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l,mmunothera la piste des dendritiques x V&tables professionnelles de la prhentation des mole’cules e’trangt+es ou anormales au systhne immunitaire, les cellules dendritiques pourraient hre judicieusement employ&es en immunotkrapie pour stimuler le rejet des tumeurs can& reuses. Les essais cliniques ont d&but&. * CJFlnserm 95-01, lnstitut Curie,section recherche,12, rue Lhomond,75005 Paris.T&I: (33) 1 4234 6389. Fax: (33) 1 4234 6382. E-mail: Sebastian.
[email protected]
(1) RM Steinman (1991)Annu Rev/mmunol9.271-296.
(2) DJ Hart (1997) BloodSO, 3245-
3287. (3) S Amigorena (1997) BicJfufur 171,
8.
ichees dam la peau, les poumons et la plupart des tissus, de curieuses cellules veillent, pretes a affronter les agents pathogenes : ce sont les cellules dendritiques (CD). Sentinelles du systeme immunitaire, elles sont capables d’ingerer les bacteries, virus et parasites en maraude. Elles sont Cgalement les seules cellules capables de stimuler les lymphocytes T csna’ifs )) - qui n’ont encore jamais ccvu )) une molicule etrangere, un antigene - et d’amorcer ainsi des reponses immunes d’une importance majeure pour la protection de I’organisme (1, 2). On s’apercoit aujourd’hui que les bases cellulaires et moleculaires de cette extracapacite d’induction, ordinaire recemment analysees par les Cquipes d’Antonio Lanzavecchia (Bale, Suisse) et de Ira Mellman (New Haven, Btats-Unis), pourraient servir i la conception de nouvelles mithodes d’immunotherapie, en particulier contre les tumeurs cancereuses. Ces dix dernieres annees, les recherches ont montre que de nombreuses tumeurs fabriquent des anti-
reponses immunes entrainant le rejet des tumeurs. Les lymphocytes T cytotoxiques (ou CDP), dont le role est preponderant lors de ces reponses, reconnaissent ces antigenes sous forme de fragments, des peptides, qui proviennent de leur degradation par des enzymes dans diverses cellules. La reconnaissance n’a lieu que si ces cellules presentent ces peptides en surface lies a des molecules de classe I du Complexe majeur d’histocompatibilitC (CMH). D’autres lymphocytes T, les auxiliaires (ou CD4+), jouent egalement un role antitumoral tres important car, une fois actives, ils secretent des molecules, les cytokines, qui stimulent les lymphocytes CD8+. L’activation des lymphocytes CD4+ depend de la presentation de l’antigene sous forme de peptides lies, cette fois, a des molecules de classe II du CMH.
Le tiombre de lymphocytes T CD8+ specifiques dun antigene dond clans l’organisme est gi&ralement tres
veillance immunitaire *F exercee par ces cellules, afin d’obtenir une therapie antitumorale efficace, voire une vaccination antitumorale, la premiere operation a realiser consiste done a augmenter leur nombre. C’est la qu’interviennent les cellules dendritiques et leurs capacites exceptionnelles de stimulation des lymphocytes T, aussi bien auxiliaires que cytotoxiques. 11existe en fait plusieurs types de cellules dendritiques, de caracteristiques morphologiques et fonctionnelles differentes : les cellules de Langerhans de la peau, les cellules interdigitees des organes lymphoi’des, les CD du sang circulant,... Toutes les CD sont cependant caracterisees par une fonction biologique commune : le declenchement des reponses immunitaires. Leurs precurseurs naissent dans la moelle osseuse, circulent dans le sang, se differencient et se rtpartissent dans l’ensemble des tissus sous forme de CD immatures. Une fois activees, lors de l’invasion de l’organisme par un agent pathogene, celles-ci migrent vers les organes lympho’ides secondaires (rate, ganglions lymphatiques). Durant cette migration, elles acquierent un Ctat mature caracterise par la presence de longs prolongements cytoplasmiques ressemblant a des dendrites (d’oti leur nom) (3). Ce sont done les CD immatures qui ingerent les antigenes, essentiellement au niveau des tissus piriphe-
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(4) A Lanzavecchia (1996) Cuff Opin Immunola,348354.
(5) F Sallustoet a/ (1995)J ExpMed ia2,389-400. (6) R M Steinmanet J Swanson(1995) J ExpMed182,283288.
