Situations difficiles lors d’une irradiation : la douleur

Situations difficiles lors d’une irradiation : la douleur

Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 523–527 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Situations difficiles lors d’une irradiation : l...

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Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 523–527

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Mise au point

Situations difficiles lors d’une irradiation : la douleur Pain management in radiation oncology L. Feuvret a,∗ , X. Cuenca a , P. Lavaud a , S. Anane a , É. Colin b a b

Service d’oncologie radiothérapie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 12 mai 2013 Accepté le 25 mai 2013 Mots clés : Douleurs Radiothérapie Plateau technique Anticipation

r é s u m é L’objectif de cet article est de proposer quelques moyens pratiques de traitement de la douleur applicables sur un plateau technique en s’adaptant aux différentes étapes du parcours du patient. La prise en charge de la douleur en radiothérapie est difficile en raison de la forte proportion de patients douloureux, de la sous-estimation par les soignants et du faible nombre de moyens. La douleur peut être à l’origine de difficultés de mobilisation, de positionnement du patient, d’interruption de séances, voire d’arrêt de traitement. Selon l’étape de la procédure, il pourra être appliqué une attitude préventive avec anticipation (consultation avant la radiothérapie) ou alors une attitude active pour soulager rapidement le patient (scanographie, séances). Cet article est un moyen de réfléchir calmement à cette tourmente du quotidien qu’est la douleur. Il n’est pas une revue générale à propos de la radiothérapie antalgique. Les situations pratiques évoquées s’appliquent à des patients pour qui l’indication de radiothérapie est posée, qu’elle soit curative ou palliative. Le travail d’équipe et la notion d’anticipation sont les mots clés pour réussir à apaiser au mieux les patients. Chaque moyen proposé n’est pas toujours disponible pour des raisons de ressources (temps, finance, personnel, formation). L’analyse par chacun de ses possibilités permettrait tout du moins d’établir à l’avance des conduites simples propres à chaque centre et alors de fluidifier les actes, d’agir dans le calme et d’optimiser le temps imparti à ces patients avec pour unique objectif : réaliser la radiothérapie. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Pain Radiation therapy Radiation department Anticipation

The goal of this article is to propose some practical means of pain management in radiation departments. Pain management in radiation oncology is difficult because of the high proportion of painful patients, underestimation by medical teams, and limited therapeutic options. Pain can cause mobilization difficulties, set-up errors, treatment interruption. According to procedure steps, a preventive attitude (for pre-radiation consultation) or an active attitude (for treatment) to quickly relieve the patient can be planned. This work is a brain storming about pain management. It is not a review about analgesic radiotherapy. The practical situations apply to patients to whom radiotherapy is indicated. Teamwork and anticipation are keywords to relieve patients. All proposed means are not always available for different reasons (time, finance, staff, training). The idea is to establish simple procedures that are appropriate to each center to fluidify acts, to optimize time for a successful irradiation. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La prévalence de la douleur en oncologie est supérieure à 50 %, avec 30 % de douleurs modérées à sévères et cela quel que soit le

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Feuvret).

stade évolutif de la maladie. En présence d’une maladie évoluée, jusqu’à 62 % des patients rapportent des douleurs sévères [1]. Parmi les 365 000 nouveaux cas annuels de patients atteints de cancer en France, 175 000 auront une irradiation dont plus de 40 % seront guéris par la radiothérapie en association ou non à d’autres thérapies [2]. Ces chiffres laissent paraître que le nombre de patients douloureux dans un service de radiothérapie est important, exposant ainsi

