Infarctus myocardique aigu compliqué de choc cardiogénique après échocardiographie de stress : à propos d'un cas

Infarctus myocardique aigu compliqué de choc cardiogénique après échocardiographie de stress : à propos d'un cas

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 56 (2007) 208–210 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/ Fait clinique Infarctus myocardique aigu compliq...

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 56 (2007) 208–210 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/

Fait clinique

Infarctus myocardique aigu compliqué de choc cardiogénique après échocardiographie de stress : à propos d’un cas Acute myocardial infarction with cardiogenic shock following stress echocardiography: case report D. Kénizou*, L. Jacquemin, J.-P. Monassier, R. ElBelghiti, O. Roth, J. Lévy Service de cardiologie, hôpital E.-Muller, 20, rue du Docteur-Laennec, BP 1070, 68070 Mulhouse cedex, France Reçu le 1er août 2007 ; accepté le 30 août 2007 Disponible sur internet le 05 septembre 2007

Résumé L’infarctus du myocarde (IDM) est une complication rare de l’échocardiographie de stress (ES) avec injection de dobutamine. Nous décrivons le cas d’un patient de 60 ans, avec séquelle modérée d’IDM apical qui a présenté un tableau d’IDM inférieur compliqué de choc cardiogénique et d’arrêt circulatoire deux heures après une ES positive dans le même territoire. La coronarographie pratiquée en urgence objective une dissection circonflexe. Le tableau clinique a nécessité la mise en place d’une assistance circulatoire. Le patient a survécu avec une fraction d’éjection de 50 % en fin d’hospitalisation. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Acute myocardial infarction is a rare complication of dobutamine stress echocardiography (DSE). We report the case of a 60-year-old man with moderate apical sequela of a myocardial infarction (MI) which had an inferior MI complicated with cardiogenic shock and circulatory arrest two hours after a positive DSE in that very circulatory topography. Emergency coronarography objectivizes a dissection of the circumflex artery. The patient required a circulatory assistance device. He survived the episode and left the hospital with 50% left ventricular ejection fraction. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Infarctus du myocarde (IDM) ; Complication ; Échocardiographie de stress (ES) ; Dobutamine ; Choc cardiogénique Keywords: Myocardial infarction; Complication; Stress echocardiography; Dobutamine; Cardiogenic shock

L’échocardiographie de stress (ES) est un examen dit « non invasif » permettant le diagnostic, le suivi et l’évaluation du pronostic d’une coronaropathie [1–8]. Il permet l’étude de la viabilité, puis la recherche et la quantification de l’ischémie myocardique par la réalisation d’un effort ou la perfusion d’un médicament (dobutamine le plus souvent), avec étude par échocardiographie transthoracique (ETT) de la contractilité segmentaire du ventricule gauche (VG) respectant plusieurs paliers progressifs de stress suivis d’une période de récupéra-

tion. Il s’agit d’un examen fiable (sensibilité d’environ 85 %, une spécificité de 90 %, une VPP (valeur prédictive positive) de 90 % et une VPN (valeur prédictive négative) de 90–95 %), avec un risque de complications sévères en cas d’utilisation de la dobutamine inférieure à 0,3 % [9–14]. Ce cas clinique décrit une complication grave de l’ES à savoir un infarctus myocardique aigu avec choc cardiogénique et mise en jeu du pronostic vital. 1. Observation

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Kénizou).

Il s’agit d’un homme de 60 ans, tabagique sevré, dyslipidémique, hypertendu avec antécédent d’infarctus du myocarde

0003-3928/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2007.08.002

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(IDM) inaugural compliqué d’état de choc cardiogénique en juillet 2000, traité à la quatrième heure par angioplastie et stent d’une lésion monotronculaire de l’interventriculaire (IVA) moyenne, d’évolution favorable avec fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) à 56 % en octobre 2001. Le patient est asymptomatique depuis, et pratique régulièrement le cyclisme. Le traitement habituel comporte : aspirine 160 mg/jour, atorvastatine 10 mg/jour et métoprolol 25 mg/jour. Indication de l’examen : épreuve diagnostique devant des modifications récentes de l’électrocardiogramme (ECG) à type d’ondes T négatives en inférieur sans modification du segment ST lors d’une épreuve d’effort (EE) réalisée début décembre 2004, menée à 89 % de la fréquence maximale théorique (FMT), et négative cliniquement. L’ES avec injection de dobutamine (ESD) est réalisée le 21 décembre 2004 avec un protocole standard (paliers progressifs jusqu’à 40 gammas/kg par minute de dobutamine, injection au dernier palier de 1 mg d’atropine et usage de 100 mg d’esmolol en récupération). Le métoprolol est arrêté depuis 72 heures. L’ECG au repos est sinusal avec hémibloc antérieur gauche (HBAG) et ondes T négatives en inférieur et latéral bas. La pression artérielle (PA) est à 122/71 mmHg. Il existe une petite séquelle apicale du VG à l’ETT. L’épreuve est presque maximale (95 % FMT), positive cliniquement et limite électriquement (en aVL) sans trouble rythmique ou conductif significatif, sans baisse de la pression artérielle (PA). Il apparaît une hypokinésie modérée de la moitié basale inférieure (inférieure ou égale à deux segments). La récupération est marquée par une sédation totale de la douleur, l’ECG et la cinétique segmentaire sont identiques aux données prétest. Toutefois, la PA diminue à distance de l’injection du bêtabloquant (PAS entre 90 et 100 mmHg), avec symptomatologie vagale modérée mais très persistante (une heure et demi) qui motive le transfert en unité de soins intensifs de cardiologie (USIC). Cinq minutes après son arrivée en USIC, survenue d’un tableau d’IDM inférieur compliqué de bloc sinoauriculaire et auriculoventriculaire, d’asystolie, puis de tachycardies et fibrillations ventriculaires alternant avec une vasoplégie intense justifiant une réanimation complexe durant deux heures et demi qui justifiera l’usage de 11 mg d’adrénaline, la réalisation de 16 chocs électriques externes. Le patient est intubé et ventilé, 90 minutes de massage cardiaque externe sont nécessaires avant de retrouver une activité mécanique spontanée. Une sonde d’entraînement électrosystolique est mise en place, puis une assistance circulatoire par voie fémorofémorale. La coronarographie met en évidence une sténose à 60 % de l’ostium d’une artère circonflexe dominante avec trait de dissection type B et un aspect thrombotique. Le flux est de type TIMI 3. On réalise une angioplastie et la mise en place d’une endoprothèse. Il n’y a pas d’autres lésions, ni de resténose de l’IVA. Le suivi en réanimation médicale comprendra la mise en place d’une hémofiltration veinoveineuse, le traitement par antibiothérapie d’une pneumopathie d’inhalation, la transfusion de culots globulaires, plaquettaires et de plasma. L’assistance circulatoire (AC) sera relayée après 48 heures par une contrepulsion par ballonnet intra-aortique pendant 24 heures. Les échocardiographies montrent pendant les trois premiers jours

