Greffe de moelle dans l’anémie de Fanconi : à propos de sept cas

Greffe de moelle dans l’anémie de Fanconi : à propos de sept cas

Arch Pédiatr 2001 ; 8 : 801-6 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0929693X01005383/FLA Mémoire original G...

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Arch Pédiatr 2001 ; 8 : 801-6 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0929693X01005383/FLA

Mémoire original

Greffe de moelle dans l’anémie de Fanconi : à propos de sept cas B. Mondovits, C. Vermylen, B. Brichard, G. Cornu* Service d’hématologie pédiatrique, cliniques universitaires Saint-Luc, avenue Hippocrate 10, 1200 Bruxelles, Belgique (Reçu le 12 novembre 1999 ; accepté le 26 avril 2001)

Résumé Objectifs. – Rapporter l’évolution des patients atteints d’anémie de Fanconi suivis dans notre service et revue de la littérature concernant la greffe de moelle dans l’anémie de Fanconi. Patients et méthodes. – Dix patients ont été suivis dans notre service pendant une période de 20 ans. Nous reprenons leurs caractéristiques cliniques, leur traitement et leur évolution. Résultats. – Deux des dix patients sont encore en vie. Sept ont eu une allogreffe de moelle osseuse. Deux des patients greffés sont décédés peu après la greffe des complications de celle-ci. Trois autres patients sont décédés plus tardivement après la greffe, deux d’entre eux de carcinome oropharyngé. Discussion. – Si le taux de survie à cinq ans se situe aux alentours de 70 % en cas de greffe de moelle de donneur apparenté HLA-identique, il n’est que de 30 % en cas de donneur apparenté non HLA-identique ou de donneur non-apparenté. De plus, des études rétrospectives ont montré que le développement de carcinomes à long terme représente une complication importante chez les patients greffés. Conclusion. – Notre série de patients atteints d’anémie de Fanconi reflète assez fidèlement les complications rencontrées dans cette maladie. Si l’amélioration des techniques de greffe permet de diminuer le taux de décès liés à celle-ci, le développement de tumeurs solides à long terme reste un problème pour lequel aucune solution n’a pu être proposée jusqu’ici. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Fanconi (maladie de) / greffe de moelle

Summary – Bone marrow transplantation in Fanconi’s anemia: about seven cases. Objects. – Follow-up of patients with Fanconi’s anemia treated in our unit and review of the literature concerning bone marrow transplantation in Fanconi’s anemia. Patients and methods. – Ten patients were followed in our unit for 20 years. We summarize their clinical features, treatment and clinical course. Results. – Among the ten patients, seven received allogeneic marrow transplantation. Only two patients are still alive. Two transplanted patients died from complications shortly after the transplantation. Three other patients died later after the transplantation, two of them from oropharyngal carcinomas. Discussion. – The 5-year survival is about 70% in the transplantation with an HLA-identical sibling donor; it is only about 30% if the donor is an HLA-matched unrelated or mismatched related patient. Furthermore, retrospective studies have shown that the long-term outcome of carcinoma is a major complication after the transplantation.

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (G. Cornu).

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Conclusion. – Our series of patients with Fanconi’s anemia reflects fairly faithfully the complications encountered in this disease. Although the improvement of the graft technique may decrease the rate of death due to transplantation, the long-term development of solid tumors remains a problem for which no solution has been suggested up to now. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Fanconi’s anemia / bone marrow transplantation / transplantation conditioning / child

