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Guide pratique d'intervention et de gestion de crise lors de situations difficiles ou conflictuelles
Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 683–689
Document
Guide pratique d’intervention et de gestion de crise lors de situations difficiles ou conflictuelles Practical manual on interventions and management of crisis under difficult or conflicting situations T. Toutin a, M. Bénézech b,* b
a Commandant de police, chercheur en criminologie Psychiatre, légiste, criminologue, 266, rue Judaïque, 33000 Bordeaux, France
Disponible sur internet le 22 août 2005
Avertissement Le guide de gestion de crise, dont on trouvera ci-dessous le texte intégral, a été proposé comme modèle aux services du ministère de l’Intérieur. L’initiative de la création de cet instrument revient à M. Thierry Toutin, commandant de police et criminologue, dont l’intérêt pour l’utilisation des sciences humaines en matière policière est bien connu. M. Toutin nous a fait l’honneur de solliciter notre collaboration à la rédaction de cette méthode pratique d’évaluation et d’intervention dans les situations difficiles impliquant des personnes en crise susceptibles d’être dangereuses pour elles-mêmes, autrui et l’environnement. Ce guide est donc, avant tout, destiné aux forces de sécurité, aux services de police confrontés à la pratique du terrain, mais nous pensons qu’il est important pour les personnels soignants en santé mentale d’en connaître l’esprit et le contenu. M.B. Mots clés : Criminologie appliquée ; Évaluation des risques ; Facteurs de dangerosité ; Gestion de crise Keywords: Applied criminology; Evaluation of risks; Factors of dangerousness; Management of crisis
1. Introduction Privilégier la négociation par rapport à l’action, ce n’est pas préférer les mots aux armes, mais choisir les mots comme une arme1. Cette phrase pourrait résumer à elle seule l’essence même de la gestion d’une crise aiguë par les services de sécurité. Il s’agit donc d’instaurer un dialogue afin de faciliter la gestion d’incidents graves lors de prises d’otages ou lorsqu’un individu s’est retranché à domicile par exemple, en essayant de résoudre la crise sans effusion de sang, après avoir évalué son niveau de dangerosité. Dans cet affrontement psychologique, les négociateurs cherchent à user
* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Bénézech). 1 Michel Marie, « Je suis négociateur au Raid », Interview, ParisMatch, No 2595 du 10 décembre 1998. doi:10.1016/j.amp.2005.07.020
l’adversaire pour l’amener à une conciliation, ou mieux à une reddition… Le facteur temps joue en faveur des négociateurs qui peuvent s’adapter scientifiquement au mode de communication du sujet, augmentant ainsi leur chance de succès, le but de la négociation étant de renverser le rapport de force précaire qui s’établit entre les intervenants et l’intéressé2. Il n’est donc pas aussi aisé de négocier ou de gérer une crise, alors que bon nombre de professionnels de sécurité désamorcent des conflits de toute nature, par la persuasion ou à l’aide d’arguments, sans savoir qu’ils font de la négociation, en usant d’une bonne psychologie de terrain. Deux éléments paraissent importants dans ce type d’approche : z La communication et l’écoute ; z L’évaluation des risques. 2
Michel Marie, Op. cit.
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2. Communication en situation de crise aiguë L’art de communiquer ou de savoir communiquer porte le nom scientifique de programmation neurolinguistique (PNL), appelé aussi psycholinguistique. Cette approche est rattachée à la psychologie en qualité de thérapie de la communication mais, selon Marie Louise Pierson3, il s’agit davantage d’une technique de communication que d’une thérapie. Cette méthode a été mise au point par Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970 à l’université de Santa-Cruz aux ÉtatsUnis. Ils empruntèrent à d’autres les techniques les plus efficaces pour faire passer un message dans les meilleures conditions possibles de transmission, en utilisant notamment les techniques du comportementalisme, de la cybernétique (science de l’étude des transmissions de signaux ou d’informations dans les circuits de toutes natures ; électroniques, système nerveux, téléphoniques, etc.), de la neurophysiologie (étude des fonctions du système nerveux et des phénomènes vitaux chez l’être organisé), de la gestalt-thérapie et de la linguistique (étude scientifique du langage et de sa transmission). Inutile de préciser que la PNL a intéressé de près les milieux de l’entreprise, du management, de l’enseignement et de la publicité. C’est-à-dire partout où il était nécessaire de communiquer efficacement et de faire passer un message avec le plus d’efficience possible. D’ailleurs, le mot programmation signifie en fait orientation du sujet, ou plutôt de l’esprit de ce dernier, dans la direction où l’on souhaite attirer son attention, notamment par le recadrage, la dissociation, le changement d’histoire ou l’ancrage, et ce afin de sortir des situations de blocage en ouvrant de nouvelles portes. Le terme neuro évoque le cerveau, qui reçoit, interprète et transmet les éléments de la communication à travers nos sens. Il doit permettre d’affiner nos techniques. Enfin, la linguistique signifie comment établir un contact durable avec autrui, en utilisant toutes les capacités de l’observation et de l’expression pour convaincre, influencer (avec intégrité) et augmenter l’impact d’un propos en adoptant le langage verbal et non-verbal de l’autre. Sans aller jusqu’à exposer ici l’ensemble des méthodes de la PNL, nous rapporterons certains aspects techniques qui intéressent directement les services de sécurité lors de médiations à haut risque. Ces trois points, utiles et importants lors de toutes négociations, sont les suivants : z Instaurer le dialogue avec l’interlocuteur ; z Recueillir l’information le concernant ; z Comprendre sa logique. 2.1. Instaurer le dialogue avec l’interlocuteur (entrer en contact et y rester) À ce sujet, Josiane de Saint-Paul4 souligne que : dans cette forme d’approche, la première chose à faire est d’adop3
Marie Louise Pierson, Guide des psychothérapies, MA Editions, 1987, p. 197. 4 Josiane de Saint-Paul, Choisir sa vie, InterÉditions, p. 60.