1278-3218/$ – see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.05.006

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les équipes à une double tâche : radiothérapie et prise en charge de la douleur. En 2012, une équipe franc¸aise a publié les résultats d’une enquête « un jour donné ». Cent cinquante-quatre patients en cours d’irradiation déclaraient ressentir des douleurs hors et pendant les séances et cela que la radiothérapie fut curative ou palliative. Un tiers des patients souffrant de douleurs ne recevait aucun traitement antalgique et 55 % se sentaient insuffisamment soulagés [3]. Il est aussi montré que la douleur est souvent sous-évaluée par le personnel soignant sur le plateau technique [4]. Les circonstances de découverte d’une douleur en radiothérapie sont multiples. En effet, le patient peut décrire des douleurs lors de la consultation avant la radiothérapie, des mobilisations, de la scanographie dosimétrique ou des séances et de la consultation hebdomadaire. Le médecin oscille alors entre le rôle d’oncologue radiothérapeute et d’algologue. Il doit garantir la réalisation de l’irradiation qui est « menacée » par ce symptôme. Une stratégie sera appliquée soit par anticipation (après la première consultation), soit rapidement lorsqu’elle est détectée lors de la scanographie ou des séances. Dans ce contexte « urgent », le questionnement est alors de définir pour le patient, la durée tolérable maximale de l’acte, et pour l’équipe, le temps disponible planifié et celui raisonnable à ajouter. L’acte technique doit être réalisé, mais pas à n’importe quel prix pour le patient, l’équipe, le planning et l’institution. Très peu d’études se sont spécifiquement intéressées à des stratégies possibles pour chacune de ces étapes. Il est donc nécessaire de rechercher et de définir la place des diverses méthodes de traitement de la douleur déjà appliquées dans des domaines médicaux différents tels que l’anesthésie, les soins palliatifs, la médecine générale. Cet article est un moyen de réfléchir calmement à cette tourmente du quotidien qu’est la douleur. Il n’est pas une revue générale à propos de la radiothérapie antalgique. Les situations pratiques évoquées par la suite s’appliquent à des patients pour qui l’indication de radiothérapie est posée, qu’elle soit curative ou palliative. L’objectif de cet article est de proposer quelques moyens pratiques de traitement de la douleur applicables sur un plateau technique tout en s’adaptant aux différentes étapes du parcours du patient.

2. Situations cliniques Après l’analyse de la pratique quotidienne et une enquête auprès de divers collègues, il apparaît schématiquement trois situations cliniques durant lesquelles le patient peut être douloureux : • lors de la consultation avant la radiothérapie ; • sur le plateau technique (scanographie, appareil de traitement) ; • lors de la consultation de suivi.

2.1. Avant la radiothérapie lors de la première consultation Lors de la première consultation, le patient peut être douloureux. La problématique repose alors sur la possibilité de réaliser techniquement cette irradiation. De nombreuses questions apparaissent à chaque étape. Le patient pourra-t-il effectuer l’acte de s’allonger et de rester allongé sur la table du scanographe ? Une position stable et reproductible pourra-t-elle être trouvée par l’équipe ? Cette position répondra-t-elle aux prérogatives imposées par les choix techniques de traitement (position de la tête, des bras, etc.) ? La durée et le nombre de séances sont-ils des obstacles à la réalisation du traitement ?

Tableau 1 Moyens de prise en charge de la douleur en radiothérapie en fonction de la situation clinique. Moyens d’action « immédiate » : lors de la scanographie, lors des séances

Moyens d’action d’anticipation : après la consultation initiale, avant la scanographie, avant les séances

Accueil, explications Méthode de mobilisation

Explications Antalgiques de fond et d’action « rapide » Anesthésiques locaux : Emla® , Versatis® Myorelaxants

Antalgiques d’action « rapide » Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (méopa) Anxiolytiques Hypnose Positionnement et contention

