Hypoglycémie au cours d'une intoxication volontaire à l'isoniazide

Hypoglycémie au cours d'une intoxication volontaire à l'isoniazide

LETTRE A LA REDACTION • Hypoglycemie au cours d'une intoxication volontaire & I'isoniazide L'intoxication ~ l'isoniazide (INH) est rare en Europe m...

122KB Sizes 0 Downloads 58 Views

LETTRE A LA REDACTION



Hypoglycemie au cours d'une intoxication volontaire & I'isoniazide

L'intoxication ~ l'isoniazide (INH) est rare en Europe mais plus fr6quente en Asie et au sud des U S A [1]. Nous rapportons ici un cas d'intoxication volontaire - - remarquable par la survenue d'une hypoglyc~mie et d'une rhabdomyolyse - - trait~ par pyridoxine et h~modialyse d'emblfie. Monsieur L., fig~ de 24 ans, a ing~r6 dans un but suicidaire 80 comprim~s d ' I N H (12 g : 150 mg/kg). Deux heures apr~s l'ingestion, il pr~sente un coma profond avec un ~tat de mal convulsif. Le bilan biologique ~ l'entr6e retrouve une acidose mixte (pH = 6,99 - HCO3 = 6 mmol/1 - PC02 = 70 m m Hg), une perturbation du bilan de l a coagulation (TP = 40 p. 100 - TCK = 45 secondes pour un t6moin ~ 30 Facteur V : 44 p. 100) sans CIVD (plaquettes : 437 000/t,l, fibrinog~ne : 3,25 g/l), et une hypoglycfimie ~ 3,6 mmol/1. La cr~atinine est normale ~ 57 t~mol/1. Le taux d ' I N H est 62,7 ~g/ml. Le traitement associe ventilation assist6e, lavage gastrique, clonazepam, apport de pyridoxine : 12 g e t alcalinisation. Une h~modialyse est pratiqufie, et les taux d ' I N H sont mesur6s pendant et aprSs dialyse (H 1 : 21,2 ~g/ml -

H2:9

-

H3:8,7

-

H4:4,6

-

H5:1,8

-

H20:0,7).

L'fivolution est marquee par la persistance de l'hypoglyc~mie avec un taux/~ 2 mmol/1 ~t H 11 malgr6 un apport de 150 g de glucose. Cette hypoglycfimie ne se corrige qu'/~ la 24 e heure apr~s un apport total de 400 g de glucose. On note ~galement une augmentation des transaminases (taux maximum fi J 3 - SGOT : 841 UI/l - S G P T : 410) et une rhabdomyolyse avec impotence fonctionnelle douloureuse des 4 membres (taux maximum ~ J 3 : 34 400 UI/l). Les troubles de la coagulation se corrigent d~s le deuxi~me jour. L'fivolution est ensuite favorable avec rfiveil et sevrage de la ventilation assistee ~ J 4. Commercialis6 depuis 1952, I'INH est essentiellement responsable, lors de son utilisation au long cours, d'h6patotoxicit6 et de neurotoxicit~. Ce m~dicament inhibe l'activit6 c~r6brale de la pyridoxine 5 phosphate : forme active de la vitamine B6. La pyridoxine intervient comme coe n z y m e dans la synth~se et la d~gradation du GABA (acide 7-amino-butyrique). La diminution de celui-ci, important inhibiteur de la neurotransmission, serait responsable des crises convulsives [2, 3]. Un taux sanguin d ' I N H sup~rieur ~t 10 t~g/ml se r~v~le toxique. La;¢ dose 16thale est de 200 mg/kg. Une demi-heure fi 3 heures apr~s l'ingestion apparaissent : des naus~es, des vomissements, des vertiges, des troubles visuels, des hallucinations, puis un coma avec fitat de mal convulsif.-L'hyperactivit6 musculaire et l'anoxie engendrfies par ces crises convulsives sont responsables d'acidose lactique, de rhabdomyolyse pouvant se compliquer d'insuffisance r6nale aigu6 et d'une possible i s c h f i Regu en septembre 94, accept~ en f(~vrier 95.

mie h~patique transitoire. Cette derni~re explique l'61evation des transaminases bien que celle-ci semble dgalement etre en rapport avec la rhabdomyolyse (dl~vation pr6dominante des SGOT). Les troubles de la coagulation observ6s semblent li~s ~t une activation des facteurs de la coagulation, sans CIVD v6ritable [2], et ne peuvent etre expliqu~s par l'atteinte h6patique. L'hypoglyc~mie profonde persistante de notre observation n'a jamais ~t~ d6crite auparavant et pourrait ~tre en rapport avec une sid~ration transitoire de la n~oglycogSn~se : bien qu'il n'existe pas d'interf6rence connue entre le m~tabolisme du glucose et I'INH ~t dose th6rapeutique. Cependant un traitement par I'INH peut etre responsable d'une 616vation de la glyc~mie chez le sujet diab~tique, r6versible ~ l'arret du traitement et une hyperglyc6mie est fr~quemment rapport6e au cours des intoxications ~tI'INH. De fausses hypoglyc6mies sont possibles lors du dosage in vitro de la glyc6mie par la m6thode de mesure oxydaseperoxidase, m6thode utilis~e dans notre laboratoire et lors de la mesure de la glyc~mie capillaire. Cependant in vivo ces fausses hypoglyc6mies n'ont jamais 6t6 rapport6es. La persistance de cette hypoglyc6mie ~ la 11 e heure alors que le taux d ' I N H n'est plus qu'~ 8,7 t,g/ml, laisse penser que cette hypoglyc6mie n'est pas dans notre observation un art~fact de dosage. Le traitement associe le lavage gastrique et la pyridoxine ~tla dose d'un gramme pour chaque gramme d'INH ing6r~, administr~ le plus pr~cocement possible au rythme de 1 gramme par minute [1] dilu~ dans du glucos~ ~ 5 p. 100. Ce traitement diminue la toxicit6 c6r~brale de I'INH r6duisant la profondeur du coma et pr6venant l'apparition des crises convulsives [3]. La rdalisation d'une h6modialyse est justifi6e en cas de coma, ou si le taux d ' I N H est sup~rieur ~ 30/~g/ml, y compris en l'absence d'dtat de real convulsif. En effet, les dosages d'INH r~alis6s pendant la dialyse permettent d'estimer s a demi-vie d'~limination ~ environ une 1 heure et confirment l'int~r~t de l'6puration extra-r~nale dans cette intoxication.

RI~FI~RENCES [1] CASHJ.M., ZAWAOAE.T. --Isoniazid Overdose. West. J. Med., 1991, 155, 644-646. [2] MANCHONN.D., JOUBERTM., CHASSAGNEP., DURANTONY., MOORE N.D., HEMETJ, BERCOFFE., BOURREILLEJ. -- H6pafite aigu~ par intoxication volontaire ~ l'isoniazide. Gastroenterol. Clin. Biol., 1990, 14, 184-185. [3] WASONS., LACOUTUREP.G., LOVEJOYF.H. -- Traitelnent par une forte dose et unique de pyridoxine de l'intoxication aigu~ ~ l'isoniazide. JAMA, 1981, 4, 801-806.

F. TIBERGHIEN*, C. LANCRENON*, C. FLORIOT*, J.L. DELACOUR*, G. WAGSCHAL*, P. DAOUDAL*, B. GUYON**

* Service de Rfanimation Polyvalente Victor Vic-Dupont. ** Service d'H~modialyse, Centre Hospitalier Paul Morel, 41 avenue Aristide Briand, 70014 Vesoul cedex.

RCan. Urg., 1995, 4 (6), 643