ter une attitude de neutralité et de respect envers son modèle du monde (sa vision du monde). Ce n’est certainement pas le même que le vôtre mais, comme nous l’avons vu précédemment, il n’est ni meilleur ni moins bon ; il est simplement différent. Exprimer de la surprise, ou pire de la désapprobation, compromettrait gravement la qualité de la relation instaurée. Il n’est donc pas nécessaire de comparer ni même de juger le monde et les critères de l’interlocuteur, ce qui risquerait donc de compromettre l’établissement du contact. La deuxième attitude à conserver est une attitude de confiance dans vos propres capacités à gérer la relation et de confiance dans les capacités de la personne que vous interrogez. Partir avec un a priori positif sur le déroulement des opérations ne peut que les faciliter. Bien entendu, cet a priori ne remplace pas la compétence. Il lui permet simplement de s’exprimer dans les meilleures conditions. La troisième attitude est une attitude d’intérêt et de curiosité bienveillante pour le modèle du monde de votre sujet. L’intérêt pour l’autre sera directement perçu et stimulera ses recherches. La bienveillance est le corollaire indissociable de la curiosité et un sésame extraordinaire en matière de communication. Les trois attitudes : neutralité et respect de l’autre et de son modèle du monde, confiance dans ses capacités propres et dans celles de son interlocuteur, curiosité bienveillante, sont les bases de la communication entre le professionnel de sécurité et son interlocuteur. Pour maintenir le contact, des moyens pratiques appelés techniques de synchronisation sont recommandés, tels une position physique et une posture corporelle similaires à celles de l’interlocuteur, ainsi qu’un volume et un débit verbal proches de celui-ci (certaines personnes parlent plus vite et plus fort que d’autres). Le sujet sera plus à l’aise et se sentira plus en phase. 2.2. Recueillir l’information Cela consiste à poser des questions à l’intéressé, c’est-à-dire à le faire parler pour tenter de comprendre ce que chaque mot signifie pour lui et quels en sont les sens, de son point de vue. Cela permet aussi, dans les situations difficiles, de se faire une idée du type d’individu auquel on est confronté (personnalité, profil psychologique, détermination…). Cette forme de décryptage ou de traduction du langage permet d’établir ce que l’on appelle en PNL : le lexique. Ce dernier servira ultérieurement à utiliser les informations recueillies et à chercher à comprendre la logique d’autrui. Recueillir l’information, c’est également s’adresser à l’environnement familial, social (voisins, amis) et professionnel du sujet, susceptible de fournir des renseignements sur celuici lors de crises graves. 2.3. Comprendre la logique de l’interlocuteur C’est simplement accepter d’entrer dans cette logique comme on entre dans un vêtement pour l’essayer5. En fait, 5 Josiane
de Saint-Paul, op. cit., p.71.
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comprendre est le mécanisme par lequel les choses acquièrent un sens, une logique que nous pouvons appréhender. Nous pouvons comprendre ce qui a poussé une personne à se suicider ou à accomplir un acte héroïque sans jamais avoir été suicidaire ou héroïque. Au début des années 1990, un stage intitulé « gestion de crises et conduite à tenir » a eu lieu dans un centre national de formation de la police. Des conseils étaient dispensés afin de gérer au mieux divers types de crises que pouvaient rencontrer les membres des forces de l’ordre. En cas d’urgence, les recommandations suivantes étaient préconisées. 2.3.1. Réanimer psychiquement le sujet En effet, celui qui vient de s’enfermer dans une crise est dans une situation de tension paroxystique avec un degré d’angoisse maximum. Il faut donc lui apporter « l’oxygène psychique », l’aider à reprendre son souffle, c’est-à-dire dépassionner le débat, en restaurant la place de la parole. Ainsi, les doléances pourront être exposées et l’on passera progressivement du processus primaire où tout est dans l’acte, au processus secondaire où tout est lié à la parole. 2.3.2. Restaurer le narcissisme du sujet Parallèlement, le fait d’être écouté, entendu et compris, engendre une réparation narcissique qui vient tarir l’hémorragie de la rupture, neutralisant les mécanismes archaïques d’introjection et de projection. La présence des forces de l’ordre le convainc de sa puissance, celle du psy bienveillant lui apporte l’élément affectif qui lui manque. 2.3.3. Replacer le sujet dans la réalité L’existence d’une relation authentique fait cesser l’isolement dans lequel le sujet est placé. Il recommence à percevoir normalement le temps, l’espace, les situations, il revient au présent. Le contrôle du moi redevient possible. Il ne faut pas chercher le pourquoi de la situation (solutions miracles à une rupture conjugale), mais comment sortir de la situation. Les questions d’ordre technique vont ainsi replacer le sujet dans la réalité. 2.3.4. Reconstituer le processus de socialisation Dans les moments de crise, la présence de la famille, des collègues, des voisins, des amis peut permettre au sujet, à la suite d’échanges, de se replacer en tant qu’être social dans un contexte social et culturel. 3. Évaluation et lisibilité des risques Dans toutes les situations conflictuelles violentes, l’intervenant doit pouvoir rapidement : z Déterminer les causes de la crise ; z Évaluer les risques (pourquoi ? qui ? où ? comment ? avec qui ? avec quoi ?) ; z Prévenir et sécuriser la zone de danger. Bien qu’il n’existe pas de recette modélisable, la méthode suivante, qui peut être adaptée selon les cas, propose, en six
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rubriques succinctes, de dresser un tableau rapide de la situation, en répondant aux questions suivantes : Les origines de la crise. Pourquoi ? Troubles impulsifs du comportement Maladie mentale Alcoolisme, toxicomanies, autres conduites addictives États dépressifs États suicidaires Violences groupales Conflits familiaux Conflits de voisinage, conflits du travail Vengeance Mutineries Prise d’otage (à caractère politique, criminel, pathologique, pseudoreligieux)