Anxiolytiques Hypnose Kinésithérapie Positionnements et contention

Tout se joue lors de cette première consultation, avec une évaluation précise afin de répondre aux questions précédentes et donc d’anticiper chaque étape. Deux situations peuvent schématiquement être décrites : le patient est douloureux à la mobilisation et au repos, ou douloureux seulement à la mobilisation. Dans le premier cas, la stratégie repose sur un traitement de fond associé à des moyens à effet rapide et de courte durée au moment de l’acte. Dans le second cas, même si le traitement de fond a un intérêt, les moyens à effet « rapide » peuvent parfois être suffisants. À noter qu’une douleur de mobilisation est d’autant plus facile à soulager que le traitement de fond est de bonne qualité. Alors qu’une stratégie antidouleur est mise en place entre la consultation et la réalisation de la scanographie dosimétrique, l’équipe de radiothérapie peut en même temps anticiper avec la mise à disposition de moyens à action « rapide » sur le plateau technique et la préparation des modalités de mobilisation et de positionnement du patient. L’oncologue radiothérapeute invite aussi un manipulateur et/ou un physicien à la consultation initiale afin d’évaluer les capacités du patient à se positionner de fac¸on reproductible et durable. Ils peuvent alors prévoir le matériel nécessaire. Il est proposé par certains de confectionner un matelas coquille directement dans la chambre du patient avant le transfert en radiothérapie, pour une séance unique [5]. 2.1.1. Traitement de fond Le traitement de fond doit être anticipé en amont. La prise en charge globale de la douleur en prévision de la scanographie est indispensable. Elle se prévoit soit en ambulatoire par le radiothérapeute lui-même lors de cette consultation ou par un médecin dédié à la prise en charge de cette symptomatologie ; soit en hospitalisation. La communication entre ces différents acteurs est fondamentale. L’équipe de radiothérapie donne le contenu du cahier des charges pour la réussite de cette procédure (horaires, durée, nombre de mobilisation, type de positionnement). 2.1.2. Moyens Les moyens de prise en charge de la douleur en fonction de la situation clinique sont présentés dans le Tableau 1. 2.1.2.1. Moyens en amont. 2.1.2.1.1. Antalgiques systémiques des douleurs nociceptives. Pour les douleurs nociceptives, tous les antalgiques (paliers I, II et III) de l’échelle de l’Organisation mondiale de la santé sont utilisables en traitement de fond et pour les interdoses [6]. À ce jour, pour les antalgiques de paliers III, plusieurs molécules sont commercialisées avec des voies d’administrations diverses (morphine, oxycodone [per os, intraveineuse], fentanyl [transcutanée et transmuqueux]), ainsi que des délais et durées d’action

L. Feuvret et al. / Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 523–527 Tableau 2 Pharmacocinétique des opioïdes. Traitement de fond

Délai d’action

Durée d’action

Per os Morphine LP Oxycodone LP

2h

12 h

Transcutané Fentanyl

12–15 h

72 h

Per os Tramadol LP

1h

12 h

Traitement rapide

Délai d’action

Durée d’action

Per os Morphine LI

Oxycodone LI

1h

4h

Intraveineux Morphine

Oxycodone

3–5 min

4h

Transmuqueux Fentanyl

15–30 min

2h

Per os Tramadol LI

20–40 min

4h

LP : libération prolongée ; LI : libération immédiate.

