Huit semaines d’entraînement intense en endurance diminuent les β2-adrénocepteurs dans le cœur de rat diabétique

Huit semaines d’entraînement intense en endurance diminuent les β2-adrénocepteurs dans le cœur de rat diabétique

Science & Sports (2010) 25, 153—156 COMMUNICATION BRÈVE Huit semaines d’entraînement intense en endurance diminuent les ␤2-adrénocepteurs dans le cœ...

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Science & Sports (2010) 25, 153—156

COMMUNICATION BRÈVE

Huit semaines d’entraînement intense en endurance diminuent les ␤2-adrénocepteurs dans le cœur de rat diabétique Eight weeks of intense endurance training decrease ␤2-adrenoceptors in heart of diabetic rat S. Le Douairon Lahaye a,∗, A. Gratas-Delamarche a, L. Malardé a, F. Carré b,c, F. Rannou Bekono a a

UFR APS, laboratoire « mouvement sport santé », université Rennes-2, avenue Charles-Tillon, 35043 Rennes cedex, France b Inserm, U642, LTSI, université Rennes-1, 35033 Rennes, France c Inserm—CIC-IT 804, service d’explorations fonctionnelles, département de biologie et médecine du sport, CHU de Rennes, 35033 Rennes, France Rec ¸u le 11 d´ ecembre 2009 ; accepté le 10 f´ evrier 2010 Disponible sur Internet le 20 mars 2010

MOTS CLÉS Diabète ; Entraînement ; Récepteur ␤2-adrénergique ; Cœur

KEYWORDS Diabetes; ∗

Résumé Introduction. — Le but de cette étude est de déterminer l’effet de huit semaines d’entraînement intense en endurance sur l’expression des récepteurs ␤1- et ␤2-adrénergiques cardiaques chez des rats diabétiques et contrôles. Synthèse des faits. — L’expression du récepteur ␤1-adrénergique des rats diabétiques sédentaires est significativement diminuée (p < 0,05) alors que l’expression de leur récepteur ␤2-adrénergique n’est pas significativement modifiée. L’entraînement au cours du diabète n’a aucun effet sur l’expression du récepteur ␤1-adrénergique mais provoque une diminution significative de l’expression du récepteur ␤2-adrénergique (p < 0,01). Conclusion. — Un entraînement intense en endurance de huit semaines au cours du diabète induit une diminution de l’expression du récepteur ␤2-adrénergique, qui pourrait constituer un mécanisme de protection du cœur diabétique contre une sur-stimulation catécholaminergique. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Introduction. — The aim of this study was to determine the effects of 8 weeks of intense endurance training on cardiac expression of ␤1- et ␤2-adrenoceptors in diabetic and control rats.

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (S. Le Douairon Lahaye).

0765-1597/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2010.02.002

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Training; ␤2-adrenoceptor; Heart

S. Le Douairon Lahaye et al. Facts. — ␤1-adrenoceptor expression of sedentary diabetic rats is significantly decreased (p < 0.05) while ␤2-adrenoceptor expression is not modified. Endurance training during diabetes has no effect on ␤1-adrenoceptor expression but displays a significant decrease in ␤2-adrenoceptor expression (p < 0.01). Conclusion. — Eight weeks of intense endurance training during diabetes induce a ␤2adrenoceptor expression decrease, which may constitute a protection mechanism of diabetic heart against a catecholaminergic overstimulation. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La stimulation des récepteurs ␤-adrénergiques (AR) par les catécholamines joue un rôle essentiel dans la régulation des réponses cardiovasculaires à une situation de stress. Au moins deux types de récepteurs, les sous-unités ␤1et ␤2-AR exprimées dans les cardiomyocytes, sont impliqués dans la régulation de la contractilité cardiaque. Dans le diabète juvénile, dit de type 1, l’activation chronique du système nerveux sympathique induit avec le temps une diminution sévère des réponses cardiaques à la stimulation par des agonistes ␤-AR. Cette altération est caractéristique de la cardiomyopathie diabétique et résulte notamment d’une régulation négative sélective du récepteur ␤1-AR [4]. Il est aujourd’hui bien démontré que l’entraînement en endurance a des effets bénéfiques sur la cardiomyopathie diabétique. Les travaux de Bidasee et al. [2] suggèrent que ces effets bénéfiques pourraient être médiés en partie par un effet ␤1-AR. En effet, les auteurs démontrent que trois semaines d’entraînement modéré en endurance corrigent la diminution d’expression du récepteur ␤1-AR induite par le diabète, sans affecter l’expression du récepteur ␤2-AR. Le récepteur ␤2-AR étant moins sensible aux catécholamines que le récepteur ␤1-AR, les auteurs suggèrent qu’un entraînement plus long et plus intense est nécessaire pour induire des effets significatifs sur l’expression du récepteur ␤2-AR. Ainsi, Billman et al. [3] observent qu’un entraînement intense en endurance atténue les réponses ␤2-AR à la stimulation ␤-AR chez des chiens présentant une sensibilité accrue à la fibrillation ventriculaire. Comme l’effet ␤2-AR est arythmogène, ces auteurs suggèrent que la réponse ␤2AR atténuée pourrait constituer une adaptation spécifique visant à prévenir le risque de troubles du rythme. Nous faisons donc l’hypothèse que huit semaines d’entraînement intense en endurance peuvent diminuer l’expression des récepteurs ␤2-AR dans les cœurs de rats diabétiques. Le but de cette étude est donc de déterminer les effets de huit semaines d’entraînement intense en endurance sur l’expression des récepteurs ␤1- et ␤2-AR dans le cœur de rat s diabétiques.