Cellule tumorale de la moelle osseuse adhkant B une cellule osseuse.
ture, dependants de la nature de l’antigene, ont eti mis en evidence (4-6). Elles sont capables de phagocyter (7) des particules antigeniques telles que les batteries ou des billes de latex sur lesquelles ont CtC fixes des antigtnes (8). Elles capturent aussi par macropinocytose (7) des antigenes solubles de petite taille, tels que des peptides et des proteines solubles (9). Enfin, les CD immatures possedent a leur surface divers recepteurs : notamment, les recepteurs du fragment Fc des immunoglobulines (FcR), qui permettent de fixer les complexes anticorps-antigene, et .differents recepteurs pour le mannose, grace auxquels la capture d’antigines contenant des sucres est possible (4). Les CD immatures peuvent ainsi capturer et degrader differents types d’antigenes dans les tissus peripheriques. L’inflammation qui accompagne l’entrte des agents pathogenes (y compris les tumeurs) provoque la maturation des CD et leur migration vers les tissus lympho’ides, ou les CD matures presentent les antigenes ingeres durant leur stade immature aux lymphocytes T CD8+ et CD4+ (8). Comment peut-on, a partir de ces connaissances sur les cellules dendritiques, elaborer des strategies efficaces d’immunothtrapie antitumorale ? La premiere &ape consiste a identifier des antigenes tumoraux, c’est-h-dire des proteines produites par les cellules tumorales, reconnues par le systtme immunitaire du
patient et capables d’induire des reponses immunitaires conduisant au rejet des cellules can&reuses. La majorite de ces antigenes ont tte definis a partir de peptides reconnus par des lignees de lymphocytes T cytotoxiques infiltrant les tumeurs (TIL), principalement en etudiant le melanome malin, un redoutable cancer des melanocytes de la peau (IO). > Que faire avec
les antighes tumoraux ? Ces antigenes tumoraux peuvent etre des proteines cellulaires synthetisees par les melanocytes normaux, telles que Mart-l/MelanA, la gplO0 ou la tyrosinase. De plus, des proteines exprimees de faGon ubiquitaire par differentes cellules se comportent neanmoins comme des antigenes tumoraux : Mage, Bage ou Gage, entre autres. Les antigenes tumoraux peuvent aussi etre des proteines d’origine virale, comme les proteines E6 et E7 du papillomavirus, cause principale du cancer du co1 de l’uterus, ou des protiines ubiquitaires directement impliqutes dans les processus de cancerogenese, comme le suppresseur de tumeurs ~53, qui s’accumule dans une proportion importante de cellules tumorales. Enfin, des protiines cellulaires portant des mutations ponctuelles sur les sequences correspondant aux peptides reconnus par les lymphocytes T cytotoxiques sont aussi des
antigenes tumoraux potentiels (comme MUM-l ou la IX-catinine, dans le cas du mtlanome). Des peptides issus de ces antigenes, et dont on sait qu’ils sont reconnus par des lymphocytes T CD8+, peuvent provoquer des reponses immunitaires antitumorales. L’efficacite de l’immunisation directe par des peptides est generalement faible, mais l’utilisation d’adjuvants, principalement lipidiques, permet dans certains cas l’induction de reponses antitumorales chez l’animal, comme l’a montre l’equipe de Max Birnstiel (Institut de recherche en pathologie moleculaire, Vienne, Autriche) (11). L’utilisation de peptides issus de ces antigenes, exprimes par les cellules tumorales mais aussi par des cellules normales, est cependant problematique. En effet, on peut craindre que le sysdme immunitaire leur soit tolerant ou, au contraire, que la reponse immunitaire se fasse contre d’autres cellules de l’organisme et provoque de dangereux phtnomenes d’auto-immunite. Une autre demarche consiste a faire produire par des cellules des cytokines recombinantes capables de stimuler les lymphocytes T (12). C’est l’immunothtrapie antitumorale ccadoptive )). Differentes methodes ont CtC mises en Deuvre chez l’animal au tours des cinq dernieres an&es (13,14). Tout d’abord, des cellules tumorales exprimant des genes recombinants codant des cytokines ont tte largement employees. Ainsi, des cellules produi.,C BIOFLITUR 175 l FBvrier199829
(7) L’endocytose est un processusde capturede particules ou de moleculesextracellulaires dans lequelunezonerestreintede la membraneplasmique d’unecellules’invaginepourformer unevesiculecytoplasmique.La macropinocytose permet de capturerde grandsvolumesde liquide.La phagocyrosepermetI’ingestion de particulesde grandetaille,cellules entieresou bacteries,par exemple. (8) C Watts(1997) Anno Revlmmunol 15, 821-850. (9) CCNorburyeta/ (1995) Immunity3, 783-791. (10) S ARosenberg (1997) lmmonol rodayfa, 175-182. (11) W Schmidteta/ (1997)ProcNat/ AcadSciUSA94, 3262-3267. (12) W H Fridman
(1997)Biofutur168, 54. (13) JW Younget K
lnaba(1996)J Exp Med183,7-11. (14) G Girolomoniet P Ricciardi-Castagnoli (1997)Immuno/ Todayl&102104.