L’anémie de Fanconi est une maladie autosomique récessive rare [1]. Elle se caractérise par une aplasie médullaire d’apparition progressive, des malformations congénitales et une prédisposition à développer des tumeurs malignes, la majorité d’entre elles étant des leucémies myéloïdes aiguës (LMA) [2]. Le phénotype de l’anémie de Fanconi est très hétérogène, certains patients ayant des anomalies morphologiques importantes et une pancytopénie de début précoce, d’autres, au contraire, n’ayant que peu ou pas d’anomalies morphologiques et ne développant que tardivement une pancytopénie [3]. Les premiers signes de pancytopénie surviennent en général entre trois et dix ans [4]. En dehors d’anomalies morphométriques (petite taille, microcéphalie), les anomalies le plus souvent rencontrées sont des anomalies de la pigmentation cutanée, des malformations squelettiques affectant surtout les membres supérieurs et des anomalies rénales [5, 6]. Le taux de cassures chromosomiques spontanées est généralement augmenté chez les patients atteints d’anémie de Fanconi mais le diagnostic de certitude se base sur l’hypersensibilité des cellules des patients atteints d’anémie de Fanconi vis-à-vis des agents alkylants bifonctionnels [7].

Huit gènes au moins sont impliqués dans l’anémie de Fanconi, quatre d’entre eux ont été clonés (FANCA, FANCC, FANCF, FANCG) [8-12]. La greffe médullaire représente jusqu’ici la seule possibilité pour les patients atteints d’anémie de Fanconi de guérir l’aplasie médullaire et de prévenir la leucémie. Nous exposons dans cet article l’évolution de dix patients atteints d’anémie de Fanconi suivis dans notre service, avant de faire le point sur les possibilités actuelles de traitement. PATIENTS ET MÉTHODE Dix patients atteints d’anémie de Fanconi ont été suivis et traités dans notre service de 1979 à 1999. Leur sexe, leur âge au moment du diagnostic et leurs caractéristiques cliniques sont repris dans le tableau I. Quatre parmi les dix patients faisaient partie de la même fratrie (SR, SE, SF, SB). RÉSULTATS Chez huit de nos dix patients, le diagnostic a été posé entre l’âge de quatre et sept ans. Le diagnostic a été

Tableau I. Caractéristiques cliniques et âge au moment du diagnostic des patients atteints d’anémie de Fanconi traités dans notre service. Patients SR SE SF DC CR SB BD AL AB DT

Sexe

Âge lors du diagnostic

Petite taille

Malformations des membres supérieurs

Malformations rénales

F M F M M F M M M M

4 4 5 5 12 4 7 6 11 4

+ + + + + + + – – +

Radius/pouces Radius/pouces Radius/pouces Pouces Pouces Radius/pouces Hypoplasie thénar – – Pouces

+ + + – + + – – – –

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Greffe de moelle dans l’anémie de Fanconi

Tableau II. Traitement et évolution des patients atteints d’anémie de Fanconi suivis dans notre service. Traitement

Âge au moment de la greffe (année de la greffe)

Évolution (âge lors du décès ou âge actuel si en vie)

Cause du décès

Durée du suivi après le diagnostic

Durée du suivi après la greffe

SR

Androgènes et stéroïdes



Infections

3 mois



SE

Androgènes et stéroïdes



Décès (à 5 ans) Décès (à 7 ans)

27 mois



SF

Androgènes



Infections Hémorragie cérébrale Infections

45 mois



DC

Greffe médullaire (donneur apparenté) Greffe médullaire ( donneur apparenté) Greffe médullaire (donneur apparenté) Greffe médullaire (donneur non-apparenté) Greffe médullaire (donneur apparenté) Greffe médullaire (donneur non-apparenté) Greffe médullaire (donneur non-apparenté)

6 ans (1988)

GVHD aiguë st. IV

20 mois

1 mois

Défaillance multisystémique GVHD chronique

3 mois

2 mois

26 mois

20 mois

Patients

CR SB BD AL AB DT

12 ans (1982) 4 ans (1988) 8 ans (1985) 10 ans (1982) 11 ans (1995) 5 ans (1998)