2. Méthodes Trente et un rats mâles Wistar (janvier, France) âgés de huit semaines au début de l’étude ont été répartis en quatre groupes : contrôle sédentaire (n = 8), diabétique sédentaire (n = 7), contrôle entraîné (n = 8) et diabétique entraîné (n = 8). Les animaux sont élevés dans des conditions

contrôlées de température, d’hygrométrie et d’éclairage et bénéficient d’un accès ad libitum en eau et nourriture. Ce protocole a été réalisé en accord avec les recommandations du ministère Franc ¸ais de l’agriculture et du guide de protection et d’utilisation des animaux de laboratoire. Une semaine après l’induction du diabète par injection de streptozotocine ([STZ], 45 mg/kg), les rats diabétiques du groupe entraîné sont soumis à un protocole de course sur tapis roulant plus long et plus intense que celui utilisé par Bidasee et al. [2] (huit semaines, cinq jours par semaine, une heure par jour, à une vitesse progressivement croissante jusqu’à 25 m/min, pente de 10◦ ). Des rats sains ont été utilisés comme contrôles. Vingt-quatre heures après la dernière session d’exercice, les rats sont sacrifiés et les ventricules gauches délicatement séparés, afin de déterminer, par western blot (SDS-page), l’expression des récepteurs ␤1et ␤2-AR à l’aide d’anticorps spécifiques (anti-␤1 : Sc-568 ; anti-␤2 : Sc-569) fournis par Tebu-Bio International (France). Les comparaisons entre les groupes ont été réalisées avec un test t de Student ou avec une Anova deux facteurs (état de santé et entraînement) selon les paramètres. La différence est considérée significative quand p inférieur à 0,05.

3. Résultats Une semaine après l’injection de STZ, juste avant le début du programme d’entraînement, les rats diabétiques présentent les signes typiques du diabète : une hyperglycémie (rats diabétiques : 430,1 ± 27,6 vs rats contrôles : 128,7 ± 3,7 mg/dL ; p < 0,001) et un poids du corps inférieur par rapport aux rats contrôles (299,1 ± 11,3 vs 373,2 ± 4,2 g ; p < 0,001). L’entraînement induit une diminution significative des niveaux de glucose sanguin chez les rats diabétiques entraînés par rapport aux rats diabétiques sédentaires (p < 0,001) (Tableau 1). Bien que limitant les effets du diabète, l’entraînement ne permet pas de normaliser les poids du corps, du cœur et du ventricule gauche des rats diabétiques entraînés par rapport aux rats contrôles sédentaires (p < 0,001). Il n’affecte pas non plus le ratio poids du ventricule gauche/poids du corps chez les rats diabétiques comme chez les contrôles. Le diabète induit une diminution significative de l’expression du récepteur ␤1-AR (p < 0,05) sans affecter celle du récepteur ␤2-AR (Fig. 1). Chez les rats contrôles, l’entraînement a le même effet que le diabète. En revanche, dans les cœurs des rats diabétiques, l’entraînement n’a pas d’effet significatif sur l’expression du récepteur ␤1-AR

␤2-adrénocepteurs dans le cœur de rat diabétique entraîné Tableau 1

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Effets du diabète et de l’entraînement sur les caractéristiques générales.

PC (g) PCoeur (mg) PVG (mg) PCoeur/PC (mg/g) PVG/PC (mg/g) Glucose sanguin (mg/dL)

Sédentaire contrôle (n = 8)

Entraîné contrôle (n = 8)

Sédentaire diabétique (n = 7)

Entraîné diabétique (n = 8)

506,5 ± 12,8 1230,7 ± 23,6 893,8 ± 17,6 2,4 ± 0,1 1,77 ± 0,1 126,2 ± 3,1

452,0 ± 12,9a 1256,6 ± 44,8 911,5 ± 30,9 2,7 ± 0,1 2,0 ± 0,3 118,3 ± 6,6

226,8 ± 12,6a,b 749,6 ± 25,3a,b 749,6 ± 25,3a,b 3,4 ± 0,1a 2,3 ± 0,1a,b 567,4 ± 32,6a,b

354,8 ± 24,2a,b,c 1004,2 ± 52,8a,b 878,6 ± 53,5a,b,c 2,9 ± 0,1a,c 2,6 ± 0,1a,b 497,4 ± 23,8a,b,c

PC : poids du corps ; PCoeur : poids du cœur ; PVG : poids du ventricule. Moyenne ± ES. a Significativement différent des sédentaires contrôles (p < 0,05). b Significativement différent des entraînés contrôles. c Significativement différent des sédentaires diabetiques (p < 0,05).