différents. Les formes à libération prolongée n’ont d’intérêt que pour les traitements de fond. Seules les formes à action rapide sont utilisables en interdose et peuvent servir en prémédication pour les douleurs induites lors de la réalisation de la scanographie ou des séances (Tableau 2) [7]. En ce qui concerne les opioïdes à action « rapide » (délai d’action inférieur à 1 heure), ceux par voie intraveineuse ont le délai d’action le plus court (trois à cinq minutes) [6]. L’utilisation d’une voie veineuse avec une pompe programmable est un moyen d’assurer le traitement de fond et les interdoses quelques minutes avant chaque acte. En aucun cas, ce mode d’administration ne doit être systématique. Son utilisation s’adapte au contexte (hospitalisation, voie parentérale indispensable). Dans ce contexte d’anticipation et d’organisation, le délai d’action n’est pas un critère primordial de choix de ces molécules. En revanche, la connaissance de la pharmacocinétique permet aux équipes d’adapter l’horaire de prise avec l’horaire des déplacements, de la scanographie ou des séances. En aucun cas, il n’est nécessaire de passer de la morphine ou l’oxycodone au fentanyl si le malade est bien calmé avec l’une des deux premières. Le paramètre économique peut en revanche être pris en compte dans ce contexte d’anticipation. En effet, le prix de l’interdose de morphine ou d’oxycodone est inférieur à 1 D , alors que pour les nouvelles galéniques de fentanyl, il est de 7 D environ. 2.1.2.1.2. Antalgiques des douleurs neuropathiques. Il faut noter tout d’abord que la plupart des études portent sur les douleurs neuropathiques non cancéreuses et donc l’utilisation des molécules est étendue au domaine de la cancérologie par analogie. Pour ces douleurs, les traitements de fond de type antiépileptiques ou antidépresseurs sont indispensables mais leur délai d’efficacité est long (sept à dix jours) d’autant plus que les posologies sont lentement croissantes pour atteindre la dose thérapeutique [8]. Le tramadol, avec son double mécanisme d’action (opioïdergique et aminergique), peut être efficace sur les douleurs mixtes sans délai d’action, alors compatible avec cette stratégie d’anticipation [9]. Si l’oxycodone n’est pas un traitement de première intention des douleurs neuropathiques, en cas de douleurs mixtes, elle peut être une bonne indication [8,10]. Enfin, en cas de douleurs neuropathiques localisées (cicatrices, tumeur), des traitements en application locale comme le Versatis® (emplâtre de lidocaïne) ou l’Emla® (tube de crème ou patch de

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lidocaïne et prilocaïne) peuvent être envisagés [11,12]. Il demeure cependant important de noter le délai d’action d’une heure et demie pour l’Emla® . Ce dernier peut aussi être proposé pour des lésions cutanées douloureuses, mêmes ulcérées, pouvant être au contact de la table du scanographe. En effet, des études ont montré son intérêt et son innocuité dans le traitement des ulcères variqueux des membres inférieurs (autorisation de mise sur le marché [AMM]) [13]. 2.1.2.1.3. Myorelaxants. Les douleurs musculaires liées à des contractures sont fréquentes. Leur détection et leur traitement sont nécessaires [6]. 2.1.2.1.4. Anxiolytiques. L’anxiété fait partie des différentes composantes de la douleur à détecter [6]. Sa présence majore la perception de la douleur et inversement, tel un cercle vicieux. Sa prévention et son traitement reposent sur l’information du patient, les anxiolytiques, la relaxation. 2.1.2.1.5. Hypnose. L’hypnose est reconnue pour son efficacité sur la douleur, l’anxiété, et la claustrophobie. Cette dernière peut alors majorer la perception douloureuse [14,15]. Ces symptômes s’associent en particulier lors de l’utilisation de masque thermoformé de contention. En cas d’indication d’hypnose, il est nécessaire de prévoir une phase d’entraînement avec un professionnel formé à l’hypnose. Cette personne peut être présente lors de la scanographie et/ou des premières séances de radiothérapie. 2.1.2.1.6. Kinésithérapie. La chirurgie des cancers de la tête et du cou et la chirurgie axillaire pour cancer du sein sont à l’origine de dysfonctionnements des épaules. Ces derniers peuvent provoquer des douleurs par atteinte des nerfs, par la survenue de capsulite rétractile ou de contracture des muscles locorégionaux. Le positionnement de la tête et du cou sous le masque thermoformé ou de l’épaule en abduction à 90◦ peut être douloureux, voire impossible. Deux études prospectives ainsi que des recommandations ont montré que la kinésithérapie précoce postopératoire permettait de prévenir la survenue des douleurs et des limitations de mouvements, qui risquent de retarder la prise en charge par radiothérapie [16–18]. 2.1.2.1.7. Acupuncture. Aucune donnée ne permet de définir clairement la place de l’acupuncture pour ces patients en préparation de la radiothérapie sans toutefois éliminer son intérêt. En 2013, une revue de la littérature n’a pu conclure en raison de la présence de nombreux biais [19]. 2.1.2.2. Moyens au moment de la scanographie. Le temps passé à la scanographie dosimétrique dépend de l’étape précédente avec la prise en charge de la douleur et des résultats de la réflexion de l’équipe de radiothérapie à propos du positionnement du patient. À l’arrivée du patient, l’équipe est présente au complet (médecin, manipulateurs). Un accueil empathique et une description de la procédure au patient sont des éléments aidants et aisés à appliquer. Une évaluation de l’effet des procédures antérieurement mise en route est pratiquée afin de connaître leur efficacité lors des mouvements, du décubitus dorsal, ainsi que leur durée d’action. La procédure de scanographie se décompose en deux étapes : • la mobilisation vers la table ; • l’immobilisation sur la table et le positionnement. Divers moyens peuvent être évoqués selon ces étapes. 2.1.2.2.1. Mobilisation. Hypnose : à l’instar de l’utilisation de l’hypnose pour les gestes douloureux comme les biopsies mammaires avec un effet significativement prouvée dans une étude randomisée, il est possible d’appliquer ce type de procédure à la radiothérapie : soit avec un professionnel supplémentaire dédié à l’hypnose, soit avec un professionnel (manipulateur, oncologue radiothérapeute) pouvant conjuguer la préparation de la radiothérapie et un discours du registre de la suggestion. L’entraînement