Décès (à 9 ans) Décès (à 6 ans) Décès (à 12 ans) Décès (à 6 ans) Décès (à 12 ans) Décès (à 25 ans) En vie (15 ans) En vie (6 ans)

porté plus tardivement, à 11 et 12 ans, chez les deux autres. L’un des deux ne présentait pas de signes morphologiques caractéristiques de la maladie. Trois enfants, d’une même fratrie, n’ont pas été greffés par manque de donneur compatible. Ils ont été traités par androgènes seuls pour l’un d’entre eux et par androgènes et stéroïdes pour les deux autres. Les sept autres patients ont bénéficié d’une greffe médullaire, de donneur apparenté ou non-apparenté (tableau II). Deux patients seulement sont encore en vie. Les trois patients non greffés sont décédés avant l’âge de dix ans des complications de la pancytopénie. Parmi les sept patients greffés, deux sont décédés dans un délai proche de la greffe, de graft versus host disease (GVHD) aiguë pour l’un et de défaillance multiviscérale due à la toxicité de la greffe pour l’autre. Trois autres patients greffés sont décédés à distance de la greffe de GVHD chronique dans un cas et de carcinome oropharyngé dans les deux autres cas. Pour les deux patients en vie ayant reçu une greffe de donneur non apparenté, le recul est respectivement de 24 mois et de 50 mois.

Carcinome de la langue Carcinome du pharynx –

5 ans

57 mois

18 ans

15 ans

4 ans

50 mois



2 ans

24 mois

DISCUSSION Suivant les données de l’International Fanconi anemia registry (IFAR), l’âge moyen de survie des patients atteints d’anémie de Fanconi est de 25 ans. Auparavant, quand le seul traitement disponible était la transfusion, la plupart des patients mouraient au cours des quatre ans qui suivaient le diagnostic [5]. Les androgènes ont été pendant longtemps le seul traitement de l’anémie de Fanconi. Ils ont été utilisés pour la première fois en 1959. Le taux de réponse global aux androgènes rapporté dans la littérature est de 50 %. Beaucoup de patients deviennent résistants aux androgènes et la plupart des patients rechutent à l’arrêt des androgènes [13]. Certaines équipes recommandent l’association de corticoïdes aux androgènes. Les effets secondaires des androgènes sont essentiellement hépatiques. Plusieurs études ont été réalisées sur l’intérêt des facteurs de croissance hématopoïétiques recombinants (GM-CSF et G-CSF) [14, 15]. Si ceux-ci permettent d’obtenir une augmentation du taux de globules blancs significative, leur effet sur le taux

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d’hémoglobine et des plaquettes est variable et souvent décevant. La plupart des patients ont montré un accroissement du nombre de cellules CD34 dans le sang périphérique en réponse au G-CSF, effet intéressant dans le cadre de la thérapie génique. Comme le suggère une étude récente, l’utilisation à long terme du G-CSF nécessite une surveillance hématologique étroite [16]. En effet, deux des trois patients inclus dans cette étude ont vu apparaître des cellules myéloïdes immatures et des blastes dans leur sang périphérique. La greffe médullaire est la seule possibilité de corriger les troubles de l’hématopoïèse chez les patients atteints d’anémie de Fanconi avec le risque toutefois que la chimiothérapie et la radiothérapie accélèrent l’apparition de maladies malignes. La survie des patients greffés s’est très nettement améliorée depuis la modification par Gluckman et al., au début des années 1980, du régime de préparation à la greffe [17]. Les patients atteints d’anémie de Fanconi présentent en effet une hypersensibilité au cyclophosphamide et à l’irradiation aux doses habituelles. La dose totale de cyclophosphamide a été réduite à 20 mg/kg et l’irradiation thoracoabdominale à 5 Gy chez les patients n’ayant pas de leucémie ou de syndrome préleucémique. Le taux de mortalité lié à la greffe a pu ainsi être nettement réduit sans majoration du risque de rejet [18]. Les résultats de l’European Fanconi Anaemia Reseach (EUFAR) portant sur les greffes médullaires réalisées de 1981 à 1996 dans le cadre de l’anémie de Fanconi sont parus récemment [19]. Cinquante patients avaient bénéficié d’une allogreffe de donneur apparenté HLA-identique. Tous sauf quatre avaient été préparés à la greffe selon le schéma proposé par Gluckman et al. Quarante-six patients avaient reçu une greffe médullaire et quatre une greffe de sang de cordon. L’âge médian au moment de la greffe était de 11 ans. La survie à cinq ans a été de 74 %. Un nombre important de transfusions avant la greffe et la survenue d’une GVHD aiguë ou chronique ont été les facteurs affectant le taux global de survie suivant une analyse univariée. Le nombre de transfusions avant la greffe était le seul facteur associé au taux de survie suivant une analyse de Cox. Une GVHD aiguë de grade supérieur ou égal à 2 a été observée dans 26 cas et une GVHD chronique dans 20 cas. Le même article reprend les résultats de l’European Group for Blood and Marrow Transplan-