*‘6c
(15)DM Pardoll (1995) Annu Rev /mmuno/l3,399415. (16) M Cella eta/ (1997) Curr Opin lmmunol9, 10-16. (17)C Caux eta/ (1996) J Exp Med 184. 695706.
sant diverses cytokines immunostimulatrices, comme I’IL-4 ou I’IL-12, ou des molecules dites de costimulation (comme B7.1), indispensables a I’activation des lymphocytes T, provoquent la regression de tumeurs etablies lorsqu’elles sont injectees chez I’animal (15). Cependant, pour itre &endue h l’homme, cette approche necessiterait I’etablissement systematique de lignees tumorales de chaque patient, et I’expression de genes recombines chez chacun d’eux, ce qui semble extremement lourd a realiser a ce jour. Differents vecteurs viraux, comme l’adenovirus ou le virus de la vaccine, contenant les genes codant des cytokines ou des antigenes tumoraux, ont aussi CtC utilises pour traiter des tumeurs itablies. Ces methodes se sont revelees tres efficaces chez I’animal, et des essais cliniques sont en tours. Cependant, l’existence de riponses immunitaires antivirales risque de limiter l’utilisation de ces VP,-+PIITE rhc-7 I'hnmm~
Les cellules dendritiques pourraient fort bien apporter du neuf, a condition de les utiliser a leur itat mature, le seul susceptible d’activer efficacement les lymphocytes T CDV. En effet, les CD immatures expriment peu de molecules du CMH a leur surface, la majorite de ces molecules se trouvant dans des organites cytoplasmiques (les endosomes et les lysosomes). La presentation d’antigenes tumoraux aux lymphocytes T CD4+ par leur intermediaire est done peu efficace. De plus, les CD immatures ne produisent pas les molecules de costimulation des lymphocytes T, ce qui attenue encore leur efficacite pour la stimulation des lymphocytes T (5).
> Comment provoquer la maturation des CD ? La solution a ce probleme reside dans l’induction de la maturation des CD (uoir encudrk). C’est ce que provorlllP”f no+,*r~llmn~nr In,T ri’,,“P ;“L,--
tion, certains composants des parois bacteriennes comme Ie lipopolysaccharide (LPS) ou les cytokines de I’inflammation, tels le facteur de n&rose des tumeurs (TNF) et I’interleukine-1 (IL-l) (16). Expirimentalement, on peut egalement induire cette maturation h l’aide de cytokines. Isolees grace h la presence a leur surface de la molecule CD34, les CD immatures peuvent etre cultivees in vitro avec une autre cytokine, un facteur de differenciation nomme GM-CSF ( Granulocytes-Macrophages-Colony Stimulating Factor), et se transformer en colonies homogenes de CD matures (17). La maturation des CD definit done deux Ctats fonctionnels differents : l’un (&at immature), dans lequel les CD appretent les antigtnes, mais ont une faible capacite de stimulation des lymphocytes T ; et l’autre (Ctat mature), dans lequel elles sont exclusivement capables d’activer les lympho,..lrPc I- cn&;c;“,.Pc CLC onr;&kec
(19) JM Austyn (1996) J ExpMed 183, 1287-1292. Chez I’animal, I’injection de cellules dendritiques sensibilis&s
qu’elles ont ingeres durant leur Ctat immature. En outre, la maturation des CD s’accompagne d’une augmentation importante de la IongCvitC des molecules de classe II du CMH, permettant aux cellules matures de garder une ccmemoire )) des fragments antigeniques (Cpitopes) gene& avant la maturation (16). Enfin, cette derniere provoque la migration des CD hors des tissus peripheriques, vers le sang et la lymphe (18). C’est ainsi que les CD matures atteignent les organes lympho’ides secondaires et infiltrent les zones riches en lymphocytes T, oti elles sont capables de presenter aux lymphocytes T nai’fs l’antigene qu’elles ont capture dans un tissu de l’organisme plusieurs heures OLI quelques jours auparavant. Les cellules dendritiques rencontrent ainsi un grand nombre de lymphocytes T et activent ceux qui sont specifiques de l’antigene ingere dans les organes peripheriques, renforcant l’apparition de lymphocytes T actives