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préalable comme décrit ci-dessus est facilitateur. Un effet sur la douleur et l’anxiété a été rapporté [20]. Manutention : les règles de brancardage et de manutention d’un patient sont appliquées avec rigueur pour le confort du patient et la sécurité du personnel (plusieurs personnes, respect des alignements, matelas de transfert, etc.) [21,22]. Antalgiques : selon les antalgiques utilisés et leur délai d’action, il est possible de proposer une interdose avant de débuter la procédure de mobilisation et de positionnement. Anxiolytiques : à cette étape de la préparation, des anxiolytiques d’action rapide (20 à 30 minutes) peuvent être utilisés, comme l’alprazolam (Xanax® , demi-vie courte), le clorazepam (Tranxène® , demi-vie longue). Le midazolam (Hypnovel® ) est une benzodiazépine d’action très courte utilisée par voie intraveineuse pour les sédations vigiles, nécessitant de respecter les recommandations de l’AMM (titration, injection lente). Sa pharmacocinétique semble intéressante dans ce contexte. Protoxyde d’azote : le mélange équimolaire gazeux d’oxygène médical et de protoxyde d’azote (méopa), pour inhalation, est indiqué pour des analgésies de courte durée dans le cadre d’actes douloureux ou en cas de douleur légère à modérée chez l’adulte (transport par exemple). Il permet d’obtenir un état de sédation consciente avec un effet antalgique rapide, anxiolytique et amnésiant. Tout service hospitalier peut utiliser ce produit en présence d’un médecin qui n’est pas nécessairement un anesthésiste. Le méopa s’inhale via un masque facial. Son délai d’action est de quelques minutes et son effet s’arrête aussi rapidement après le retrait du masque. Il nécessite un contact verbal soigné-soignant tout au long de l’inhalation. Le matériel est disposé sur un chariot facilitant son transport dans les services. Il faut s’assurer de l’évacuation du gaz via le tuyau dédié à cet effet (fenêtre, au ras du sol dans un couloir aéré) [23]. Il est en pratique utilisable au niveau du scanographe ou des accélérateurs, après formation du personnel. Sa tolérance est particulièrement bonne. 2.1.2.2.2. Sur la table du scanographe. Une fois le patient allongé sur la table, il peut être nécessaire de poursuivre activement l’accompagnement hypnotique et le méopa selon les mêmes modalités et contraintes citées ci-dessus. Le positionnement est une étape cruciale permettant d’assurer la suite du traitement. Il doit être fiable, reproductible et le plus confortable possible. Dans tous les cas, il faut s’adapter au patient douloureux. En effet, imposer une position techniquement exacte mais insupportable est une probable source d’échec. Aujourd’hui, deux situations peuvent être évoquées et acceptées. En premier lieu, dans un contexte palliatif, une irradiation bidimensionnelle ou tridimensionnelle de qualité peut s’accompagner d’un positionnement imparfait par comparaison à celui des règles de l’art (angle de Reid, non alignement du patient, positionnement d’un membre). En second lieu, les nouvelles techniques d’irradiation peuvent permettre de compenser certains défauts de positionnement tout en restant d’une grande précision. Dans tous les cas, une vigilance accrue est nécessaire quant aux modifications de positionnement pouvant survenir de part l’effet antalgique et antitumoral des rayons. Une nouvelle contention avec scanner pourrait être refaite.