Évaluation de la dangerosité de la personne en crise. Qui ? Profil du sujet en crise Par la famille, par les antécédents psychiatriques et/ou judiciaires, par les amis, par les voisins, par les médecins, par le dialogue avec l’intéressé, etc. Éléments d’évaluation du profil physique, mental et social Profil physique Âge, sexe, taille, robustesse Tremblements, sueurs Agitation ou prostration Tenue correcte ou négligée, nudité Visage triste, figé ou animé, pâle ou coloré Profil mental Intelligent ou retardé mental Attitude hésitante ou déterminée Agressif, menaçant, excité, coléreux Émotif, anxieux, fragile, tendu, réactif Déprimé ou volubile, suicidaire Présent ou désorienté Discours clair ou incohérent Parle seul, entend des voix Propos bizarres ou délirants (persécution, jalousie, mysticisme, idéologie extrémiste, etc.) Déambulation agressive sur la voie publique Comportement adapté ou anormal
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Profil social Niveau éducatif Profession, ressources Situation familiale Relations personnelles Solitaire ou membre d’un groupe Mode de vie, habitudes, intérêts particuliers Domicile, SDF Connaissance du français ou d’une langue étrangère Recherche des facteurs de risque violent Victime dans l’enfance Antécédents de violence, antécédents suicidaires, hospitalisations en milieu psychiatrique Personnalité instable, impulsive, coléreuse, revendicatrice, dominatrice, jalouse, possessive Conflit récent, rupture sentimentale, divorce, perte d’emploi, période de crise prolongée Abus d’alcool, ivresse violente, usage de stupéfiants Goût des armes Port d’arme habituel, entraînement au tir, sports de combat Troubles mentaux graves, dépression, excitation, désorientation, hallucination Fréquentation de milieux délinquants
Lieux des faits – environnement. Où ? Lieu public École, hôpital, grande surface, immeuble, HLM, etc. Lieu privé Appartement, maison individuelle, etc. Lieu élevé Fenêtre, balcon, toiture, terrasse, etc. Milieu ouvert Voie publique, parking, sortie d’école, jardin public, place publique, etc. Milieu fermé Bureau, salle de cinéma, réfectoire, bar, discothèque, etc. Milieu hostile ou dangereux Quartier sensible, prison, dépôt d’essence, de produits toxiques, etc. Milieu favorable ou neutre Maison de retraite, commissariat, gendarmerie, zone rurale, etc. Lieu isolé ou de grande fréquentation
Évaluation du degré de détermination de l’auteur, du degré de planification du passage à l’acte, de l’évolution de la situation
Lieu confiné Prison, cave, garage, train, avion, etc. Accès facile ou difficile
Dans le temps de l’état mental et du comportement de l’intéressé (stabilité, aggravation, amélioration) Identification du nombre d’auteurs Isolé En groupe Nombre d’individus Évaluation de la qualité de la communication Dialogue direct ou par l’intermédiaire d’un tiers Lettre explicative, plan détaillé, testament, micro, Internet, etc. Contact visuel ou obstacle (porte, téléphone) Capacité de lucidité, d’écoute et de compréhension de la personne en crise Réaction de la personne en crise à l’intervention des forces de l’ordre, recherche de la provocation, désir de mourir ou absence de peur de la mort Capacité, professionnalisme et expérience des premiers intervenants
Réaction des témoins, des passants, du voisinage Comportement hostile du public, agressions verbales et/ou physiques à l’encontre des intervenants
Les moyens employés – mode opératoire Comment et avec quoi ? Préméditation, organisation ou caractère spontané, réactionnel des faits Les armes Aucune arme Armes blanches Armes à feu Objets contondants Engins explosifs ou incendiaires Autres dispositifs chimiques ou toxiques Chiens ou animaux d’attaques
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Les revendications Contenu des revendications Absence de revendications Les menaces Menaces de mort sur autrui Menaces de suicide individuel ou collectif, d’automutilation Menace d’incendie ou d’explosion Menaces avec arme Chantage, ultimatum
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4. Recommandations lors de certaines situations de crises Lors de certaines situations difficiles, à caractère pathologique ou non, quelques conduites ou attitudes élémentaires peuvent toutefois être envisagées dans l’urgence, bien qu’il n’y ait pas de recettes miracles dans ce domaine. NOTA : La rubrique G. concernant les motivations politiques, terroristes et criminelles sera succinctement évoquée, puisqu’elle concerne les prises d’otages liées au terrorisme ou au banditisme, domaine réservé à des services très spécialisés et donc volontairement écarté du présent guide pratique. A – Les états dépressifs et les conduites suicidaires
Les victimes – les tiers et la famille Avec qui ? Les victimes Pas de victime Victimes ciblées Victimes fortuites Victimes blessées ou malades Victimes menacées ou otages Nombre de victimes Profil des victimes Enfants, personnes âgées, proches, inconnus, etc. Conditions des victimes Attachées, retenues, enfermées, menacées directement, etc. Réactions des victimes
Établir et maintenir le dialogue (règle des trois passions)6 Ne pas brusquer le sujet, l’écouter et favoriser l’expression Avoir un discours apaisant sans discontinuité ou rupture Gagner du temps afin de permettre une intervention (pompiers, gaz, SAMU, psy) pour limiter les risques (automutilations, suicides individuels ou familiaux) Tenter d’instaurer une relation d’aide et de confiance, essayer de montrer qu’on est réceptif à la souffrance de l’intéressé L’intervenant doit avoir un rôle sécurisant. Il incarne la réalité et la sécurité au moment où celui qui tente de se suicider n’a plus personne « sur qui s’appuyer » En phase de dépression mélancolique, la négociation sera très difficile car il existe une très forte volonté du sujet à mourir. Sentiment délirant de culpabilité extrême avec risque de suicide collectif de la psychose maniacodépressive 6 La règle des « trois passions » consiste à se renseigner auprès de l’entourage de la personne en crise, afin de savoir : quels sont les trois centres d’intérêt qui comptent encore dans sa vie ? Quels sont les trois sujets susceptibles de capter son attention et de favoriser la communication avec elle ? (Thierry Toutin, pratique personnelle).
