’une fracture ou lésion ligamentaire peropératoire ne modifie pas la courbe de survie des implants à sept ans et demi de recul et fait

226 raisonnablement espérer une courbe de survie de près de 92 % à 16 ans de recul.

Conclusion Cette large série homogène de PTG postérostabilisées de première intention montre un taux de complications peropératoires de 3,8 %. Toutes ces complications devraient pouvoir être prévenues par une technique chirurgicale rigoureuse. L’amélioration du matériel ancillaire, des scies et une bonne connaissance de ces complications par le chirurgien sont primordiales. La courbe de survie montre que tous les composants prothétiques sont encore présents dans plus de 93 % des cas à sept ans et demi de recul, qu’il y ait eu ou non une complication peropératoire.

Remerciements Remerciements à S. Dojcinovic, C. Bussière, L. Jacquot.

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