Rev M6d Interne 2003 ; 24 Suppl 2 : 255-256 © 2003 l~ditions scientifiqueset m6dicalesElsevierSAS.Tous droits r6serv6s
Huit semaines
quarante
J.F. T h u a n a, I. R i n g e a r d b, J. B r i n g e r b, A. L e Q u e l l e c a ~Service de m6decine interne A, h@ital Saint-F.loi, bservice des maladies endocriniennes, h@ital Lapeyronie, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 MontpelIier cedex 5, France
LES FAITS C L I N I Q U E S Monsieur, ~g6 de 50 ans, est hospitalis6 darts le service pour une alt6ration de l'6tat g6n6ral et une fibvre 6voluant depuis trois semaines. D6but mai 2002, il a eu brutalement une hyperthermie 40 °C, des frissons, des arthromyalgies et une diarrhde f6cale mod6r6e. Son m6decin gdn6raliste a d6cel6 une 616vation des transaminases 5 1,5 fois la normale. La fi~vre est rest6e 61evde en plateau pendant dix jours puis s'est d6sarticul6e. Le patient a maigri de 12 kg en trois semaines. I1 n'a pas regu d'antibiotique. Ses ant6c6dents sont un diabbte sucr6 de type 2 6voluant depuis 1995 dans un contexte de surpoids, une dyslipid6mie mixte et un tabagisme interrompu 6valu6 fi 25 paquetsannde. On note 6galement une pleuropdricardite ~ Coxsackie en 1992 et une hdpatite ~ CMV en 1996. Son traitement associe acarbose (300 mg/j), metformine (3 g/j) et gliclazide (240 mg/j). A son arrivde, sa temp6rature est de 39 °C, sa pression art6rielle 5 100/60 mmHg et son pouls ~ 96/min. L'auscultation pulmonaire est normale, la palpation abdominale objective une h6patom6galie discr~tement sensible et une spl6nomdgalie d6bordant toutes deux de 2 cm le rebord costal. I1 y a une ar6flexie achill6enne bilat6rale. L'h6mogramme comporte une Hb 5 10,9 g/dL, des plaquettes 5 219 000/ram 3, des leucocytes ~ 5 800/mm 3 dont 74 % de neutrophiles. Le syndrome inflammatoire se traduit par une CRP 5 102 mg/L, un fibrinogbne h 5,6 g/L et une ferritine ~t 1 860 ng/mL ; la procalcitonine est normale 0,37 ng/mL. Les transaminases sont normales, la ~<3T 61ev6e ~t 105 UI/L. Le TCA est allong6 ~ 52 s (t6moin 32) par un lupus anticoagulant, des anticorps anticardiolipine sont prdsents (IgG 105 UGPL/mL; IgM 3 4 U G P L / m L ) ; la recherche d'anticorps antinucl6aires est n6gative. L'61ectrophor~se des prot6ines sanguines met en 6vidence des pics anormaux au niveau des gammaglobulines, correspondant en immunofixation ~ une IgG ~cet une IgM )~ monoclonales de faible intensit6. La protdinurie des 24 heures est 6valu4e ~t0,34 g/24 h, sans h6maturie associde. Les h6mocultures r6pdt6es, la bact6riologie urinaire et les coprocultures sont n6gatives de mSme que les s6rodiagnostics du VIH, de l'h6patite C, de la salmonellose, de la brucellose, de la leptospirose, de la yersiniose et de la syphilis. Celui de l'h6patite B e s t en faveur d'une vaccination. I1 cir-
cule des anticorps IgG contre le CMV au taux de 52 UI/I2, mais la recherche d'IgM et de l'antig6n6mie est n6gative. L'IDR est ~ 6 ram, la recherche de BAAR dans les crachats et les urines est ndgative ; sur un des trois tubages gastriques r6alis6s, alors que l'examen direct 6tait n6gatif, la mise en culture r6vblera un BAAR. L'6chographie cardiaque par voie transthoracique, de bonne qualit6, est normale. L'6chographie de l'abdomen et le scanner thoraco-abdominal attestent une hdpatom6galie homog~ne st6atosique (flbche 18 cm), et des addnopathies cceliom6sent6riques infracentim6triques. La gastroscopie objective une gastrite antrale 6ryth6mateuse colonis6e par H e l i c o b a c t e r p y l o r i et un petit ulc~re pr6pylorique. La coloscopie assortie de biopsies syst6matiques est normale. Le mydlogramme et la biopsie ost6om6dullaire rdvblent une plasmocytose r6actiormelle banale, la my6loculture est ndgative. L'6volution dans le service est marqu6e par la p6rennisation d'une fi~vre hectique deux mois apr~s le d6but des sympt6mes, alors que les signes digestifs se sont amend6s d~s les premiers jours d'hospitalisation.