Hostiles ou favorables aux agresseurs, victimes neutres, victimes apeurées, dépressives, agressives Les tiers et la famille Présents, non présents Degré de collaboration ou d’opposition aux forces intervenantes (famille, voisins, collègues ou amis de l’intéressé) Présence des médias
Mesures d’urgences immédiates Demander des renforts Délimiter un périmètre de sécurité Alerter les services de secours Aviser les autorités
B – Les états d’excitation liés à l’alcool ou aux produits stupéfiants Vis-à-vis de sujets alcooliques chroniques ou toxicomanes, il est inutile de moraliser ni de répondre par la surenchère dans les situations de crise L’intervenant doit être ferme et vigilant avec la personne en crise La fermeté reste de mise, mais elle doit être assortie d’une forme apparente de compréhension qui favorisera le dialogue Il est recommandé d’offrir des « passerelles » qui faciliteront l’expression du mis en cause Le facteur temps joue bien souvent en faveur des intervenants, l’alcool finissant par se dissiper ou par induire un sommeil profond
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C – Les états délirants de persécution (cadre psychiatrique de la paranoïa) Opposer un interlocuteur expérimenté Avoir une approche progressive et ferme tout en rassurant le plus possible l’intéressé Évaluer le niveau de psychorigidité, de conviction inébranlable du malade Ne pas contredire l’intéressé, ni augmenter sa colère, ni chercher à le faire changer d’avis (certitudes absolues fondées sur un raisonnement paralogique) Ne pas s’opposer de front, tout en restant ferme avec le sujet Ne pas sous-estimer ni se laisser embarquer dans la logique implacable du sujet Ne pas faire de promesses qui ne pourront être tenues. Danger si sentiment de trahison Évaluer la nature et la légitimité des revendications ainsi que le risque mortel pour les « persécuteurs » désignés nommément par le malade
D – Les états de crises psychotiques hallucinatoires (cadre psychiatrique de la schizophrénie et des bouffées de délire liées à la drogue) Ne rien faire qui puisse augmenter l’angoisse, l’agitation, la désorientation ou la frustration du malade Ne pas rire ni se moquer du discours en apparence incohérent ou illogique de l’intéressé et de ses hallucinations auditives Faire des phrases courtes, simples et à la portée du sujet Écouter plus que parler. Ne pas couper la parole du sujet lorsqu’il s’exprime (l’écoute sans réponse permettra de maintenir une relation bien fragile) Faire attention aux moments de calme apparent du sujet qui, à tout instant, peut entrer dans une crise paroxystique de violence (raptus hallucinatoire) Entrer dans le délire de l’intéressé ? Selon la capacité de l’intervenant Orientation sans délai vers un médecin psychiatre qui décidera de la structure la plus adaptée à l’état mental du sujet
E – Les situations de crises familiales et les conflits de voisinage Ne pas prendre parti. Rester neutre Agir avec fermeté et compréhension Séparer les protagonistes Protéger ou éloigner les enfants Favoriser le dialogue et l’expression verbale Éviter la surenchère
F – Les crises conflictuelles avec un groupe d’individus Attention au rapport de force, surtout s’il est défavorable à l’intervenant Il est inefficace de vouloir moraliser un individu, particulièrement lorsqu’il est en groupe Attention aux réactions défensives des intéressés en réponse à des propos ou des comportements vécus comme des persécutions Il n’est pas nécessaire d’évoquer d’emblée les suites judiciaires possibles ou encourues Éviter la surenchère, en restant ferme mais aussi « compréhensif » Recourir aux questions ou conduites paradoxales, c’est-àdire changer de sujet, pour sortir de la logique de l’affrontement Sortir de la logique dualiste de l’affrontement, au profit d’une stratégie tripartite, par le recours à l’intervention d’une tierce personne Souligner et appuyer sur les divergences entre membres d’un même groupe. Cela peut permettre parfois de gagner du temps, surtout lorsque les membres du groupe entrent en désaccord entre eux (diviser pour mieux régner)
G – Les crises particulières à motivations criminelles, terroristes et/ou politiques avec ou sans prise d’otage Ne prendre aucune initiative périlleuse Alerter les secours et services spécialisés Délimiter un périmètre de sécurité Aviser les autorités compétentes
DANS TOUS LES CAS LA RÈGLE RESTE LA SUIVANTE POUR LES PREMIERS INTERVENANTS Éviter l’isolement avec la ou les personnes en crise Éviter la surenchère Maintenir le contact dans la mesure du possible Alerter les secours et demander des renforts Délimiter un périmètre de sécurité Pour en savoir plus [1] [2] [3] [4]
Bandler R. Un cerveau pour changer. La programmation neurolinguistique. Paris : InterÉditions ; 2001. Barbier D. (dir.), La dangerosité. Approche pénale et psychiatrique. Paris : Privat ; 1991. Barte HN, Ostaptzeff G. Criminologie clinique. Paris : Masson ; 1992. Bénézech M, Le Bihan P, Bourgeois ML. Criminologie et psychiatrie. EMC, Psychiatrie, 37 906 – A-1O – 2002, Paris, 15 p.
T. Toutin, M. Bénézech / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 683–689 [5]
Bénézech M. Introduction à l’étude de la dangerosité. In : Les dangerosités, Paris : John Libbey Eurotext ; 2004, p. 7–23. [6] Bornstein S, Lopez G. Les comportements criminels. Paris : PUF « Que sais-je ? », no 297 ; 1994. [7] Broussard R. Commissaire Broussard. Mémoires. Paris : Plon ; 1997. [8] Caupenne C. Dangerosité publique : l’analyse policière de la dangerosité. In : Les dangerosités. Paris : John Libbey Eurotext ; 2004. p. 397–407. [9] Dussart PH. La prise en charge des malades mentaux difficiles. ENSP Editeur ; 1991. [10] Garrabé J. Histoire de la Schizophrénie. Paris : Seghers ; 1992. [11] Hirigoyen MF. Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien. Paris : Syros ; 1999. [12] Houlot D. Le passage à l'acte meurtrier dans la psychose, la perversion et la psychopathie. Mémoire de DESS, Université de Paris 13 – Villetaneuse, 1994.