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une amélioration de la FEVG à 10, 25 puis 40 %. Le traitement médicamenteux comportera dobutamine et noradrénaline ainsi que l’injection de 4000 UI d’estérasine. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont introduits au quatrième jour. Une extubation du patient est possible au sixième jour. Les suites seront marquées par une récupération neurologique complète et une restauration de la fonction rénale. La seule complication est liée à un hématome au point de ponction fémorale droit à l’origine d’une paralysie sévère du plexus lombosacré droit justifiant une rééducation fonctionnelle longue mais avec marche sans canne possible après 18 mois de suivi. Avec un recul d’un an et demi, l’échographie cardiaque retrouve une FEVG à 50 %, une séquelle apicale sans dilatation du VG. Le patient est asymptomatique sur le plan cardiologique. 2. Discussion L’EE douteuse et la négativation des ondes T en inférieur auraient pu être à l’origine d’une indication de coronarographie d’emblée, ce qui aurait pu éviter la rupture de plaque dans notre cas. Cependant, la réalisation d’un examen plus informatif (confirmation et quantification de l’ischémie) semble rester une stratégie acceptable chez un patient asymptomatique car les complications de l’ES restent très rares. Une surveillance prolongée [10,15], voire une hospitalisation avec monitoring, semble nécessaire lorsque le retour à l’état basal précédant l’examen n’est pas complet, y compris sur le seul paramètre de la pression artérielle lorsque celui-ci s’accompagne d’une symptomatologie vagale même modérée (comme dans notre cas) ; en effet, la pression artérielle est souvent modifiée par les médicaments injectés durant l’ES, et l’interprétation de ce paramètre est donc difficile [16]. Une réanimation longue et lourde avec présence constante de quatre à sept médecins a permis d’assurer le maintien des fonctions vitales (intégrité cérébrale) et la mise en œuvre de moyens techniques lourds aboutissant au sauvetage du patient avec séquelles minimes. Il s’agit d’une vision optimiste de nos moyens d’action mais qui ne reste permise que par une infrastructure conséquente comportant, notamment la possibilité d’AC. Plusieurs articles décrivent des cas d’IDM rapportés à la réalisation d’ESD [15,17–20]. Le délai de survenue de l’IDM est variable : immédiat [17,18] ou retardé jusqu’à deux heures après l’examen [15]. La négativité de l’examen n’empêche pas la survenue d’un IDM [15]. Dans tous les cas, une coronarographie est réalisée et objective soit une dissection coronaire, soit une thrombose pouvant même survenir sur une coronaire récemment traitée par stent (dans un cas [19]). Toutes les coronaires peuvent être concernées. Une revascularisation a été nécessaire dans tous les cas par angioplastie (+stent), ou plus rarement par pontage aortocoronarien [16,20]. Aucun cas rapporté à notre connaissance ne décrit la nécessité de mise en place d’une AC comme dans notre cas. Il y a trois sources principales d’informations permettant d’évaluer le risque de l’ESD : des publications de séries de patients monocentriques [9,10], une large série prospective

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d’un centre de référence [11] et des registres rétrospectifs [12, 13] ; il est intéressant de constater que les informations rapportées (pour plus de 50 000 ESD) sont concordantes entre les différentes sources. Ainsi, le risque d’IDM compliquant une ESD est estimé à environ 0,03 à 0,06 % des examens. 3. Conclusion L’ES est un examen relativement sûr mais pas inoffensif ; une surveillance, voire une hospitalisation semble indispensable si la récupération n’est pas complète en fin d’examen sur tous les paramètres (clinique, ECG, ETT). L’accès rapide à une salle de cathétérisme avec possibilité de revascularisation, voire d’assistance circulatoire, est un atout précieux. Références [1]

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