prets a detruire les cellules tumorales. En immunothirapie anti&&reuse, les CD ont CtC utilisees dans une grande variete de modeles exptrimentaux murins (13, 14). Le schema de base utilise est le suivant (voir figure) : des CD matures sont obtenus en six a huit jours a partir de precurseurs de moelle osseuse mis en presence de GM-CSF et d’IL-4. Ces CD sont ensuite sensibilisees par des antigenes ou des peptides derives d’antigenes tumoraux, puis reinjecties aux souris. Ce type de protocole s’avere efficace aussi bien pour la protection contre les tumeurs (vaccination) que pour le traitement de tumeurs etablies. Ainsi, plusieurs Cquipes, dont celle de Michael Lotze (University of Pittsburgh Cancer Institute, fitatsUnis), ont montrt depuis 1995 qu’un faible nombre de CD sensibilisees par des peptides synthetiques (correspon-
par des antigenes tumoraux est efficace contra les tumeurs
dant a des antigenes tumoraux) induit l’apparition de lymphocytes T CD8+ antitumoraux et la regression de tume’urs Ctablies chez la souris (1% 22). Une alternative, afin de sensibiliser les CD par des antigtnes tumoraux, consiste a utiliser les genes codant ces derniers, soit sous forme d’ADNc introduit dans des vecteurs vnaux (adenovirus, virus de la vaccine,... ), soit sous forme d’ARN ou d’ADNc directement dans des CD.
> Mettre les CD en musique Cependant, tout comme les autres techniques utilisant les antigenes tumoraux, cette strategic est limitee chez l’homme par le trop faible nombre de genes codant ces molecules qui ont CtC isolis. La grande majorite d’entre eux reste probablement a decouvrir. La plupart des peptides antigeniques reconnus par les lymphocytes T n’ont pas tte davantage identifies. Pour pallier ces problemes, l’equipe de Michael Lotze a mis au point en 1993 une technique d’isolement des peptides present& par les molecules de classe I des cellules tumorales (23). L’injection de CD incubies avec des peptides ainsi selectionnis s’est rev& lee efficace dans le rejet de tumeurs induites chez la souris (21). Un autre aspect a perfectionner est la mise au point d:e methodes de producti Ion massive de CD. En out :re, le we de CD le plus efficace pour declencher des reponses antitumorales doit itre determine (CD d&i&e de monocytes ou de precurseurs CD34+, par exemple). Ensuite, l’etude des facteurs impliques dans la differenciation des CD, a partir de leurs precurseurs (cytokines), leur expansion (facteurs de croissance specifiques) et leur migration (chemokines), devrait permettre de mieux les manipuler.
l’identification de Finalement, methodes assurant la presentation effective d’antigenes exogtnes par les molecules de classe I du CMH doit aussi etre optimisee. L’utilisation de cellules tumorales apoptotiques (en train de mourir), qui sont phagocytees par les CD immatures, devrait permettre de sensibiliser les CD sans connaitre precisement les antigenes tumoraux. Dans les cas ou ces derniers sont connus, leur ciblage sur des recepteurs specifiques devrait rendre possible une sensibilisation optimale des CD pour l’activation des lymphocytes T CD8+. Parallelement a ces recherches fondamentales, plusieurs essais cliniques
Une cellule dendritique (cellule de Langerhans de la paau, au cent@ p&ente des antigbnes A des lymphocytes.
sont en tours (2), avec deja quelques rtsultats preliminaires encourageants (24). Cependant, le plus difficile reste a faire : prouver que les cellules dendritiques sont capables, chez les patients atteints de cancer, d’agir efficacement contre les tumeurs. * BIOFUTUR175 l FBvrier1998 31
(19) CM Celluzziet a/ (1996) J ExpMed 183, 283-287.
(20) P Pagliaet a/ (1996) J ExpMed 183, 317-322. (21) L Zitvogeleta/ (1996) J fxp Med 183, 87-97. (22) JI Mayordomo et a/ (1995) Nature Medicine1, 12971302. (29) WJ Storkuset a/ (1993)J /mmuno/ 151, 3719-3727. (24) F Hsu ef a/ (1996) NatureMedicine2, 52.