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[13] Imbrohoris JP. Démences meurtrières. Paris : Filipacchi ; 1993. [14] Marie M. Je suis négociateur au RAID, Interview Paris-Match, no 2585 du 10 décembre 1998. [15] Negrier-Dormont L. Criminologie de l'acte. Paris : Litec ; 1995. [16] Ressler R, Shactman T. Chasseur de tueurs, Paris : Presses de la Cité ; 1993. [17] Roure L. L'état dangereux, aspects sémiologiques et légaux. Paris : Masson ; 1991. [18] Senninger Jl, Fontaa V. Psychopathologie des malades dangereux. Paris : Dunod ; 1996. [19] Sofsky W. Traité de la violence, Paris : Gallimard ; 1998. [20] Toutin T. Le profilage criminel. Paris : La Documentation Française ; 2000. [21] Toutin T. De l’intérêt des sciences humaines et de la communication en situation de crise. Revue Forensic de psychiatrie et psychologie légales 2004 ; 17 : 22–26.
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a Commandant de police, chercheur en criminologie Psychiatre, légiste, criminologue, 266, rue Judaïque, 33000 Bordeaux, France
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Avertissement Le guide de gestion de crise, dont on trouvera ci-dessous le texte intégral, a été proposé comme modèle aux services du ministère de l’Intérieur. L’initiative de la création de cet instrument revient à M. Thierry Toutin, commandant de police et criminologue, dont l’intérêt pour l’utilisation des sciences humaines en matière policière est bien connu. M. Toutin nous a fait l’honneur de solliciter notre collaboration à la rédaction de cette méthode pratique d’évaluation et d’intervention dans les situations difficiles impliquant des personnes en crise susceptibles d’être dangereuses pour elles-mêmes, autrui et l’environnement. Ce guide est donc, avant tout, destiné aux forces de sécurité, aux services de police confrontés à la pratique du terrain, mais nous pensons qu’il est important pour les personnels soignants en santé mentale d’en connaître l’esprit et le contenu. M.B. Mots clés : Criminologie appliquée ; Évaluation des risques ; Facteurs de dangerosité ; Gestion de crise Keywords: Applied criminology; Evaluation of risks; Factors of dangerousness; Management of crisis
1. Introduction Privilégier la négociation par rapport à l’action, ce n’est pas préférer les mots aux armes, mais choisir les mots comme une arme1. Cette phrase pourrait résumer à elle seule l’essence même de la gestion d’une crise aiguë par les services de sécurité. Il s’agit donc d’instaurer un dialogue afin de faciliter la gestion d’incidents graves lors de prises d’otages ou lorsqu’un individu s’est retranché à domicile par exemple, en essayant de résoudre la crise sans effusion de sang, après avoir évalué son niveau de dangerosité. Dans cet affrontement psychologique, les négociateurs cherchent à user
* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Bénézech). 1 Michel Marie, « Je suis négociateur au Raid », Interview, ParisMatch, No 2595 du 10 décembre 1998. doi:10.1016/j.amp.2005.07.020
l’adversaire pour l’amener à une conciliation, ou mieux à une reddition… Le facteur temps joue en faveur des négociateurs qui peuvent s’adapter scientifiquement au mode de communication du sujet, augmentant ainsi leur chance de succès, le but de la négociation étant de renverser le rapport de force précaire qui s’établit entre les intervenants et l’intéressé2. Il n’est donc pas aussi aisé de négocier ou de gérer une crise, alors que bon nombre de professionnels de sécurité désamorcent des conflits de toute nature, par la persuasion ou à l’aide d’arguments, sans savoir qu’ils font de la négociation, en usant d’une bonne psychologie de terrain. Deux éléments paraissent importants dans ce type d’approche : z La communication et l’écoute ; z L’évaluation des risques. 2
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2. Communication en situation de crise aiguë L’art de communiquer ou de savoir communiquer porte le nom scientifique de programmation neurolinguistique (PNL), appelé aussi psycholinguistique. Cette approche est rattachée à la psychologie en qualité de thérapie de la communication mais, selon Marie Louise Pierson3, il s’agit davantage d’une technique de communication que d’une thérapie. Cette méthode a été mise au point par Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970 à l’université de Santa-Cruz aux ÉtatsUnis. Ils empruntèrent à d’autres les techniques les plus efficaces pour faire passer un message dans les meilleures conditions possibles de transmission, en utilisant notamment les techniques du comportementalisme, de la cybernétique (science de l’étude des transmissions de signaux ou d’informations dans les circuits de toutes natures ; électroniques, système nerveux, téléphoniques, etc.), de la neurophysiologie (étude des fonctions du système nerveux et des phénomènes vitaux chez l’être organisé), de la gestalt-thérapie et de la linguistique (étude scientifique du langage et de sa transmission). Inutile de préciser que la PNL a intéressé de près les milieux de l’entreprise, du management, de l’enseignement et de la publicité. C’est-à-dire partout où il était nécessaire de communiquer efficacement et de faire passer un message avec le plus d’efficience possible. D’ailleurs, le mot programmation signifie en fait orientation du sujet, ou plutôt de l’esprit de ce dernier, dans la direction où l’on souhaite attirer son attention, notamment par le recadrage, la dissociation, le changement d’histoire ou l’ancrage, et ce afin de sortir des situations de blocage en ouvrant de nouvelles portes. Le terme neuro évoque le cerveau, qui reçoit, interprète et transmet les éléments de la communication à travers nos sens. Il doit permettre d’affiner nos techniques. Enfin, la linguistique signifie comment établir un contact durable avec autrui, en utilisant toutes les capacités de l’observation et de l’expression pour convaincre, influencer (avec intégrité) et augmenter l’impact d’un propos en adoptant le langage verbal et non-verbal de l’autre. Sans aller jusqu’à exposer ici l’ensemble des méthodes de la PNL, nous rapporterons certains aspects techniques qui intéressent directement les services de sécurité lors de médiations à haut risque. Ces trois points, utiles et importants lors de toutes négociations, sont les suivants : z Instaurer le dialogue avec l’interlocuteur ; z Recueillir l’information le concernant ; z Comprendre sa logique. 2.1. Instaurer le dialogue avec l’interlocuteur (entrer en contact et y rester) À ce sujet, Josiane de Saint-Paul4 souligne que : dans cette forme d’approche, la première chose à faire est d’adop3
Marie Louise Pierson, Guide des psychothérapies, MA Editions, 1987, p. 197. 4 Josiane de Saint-Paul, Choisir sa vie, InterÉditions, p. 60.