Figure 1 Niveaux d’expression protéiques des récepteurs ␤1- et ␤2-AR cardiaques des rats sédentaires contrôles (n = 8), entraînés contrôles (n = 8), sédentaires diabétiques (n = 7) et entraînés diabétiques (n = 8). Moyenne ± ES. * : significativement différent des rats sédentaires contrôles (p < 0,05) ; † : significativement différent des rats entraînés contrôles (p < 0,05) ; ‡ : significativement différent des rats sédentaires diabétiques (p < 0,05).

puisque le niveau d’expression de cette protéine n’est pas significativement différent entre les rats diabétiques sédentaires et entraînés. En revanche, il provoque une diminution significative de l’expression du récepteur ␤2-AR (p < 0,01).

␤1-AR sans modifier celle du récepteur ␤2-AR. Ainsi, le diabète et l’entraînement ont d’une certaine fac ¸on des effets similaires sur la distribution des récepteurs ␤-AR mais les mécanismes responsables restent à clarifier. Cette étude démontre principalement que huit semaines d’entraînement intense en endurance chez les rats diabétiques provoquent une diminution de l’expression du récepteur ␤2-AR sans affecter la régulation négative du récepteur ␤1-AR induite par le diabète. Cet entraînement long et intense a donc des effets totalement opposés à ceux d’un entraînement modéré puisque trois semaines d’entraînement modéré en endurance corrigent la diminution d’expression du récepteur ␤1-AR, sans affecter l’expression du récepteur ␤2-AR [2]. Cet effet caractéristique de l’entraînement intense s’explique très probablement par une plus forte activation du système nerveux sympathique. En effet, l’entraînement utilisé dans ce travail est très certainement générateur d’un stress important, plus élevé qu’avec celui utilisé par Bidasee et al. [2], provoquant ainsi une augmentation importante des concentrations myocardiques de catécholamines. Ainsi, chez les rats diabétiques soumis aux huit semaines d’entraînement intense en endurance, le stress dû à l’entraînement peut s’ajouter au stress dû à l’état diabétique. Moins sensibles aux catécholamines que les récepteurs ␤1-AR, les récepteurs ␤2-AR seraient alors négativement régulés sous l’effet de ce double stress. En s’appuyant sur les travaux de Billman et al. [3], nous suggérons que la diminution de l’expression du récepteur ␤2-AR induite par l’entraînement dans les cœurs des rats diabétiques pourrait limiter les courants calciques entrants et augmenter la stabilité électrique cardiaque. Ainsi, la diminution de l’expression du récepteur ␤2-AR chez les rats diabétiques sous l’effet des huit semaines d’entraînement intense en endurance pourrait être interprétée comme un mécanisme de protection contre une sur-stimulation catécholaminergique arythmogène.

4. Discussion

5. Conclusion

En accord avec de précédentes études [4,1], le diabète et l’entraînement diminuent l’expression du récepteur

Cette étude montre que chez le rat diabétique, huit semaines d’entraînement intense en endurance provoquent

156 une diminution de l’expression du récepteur ␤2-AR sans affecter la régulation négative du récepteur ␤1-AR induite par le diabète. La diminution d’expression du récepteur ␤2-AR induite par ce type d’entraînement pourrait constituer un mécanisme de protection du cœur contre une sur-stimulation par des niveaux de catécholamines élevés et contre la survenue d’arythmie au cours de l’exercice intense. Il serait intéressant, lors de prochains travaux, de mener une étude in vivo, sur animaux conscients, visant à déterminer par télémétrie l’impact de l’entraînement sur le rythme cardiaque et plus précisément sur la fréquence des arythmies dans notre modèle de rat diabétique.

Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent qu’ils n’ont pas de conflit d’intérêt.

S. Le Douairon Lahaye et al.

Références [1] Barbier J, Rannou-Bekono F, Marchais J, Berthon PM, Delamarche P, Carré F. Effect of training on ␤1 ␤2 ␤3 adrenergic and M2 muscarinic receptors in rats heart. Med Sci Sports Exerc 2004;36(6):949—54. [2] Bidasee KR, Zheng H, Shao CH, Parbhu SK, Rozanski GJ, Patel KP. Exercise training initiated after the onset of diabetes preserves myocardial function: effects on expression of ␤-adrenoceptors. J Appl Physiol 2008;105(3):907—14. [3] Billman GE, Kukielka M, Kelley R, Moustafa-Bayoumi M, Altschuld RA. Endurance exercise training attenuates cardiac ␤2-adrenoceptor responsiveness and prevents ventricular fibrillation in animals susceptible to sudden death. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2006;290:H2590—9. [4] Dinc ¸er UD, Bidasee KR, Güner S, Tay A, Özc ¸elikay T, Altan MV. The effect of diabetes on expression of ␤1-␤2-, and ␤3adrenoreceptors in rats hearts. Diabetes 2001;50:455—61.