2.2. Pendant le traitement : douleurs lors d’une séance Malgré une prise en charge optimale des symptômes, l’oncologue radiothérapeute est parfois appelé au poste de traitement pour un malade douloureux qui ne l’était pas ou qui l’est plus intensément. La démarche est alors d’évaluer la situation sous l’appareil et de décider si la séance est réalisable dans un délai raisonnable pour le patient et le planning du service.

Tout d’abord, une attitude systématique technique est à appliquer : il faut vérifier à partir du dossier technique initial une erreur de positionnement du patient (angle de Reid, position des membres, etc.), de matériel non nominatif (système de cales, de coussins, etc.), de matériel nominatif (masque d’un autre patient, forme de masque inadapté). La confection d’un nouveau masque doit être parfois évoquée avant une interruption complète du traitement. Au-delà de l’anomalie technique, les effets secondaires aigus douloureux sont évoqués, sans oublier la classique aggravation des douleurs osseuses métastatiques lors des premières séances de radiothérapie [24,25]. La problématique dans ce cas est le temps. En principe, une séance dure dix à 15 minutes. Ici, dans ce même temps, il faut assurer une antalgie rapide et l’irradiation. En pratique, le patient peut rester sur la table de traitement si la probabilité de le soulager dans les 15 à 20 minutes est importante. Au-delà, il est préférable d’interrompre la procédure, de soulager le patient et de reprendre la séance par la suite. Une exception est envisageable : le patient hyperalgique en situation palliative présent pour une séance unique. À noter que la dotation du plateau technique en médicaments antalgiques peut être envisagée et très utile dans ces moments [4]. 2.3. Consultation hebdomadaire La consultation hebdomadaire de radiothérapie est obligatoire et permet de détecter la survenue d’effets secondaires. La douleur est un symptôme fréquemment évoqué à ce moment. Les antalgiques standards, les anti-inflammatoires ou les moyens décrits ci-dessus peuvent être mis en route en cours d’irradiation. Un effet secondaire aigu est particulièrement algogène et difficile à traiter avec des conséquences sévères : la mucite oropharyngée. Sa prise en charge passe tout d’abord par la prévention (hygiène dentaire, soins bucco-dentaires et bains de bouche) comme décrit dans les recommandations de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) en 2011 [26–28]. Les opioïdes restent les antalgiques de référence. Une fois installée, plusieurs moyens antalgiques peuvent être proposés. L’utilisation du laser de faible puissance est recommandable en raison de son efficacité montré dans une étude de phase III (réduction des douleurs sévères de 23,8 % à 1,9 % des patients avec le laser) [29]. D’autres moyens locaux, comme la benzydamine (niveau IA), la xylocaïne locale, le sulcrafate, la Bétadine® bain de bouche 10 %, la kétamine, peuvent être proposés [30]. Enfin, lorsque les patients décrivent un niveau inhabituel de douleurs pour la dose d’irradiation alors délivrée, il importe de rechercher une toxicité aiguë inhabituelle liée soit à une erreur de dosimétrie soit une hypersensibilité intrinsèque. Cette douleur est traitée symptomatiquement. Mais selon sa gravité et son délai de survenue, l’irradiation peut être interrompue ponctuellement ou définitivement. Le dossier technique d’irradiation est alors toujours revu par un physicien. 2.4. Autres situations 2.4.1. Curiethérapie En curiethérapie, quelle que soit sa modalité, l’utilisation des antalgiques classiques, des anti-inflammatoires, des antispasmodiques est classique. Un complément dans la panoplie thérapeutique peut être proposé. En effet, une étude franc¸aise de phase III a démontré lors de la pose ou dépose des moules gynécologiques, que le méopa était plus efficace qu’un placebo avec une diminution significative du niveau de douleur mesuré avec une échelle visuelle analogique (EVA) et bien toléré [23].