tation (EBMT) portant sur 154 patients traités de 1972 à 1996. Le taux de survie global à cinq ans était de 66 % et à dix ans de 50 %. Précédemment, l’étude de l’International Bone Marrow Transplant Registry (IBMTR) portant sur 151 patients ayant reçu une greffe de moelle de donneur apparenté HLAidentique entre 1978 et 1994, montrait un taux de survie à deux ans de 66 % [20]. Dans cette étude, comme dans la précédente, une partie des patients avait reçu l’ancien mode de préparation à la greffe comprenant des doses élevées de cyclophosphamide et d’irradiation. À noter qu’un certain nombre des patients faisant partie de la série de l’IBMTR est également inclus dans les études de l’EUFAR et de l’EBMT citées précédemment. Toutes ces études montrent qu’une greffe médullaire précoce est corrélée avec un meilleur taux de survie. Reprenant la série de patients de l’EUFAR ayant reçu une greffe de donneur apparenté HLA-identique entre 1981 et 1996, l’équipe de l’hôpital Saint-Louis a publié l’évolution à long terme de ces patients [21]. Le taux de survie était de 74,4 % à 54 mois et de 58,5 % à 100 mois. Soixante-dix pour cent des patients ont développé une GVHD chronique. Le taux de survie des patients sans GVHD chronique était de 100 %. Parmi les complications à long terme, les retards de croissance étaient fréquents, liés en partie au phénotype de l’anémie de Fanconi mais aussi à la GVHD chronique. La complication la plus importante était la survenue de carcinomes. Les résultats des greffes médullaires de donneurs apparentés non HLA-identiques ou de donneurs nonapparentés sont beaucoup moins favorables. Les données de l’IBMTR reprennent 48 patients ayant reçu une greffe médullaire de donneur non HLA-identique entre 1978 et 1994 [20]. La probabilité de survie à deux ans et à cinq ans était de 29 %. L’EBMT a réalisé une étude multicentrique rétrospective portant sur 69 patients ayant reçu une greffe de donneur nonapparenté entre 1985 et 1998 [22]. Le taux de survie à trois ans était de 33 %. Cette étude a montré que les facteurs associés à un mauvais pronostic étaient l’existence de malformations importantes, la positivité de la sérologie CMV chez le receveur, l’utilisation d’androgènes avant la greffe et le sexe féminin du donneur. Ce dernier critère entraîne une moins bonne prise de la greffe car le greffon contient moins de cellules souches qu’un greffon provenant d’un