ter une attitude de neutralité et de respect envers son modèle du monde (sa vision du monde). Ce n’est certainement pas le même que le vôtre mais, comme nous l’avons vu précédemment, il n’est ni meilleur ni moins bon ; il est simplement différent. Exprimer de la surprise, ou pire de la désapprobation, compromettrait gravement la qualité de la relation instaurée. Il n’est donc pas nécessaire de comparer ni même de juger le monde et les critères de l’interlocuteur, ce qui risquerait donc de compromettre l’établissement du contact. La deuxième attitude à conserver est une attitude de confiance dans vos propres capacités à gérer la relation et de confiance dans les capacités de la personne que vous interrogez. Partir avec un a priori positif sur le déroulement des opérations ne peut que les faciliter. Bien entendu, cet a priori ne remplace pas la compétence. Il lui permet simplement de s’exprimer dans les meilleures conditions. La troisième attitude est une attitude d’intérêt et de curiosité bienveillante pour le modèle du monde de votre sujet. L’intérêt pour l’autre sera directement perçu et stimulera ses recherches. La bienveillance est le corollaire indissociable de la curiosité et un sésame extraordinaire en matière de communication. Les trois attitudes : neutralité et respect de l’autre et de son modèle du monde, confiance dans ses capacités propres et dans celles de son interlocuteur, curiosité bienveillante, sont les bases de la communication entre le professionnel de sécurité et son interlocuteur. Pour maintenir le contact, des moyens pratiques appelés techniques de synchronisation sont recommandés, tels une position physique et une posture corporelle similaires à celles de l’interlocuteur, ainsi qu’un volume et un débit verbal proches de celui-ci (certaines personnes parlent plus vite et plus fort que d’autres). Le sujet sera plus à l’aise et se sentira plus en phase. 2.2. Recueillir l’information Cela consiste à poser des questions à l’intéressé, c’est-à-dire à le faire parler pour tenter de comprendre ce que chaque mot signifie pour lui et quels en sont les sens, de son point de vue. Cela permet aussi, dans les situations difficiles, de se faire une idée du type d’individu auquel on est confronté (personnalité, profil psychologique, détermination…). Cette forme de décryptage ou de traduction du langage permet d’établir ce que l’on appelle en PNL : le lexique. Ce dernier servira ultérieurement à utiliser les informations recueillies et à chercher à comprendre la logique d’autrui. Recueillir l’information, c’est également s’adresser à l’environnement familial, social (voisins, amis) et professionnel du sujet, susceptible de fournir des renseignements sur celuici lors de crises graves. 2.3. Comprendre la logique de l’interlocuteur C’est simplement accepter d’entrer dans cette logique comme on entre dans un vêtement pour l’essayer5. En fait, 5 Josiane
de Saint-Paul, op. cit., p.71.
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comprendre est le mécanisme par lequel les choses acquièrent un sens, une logique que nous pouvons appréhender. Nous pouvons comprendre ce qui a poussé une personne à se suicider ou à accomplir un acte héroïque sans jamais avoir été suicidaire ou héroïque. Au début des années 1990, un stage intitulé « gestion de crises et conduite à tenir » a eu lieu dans un centre national de formation de la police. Des conseils étaient dispensés afin de gérer au mieux divers types de crises que pouvaient rencontrer les membres des forces de l’ordre. En cas d’urgence, les recommandations suivantes étaient préconisées. 2.3.1. Réanimer psychiquement le sujet En effet, celui qui vient de s’enfermer dans une crise est dans une situation de tension paroxystique avec un degré d’angoisse maximum. Il faut donc lui apporter « l’oxygène psychique », l’aider à reprendre son souffle, c’est-à-dire dépassionner le débat, en restaurant la place de la parole. Ainsi, les doléances pourront être exposées et l’on passera progressivement du processus primaire où tout est dans l’acte, au processus secondaire où tout est lié à la parole. 2.3.2. Restaurer le narcissisme du sujet Parallèlement, le fait d’être écouté, entendu et compris, engendre une réparation narcissique qui vient tarir l’hémorragie de la rupture, neutralisant les mécanismes archaïques d’introjection et de projection. La présence des forces de l’ordre le convainc de sa puissance, celle du psy bienveillant lui apporte l’élément affectif qui lui manque. 2.3.3. Replacer le sujet dans la réalité L’existence d’une relation authentique fait cesser l’isolement dans lequel le sujet est placé. Il recommence à percevoir normalement le temps, l’espace, les situations, il revient au présent. Le contrôle du moi redevient possible. Il ne faut pas chercher le pourquoi de la situation (solutions miracles à une rupture conjugale), mais comment sortir de la situation. Les questions d’ordre technique vont ainsi replacer le sujet dans la réalité. 2.3.4. Reconstituer le processus de socialisation Dans les moments de crise, la présence de la famille, des collègues, des voisins, des amis peut permettre au sujet, à la suite d’échanges, de se replacer en tant qu’être social dans un contexte social et culturel. 3. Évaluation et lisibilité des risques Dans toutes les situations conflictuelles violentes, l’intervenant doit pouvoir rapidement : z Déterminer les causes de la crise ; z Évaluer les risques (pourquoi ? qui ? où ? comment ? avec qui ? avec quoi ?) ; z Prévenir et sécuriser la zone de danger. Bien qu’il n’existe pas de recette modélisable, la méthode suivante, qui peut être adaptée selon les cas, propose, en six
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rubriques succinctes, de dresser un tableau rapide de la situation, en répondant aux questions suivantes : Les origines de la crise. Pourquoi ? Troubles impulsifs du comportement Maladie mentale Alcoolisme, toxicomanies, autres conduites addictives États dépressifs États suicidaires Violences groupales Conflits familiaux Conflits de voisinage, conflits du travail Vengeance Mutineries Prise d’otage (à caractère politique, criminel, pathologique, pseudoreligieux)