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2.4.2. Mise en place directe sous l’appareil pour une irradiation antalgique Dans des circonstances exceptionnelles de patients douloureux très difficilement mobilisables avec une espérance de vie relativement courte, une radiothérapie antalgique peut être toutefois retenue, d’autant plus que l’effet antalgique des rayons apparaît en une semaine. L’état clinique ne permet pas alors de réaliser toutes les étapes de la procédure (scanographie, contrôle radiologique et séances). Il est envisageable de prévoir une séance d’irradiation avec une mise en place directe sous l’appareil de traitement. Cette attitude est réalisable, surtout pour une séance unique. Plusieurs conditions sont nécessaires afin de respecter les bonnes pratiques. Le médecin, le physicien et deux manipulateurs sont présents en même temps. Le volume à irradier est repéré : • soit manuellement et visuellement en cas de lésion superficielle (aidée de l’imagerie diagnostique pour évaluer la profondeur) et une photographie du champ est conservée ; • soit, pour les lésions profondes, à partir de la connaissance des projections des structures profondes et repères osseux au niveau cutané suivi d’un contrôle par imagerie portale. Dans le cas des lésions superficielles, un traitement par électrons est assuré avec définition de l’énergie en fonction de l’épaisseur de la cible ; pour les lésions profondes, un traitement par faisceaux carrés ou rectangulaires de photons sans collimateur multilames en technique distance source axe à mi-épaisseur est pratiqué. Tous les paramètres sont notés sur la fiche de traitement et transmis au physicien qui, immédiatement, calcule les paramètres d’irradiation et contrôle la dosimétrie in vivo en lecture directe. Cette méthodologie est rapide et pratiquée alors avec sécurité. 3. Conclusion À l’évidence, les oncologues radiothérapeutes sont confrontés à des patients douloureux aux différentes étapes de prise en charge sur un plateau technique. Partagés entre la fonction technique de radiothérapeute, de plus en plus consommatrice de temps, et la fonction de médecin humaniste portant attention aux symptômes douloureux, ils ne peuvent à eux seuls assurer les deux rôles de fac¸on optimale. Le travail d’équipe et la notion d’anticipation sont les mots clés pour réussir à apaiser au mieux les patients. Chaque moyen proposé n’est pas toujours disponible pour des raisons de moyens (temps, finance, personnel, formation). L’analyse par chacun de ses possibilités permettrait tout du moins d’établir à l’avance des conduites simples, propres à chaque centre, et alors de fluidifier les actes, d’agir dans le calme et d’optimiser le temps imparti à ces patients avec pour unique but : réaliser la radiothérapie indiquée avec le meilleur confort pour le patient et le moins de douleur. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Van den Beuken-van Everdingen MHJ, de Rijke JM, Kessels AG, Schouten HC, van Kleef M, Patijn J. Prevalence of pain in patients with cancer: a systematic review of the past 40 years. Ann Oncol 2007;18:1437–49. [2] Chauvet B, Mahé MA, Maingon P, Mazeron JJ, Mornex F, pour la Société franc¸aise de radiothérapie oncologique (SFRO). Livre blanc de la radiothérapie en France 2013. Douze objectifs pour améliorer un des traitements majeurs du cancer. Paris: SFRO; 2013 [Disponible en ligne à l’adresse : http://www.sfro.org/sfro pro/media/pdf/Livre blanc SFRO 2013.pdf. (Accès le 5/7/2013)].

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