Greffe de moelle dans l’anémie de Fanconi

donneur masculin. La probabilité d’une GVHD de grade III-IV était de 34 %. La première greffe de sang de cordon HLAidentique réussie a été réalisée chez un patient atteint d’anémie de Fanconi [23]. Selon les données d’Eurocord, les greffes de sang de cordon de donneur apparenté HLA-identique permettent d’obtenir des résultats satisfaisants, mais les greffes de donneur nonapparenté donnent jusqu’à présent des résultats plutôt médiocres [24]. Actuellement, les patients qui ne meurent pas des complications de la pancytopénie ont un risque majeur de développer une maladie maligne. Ce risque de développer un syndrome myélodysplasique et/ou une leucémie est de 27 % à 20 ans et de 52 % à 40 ans, l’âge moyen au moment du diagnostic étant de 13 ans [4]. Les tumeurs solides qui surviennent chez environ 5 % des patients apparaissent plus tardivement, l’âge moyen lors du diagnostic étant de 24 ans. Le pronostic oncologique est très mauvais avec un taux moyen de survie après le diagnostic de deux mois pour les leucémies et de huit mois en cas de tumeurs solides [5]. Comme l’a montré l’étude réalisée par Socié et al. [21], les cancers secondaires représentent une complication majeure chez les patients greffés atteints d’anémie de Fanconi. Ces tumeurs surviennent tardivement après la greffe, en l’occurrence entre cinq et 16 ans chez les patients repris dans cette étude. L’incidence projetée à huit ans et à 13 ans est de 24 % et 43 % respectivement. Une prédisposition génétique liée à l’anémie de Fanconi et une GVHD chronique favorisent le développement de ces cancers. Les auteurs ne pouvant exclure un rôle favorisant de l’irradiation dans la genèse de ces cancers, ils ont instauré un nouveau protocole n’utilisant plus l’irradiation en préparation de la greffe et introduisant l’utilisation de globulines antithymocytaires afin de réduire l’incidence de la GVHD. Ce mode de préparation à la greffe a déjà été appliqué par d’autres équipes avec un taux de survie à deux et cinq ans superposable mais un taux de GVHD chronique nettement inférieur (38 %) [25]. Cette même équipe a publié conjointement avec l’équipe de Seattle une revue de 700 patients ayant reçu une allogreffe dans le cadre d’une anémie aplastique sévère [26]. Le risque de développer un cancer après 20 ans a été estimé à 14 %. Les cinq cas de leucémies et syndromes myéloprolifératifs sont survenus dans un délai de 1,4 à

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14,6 mois après la greffe (intervalle médian de cinq mois). Les tumeurs solides diagnostiquées chez 18 patients sont apparues beaucoup plus tardivement, entre 30 et 221 mois après la greffe (intervalle médian de 99 mois). Il s’agissait essentiellement de carcinomes squameux. Les patients atteints d’anémie de Fanconi présentaient un risque nettement plus important de développer une tumeur maligne puisque ce risque à 20 ans post-greffe était de 42 % chez les patients atteints d’anémie de Fanconi et de 14 % chez les autres greffés. Les autres facteurs de risque étaient la présence d’une GVHD et l’utilisation d’azathioprine. Une autre étude portant sur 19 229 patients parmi lesquels 97 % avaient reçu une greffe allogénique pour des maladies diverses a montré que le risque de développer une tumeur solide est nettement plus important chez les patients greffés que dans la population générale (huit fois plus important dix ans après la greffe) [27]. L’incidence des tumeurs solides retrouvée dans cette étude est de 2,2 % à dix ans et de 6,7 % à 15 ans. Elle reste bien inférieure à celle que l’on retrouve chez les patients atteints d’anémie de Fanconi dans les études citées précédemment. Étant donné que la majorité des patients atteints d’anémie de Fanconi n’a pas de donneur compatible, une alternative à la greffe médullaire est la thérapie génique. Un des problèmes rencontrés par la thérapie génique est le faible nombre de cellules souches hématopoïétiques chez les patients atteints d’anémie de Fanconi. Le G-CSF, en augmentant le nombre de cellules CD34, pourrait être utilisé à cette fin [28]. Comme la greffe médullaire, ce type de traitement ne permet pas de corriger les anomalies de développement ni de diminuer le risque de voir apparaître des tumeurs solides. Les premiers résultats cliniques ont été publiés récemment par l’équipe du National Heart, Lung and Blood Institute à Bethesda [29]. Les auteurs ont sélectionné quatre patients atteints d’anémie de Fanconi présentant une mutation au niveau du gène FANCC. Trois d’entre eux ont reçu trois à quatre cycles de transfert génique, consistant chacun en une à deux perfusions de cellules souches hématopoïétiques autologues préalablement transfectées ex vivo par un rétrovirus portant le gène FANCC normal. Une augmentation nette des colonies hématopoïétiques a été constatée dans les cultures réalisées in vitro après plusieurs cycles de thérapie génique. Une amélioration transitoire de la richesse de la moelle osseuse a été mise en évi