D]~MARCHE DIAGNOSTIQUE La fibvre et 1' amaigrissement persistant depuis plus d'un mois chez un ancien fumeur d'fige mfir, l'hdpatom6galie et les ad6nopathies caeliom6senteriques ont tout d'abord orient6 vers une ndoplasie solide ou un lymphome, vite rendus improbables par la normalit6 de l'inventaire visc6ral et de la biopsie ost6om6dullaire. Malgr6 la dur6e de l'6volution, l'hypoth~se d'une pathologie infectieuse a dbs lors 6t6 reconsid6r6e. Une tuberculose digestive 6tait envisageable de par le terrain relativement immunoddprim6 du patient et en raison de la prdsence de BAAR darts un des tubages gastriques mis en culture. Ce bacille s'est en fait r6v616 8tre une mycobact4rie non tuberculeuse du genre avium intracellulare scrofulaceum, contaminant des canalisations hospitali~res. L'interrogatoire plus pouss6 du patient nous a alors appris qu'il avait effectu6 fin avril un sdjour chez un 61eveur de brebis dans le massif du Pelvoux (Hautes-Alpes). Le s6rodiagnostic de la fi~vre Q, immddiatement demandS, s'est av6r6 fortement positif pour les antig~nes anti-phase 2 (IgG 10 240, IgM 640 et IgA 40) et la biopsie transjugulaire du foie a permis de mettre en 6vidence une h6patite granulo-
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J.F. Thuan et al.
mateuse d6velopp6e sur des 16sions de st6atose et de fibrose septale. Le patient a doric regu une double antibioth6rapie associant doxycycline (200 rag/j) et rifampicine (2 100 rag/j). L'6volution sous traitement a 6t6 rapidement favorable, tant sur le plan clinique que biologique. Le patient a 6t6 revu trois semaines aprbs sa sortie, ce qui a permis un contr61e s6rologique : pour les antig~nes antiphase 1 IgG 400, IgM 25 et IgA absentes ; pour les antigOnes antiphase 2 IgG 1 600, IgM 50 et IgA absentes. Ce profil a permis de confirmer la gu6rison.
DISCUSSION La fi6vre Q est une zoonose ubiquitaire en France. On d6nombre une centaine de formes aigu~s et une cinquantaine de formes chroniques chaque ann6e. Le mode de transmission est classiquement saisonnier, par inhalation d'a6rosols contamin6s ou par ingestion de produits laitiers. La pr6sentation la plus fr6quente en France, pour la forme aiguO, est une Mpatite f6brile (2/3 des cas) ou une pneumopathie f6brile avec atteinte h6patique (1/3 des cas). Une diarrh6e peut atre inaugurale, mais sa persistance plusieurs semaines est assez inhabituelle e t a contribu6
brouiller les cartes chez notre malade. L'h6patite granulomateuse, affirm6e par biopsie transjugulaire ou transpari6tale, est un moyen d'orientation important : la fi~vre Q, la tuberculose et les mycobact6rioses atypiques en sont les causes infectieuses les plus fr6quentes. La p6riode d'6tat d6passe rarement 15 jours [1], sauf chez les sujets ~g6s off la fi~vre peut persister plus de quatre semaines. Dans notre observation, elle a dur6 deux mois ce qui est inhabituel pour un patient de 50 ans. Cette observation nous rappelle donc la n6cessit6 de ne pas omettre le s6rodiagnostic de la fi~vre Q dans l'enquate syst6matique r6alis6e devant une fi~vre au long cours. En dernier lieu on peut noter darts cette observation, comme cela a d6j5 6t6 rapport6 [2], la faible valeur d'orientation de la procalcitonine vers une pathologie bact6rienne en dehors des 6tats septiques s6v~res.
RI~F]~RENCES [ 1] Maurin M, Raoult D. Q fever. Clin Microbiol Rev 1999 ; 12 : 518-53. [2] Queyrel V, Lefebvre O, Hatron PY, Michon-Pasturel U, Fauchais AL, Lambert M, et al. La proc~citonine chez les patients f6briles hospitalis6s en m6decine interne. Etude prospective de janvier 1999 ~tjanvier 2001. Rev Med Int 2001 ; 22 : 439s.