Évaluation de la dangerosité de la personne en crise. Qui ? Profil du sujet en crise Par la famille, par les antécédents psychiatriques et/ou judiciaires, par les amis, par les voisins, par les médecins, par le dialogue avec l’intéressé, etc. Éléments d’évaluation du profil physique, mental et social Profil physique Âge, sexe, taille, robustesse Tremblements, sueurs Agitation ou prostration Tenue correcte ou négligée, nudité Visage triste, figé ou animé, pâle ou coloré Profil mental Intelligent ou retardé mental Attitude hésitante ou déterminée Agressif, menaçant, excité, coléreux Émotif, anxieux, fragile, tendu, réactif Déprimé ou volubile, suicidaire Présent ou désorienté Discours clair ou incohérent Parle seul, entend des voix Propos bizarres ou délirants (persécution, jalousie, mysticisme, idéologie extrémiste, etc.) Déambulation agressive sur la voie publique Comportement adapté ou anormal
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Profil social Niveau éducatif Profession, ressources Situation familiale Relations personnelles Solitaire ou membre d’un groupe Mode de vie, habitudes, intérêts particuliers Domicile, SDF Connaissance du français ou d’une langue étrangère Recherche des facteurs de risque violent Victime dans l’enfance Antécédents de violence, antécédents suicidaires, hospitalisations en milieu psychiatrique Personnalité instable, impulsive, coléreuse, revendicatrice, dominatrice, jalouse, possessive Conflit récent, rupture sentimentale, divorce, perte d’emploi, période de crise prolongée Abus d’alcool, ivresse violente, usage de stupéfiants Goût des armes Port d’arme habituel, entraînement au tir, sports de combat Troubles mentaux graves, dépression, excitation, désorientation, hallucination Fréquentation de milieux délinquants
Lieux des faits – environnement. Où ? Lieu public École, hôpital, grande surface, immeuble, HLM, etc. Lieu privé Appartement, maison individuelle, etc. Lieu élevé Fenêtre, balcon, toiture, terrasse, etc. Milieu ouvert Voie publique, parking, sortie d’école, jardin public, place publique, etc. Milieu fermé Bureau, salle de cinéma, réfectoire, bar, discothèque, etc. Milieu hostile ou dangereux Quartier sensible, prison, dépôt d’essence, de produits toxiques, etc. Milieu favorable ou neutre Maison de retraite, commissariat, gendarmerie, zone rurale, etc. Lieu isolé ou de grande fréquentation
Évaluation du degré de détermination de l’auteur, du degré de planification du passage à l’acte, de l’évolution de la situation
Lieu confiné Prison, cave, garage, train, avion, etc. Accès facile ou difficile
Dans le temps de l’état mental et du comportement de l’intéressé (stabilité, aggravation, amélioration) Identification du nombre d’auteurs Isolé En groupe Nombre d’individus Évaluation de la qualité de la communication Dialogue direct ou par l’intermédiaire d’un tiers Lettre explicative, plan détaillé, testament, micro, Internet, etc. Contact visuel ou obstacle (porte, téléphone) Capacité de lucidité, d’écoute et de compréhension de la personne en crise Réaction de la personne en crise à l’intervention des forces de l’ordre, recherche de la provocation, désir de mourir ou absence de peur de la mort Capacité, professionnalisme et expérience des premiers intervenants
Réaction des témoins, des passants, du voisinage Comportement hostile du public, agressions verbales et/ou physiques à l’encontre des intervenants
Les moyens employés – mode opératoire Comment et avec quoi ? Préméditation, organisation ou caractère spontané, réactionnel des faits Les armes Aucune arme Armes blanches Armes à feu Objets contondants Engins explosifs ou incendiaires Autres dispositifs chimiques ou toxiques Chiens ou animaux d’attaques
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Les revendications Contenu des revendications Absence de revendications Les menaces Menaces de mort sur autrui Menaces de suicide individuel ou collectif, d’automutilation Menace d’incendie ou d’explosion Menaces avec arme Chantage, ultimatum
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4. Recommandations lors de certaines situations de crises Lors de certaines situations difficiles, à caractère pathologique ou non, quelques conduites ou attitudes élémentaires peuvent toutefois être envisagées dans l’urgence, bien qu’il n’y ait pas de recettes miracles dans ce domaine. NOTA : La rubrique G. concernant les motivations politiques, terroristes et criminelles sera succinctement évoquée, puisqu’elle concerne les prises d’otages liées au terrorisme ou au banditisme, domaine réservé à des services très spécialisés et donc volontairement écarté du présent guide pratique. A – Les états dépressifs et les conduites suicidaires
Les victimes – les tiers et la famille Avec qui ? Les victimes Pas de victime Victimes ciblées Victimes fortuites Victimes blessées ou malades Victimes menacées ou otages Nombre de victimes Profil des victimes Enfants, personnes âgées, proches, inconnus, etc. Conditions des victimes Attachées, retenues, enfermées, menacées directement, etc. Réactions des victimes
Établir et maintenir le dialogue (règle des trois passions)6 Ne pas brusquer le sujet, l’écouter et favoriser l’expression Avoir un discours apaisant sans discontinuité ou rupture Gagner du temps afin de permettre une intervention (pompiers, gaz, SAMU, psy) pour limiter les risques (automutilations, suicides individuels ou familiaux) Tenter d’instaurer une relation d’aide et de confiance, essayer de montrer qu’on est réceptif à la souffrance de l’intéressé L’intervenant doit avoir un rôle sécurisant. Il incarne la réalité et la sécurité au moment où celui qui tente de se suicider n’a plus personne « sur qui s’appuyer » En phase de dépression mélancolique, la négociation sera très difficile car il existe une très forte volonté du sujet à mourir. Sentiment délirant de culpabilité extrême avec risque de suicide collectif de la psychose maniacodépressive 6 La règle des « trois passions » consiste à se renseigner auprès de l’entourage de la personne en crise, afin de savoir : quels sont les trois centres d’intérêt qui comptent encore dans sa vie ? Quels sont les trois sujets susceptibles de capter son attention et de favoriser la communication avec elle ? (Thierry Toutin, pratique personnelle).