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dence concomitamment. La quatrième patiente a dû subir une radiothérapie pour un carcinome squameux de la vulve et n’a reçu qu’un seul cycle de thérapie génique. Le transgène FANCC a été détecté dans le sang périphérique et dans la moelle osseuse uniquement après la fin de l’aplasie liée à l’irradiation. En conclusion, le traitement de l’anémie de Fanconi a nettement progressé grâce à l’amélioration du mode de préparation à la greffe et des techniques de sélection des donneurs. La thérapie génique est une autre voie de traitement en plein développement. Si la greffe médullaire et la thérapie génique sont des voies de traitement prometteuses, l’apparition à long terme de carcinomes est une complication à laquelle les patients vont de plus en plus souvent être confrontés et pour laquelle aucune solution n’a jusqu’ici pu être proposée. RE´ FE´ RENCES 1 Rogatko A, Auerbach AD. Segregation analysis with uncertain ascertainment : application to Fanconi’s anemia. Am J Hum Genet 1988 ; 42 : 889-97. 2 Auerbach AD. Fanconi’s anemia and leukemia : tracking the genes. Leukemia 1992 ; 6 suppl : 1-4. 3 Yamashita T, Wu N, Kupfer G, Corless C, Joenje H, Grompe M, et al. Clinical variability of Fanconi’s anemia (Type C) results from expression of an amino terminal truncated Fanconi’s anemia complementation group C polypeptide with partial activity. Blood 1996 ; 10 : 4424-32. 4 Butturini A, Gale RP, Verlander PC, Adler-Brecher B, Gillio AP, Auerbach AD. Hematologic abnormalities in Fanconi’s anemia : an International Fanconi’s anemia Registry Study. Blood 1994 ; 5 : 1650-5. 5 Alter BP, Young NS, Nathan DG, Oski FA. The bone marrow failure syndromes. In : Nathan DG, Oski FA, Eds. Hematology of Infancy and Childhood. Philadelphia : WB Saunders company ; 1993. p. 216-316. 6 Gordon-Smith EC, Rutherford TR. Fanconi’s anemia : constitutional aplastic anemia. Semin Hematol 1991 ; 28 : 104-12. 7 Sasaki MS, Tonomura A. A high susceptibility of Fanconi’s anemia to chromosome breakage by DNA-crosslinking agents. Cancer Res 1973 ; 33 : 1829-36. 8 Strathdee CA, Gavish H, Shannon WR, Buchwald M. Cloning of cDNAs for Fanconi’s anemia by functional complementation. Nature 1992 ; 356 : 763-7. 9 Lo Ten Foe JR, Rooimans MA, Bosnoyan-Collins L, Alon N, Wijker M, Parker L, et al. Expression cloning of a cDNA for the major Fanconi’s anemia gene, FAA. Nat Genet 1996 ; 14 : 320-3. 10 Fanconi Anaemia/Breast Cancer Consortium. Positional cloning of the Fanconi’s anemia group A gene. Nat Genet 1996 ; 14 : 324-8. 11 Winter JP (de), Waisfisz Q, van Berkel CG, Bosnoyan-Collins L, Alon N, Carreau M, et al. The Fanconi’s anemia group G gene FANCG is identical with XRCC9. Nat Genet 1998 ; 20 : 281-3. 12 Winter JP (de), Rooimans MA, van Der Weel L, van Berkel CG, Alon N, Bosnoyan-Collins L, et al. The Fanconi’s anemia gene FANCF encodes a novel protein with homology to ROM. Nat Genet 2000 ; 24 : 15-6. 13 Alter BP. Fanconi’s anemia and its variability. Br J Haematol 1993 ; 85 : 9-14.

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