Hostiles ou favorables aux agresseurs, victimes neutres, victimes apeurées, dépressives, agressives Les tiers et la famille Présents, non présents Degré de collaboration ou d’opposition aux forces intervenantes (famille, voisins, collègues ou amis de l’intéressé) Présence des médias
Mesures d’urgences immédiates Demander des renforts Délimiter un périmètre de sécurité Alerter les services de secours Aviser les autorités
B – Les états d’excitation liés à l’alcool ou aux produits stupéfiants Vis-à-vis de sujets alcooliques chroniques ou toxicomanes, il est inutile de moraliser ni de répondre par la surenchère dans les situations de crise L’intervenant doit être ferme et vigilant avec la personne en crise La fermeté reste de mise, mais elle doit être assortie d’une forme apparente de compréhension qui favorisera le dialogue Il est recommandé d’offrir des « passerelles » qui faciliteront l’expression du mis en cause Le facteur temps joue bien souvent en faveur des intervenants, l’alcool finissant par se dissiper ou par induire un sommeil profond
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C – Les états délirants de persécution (cadre psychiatrique de la paranoïa) Opposer un interlocuteur expérimenté Avoir une approche progressive et ferme tout en rassurant le plus possible l’intéressé Évaluer le niveau de psychorigidité, de conviction inébranlable du malade Ne pas contredire l’intéressé, ni augmenter sa colère, ni chercher à le faire changer d’avis (certitudes absolues fondées sur un raisonnement paralogique) Ne pas s’opposer de front, tout en restant ferme avec le sujet Ne pas sous-estimer ni se laisser embarquer dans la logique implacable du sujet Ne pas faire de promesses qui ne pourront être tenues. Danger si sentiment de trahison Évaluer la nature et la légitimité des revendications ainsi que le risque mortel pour les « persécuteurs » désignés nommément par le malade
D – Les états de crises psychotiques hallucinatoires (cadre psychiatrique de la schizophrénie et des bouffées de délire liées à la drogue) Ne rien faire qui puisse augmenter l’angoisse, l’agitation, la désorientation ou la frustration du malade Ne pas rire ni se moquer du discours en apparence incohérent ou illogique de l’intéressé et de ses hallucinations auditives Faire des phrases courtes, simples et à la portée du sujet Écouter plus que parler. Ne pas couper la parole du sujet lorsqu’il s’exprime (l’écoute sans réponse permettra de maintenir une relation bien fragile) Faire attention aux moments de calme apparent du sujet qui, à tout instant, peut entrer dans une crise paroxystique de violence (raptus hallucinatoire) Entrer dans le délire de l’intéressé ? Selon la capacité de l’intervenant Orientation sans délai vers un médecin psychiatre qui décidera de la structure la plus adaptée à l’état mental du sujet
E – Les situations de crises familiales et les conflits de voisinage Ne pas prendre parti. Rester neutre Agir avec fermeté et compréhension Séparer les protagonistes Protéger ou éloigner les enfants Favoriser le dialogue et l’expression verbale Éviter la surenchère
F – Les crises conflictuelles avec un groupe d’individus Attention au rapport de force, surtout s’il est défavorable à l’intervenant Il est inefficace de vouloir moraliser un individu, particulièrement lorsqu’il est en groupe Attention aux réactions défensives des intéressés en réponse à des propos ou des comportements vécus comme des persécutions Il n’est pas nécessaire d’évoquer d’emblée les suites judiciaires possibles ou encourues Éviter la surenchère, en restant ferme mais aussi « compréhensif » Recourir aux questions ou conduites paradoxales, c’est-àdire changer de sujet, pour sortir de la logique de l’affrontement Sortir de la logique dualiste de l’affrontement, au profit d’une stratégie tripartite, par le recours à l’intervention d’une tierce personne Souligner et appuyer sur les divergences entre membres d’un même groupe. Cela peut permettre parfois de gagner du temps, surtout lorsque les membres du groupe entrent en désaccord entre eux (diviser pour mieux régner)
G – Les crises particulières à motivations criminelles, terroristes et/ou politiques avec ou sans prise d’otage Ne prendre aucune initiative périlleuse Alerter les secours et services spécialisés Délimiter un périmètre de sécurité Aviser les autorités compétentes
DANS TOUS LES CAS LA RÈGLE RESTE LA SUIVANTE POUR LES PREMIERS INTERVENANTS Éviter l’isolement avec la ou les personnes en crise Éviter la surenchère Maintenir le contact dans la mesure du possible Alerter les secours et demander des renforts Délimiter un périmètre de sécurité Pour en savoir plus [1] [2] [3] [4]
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